The Project Gutenberg eBook of Chroniques de J. Froissart, tome 8.1
    
This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and
most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
of the Project Gutenberg License included with this ebook or online
at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States,
you will have to check the laws of the country where you are located
before using this eBook.

Title: Chroniques de J. Froissart, tome 8.1
        1370-1377 (Depuis le combat de Pontvallain jusqu'à la prise d'Ardres et d'Audruicq)

Author: Jean Froissart

Editor: Siméon Luce

Release date: August 9, 2024 [eBook #74208]

Language: French

Original publication: Paris: Vve J. Renouard, 1869

Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))


*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUES DE J. FROISSART, TOME 8.1 ***





  Note sur la transcription:

  Ce volume est la première partie du tome VIII des _Chroniques
  de J. Froissart_. Il contient le Sommaire et les notes. La
  deuxième partie contient le texte original de Froissart ainsi
  que les variantes selon les différents manuscrits. Cette deuxième
  partie est disponible à l'adresse https://gutenberg.org/ebooks/74209.

  Comme dans les autres volumes de cette série, les notes de bas de
  page ont été renumérotées et placées directement sous le paragraphe
  concerné. Les références à des notes dans le tome VII de cette
  édition ont été adaptées en conséquence. Ce volume est disponible à
  l'adresse suivante: https://gutenberg.org/ebooks/73967.

  La Table de cette première partie n'apparaît pas dans la publication
  originale. Elle a été insérée ici à partir de la Table  complète
  contenue dans la deuxième partie.

  L’orthographe d’origine a été conservée, mais quelques erreurs
  clairement introduites par le typographe ou à l’impression ont été
  corrigées.

  Certaines abréviations ne sont pas courantes: rº et vº se lisent
  recto et verso respectivement, Fº ou fº Folio ou folio; Fºs se
  lit Folios, X{2a} représente un X avec 2a en exposant.




    CHRONIQUES

    DE

    J. FROISSART




    9627.--PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
    Rue de Fleurus, 9




    CHRONIQUES
    DE
    J. FROISSART

    PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE


    TOME HUITIÈME

    1370-1377

    (DEPUIS LE COMBAT DE PONTVALLAIN
    JUSQU’A LA PRISE D’ARDRES ET D’AUDRUICQ)

    PREMIÈRE PARTIE
    SOMMAIRE ET COMMENTAIRE CRITIQUE
    PAR SIMÉON LUCE

    [Logo: SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE]

    A PARIS
    LIBRAIRIE RENOUARD
    (H. LAURENS, SUCCESSEUR)
    LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
    RUE DE TOURNON, N° 6

    M DCCC LXXXVIII




EXTRAIT DU RÈGLEMENT.


ART. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les
personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable
chargé d’en assurer l’exécution.

Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans
l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration
du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter
d’être publié.


_Le Commissaire responsable soussigné déclare que le
tome VIII de l’Édition des_ CHRONIQUES DE J. FROISSART,
_préparée par_ M. SIMÉON LUCE, _lui a paru digne d’être
publié par la_ SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE.

    _Fait à Paris, le 1er décembre 1887._

    _Signé_ L. DELISLE.

    _Certifié_,

    Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,

    J. DESNOYERS.




SOMMAIRE.




CHAPITRE XCVIII.

  _1370, 4 décembre._ COMBAT DE PONTVALLAIN.--_19 décembre._ MORT
    DU PAPE URBAIN V. _30 décembre._ ÉLECTION DE GRÉGOIRE XI.--_1371,
    avant le 15 janvier._ AGGRAVATION DE LA MALADIE ET RETOUR EN
    ANGLETERRE D’ÉDOUARD, PRINCE D’AQUITAINE ET DE GALLES.--_1370,
    1{ers} jours de décembre à 1371, fin de février._ SIÈGE ET PRISE
    DE MONTPONT, EN PÉRIGORD, PAR JEAN, DUC DE LANCASTRE.--_1371, août
    et septembre._ SIÈGE ET PRISE DE MONCONTOUR, EN POITOU, PAR JEAN,
    DUC DE LANCASTRE, ET THOMAS DE PERCY, SÉNÉCHAL DE POITOU.--_1371,
    fin de janvier et février._ EXPÉDITION DE BERTRAND DU GUESCLIN EN
    VUE DE LA LEVÉE DU SIÈGE DE MONTPONT ET SIÈGE D’USSEL.--_1371, 1er
    août._ COMBAT NAVAL DE LA BAIE DE BOURGNEUF. _22 août._ BATAILLE
    DE BASTWEILER.--_1372, premiers mois._ RETOUR EN ANGLETERRE DE
    JEAN, DUC DE LANCASTRE ET MARIAGE DE CE PRINCE AVEC CONSTANCE DE
    CASTILLE, FILLE AÎNÉE DE D. PÈDRE, D’EDMOND, COMTE DE CAMBRIDGE,
    FRÈRE DE JEAN, AVEC ISABELLE, SŒUR DE CONSTANCE.--_1372, 13
    janvier._ MORT DE GAUTIER DE MASNY (§§ 669 à 686).


Aussitôt[1] après sa promotion à la dignité de connétable de France,
Bertrand du Guesclin entreprend une chevauchée contre Robert Knolles,
qui ravageait alors les marches d’Anjou[2] et du Maine; il vient
tenir garnison au Mans[3]; Olivier de Clisson, compagnon d’armes de
Bertrand, occupe une forteresse voisine. Jean de Menstreworth[4],
l’un des chevaliers de l’armée anglaise d’invasion, combat tous les
plans de Robert Knolles. Cette armée est divisée en deux corps dont
le premier, sous les ordres de Robert Knolles et d’Alain de Buxhull,
est déjà arrivé aux environs du Mans[5], tandis que le second corps,
commandé par Thomas de Granson, resté plus en arrière, est séparé du
premier par une journée de marche environ. Aussitôt qu’il est informé
des projets des Français, Robert Knolles prend des mesures pour opérer
la concentration des forces anglaises; il mande à Thomas de Granson,
à Hugh de Calverly, capitaine de Saint-Mor-sur-Loire[6], à Robert
Briquet, à Robert Cheyne et à Jean Cressewell de venir le rejoindre en
toute hâte. Au moment où Thomas de Granson, à la tête de deux cents
lances, exécute une marche de nuit pour répondre à l’appel de Robert
Knolles, il est attaqué à l’improviste près de Pontvallain[7] par
Bertrand du Guesclin et Olivier de Clisson, qui ont sous leurs ordres
environ quatre cents lances. Cette bataille se livre le 10[8] octobre
1370. Les Anglais sont défaits. Les Français vainqueurs ramènent
au Mans[9] leurs prisonniers. A cette nouvelle, le reste des forces
anglaises se disperse; Hugh de Calverly, Robert Briquet, Robert Cheyne
et Jean Cressewell retournent précipitamment dans leurs garnisons.
Robert Knolles lui-même court s’enfermer en toute hâte dans son château
de Derval, et Alain de Buxhull vient passer ses quartiers d’hiver à
Saint-Sauveur-le-Vicomte. P. 1 à 5, 255 à 257.

      [1] Bertrand du Guesclin avait été institué connétable de
      France, le 2 octobre 1370 (voyez le tome VII de cette édition,
      sommaire, p. CXVI, note 341). Le 24 du même mois, il était à
      Pontorson, où il conclut un pacte d’alliance et de fraternité
      d’armes avec Olivier, seigneur de Clisson, naguère partisan de
      Jean de Montfort et des Anglais, mais rallié complètement à la
      cause de Jeanne de Penthièvre et de Charles V depuis 1369 (Dom
      Morice, _Preuves de l’hist. de Bretagne_, I, col. 1631 et 1632;
      Secousse, _Recueil de pièces relatives à Charles II, dit le
      Mauvais, roi de Navarre_, p. 380 et 381). Le texte de ce curieux
      pacte a été publié par dom Morice d’après l’original conservé
      aux archives du château de Blain (_Ibid._, col. 1642 et 1643) et
      réimprimé par M. de Fréminville (_Hist. de du Guesclin_, p. 475
      à 477). Le 6 novembre suivant, Bertrand se trouvait à Caen, où
      il reçut la montre de Jean de Mauquenchy, dit Mouton, seigneur
      de Blainville, maréchal de France, qui servit du 6 novembre
      au 6 décembre sous le connétable avec 7 chevaliers bacheliers
      et 24 écuyers (_Bibl. Nat., Pièces originales_, vol. 1433,
      dossier _Du Guesclin_, nº 30). Ce fut alors que le connétable,
      s’il faut en croire Cuvelier, distribua l’argent qu’il avait
      rapporté d’Espagne, engagea ou vendit sa vaisselle pour assurer
      la solde du corps d’armée en voie de formation (_Chronique rimée
      de B. du Guesclin_, II, p. 159 à 162, vers 17 969 à 18 064).
      Ce qui rend cette assertion très vraisemblable, c’est que, par
      acte en date du 7 janvier 1371 (n. st.), Charles V, dont la
      générosité était le moindre défaut, donna une somme de 2000
      francs d’or à Thiphaine Raguenel, duchesse de Molina et comtesse
      de Longueville, «pour lui aidier à soustenir son estat» (Delisle,
      _Mandements de Charles V_, nº 742, p. 381 et 382). D’après
      l’auteur de la _Chronique rimée de B. du Guesclin_ (II, p. 158,
      vers 17 951 à 17 959), ce serait Bertrand qui aurait conseillé au
      roi de France de soumettre à un emprunt forcé ses officiers et
      les «chaperons fourrés», c’est-à-dire les gens de son Parlement
      et de la Chambre des Comptes. Ici encore le témoignage de
      Cuvelier est confirmé par les documents originaux. Il résulte, en
      effet, d’une foule d’actes que, de la fin d’octobre aux derniers
      jours de décembre 1370, Charles V soumit à un emprunt forcé les
      bourgeois de quelques-unes de ses bonnes villes, notamment de
      Paris, de Rouen, de Gournay, les conseillers au Parlement et
      les officiers de sa maison, entre autres le fameux Guillaume
      Tirel, dit Taillevent, son cuisinier (Delisle, _Mandements de
      Charles V_, p. 372 et 373; voyez aussi le discours que nous
      avons prononcé à la séance publique annuelle de la Société de
      l’histoire de Normandie, le 21 mars 1882, p. 10 et 11 du tirage
      à part). Soit qu’il crût la basse Normandie menacée par des
      bandes de l’armée d’invasion conduite par Robert Knolles, soit
      qu’il n’eût pas encore achevé la concentration de ses forces,
      le connétable resta à Caen jusqu’au 1er décembre 1370, jour où
      il envoya de cette ville aux trésoriers des guerres la montre
      de sa compagnie d’hommes d’armes composée de 23 chevaliers
      bacheliers et de 270 écuyers (Hay du Chastelet, _Histoire de B.
      du Guesclin_, p. 333 à 335; La Roque, _Histoire de la maison de
      Harcourt_, IV, 2305; dom Morice, _Preuves_, I, col. 1644 et 1645).

      [2] Après avoir ravagé les environs de Paris à la fin de
      septembre 1370 (voy. t. VII, sommaire, p. CVII, note 316),
      le gros de l’armée de Robert Knolles s’était certainement
      avancé dans la direction de Vendôme, en passant par Chartres
      et Châteaudun. Dans les premiers jours du mois de novembre,
      les Anglais étaient arrivés dans le Vendômois «_le jour de la
      Toussains derrain passée_, lit-on dans une lettre de rémission
      datée de Paris en mai 1371, _environ le temps que Robert
      Canole, Engloiz, et ses adherenz noz ennemiz estoient ou pays
      de Vendomoys_» (_Arch. Nat., section hist._, JJ 109, nº 15,
      fº 128). Robert Knolles paraît avoir employé la plus grande
      partie du mois de novembre à s’emparer d’un certain nombre de
      petites places situées dans la vallée du Loir, vallée qu’il
      suivait pour se rendre du Vendômois à son château de Derval
      en Bretagne. Chemin faisant, il occupa successivement Ruillé
      (auj. Ruillé-sur-le-Loir, Sarthe, arr. Saint-Calais, c. la
      Chartre-sur-le-Loir), l’abbaye fortifiée de Notre-Dame de Vaas
      (Vaas, Sarthe, arr. la Flèche, c. Mayet) (_Bibl. de l’Arsenal,
      fonds des Belles-Lettres_, ms. fr. nº 168; _Arch. Nat._, J
      179{B}, nº 12; KK 241, fº 1; JJ 109, nº 15), l’abbaye fortifiée
      de Notre-Dame du Loroux, aujourd’hui écart de Vernantes,
      Maine-et-Loire, arr. Baugé, c. Longue (_Bibl. Nat., collection
      de dom Housseau_, à la date du 8 janvier 1371, n. st.) et la
      ville du Lude (Sarthe, arr. la Flèche). Nous disons la ville,
      et non le château du Lude, car une lettre de rémission du mois
      de septembre 1371 établit que ce château, défendu par Guillaume
      de Meron, résista à toutes les attaques des Anglais (_Arch.
      Nat._, JJ 103, nº 214). Quoi qu’en dise Froissart, il paraît
      peu probable que Robert Knolles, pour gagner la Bretagne et son
      château de Derval, ait pris la route du Mans par où il savait
      peut-être que le corps d’armée rassemblé par Du Guesclin devait
      s’avancer à marches forcées pour le rejoindre; menacé d’être
      acculé entre le connétable de France, au nord, et Jean de Beuil,
      lieutenant de Louis, duc d’Anjou, au midi, le capitaine anglais
      dut s’échapper à l’ouest dans la direction de la Flèche, de Sablé
      et de Château-Gontier; c’était du reste la route la plus directe
      qu’il pût suivre pour se rendre à Derval.

      [3] Pendant les semaines qui précédèrent la journée de
      Pontvallain, Bertrand du Guesclin ne tint point garnison au Mans,
      et Olivier de Clisson n’occupa point une forteresse voisine du
      Mans, comme le raconte Froissart. Deux documents, indiqués dans
      une des notes précédentes, établissent que, le 6 novembre et le
      1er décembre 1370, le connétable de France était encore à Caen.
      Bertrand dut quitter cette ville dans la journée du dimanche 1er
      décembre et ne put guère arriver au Mans que le surlendemain
      mardi, dans l’après-midi du 3. Là, il apprit que l’arrière-garde
      de Robert Knolles, forte d’environ 600 combattants et placée sous
      les ordres de Thomas de Granson, était encore à Mayet (Sarthe,
      arr. la Flèche), gros bourg situé à une dizaine de lieues au sud
      du Mans. Ce fut pour barrer la route aux Anglais et les écraser
      au passage que Bertrand, après avoir fait au Mans une simple
      halte, alla coucher avec sa troupe en un lieu que Cuvelier (II,
      164) appelle le «chastel de Villé». C’est aujourd’hui Fillé
      (Sarthe, arr. le Mans, c. la Suze), sur la Sarthe, à quatre
      lieues au sud du Mans dans la direction de Pontvallain et de
      Mayet.

      [4] Jean de Menstreworth figure parmi les onze chevaliers anglais
      qui, par acte daté de Westminster le 10 juillet 1370, jurèrent
      de servir fidèlement dans l’expédition projetée en France sous
      Robert Knolles, Alain de Buxhull, Thomas de Granson et Jean
      Bourchier (Rymer, III, 897 et 898).

      [5] Robert Knolles, qui se dirigeait en toute hâte vers la
      Bretagne pour s’enfermer dans son château de Derval, se
      trouvait à une grande distance du Mans au moment où Du Guesclin
      arriva dans le Maine pour couper le capitaine anglais de son
      arrière-garde et écraser cette dernière: «Le dit monseigneur
      Bertran, nouvel connestable, fit sa semonce des nobles et parsuy
      monsigneur Robert Canole, _maiz le dit Canole estoit ja entré en
      Bretaingne_.» _Chronique des quatre premiers Valois_, p. 208.

      [6] Abbaye fondée vers le milieu du sixième siècle par saint
      Maur, disciple de saint Benoît, dont on voit encore aujourd’hui
      les ruines en la commune du Thoureil, Maine-et-Loire, arr.
      Saumur, c. Gennes. Chassés de Saumur en 1369, Hugh de Calverly
      et Jean Cressewell avaient occupé et fortifié l’abbaye de
      Saint-Maur, d’où ils rançonnaient le pays environnant. Cf.
      _Chroniques de J. Froissart_, VII, sommaire, p. LXXXII, note 244.

      [7] Pontvallain, Sarthe, arr. la Flèche, à 30 kilomètres au sud
      du Mans.

      [8] Selon toute vraisemblance, la bataille de Pontvallain fut
      livrée, non le 10 octobre, mais le 4 décembre 1370. Arrivé à
      Fillé, à 16 kilomètres au sud du Mans, sur la route de cette
      ville à Angers, le 3 décembre, au soir, Bertrand fut informé
      pendant la nuit que les Anglais, venant de Mayet, essayaient de
      s’échapper par la route qui va de Mayet et de Pontvallain au
      Lude, afin de mettre le cours du Loir entre eux et les Français;
      il voulut aussitôt déjouer cette tentative en accomplissant le
      mercredi 4 décembre une marche forcée de nuit, de grand matin,
      sous une pluie battante. Cuvelier nous dit que Du Guesclin et
      plusieurs de ses compagnons d’armes y crevèrent leurs chevaux
      déjà harassés par la marche rapide des jours précédents. Après
      avoir traversé la petite rivière d’Aune, affluent de la rive
      droite du Loir, le connétable atteignit les Anglais près du
      «château de la Fagne», mentionné dans la _Chronique normande_
      (éd. Molinier, p. 107) et marqué sur la carte de Cassini.
      Poursuivi à travers la lande de Rigalet et les prairies qui
      bordent l’Aune un peu avant son confluent avec le Loir, l’ennemi
      prit la fuite dans la direction du Lude et de Vaas. Une croix
      en bois, dite la _Croix Brette_, élevée peu après l’événement à
      l’endroit où Du Guesclin passait pour avoir enterré ses morts,
      indiquait sans doute le théâtre principal de l’action. Cette
      croix, qui se trouvait à peu près à moitié chemin sur la route de
      Pontvallain au Lude, a été remplacée en 1828 par un obélisque en
      pierre.

      [9] Loin de revenir sur ses pas et de ramener ses prisonniers
      au Mans, Bertrand du Guesclin donna la chasse aux fuyards
      jusqu’en Anjou et même au delà de la Loire; il contraignit Hugh
      de Calverly et Jean Cressewell à évacuer l’abbaye fortifiée de
      Saint-Maur-sur-Loire, moyennant, il est vrai, une assez forte
      rançon, pour le payement de laquelle Bertrand leva sur les
      marchandises passant en Loire entre Cande et Champtoceaux un
      subside qui se maintint jusqu’au XVIIIe siècle sous le nom de
      _Trépas de Loire_ (voyez notre tome VII, sommaire, p. LXXXII,
      note 244). Le 6 décembre 1370, deux jours seulement après sa
      victoire à Pontvallain, le connétable de France était à Saumur,
      où il passa en revue la compagnie de Mouton de Blainville,
      maréchal de France (voyez plus haut, p. IV, en note). Il
      poursuivit l’ennemi jusqu’à Bressuire en Poitou (_Grandes
      Chroniques_, VI, 326; _Chronique normande_, p. 199; Cabaret
      d’Orville, éd. Chazaud, p. 27 et 28; _Chronique rimée de B. du
      Guesclin_, II, p. 178 à 185, vers 18 507 à 18 704).

Après la victoire de Pontvallain, Bertrand du Guesclin et Olivier de
Clisson amènent leurs prisonniers[10] à Paris; et loin de les charger
de chaînes, ainsi que font les Allemands, ils les prennent à rançon
courtoise et les mettent en liberté sur parole. Pendant ce temps,
le prince de Galles et le duc de Lancastre, revenus de l’expédition
de Limoges, se tiennent à Cognac[11].--Le pape Urbain V meurt à
Avignon vers la fête de Noël[12]. Grâce à l’entremise de Louis,
duc d’Anjou[13], qui se trouve sur les lieux pendant la réunion du
conclave, le cardinal de Beaufort est élu souverain pontife sous le
nom de Grégoire XI.--Eustache d’Auberchicourt est fait prisonnier en
Limousin par un homme d’armes breton nommé Thibaud du Pont, capitaine
d’un château appartenant au seigneur de Pierre-Buffière[14]; condamné
à verser une rançon de douze mille francs, il en paye comptant quatre
mille et donne son fils François en otage pour le reste; puis il va
occuper la forteresse de Carentan[15], en basse Normandie, que lui a
donnée le roi de Navarre et où il devait mourir.--Sur ces entrefaites,
le vieil Arnoul d’Audrehem, qui avait été si longtemps maréchal de
France, meurt à Paris[16] où l’on célèbre ses obsèques. P. 5, 6, 257 à
259.

      [10] Les plus importants parmi ces prisonniers étaient Thomas
      de Granson, Gilbert Giffard, Geoffroi Worseley, Philippe de
      Courtney, Guillaume de Nevill et Hugh Spencer, neveu d’Édouard
      Spencer. La _Chronique normande_ (p. 197) ajoute à ces noms ceux
      de Richard, de David de Green et de Thomas Fillefort. Sur la
      prise de Granson, voyez un acte de donation fait par Charles V en
      septembre 1371 (_Arch. Nat._, JJ 101, nº 130).

      [11] Un acte par lequel Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles,
      donne à son frère Jean, duc de Lancastre, les château, ville et
      châtellenie de Bergerac, est daté de Cognac le 8 octobre 1370.
      Delpit, _Documents français en Angleterre_, p. 130 et 131.

      [12] Urbain V mourut à Avignon le jeudi 19 décembre 1370. Le
      conclave se réunit au palais papal le dimanche 29, à six heures,
      et dès le lendemain, le lundi 30, Pierre Roger de Beaufort,
      cardinal diacre, neveu de Clément VI, fut élu pape et prit le nom
      de Grégoire XI. Ordonné prêtre le 4 janvier 1371, Grégoire XI fut
      sacré et couronné à Avignon le lendemain 5 (_Thalamus parvus_, p.
      384 et 385).

      [13] Louis, duc d’Anjou, partit de Toulouse le 21 décembre,
      arriva à Nîmes le 26 et se trouvait à Avignon le 29, lorsque
      s’ouvrit le conclave. Dom Vaissete, _Hist. de Languedoc_, IV, 346.

      [14] Haute-Vienne, arr. Limoges. Eustache d’Auberchicourt,
      qualifié lieutenant en Périgord et Limousin d’Édouard III,
      roi d’Angleterre, avait mis le siège devant Rochechouart
      (Haute-Vienne) avec 400 combattants; Étienne, bâtard de
      Rochechouart, s’était engagé à livrer la place aux Anglais. Sur
      ces entrefaites, Louis, vicomte de Rochechouart, chevalier,
      chambellan de Charles V, appela à son secours Bertrand du
      Guesclin au moment où le vainqueur de Pontvallain était occupé
      à poursuivre les Anglais sur la rive gauche de la Loire. Le
      connétable dépêcha aussitôt vers le vicomte de Rochechouart un
      vaillant écuyer breton nommé Thibaud du Pont, qui fit lever
      le siège de Rochechouart, retint prisonniers les traîtres qui
      avaient voulu livrer cette place et instruisit leur procès
      le 14 décembre 1370 (_Bibl. Nat., Trésor généalogique de dom
      Villevieille_, t. LXV, _au mot_ GUESCLIN _d’après le carton 1er
      des Archives de la vicomté de Rochechouart_). Le 4 septembre
      1371, Charles V fit payer 40 francs d’or à Jean du Rocher,
      écuyer de Bretagne, député vers le roi de France par Thibaud du
      Pont, écuyer, capitaine de Rochechouart (Delisle, _Mandements de
      Charles V_, p. 419, nº 818).

      [15] Manche, arr. Saint-Lô. La vicomté de Carentan avait été
      cédée à Charles II, dit le Mauvais, roi de Navarre, en vertu
      du traité de Mantes conclu le 22 février 1354 (n. st.). Dix
      ans après la conclusion de ce traité, dans les premiers jours
      de juillet 1364, Bertrand du Guesclin, pendant le cours de son
      expédition en basse Normandie, avait repris Carentan; cette ville
      fut de nouveau cédée à Charles le Mauvais, moyennant le payement
      d’un subside, vers le milieu de 1365 (E. Izarn, _Compte des
      recettes et dépenses du roi de Navarre de 1367 à 1370_, Paris,
      1885, 1 vol. in-8º, p. 33); et la garde de cette place fut dès
      lors confiée par le roi de Navarre à Eustache d’Auberchicourt,
      qui y tint grand état en compagnie d’Isabelle de Juliers,
      comtesse de Kent, qu’il épousa avant le 6 janvier 1366 (_Ibid._,
      p. 324 et 325).

      [16] D’après l’opinion la plus vraisemblable, Arnoul d’Audrehem
      mourut à Saumur entre le 6 et le 25 décembre 1370. Les
      funérailles d’Arnoul et celles de Geoffroi de Charny, qui avaient
      été tous les deux porte-oriflamme de France, furent célébrées
      en même temps à Paris, dans le courant de janvier 1371; le 31
      de ce mois, Ymbert le Damoisel, valet de chambre et «armurier»
      de Charles V, donna quittance de 370 francs pour des travaux
      d’armoiries, de tapisserie et de dorure exécutés à l’occasion de
      ces obsèques. Voyez Émile Molinier, _Étude sur la vie d’Arnoul
      d’Audrehem_, dans MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS PRÉSENTÉS A
      L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS, deuxième série, VI, p. 189 à 191,
      342.

Raymond de Mareuil, chevalier du Limousin[17], qui avait abandonné
le parti anglais pour le parti français[18], un certain jour qu’il
revenait de Paris dans son pays natal, est fait prisonnier par les
gens d’armes de Hugh de Calverly[19] et enfermé dans une forteresse
appartenant à Geoffroi d’Argenton[20]. Édouard III, qui veut punir
Raymond de sa défection, offre six mille francs à celui qui l’a pris
à condition que l’on remettra le prisonnier entre ses mains. Informé
des intentions du roi d’Angleterre, Raymond de Mareuil parvient à
s’échapper par une nuit d’hiver et gagne une forteresse française de
l’Anjou[21] située à plus de sept lieues du lieu de sa détention,
grâce à la complicité de l’écuyer anglais qui le garde et auquel il a
promis la moitié de ce qu’il possède. Rentré chez lui, il veut tenir sa
promesse, mais l’écuyer anglais qui a facilité son évasion ne consent à
accepter que deux cents livres de revenu. P. 6 à 9, 259, 260.

Le fils aîné d’Édouard, prince de Galles, meurt à Bordeaux[22].
Sur le conseil de ses médecins et de ses chirurgiens, le prince de
Galles, atteint d’une maladie qui s’aggrave de jour en jour, prend la
résolution de retourner en Angleterre. Après avoir convoqué à Bordeaux
les barons de Gascogne, de Saintonge et de Poitou et leur avoir fait
prêter serment de féauté et d’hommage entre les mains de son frère
le duc de Lancastre, il s’embarque sur la Garonne en compagnie de la
princesse de Galles, de leur jeune fils Richard, d’Edmond, comte de
Cambridge[23], son frère, de Jean, comte de Pembroke, et fait voile
pour l’Angleterre. Débarqué à Southampton[24], il va passer quelques
jours à Windsor, à la cour du roi son père, puis il fixe sa résidence à
Berkhampstead[25], à vingt lieues de Londres. P. 9, 10, 261 à 263.

      [17] Raymond de Mareuil paraît avoir eu ses possessions en
      Périgord, sur les confins de cette province et de l’Angoumois,
      bien plutôt qu’en Limousin. Par acte daté de Paris en mai 1354,
      Jean II fit don de 400 florins à l’écu et de 100 livres de
      rente à prendre sur le comté d’Angoulême à Raymond de Mareuil,
      écuyer, lequel avait servi sous le connétable Charles d’Espagne
      et avait repris sur les Anglais les châteaux de Mareuil (auj.
      Mareuil-sur-Belle, Dordogne, arr. Nontron), de Paluel (auj.
      Palluaud, Charente, arr. Barbézieux, c. Montmoreau) et d’Agonac
      (Dordogne, arr. Périgueux, c. Brantôme), situés en Périgord
      (_Arch. Nat._, JJ 82, nº 196).

      [18] Raymond de Mareuil s’était rallié au parti français dès le
      29 juin 1369 (voyez t. VII, sommaire, p. LXXXVIII, note 263).
      Par divers actes datés de Paris au mois de juillet de cette
      année, Charles V avait donné à Raymond de Mareuil, chevalier, les
      châteaux de Villebois en Périgord (auj. Villebois-Lavallette,
      Charente, arr. Angoulême) et de Courtenay (_Arch. Nat._, JJ
      100, fºs 205, 223, 288; J 426, nº 21). Palluaud et Villebois,
      rattachés actuellement à la Charente, ont toujours fait partie du
      diocèse de Périgueux et du Périgord.

      [19] Le manuscrit d’Amiens ajoute que Hugh de Calverly était
      sénéchal de Limousin.

      [20] Le manuscrit d’Amiens ne mentionne pas Geoffroi d’Argenton
      et parle seulement «d’un fort château où Raymond de Mareuil fut
      enfermé sous la garde de Thomas Percy, sénéchal de Poitou».

      [21] D’après le manuscrit d’Amiens, cette forteresse aurait été
      la Roche-Posay (Vienne, arr. Châtellerault, c. Pleumartin), où
      Guillaume des Bordes et Charuel, chevaliers du parti français,
      auraient tenu garnison.

      [22] Cf. _Le prince Noir, poème du héraut Chandos_, édit. de
      M. Francisque Michel, 1883, p. 277 et 278, vers 4081 à 4096.
      Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, s’embarqua à Bordeaux
      pour retourner en Angleterre avant le 15 janvier 1371, «circa
      principium mensis januarii», dit le moine de Saint-Albans,
      jour où Jean de Lancastre, institué lieutenant d’Aquitaine par
      son frère aîné, est mentionné dans un acte comme chargé du
      gouvernement de cette province pendant l’absence d’Édouard; le
      duc de Lancastre se démit de sa lieutenance dès le 21 juillet de
      la même année (Delpit, _Documents français en Angleterre_, p.
      179).

      [23] Edmond, comte de Cambridge, n’accompagna point le prince
      de Galles, il resta en Aquitaine avec Jean, duc de Lancastre:
      «relinquens post se, dit le moine de Saint-Albans, racontant le
      départ du prince de Galles pour l’Angleterre, in Vasconia duos
      fratres suos, Johannem ducem Lancastriæ et Edmundum comitem
      Cambrigiæ.» (_Chronicon Angliæ_ (1328-1388), éd. Edward Maunde
      Thompson, London, 1874, p. 67 et 68).

      [24] A Plymouth, d’après le moine de Saint-Albans.

      [25] Berkhampstead se trouve dans le comté de Hertford, à la
      distance de 26 milles anglais au nord-ouest de Londres; cette
      distance est donc en réalité moitié moindre que celle qui est
      indiquée par Froissart. C’est à titre de duc de Cornouaille
      qu’Édouard, prince de Galles, possédait le château de
      Berkhampstead, qui n’a pas cessé depuis lors d’appartenir aux
      héritiers présomptifs de la couronne d’Angleterre.

Jean, duc de Lancastre, fait célébrer à Bordeaux les obsèques de
son neveu Édouard, fils du prince de Galles, son frère aîné. Sur ces
entrefaites, Guillaume de Montpont livre son château de Montpont[26]
aux hommes d’armes bretons qui tiennent garnison à Périgueux pour
Louis, duc d’Anjou. A cette nouvelle, le duc de Lancastre[27], à la
tête d’une armée de sept cents lances et de cinq cents archers où
figurent les principaux seigneurs de Gascogne, va mettre le siège
devant Montpont. Guillaume de Montpont, craignant de tomber entre les
mains des Anglais, laisse son château sous la garde des Bretons qu’il
y a appelés et court se mettre en sûreté derrière les remparts de
Périgueux. P. 10 à 13, 263, 264.

      [26] Dordogne, arr. Périgueux. c. Ribérac. Montpont était le
      chef-lieu d’une châtellenie comprenant dix-huit paroisses.
      _Montpaon_, que l’on trouve dans le texte de Froissart, est
      conforme à l’étymologie; les plus anciennes formes de ce nom de
      lieu sont _Montpao_ et _Monspavo_ (_Dictionnaire topographique de
      la Dordogne_, par le vicomte de Gourgues, au mot MONTPONT).

      [27] A la date du 4 janvier 1371, le siège de Montpont par les
      Anglais durait déjà depuis un certain temps, puisqu’à cette date
      Louis, duc d’Anjou, qui se trouvait alors à Avignon, envoya
      Pierre Scatisse et Milon de Dormans, archidiacre de Meaux,
      demander aux États de Languedoc assemblés à Nîmes un subside de
      2 francs par feu _pour faire lever le siège de Montpont_ (Dom
      Vaissete, _Hist. de Languedoc_, IV, 346). Le 10 février suivant,
      le duc d’Anjou était en marche avec Menaud de Barbazan, maréchal
      de son ost, _pour faire lever le dit siège_ (_Ibid._, 346 et
      347). Nous établirons plus loin que Montpont tomba au pouvoir
      des Anglais à la fin du mois de février; et comme Froissart
      fait remarquer à cette occasion que le siège avait duré onze
      semaines, il y a tout lieu d’ajouter foi au témoignage d’un
      chroniqueur contemporain qui rapporte que le duc de Lancastre
      mit le siège devant Montpont au moment où fut livrée la bataille
      de Pontvallain, c’est-à-dire dans les premiers jours de décembre
      1370 (_Chronique normande_, éd. Molinier, p. 200).

Le duc de Lancastre emploie vingt jours à combler les fossés qui
entourent le château de Montpont avec des fascines, de la paille et
de la terre; cela fait, il livre cinq ou six assauts tous les jours.
Les assiégés repoussent vigoureusement ces assauts. Deux écuyers
bretons nommés Jean de Malestroit et Silvestre Budes, qui commandent la
garnison de Saint-Macaire[28], forteresse située à peu de distance de
Montpont, se disputent à qui ira porter secours à leurs compatriotes
assiégés par le duc de Lancastre; ils tirent à la plus longue paille.
Le sort favorise Silvestre Budes, qui monte aussitôt à cheval et amène
à la garnison de Montpont un renfort de douze hommes d’armes, sa
personne comprise. P. 13 à 15, 264, 265.

      [28] Gironde, arr. la Réole. L’anecdote racontée ici par
      Froissart est très jolie, mais certaines circonstances du
      récit du chroniqueur sont certainement inexactes. Outre que
      Saint-Macaire se trouve à une assez grande distance de Montpont,
      la première de ces deux localités était encore au pouvoir
      des Anglais en 1371. Du reste, le manuscrit d’Amiens donne
      une version différente de celle qui est résumée plus haut;
      ce manuscrit ne fait aucune mention de Jean de Malestroit
      et fait partir Silvestre Budes, non de Saint-Macaire, mais
      de Sainte-Bazeille (Lot-et-Garonne, arr. de Marmande).
      Sainte-Bazeille, dont le seigneur, Berard d’Albret, s’était
      rallié au roi de France pendant la première moitié de 1370 (voyez
      notre t. VII, sommaire, p. XCIX, note 293), avait pu recevoir
      une garnison bretonne et, en outre, cette petite place est à
      moindre distance de Montpont que Saint-Macaire. Par conséquent,
      la version du manuscrit d’Amiens est moins invraisemblable,
      sinon plus vraie, que celle des manuscrits de la première
      rédaction. A la fin de 1371, un chevalier du Périgord, nommé
      Pierre «de Montibus», seigneur de Saint-Jean-de-Côle (Dordogne,
      arr. Nontron, c. Thiviers), avait traduit devant le Parlement
      de Paris Silvestre Budes, écuyer, qui s’était emparé de sa
      forteresse de Saint-Jean-de-Côle et qui continuait de l’occuper
      (_Arch. Nat., sect. jud._, X{2a} 8, fº 262). En présence des deux
      versions de Froissart, on peut se demander si Silvestre Budes,
      pris à l’improviste par l’arrivée des Anglais devant Montpont,
      n’occupait pas alors Saint-Jean-de-Côle.

Les fossés une fois comblés au ras du sol, les assiégeants peuvent
s’avancer jusqu’au pied des remparts dont ils font tomber à coups de
pic une largeur de quarante pieds. Les archers anglais entrent par
cette brèche et font pleuvoir une grêle de traits sur les assiégés. Les
quatre principaux chefs de la garnison, Guillaume de Longueval[29],
Alain de la Houssaye[30], Louis de Mailly[31], et le seigneur
d’Arsy[32], envoient un de leurs hérauts en parlementaire vers le duc
de Lancastre. Celui-ci, irrité de la résistance des assiégés qui lui
tiennent tête depuis onze semaines, fait répondre par Guichard d’Angle,
maréchal d’Aquitaine, qu’il exige qu’on lui livre préalablement
Guillaume de Montpont, afin qu’il fasse justice de ce traître, et
que les assiégés se rendent sans condition. Les chevaliers bretons
déclarent qu’ils ne savent ce qu’est devenu Guillaume de Montpont et
qu’ils se feront tuer jusqu’au dernier, si le duc ne s’engage à les
prendre à rançon. Sur les instances de Guichard d’Angle, du captal de
Buch et du seigneur de Mussidan, le duc de Lancastre consent enfin
à recevoir à composition les assiégés. Il prend possession de la
forteresse de Montpont[33], dont il confie la garde à une garnison de
quarante hommes d’armes et de quarante archers placés sous les ordres
du seigneur de Mussidan et du soudich de Latrau. Ces deux seigneurs,
opérant de concert avec la garnison anglaise de Bourdeilles[34],
se livrent à toute sorte d’hostilités contre les habitants de
Périgueux[35]. P. 15 à 17, 265 à 268.

      [29] D’après Froissart, la garnison de Montpont se composait de
      Bretons, et le nom de Guillaume de Longueval semble étranger
      à la Bretagne. Nous inclinons à croire que le chroniqueur
      de Valenciennes, plus familier avec les noms de famille de
      la Picardie qu’avec ceux de la Bretagne, a commis ici une
      confusion et qu’il a écrit peut-être Guillaume de Longueval au
      lieu de Guillaume de Laval. Ce qui nous le fait croire, c’est
      qu’un écuyer breton, nommé Guillaume de Morieux, qui fut fait
      prisonnier à Montpont par les Anglais et qui déposa dans le
      procès pour la canonisation de Charles de Blois, cite parmi ses
      compagnons d’armes _Guillaume de Laval_, chevalier, et Fralin
      de Combray, écuyer (_Bibl. Nat., ms. lat. 5381, t. II, fºs 107
      et 108_). Toutefois, nous devons faire remarquer que Louis de
      Mailly, cité aussi comme l’un des quatre chefs de la garnison de
      Montpont, appartenait lui-même à une famille picarde.

      [30] Eustache et Alain de la Houssaye figurent dans presque
      toutes les montres de Bertrand du Guesclin.

      [31] Louis de Mailly était le quatrième fils de Jean de Mailly,
      seigneur de Talmas (Somme, arr. Doullens, c. Domart), et de
      Jeanne de Picquigny (P. Anselme, _Hist. généal._, VIII, 653).

      [32] L’auteur de la _Chronique normande_ (p. 200) appelle cet
      homme d’armes: «Fouques Boules, sire d’Assi.»

      [33] D’après la chronique romane de Montpellier, le château
      de Montpont tomba au pouvoir des Anglais dans le courant de
      février. «Aquel an meteyss (1371), _en lo mes de febrier_, fou
      pres e destrug lo castel de Montpaon en Peiragorc per lo duc de
      Lencastre e mossen Aymo, frayre del dich princep, losquals y
      avian tengut seti per alcun temps» (_Thalamus parvus_, p. 385).
      Vers le milieu de ce mois, Louis, duc d’Anjou, faisait porter des
      provisions à Montauban pour ravitailler la place (_Bibl. Nat.,
      Quittances_, XVIII, nº 831); mais le vendredi 28 février, il
      était de passage à Albi et se dirigeait vers Paris, en passant
      par Avignon (Vaissete, _Hist. du Languedoc_, IV, 347). Par
      conséquent, à cette dernière date, le château de Montpont était
      au pouvoir des Anglais; il faut donc placer la prise de cette
      forteresse par le duc de Lancastre vers la fin de février 1371.

      [34] Dordogne, arr. Périgueux, c. Brantôme.

      [35] Tandis que Périgueux était redevenu français dès le mois
      d’août 1369 (voy. t. VII, sommaire, p. CII), les Anglais
      continuaient d’occuper Bergerac, donné par le prince de Galles,
      le 8 octobre 1370, au duc de Lancastre qui, par acte en date du
      15 janvier 1371, «au siège devant Montpaon», avait confié la
      garde de cette place à Heliot Buade (Delpit, _Documents français
      en Angleterre_, p. 177).

Au retour du siège de Montpont, les seigneurs de Gascogne sont en
butte aux incursions du comte d’Armagnac et du seigneur d’Albret.
C’est principalement sur la frontière du Poitou que les hostilités
sont poussées avec le plus de vigueur. Pierre de la Grézille[36]
et Jourdain de Coulonges[37] commandent la garnison du château de
Moncontour[38], situé à quatre lieues de Thouars et à six lieues de
Poitiers[39]; Charnel[40] occupe Châtellerault avec cinq cents Bretons;
et les garnisons françaises de la Roche-Posay[41] et de Saint-Savin[42]
inspirent une telle frayeur que les Anglais n’osent chevaucher dans ces
parages que sous bonne escorte. P. 17, 18, 277.

      [36] Le fief de la Grézille, d’où la famille à laquelle
      appartenait Pierre tirait son nom, était situé en la paroisse
      d’Ambillou (Maine-et-Loire, arr. Saumur, c. Gennes). En 1369
      et 1370, Pierre de la Grézille fut gratifié par Charles V de
      plusieurs terres situées en Anjou et dans le Maine, que le roi
      avait confisquées sur des seigneurs partisans des Anglais.
      D’après une montre de 1371, il avait dans sa compagnie 14
      chevaliers bacheliers et 63 écuyers (_Bibl. Nat., Trésor
      généalogique_, par Dom Villevieille, au mot LA GRÉZILLE).

      [37] Moncontour-de-Poitou, Vienne, arr. Loudun.

      [38] Jourdain de Coulonges, que Froissart appelle Jourdain
      «de Coulongne», appartenait, comme Pierre de Grézille, à
      une famille établie de vieille date sur les frontières du
      Poitou et de l’Anjou. On sait que les localités du nom de
      Coulonges (Coulonges-sur-la-Renaize, dans le dép. de la Vienne,
      Coulonges-Thouarsais et sur l’Authise, dans les Deux-Sèvres) sont
      nombreuses dans cette région.

      [39] La distance de Moncontour à Poitiers est de 45 kilomètres ou
      onze lieues anciennes, moitié plus considérable, par conséquent,
      que celle qui est indiquée par Froissart.

      [40] C’est Jean de Kerlouet, non Éven Charuel, qui commandait la
      garnison de Châtellerault depuis la prise de cette forteresse
      dans les premiers jours de juillet 1370, comme Froissart l’a dit
      avec plus d’exactitude dans un autre endroit de sa chronique (cf.
      notre tome VII, p. 212).

      [41] Vienne, arr. Châtellerault, c. Pleumartin. Jean de Kerlouet
      s’était emparé de la Roche-Posay vers le mois de juillet 1369
      (cf. t. VII, sommaire, p. LXIV).

      [42] Vienne, arr. Montmorillon. En 1369, l’abbaye fortifiée de
      Saint-Savin avait été livrée par l’un de ses moines au capitaine
      français Louis de Saint-Julien (cf. t. VII, sommaire, p. LXXXIII).

Grâce aux démarches de Louis de Saint-Julien et du vicomte de
Rochechouart, le seigneur de Pons[43], un des plus puissants barons de
Poitou, se rallie au parti français, tandis que sa femme la dame de
Pons et aussi les bourgeois de sa ville de Pons restent dans le parti
anglais. Le duc de Lancastre institue Amanieu du Bourg capitaine de
Pons, pour défendre cette forteresse contre les incursions du seigneur
transfuge. Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, réunit à Poitiers un
corps d’armée de cinq cents lances et de deux mille brigands munis de
pavois pour mettre le siège devant Moncontour[44]. Noms des principaux
seigneurs, soit poitevins, soit anglais, qui composent ce corps
d’armée. P. 18 à 20, 277.

      [43] Charente-Inférieure, arr. Saintes. Renaud, seigneur de Pons
      et de Ribérac, vicomte de Turenne et de Carladez, s’était décidé
      à faire acte de soumission au roi de France dès le mois de mai
      1369 (cf. t. VII, p. LXXXVIII, note 263).

      [44] La nouvelle du siège mis par les Anglais devant Moncontour
      parvint à Paris pendant la seconde moitié du mois d’août 1371,
      car les premiers mandements adressés par Charles V pour réunir un
      corps d’armée de secours sont datés du 26 de ce mois (Delisle,
      _Mandements de Charles V_, p. 417 et 418, nºs 813 à 815).

Trois capitaines de compagnies, Jean Cressewell, David Holegrave et
Gautier Hewet, viennent renforcer l’armée assiégeante. Après dix jours
de siège, une tranchée est ouverte, et les Anglais emportent d’assaut
la forteresse de Moncontour[45]. La garnison tout entière est passée
au fil de l’épée, excepté Pierre de la Grézille, Jourdain de Coulonges
et cinq ou six hommes d’armes que l’on prend à merci. Thomas de Percy,
Guichard d’Angle et Louis de Harcourt confient la garde de Moncontour
à Hewet, à Cressewell et à Holegrave, qui disposent de cinq cents
combattants et ne cessent de faire des courses en Anjou et dans le
Maine. P. 20, 21, 277, 278.

      [45] Moncontour dut se rendre aux Anglais à la fin d’août ou
      dans les premiers jours de septembre 1371. Bertrand du Guesclin
      et Olivier, seigneur de Clisson, envoyés au secours de la place
      assiégée, après avoir opéré la concentration de leurs forces dans
      le Maine, en Anjou et en Touraine, n’arrivèrent à Saumur que le 5
      septembre. A cette date, Jean, comte de Sancerre, les maréchaux
      de France, Louis de Sancerre et Mouton de Blainville, étaient
      encore à Tours; ils ne rejoignirent Du Guesclin et Clisson que le
      lendemain. Le manque d’arbalétriers les empêcha de reprendre la
      forteresse de Moncontour, qui était déjà tombée au pouvoir des
      Anglais (Delaville le Roulx, _Comptes municipaux de Tours_, II,
      111, nºs 506 à 509; cf. _Chronique normande_, p. 202).

Après la Chandeleur[46], Bertrand du Guesclin, qui se tient à Paris
depuis sa victoire de Pontvallain, entreprend une expédition contre les
Compagnies anglaises qui ravagent le Poitou, le Quercy et le Rouergue.
Noms des principaux seigneurs qui prennent part à cette expédition.
Apprenant qu’un capitaine anglais nommé Jean Devereux s’est emparé du
château d’Ussel[47], Bertrand assiège cette forteresse. Après quinze
jours de siège[48] et plusieurs assauts où Waleran de Ligny[49], fils
du comte de Saint-Pol, court un grand péril, le connétable continue sa
chevauchée et entre en Rouergue. Quelques-uns des plus grands seigneurs
du corps d’armée français vont à Avignon présenter leurs hommages au
nouveau pape Grégoire XI et au duc d’Anjou qui se trouve à ce moment de
passage à la cour papale[50]. Dans le cours de sa chevauchée à travers
le Rouergue, Du Guesclin se fait rendre par Thomas de Walkefare[51] les
deux forteresses de Millau[52] et de la Roque-Valsergue[53] et quelques
autres châteaux situés sur les frontières du Limousin. Après quoi, le
connétable de France, les ducs de Berry et de Bourbon reviennent mettre
de nouveau le siège devant Ussel, en s’aidant de puissants engins de
guerre qu’ils avaient eu soin de faire venir de Riom et de Clermont. P.
21 à 23, 270 à 274.

      [46] Le 1er janvier 1371, Bertrand du Guesclin, de retour de la
      chevauchée dont Pontvallain, Saumur et Bressuire avaient marqué
      les principales étapes, se trouvait à Paris, d’où il envoya,
      enclose sous son sceau du secret, au trésorier des guerres,
      Étienne Braque, la montre de 1135 hommes d’armes qu’il avait
      retenus pour servir sous ses ordres, dont 4 chevaliers bannerets,
      51 chevaliers bacheliers et 1080 écuyers (Dom Morice, _Preuves
      de l’hist. de Bretagne_, I, col. 1647). Avant la fin de janvier,
      il dut se mettre en route pour porter secours à la garnison de
      Montpont, assiégée par les Anglais, car diverses compagnies du
      corps d’armée qu’il avait réuni pour cette expédition furent
      passées en revue à Blois du 27 au 29 de ce mois, notamment celles
      d’Alain de Taillecol, dit l’Abbé de Malepaye, de Girard, seigneur
      de Rais, d’Olivier, seigneur de Montauban, et de Pierre, seigneur
      de la Hunaudaie (Hay du Chastelet, _Hist. de Du Guesclin_, p.
      340, 341, 344, 345; Dom Morice, _Preuves de l’hist. de Bretagne_,
      I, col. 1645 à 1647). Froissart se trompe lorsqu’il dit que Du
      Guesclin n’entreprit l’expédition tendant à la levée du siège de
      Montpont et marquée par le siège d’Ussel qu’après la Chandeleur
      ou le 2 février; il se trompe encore davantage lorsqu’il la fait
      coïncider avec le retour du printemps.

      [47] Auj. chef-lieu d’arrondissement de la Corrèze, sur les
      confins du Limousin et de l’Auvergne. Ussel est bâti sur une
      colline de plus de 600 mètres d’élévation, près du confluent
      de la Sarzonne et de la Diège, affluent de la rive droite de
      la Dordogne, et les halles actuelles occupent l’emplacement de
      l’ancien château-fort. Tous les manuscrits de Froissart portent
      par erreur _Uzès_. Comme quelques-uns de ces manuscrits placent
      _Uzès_ en Auvergne, dom Vaissete en avait conclu qu’il faut lire
      _Usson_ (_Hist. du Languedoc_, IV, 347). En réalité, il s’agit
      d’Ussel, ainsi que le prouve la déclaration d’un chevalier nommé
      Geoffroi Budes, originaire d’Uzel-près-l’Oust, en Bretagne,
      qui déposa à Angers en septembre 1371 dans l’enquête pour la
      canonisation de Charles de Blois: «Nobilis vir dominus Gauffridus
      Budes, miles, de parochia de Usello, dicit quod _in quadragesima
      ultimo preterita_ (fin de février 1371) iste testis, in societate
      domini constabularii Francie, ibat apud castrum Montis Pavonis
      (Montpont) quod tenebatur a gentibus domini nostri regis Francie,
      obsessum a gentibus regis Anglie et principis Aquitanie, et ibant
      pro dicta obsidione levanda. Contigit quod in itinere invenerunt
      _castrum vocatum_ USSEL _ab hostibus regis Francie detentum_,
      cui castro constabularius cum suis gentibus dedit insultum» (Dom
      Morice, _Preuves de l’hist. de Bretagne_, II, 26). Les comptes
      de Jean, duc de Berry, contiennent plusieurs mentions relatives
      à des chevaliers ou écuyers blessés au siège d’Ussel (_Arch.
      Nat., sect. hist._, KK 251, fºs 31, 32 et 71 vº). Une lettre de
      rémission, délivrée le 18 novembre 1372 à un homme d’armes de la
      compagnie de Juhel Rolland, fait également mention du siège mis
      devant Ussel en 1371 par Du Guesclin (_Ibid._, JJ 103, fº 134, nº
      285).

      [48] Dès le 18 février 1371, les Français avaient mis le siège
      devant Ussel, puisqu’à cette date Bethon de Marcenac, chevalier
      et conseiller de Jean, duc de Berry, donna quittance de 40 livres
      tournois, que le dit duc lui avait allouées pour ses frais et
      dépens devant le fort d’Ussel (_Arch. Nat._, KK 251, fº 71 vº).
      Le 26 du même mois, les ménétriers de Bertrand du Guesclin
      jouaient devant le duc de Berry qui leur faisait donner 20 livres
      (_Ibid._, fº 31 vº). Mais le 1er mars suivant, les maréchaux de
      France, Louis de Sancerre et Mouton de Blainville, recevaient des
      montres d’hommes d’armes à Clermont, en Auvergne, où se trouvait
      sans doute aussi le connétable (A. du Chastellier, _Invasions
      de l’étranger_, Paris, 1872, in-12, p. 21). La neige, qui se
      mit à tomber en grande abondance, contraria les opérations des
      Français et les contraignit à lever le siège d’Ussel: «Tanta
      nix supervenit quod oportuit quod totus exercitus deslogiaret».
      On se dirigea vers Clermont, où Du Guesclin apprit, s’il ne le
      savait déjà, que Montpont, qu’il allait débloquer, était tombé
      au pouvoir des Anglais (D. Morice, _Preuves_, II, col. 26). Le
      duc de Bourgogne se tint deux jours, le dimanche 2 et le lundi 3
      mars, au siège devant Ussel.

      [49] Cette mention relative à Waleran de Ligny ne se trouve que
      dans la rédaction d’Amiens (p. 271).

      [50] Après avoir essayé vainement de porter secours à la garnison
      de Montpont, Louis, duc d’Anjou, avait repris le chemin d’Avignon
      pendant la seconde moitié du mois de mars 1371; le 4 avril
      suivant, il faisait sa résidence à Villeneuve-lez-Avignon, d’où
      il manda de faire payer 30 francs aux frères de Notre-Dame du
      Carmel de Lodève pour être associé à leurs prières (_Bibl. Nat.,
      Quittances_, t. XIX, nº 1164); d’Avignon, il se rendit à Paris.
      Dans les derniers jours du mois de mars, un écuyer de Bertrand du
      Guesclin, qui était resté malade à Avignon, reçut du duc de Berry
      une aumône de 4 livres tournois (_Arch. Nat._, KK 251, fº 32 vº).

      [51] Thomas de Walkefare, sénéchal anglais du Quercy, avait été
      pendu à Toulouse par ordre du duc d’Anjou en septembre 1370, cinq
      jours au moins avant l’expédition de Du Guesclin en Auvergne (Dom
      Vaissete, IV, 346).

      [52] Millau avait ouvert ses portes au duc d’Anjou dès le mois de
      mai 1370 (Cf. notre tome VII, p. LXIII, note 196).

      [53] Le château de la Roque-Valsergue (Aveyron, arr. Millau,
      c. Campagnac) avait été emporté d’assaut par les Français dès
      les premiers jours de janvier 1369 (_Ibid._, p. LXIII, note
      197). Cette prétendue campagne du connétable en Rouergue au
      commencement de 1371 est purement imaginaire.

Reddition d’Ussel[54]. La garnison a la vie sauve et peut se retirer
avec armes et bagages à Sainte-Sévère[55]. Bertrand du Guesclin revient
en France[56].--Robert Knolles, qui s’est enfermé dans son château
de Derval après sa défaite à Pontvallain, a encouru la disgrâce
d’Édouard III; il envoie alors deux de ses écuyers d’honneur présenter
ses excuses au roi d’Angleterre; ces excuses, appuyées par Alain de
Buxhull, sont agréées[57]. Jean de Menstreworth, convaincu de haute
trahison, subit le dernier supplice[58]. P. 23, 24.

      [54] Nous avons rapporté plus haut, sur les circonstances du
      siège d’Ussel, le témoignage d’un témoin oculaire, Geoffroi
      Budes. Ce témoignage confirme de point en point la version de
      la _Chronique normande_ (p. 201) et de la _Chronique des quatre
      premiers Valois_ (p. 210); il n’est fait aucune mention de la
      reddition d’Ussel par les rédacteurs de ces deux chroniques, dont
      le silence rend fort suspecte l’affirmation de Froissart.

      [55] Sainte-Sévère-Indre, Indre, arr. la Châtre.

      [56] A la date du 18 mars 1371, Bertrand du Guesclin était de
      retour à Paris, où il fit montre de 120 hommes d’armes (Hay du
      Chastelet, _Hist. de du Guesclin_, p. 347 et 348). On a vu plus
      haut que le siège d’Ussel se place pendant la seconde quinzaine
      de février; par conséquent le connétable, qui était sans doute
      encore à Clermont le 1er mars, n’avait pu trouver le temps, avant
      de rentrer à Paris, de faire une expédition dans le Rouergue.

      [57] Édouard III ne rendit ses bonnes grâces à Robert Knolles
      qu’après lui avoir fait payer dix mille marcs.

      [58] Arrêté en Navarre, près de Pampelune, par un écuyer que
      le _Moine de Saint-Albans_ nomme dans sa chronique Louis de
      Saint-Gilles (éd. Maunde-Thompson, 1874, p. 135), Jean de
      Menstreworth, envoyé par Charles V en Espagne, où il allait
      remplir une mission secrète auprès du roi de Castille, fut
      conduit en Angleterre et enfermé, en 1377, dans la prison de la
      Tour de Londres sous l’inculpation de haute trahison; on l’accusa
      surtout d’avoir arrêté, de concert avec Owen de Galles, le plan
      et dirigé les préparatifs d’une descente en Angleterre. Le 21
      mars 1377, il fut écartelé; sa tête fut mise au bout d’une pique
      sur le pont de Londres, et les quatre quartiers de son corps
      envoyés, pour y être exposés, à Newcastle, à Caermarthen, à
      Bristol et à Douvres; le compte des dépenses nécessitées par cet
      envoi est conservé au _Record Office_. Une lettre destinée au roi
      d’Angleterre seul, que Jean de Menstreworth avait écrite quelques
      instants avant de subir le dernier supplice, fut interceptée par
      Henri Percy et par Jean, duc de Lancastre. Cf. _Thomæ Walsingham,
      quondam monachi Sancti Albani, Historia anglicana_, éd. Riley, t.
      I, p. 326.

Édouard III s’assure l’alliance des ducs de Gueldre[59], de
Juliers[60] et dépêche le comte de Hereford[61] vers le duc de
Bretagne.--Bataille navale livrée dans un havre de Bretagne, nommé
la Baie[62], entre les Anglais et les Flamands; les Flamands ont
le dessous et sont tous tués ou faits prisonniers.--Bataille [de
Bastweiler] livrée dans la nuit de la Saint-Barthélemy[63] 1371 entre
Wenceslas de Luxembourg, duc de Brabant, d’une part, Édouard, duc de
Gueldre, et le duc de Juliers, d’autre part. Défaite des Brabançons. Le
duc de Brabant, tous les enfants de Namur[64], le comte de Salm[65],
Jacques de Bourbon[66], Waleran de Ligny, fils de Gui, comte de
Saint-Pol[67], sont faits prisonniers; Gui, père de Waleran, est tué
sur le champ de bataille. P. 25, 26, 274 à 276, 279.

      [59] Édouard, troisième duc de Gueldre, supplanta, en 1361, son
      frère Renaud III, et fut blessé mortellement à la bataille de
      Bastweiler, le 22 août 1371.

      [60] Guillaume VI, duc de Juliers, succéda en 1361 à son père
      Guillaume V et mourut le 13 décembre 1393.

      [61] Humphrey de Bohun, l’un des protecteurs de Froissart, fils
      de Guillaume de Bohun, comte de Northampton, et d’Élisabeth de
      Badlesmore, marié à Jeanne d’Arundel, était devenu, en 1361,
      comte de Hereford par la mort de son oncle Humphrey, auquel
      appartenait ce comté; il était connétable d’Angleterre.

      [62] _La Baie_ est le nom sous lequel on avait coutume
      de désigner dans les actes de la chancellerie anglaise,
      au XIVe siècle, la baie de Bourgneuf (Bourgneuf-en-Retz,
      Loire-Inférieure, arr. Paimbœuf), fermée du côté de la mer par
      l’île de Noirmoutier. Les navires flamands revenaient de la
      Rochelle, où sans doute ils avaient chargé des vins et avaient
      fait escale à Beauvoir (Beauvoir-sur-Mer, Vendée, arr. les
      Sables-d’Olonne), pour compléter leur chargement avec du sel.
      D’après les chroniques flamandes, le combat naval de la Baie
      de Bourgneuf fut livré le 1er août 1371, et cette date est
      confirmée, sinon par les chroniques anglaises, qui placent la
      défaite des Flamands en 1372, du moins par plusieurs actes de la
      chancellerie d’Édouard III. Le 1er juillet de cette année, le roi
      anglais chargeait deux commissaires de demander réparation des
      dommages dont ses sujets avaient à se plaindre de la part des
      Flamands, et le 26 août suivant il donnait l’ordre d’arrêter tous
      les individus de cette nation (Rymer, vol. III, pars II, p. 920
      et 921).

      [63] Froissart commet ici une légère erreur de date. La
      Saint-Barthélemy tombe le 24 août, tandis que la bataille de
      Bastweiler fut livrée le vendredi 22 août 1371.

      [64] Notamment Robert et Louis de Namur, sixième et septième fils
      de Jean Ier, comte de Namur, et de Marie d’Artois, ainsi que leur
      neveu Guillaume, seigneur de l’Écluse, fils de Guillaume Ier,
      comte de Namur, quatrième fils de Jean Ier et de Catherine de
      Savoie.

      [65] Henri VI, comte de Salm, marié à Adélaïde de Schoonvorst.

      [66] Jacques de Bourbon, seigneur de Préaux, troisième fils de
      Jacques Ier, comte de la Marche, et de Jeanne de Saint-Pol.

      [67] Gui de Luxembourg, fils de Jean, seigneur de Ligny, et
      d’Alioe de Flandre, avait épousé Mahaut de Châtillon, sœur et
      héritière de Gui, comte de Saint-Pol; en septembre 1367 il avait
      été créé comte de Ligny par Charles V.

Nouvelles escarmouches sur mer entre les Anglais et les Flamands;
ceux-ci se décident à faire la paix avec le roi d’Angleterre[68]. P.
26, 27, 280 à 282.

      [68] Après de longs pourparlers, un traité de paix définitif fut
      conclu entre Édouard III et les Flamands le 5 avril 1372 (Rymer,
      vol. III, pars II, p. 939).

Le roi de Majorque[69], fait prisonnier par D. Enrique de Trastamar,
roi de Castille, recouvre la liberté moyennant le payement d’une
rançon de cent mille francs[70] fournie par la reine de Naples, sa
femme, et la marquise de Montferrat, sa sœur[71]. A peine remis en
liberté, le roi de Majorque, soutenu par le pape Grégoire XI, prend à
sa solde des gens des Compagnies et surtout des Bretons, traverse la
Navarre avec l’assentiment du roi de ce pays, et déclare la guerre au
roi d’Aragon[72] qui avait tué son père et l’avait dépouillé de son
royaume; les hostilités sont poussées avec beaucoup d’acharnement de
part et d’autre. Ce fut pendant le cours de cette guerre que Jacques,
roi de Majorque, mourut[73] au val de Soria; les gens des Compagnies
qu’il avait enrôlés rentrent alors en France. P. 27, 28, 276.

      [69] D. Jayme d’Aragon, roi nominal de Majorque, comte de
      Roussillon et de Cerdagne, fils de D. Jayme II et de Constance
      d’Aragon, s’était marié, par contrat en date du 14 décembre 1362,
      à Jeanne, reine de Naples, veuve en premières noces d’André de
      Hongrie, assassiné le 18 septembre 1345, et en secondes noces
      de Louis de Tarente, mort le 16 mai 1362. D. Jayme fut fait
      prisonnier dans le courant de mars 1368, en même temps que D.
      Pèdre, roi de Castille, à la cour duquel il s’était retiré.

      [70] Jeanne, reine de Naples, paya pour la rançon de son
      troisième mari soixante mille ducats d’or.

      [71] Isabelle d’Aragon, fille de D. Jayme II, roi de Majorque, et
      de Constance d’Aragon, avait épousé en 1358, neuf ans après la
      mort de son père, Jean II, marquis de Montferrat.

      [72] D. Pèdre IV, roi d’Aragon, avait enlevé dès 1343 les îles
      de Majorque, de Minorque et d’Iviça à D. Jayme II, qui fut tué,
      au cours d’une expédition entreprise pour les recouvrer, le 25
      octobre 1349.

      [73] D. Jayme mourut vers la fin de 1375 et, dès le 25 mars de
      l’année suivante, Jeanne, reine de Naples, sa veuve, se remaria
      en quatrièmes noces à Othon de Brunswick, fils aîné de Henri, duc
      de Brunswick-Grubenhagen. Le val de Soria, indiqué par Froissart
      comme le lieu où mourut D. Jayme, se trouve en Vieille-Castille;
      cette vallée, qui tire son nom de la ville de Soria, est arrosée
      par le Douro. On sait que la reine de Naples, par un testament en
      date du 23 juin 1380, institua Louis d’Anjou, frère de Charles
      V, son héritier universel et qu’elle mourut le 22 mai 1382,
      assassinée par l’ordre de Charles de Duras, compétiteur du duc
      d’Anjou.

Jean, duc de Lancastre, lieutenant d’Édouard III à Bordeaux, est
veuf; il a perdu sa première femme Blanche[74], duchesse de Derby et
de Lancastre. Les deux filles de D. Pèdre[75], roi de Castille, après
la mort de leur père, ont cherché un refuge à Bayonne. Sur le conseil
des barons de Gascogne, le duc de Lancastre se remarie à l’aînée nommée
Constance, et la cérémonie des fiançailles a lieu à Roquefort[76],
village situé près de Bordeaux. L’arrivée dans cette ville de la jeune
princesse et de sa sœur donne lieu à des fêtes magnifiques. P. 28 à 30,
282 à 284.

      [74] Blanche de Derby, fille de Henri, comte de Derby, et
      d’Isabelle de Beaumont, première femme de Jean de Gand, duc
      de Lancastre, quatrième fils d’Édouard III, était morte de la
      peste en 1369 et avait été enterrée à Londres dans la cathédrale
      de Saint-Paul; elle avait protégé Froissart, qui a exprimé sa
      reconnaissance en vers touchants dans le _Buisson de Jonèce_. Le
      mariage de Blanche avec Jean, dit de Gand, avait été célébré à
      Reading au mois de juin 1359.

      [75] Constance et Isabelle, filles de D. Pèdre et de Marie de
      Padilla.

      [76] Roquefort, Landes, arr. Mont-de-Marsan, entre Bayonne, lieu
      de résidence des filles de D. Pèdre, et Bordeaux. Le mariage de
      Jean, duc de Lancastre, avec Constance, l’aînée des filles de
      D. Pèdre, est antérieur au 25 juin 1372, car dans un acte qui
      porte cette date, le fils d’Édouard III prend le titre de roi de
      Castille (Delpit, _Documents français en Angleterre_, p. 184).
      Constance mourut avant son mari et fut enterrée à Leicester.
      Catherine de Rœulx, veuve de Hugues de Swinford et fille d’un
      simple héraut d’armes, Paon de Rœulx (Nord, arr. Valenciennes, c.
      Bouchain), que la reine Philippa de Hainaut avait amené de son
      pays natal, devint, du vivant même de Constance, la maîtresse du
      duc de Lancastre, qui l’épousa dans les premiers jours de janvier
      1390. Catherine, morte et enterrée à Lincoln le 10 mai 1403, fut
      par son fils, Jean de Beaufort, comte de Somerset et marquis de
      Dorset, la bisaïeule, du côté maternel, de Henri VII, fondateur
      de la dynastie des Tudors.

Ces nouvelles parviennent en Castille, où D. Enrique de Trastamar
apprend à la fois que l’aînée de ses nièces, Constance, est mariée au
duc de Lancastre, et que la cadette, Isabelle, doit épouser le comte de
Cambridge. Il envoie aussitôt des ambassadeurs vers le roi de France,
en leur donnant mission de conclure un traité d’alliance offensive et
défensive avec Charles V. Ce traité[77] est conclu par l’entremise de
Bertrand du Guesclin, qui aime beaucoup le roi de Castille. Après
avoir ainsi accompli leur mission, les ambassadeurs de D. Enrique
retournent auprès de leur maître, qui tient alors sa cour dans la ville
de Léon. P. 30, 31, 286, 287.

      [77] Les négociations auxquelles il est fait allusion ici
      eurent pour principal résultat de provoquer l’envoi de la
      flotte espagnole, qui battit dans les eaux de la Rochelle, au
      mois de juin 1372, la flotte anglaise commandée par Jean, comte
      de Pembroke, marié en premières noces à Marguerite, quatrième
      fille d’Édouard III. L’un des négociateurs envoyés en Castille
      par Charles V fut Macé de Fresnes, chevalier, à qui le roi de
      France fit payer 200 francs d’or, par mandement en date du 10
      août 1371, pour son voyage «_es parties_ d’Avignon, d’Arragon et
      _d’Espaigne_ et à Saint Jaques de Galice, _où nous l’envoions
      hastivement pour certaines besoingnes qui nous touchent_»
      (Delisle, _Mandements de Charles V_, p. 411, nº 803).

Vers la Saint-Michel 1371[78], le duc de Lancastre s’embarque à
Bordeaux pour retourner en Angleterre après avoir institué divers
grands seigneurs pour gouverner la Gascogne, le Poitou et la Saintonge
pendant son absence. Débarqué à Southampton, il se rend à la cour
du roi son père, qui donne des fêtes en l’honneur de la duchesse de
Lancastre, sa belle-fille, et fait grand accueil à Guichard d’Angle,
chevalier poitevin que le duc de Lancastre a emmené avec lui.--Sur ces
entrefaites, Gautier de Masny meurt[79] à Londres et l’on dépose ses
cendres dans un couvent de Chartreux qu’il avait fait construire dans
un faubourg de cette ville; Édouard III et ses enfants, les prélats
et les barons d’Angleterre assistent aux obsèques de ce vaillant
chevalier. Jean, comte de Pembroke, marié à Anne de Masny[80], hérite
des seigneuries[81] de Gautier situées en Hainaut, pour lesquelles il
prête serment de foi et hommage à Aubert, duc de Bavière, qui tient
alors à bail le comté de Hainaut. P. 31 à 33, 284, 285, 287, 288.

      [78] Dès le 21 juillet 1371, Jean, duc de Lancastre, s’était
      démis de ses fonctions de lieutenant en Aquitaine du prince
      de Galles, son frère aîné (Delpit, _Documents français en
      Angleterre_, p. 179); mais il paraît avoir attendu, pour quitter
      le pays et retourner en Angleterre, qu’Édouard III, par acte en
      date du 13 avril 1372, eût nommé lieutenant en la principauté
      d’Aquitaine Jean, comte de Pembroke (Rymer, III, 941). Cf. Thomas
      Walsingham, _Historia anglicana_, p. 813.

      [79] Gautier de Masny, dont le chroniqueur de Valenciennes parle
      avec une complaisance particulière, parce que ce chevalier était
      originaire du Hainaut, où se trouve le village de Masny (Nord,
      arr. et c. Douai), mourut le mardi 13 janvier 1372 et fut enterré
      dans une chapelle des Chartreux de Smithfield, près Londres.
      Froissart n’oublie pas de dire, dans le _Buisson de Jonèce_,
      qu’il avait reçu les bienfaits de son valeureux compatriote.

      [80] Jean de Hastings, comte de Pembroke, veuf de Marguerite,
      fille d’Édouard III, s’était remarié à Anne de Masny, fille
      unique de Gautier et de Marguerite de Norfolk.

      [81] Ces seigneuries étaient Masny, Boucourt (Nord, arr. et c.
      Douai) et Wasnes (Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain).




CHAPITRE XCIX.

  _1372, 23 juin._ DÉFAITE DE LA FLOTTE ANGLAISE DEVANT LA
    ROCHELLE.--_Juillet._ SIÈGE DE MONCONTOUR ET DE SAINTE-SÉVÈRE;
    REDDITION DE CES DEUX PLACES AUX FRANÇAIS.--_7 août._ REDDITION
    DE POITIERS.--_Du 22 au 23 août._ DÉFAITE ET CAPTURE DE JEAN
    DE GRAILLY, CAPTAL DE BUCH, CONNÉTABLE D’AQUITAINE ET DE
    THOMAS DE PERCY, SÉNÉCHAL DE POITOU, DEVANT SOUBISE; REDDITION
    DE CETTE PLACE.--REDDITION D’ANGOULÊME (_8 septembre_), DE
    SAINT-JEAN-D’ANGELY (_20 septembre_), DE TAILLEBOURG, DE
    SAINTES ET DE PONS.--REDDITION DES CHÂTEAUX DE SAINT-MAIXENT
    (_4 septembre_), DE MELLE ET DE CIVRAY.--_8 septembre._
    REDDITION DE LA ROCHELLE.--_15 septembre._ PRISE DU CHÂTEAU
    DE BENON ET REDDITION DE MARANS.--_19 septembre._ REDDITION DE
    SURGÈRES.--_9 et 10 octobre._ REDDITION DE LA VILLE ET PRISE
    DU CHÂTEAU DE FONTENAY-LE-COMTE.--_1er décembre._ REDDITION DE
    THOUARS ET SOUMISSION DES PRINCIPAUX SEIGNEURS DU POITOU ET DE
    LA SAINTONGE.--SIÈGE DE MORTAGNE.--_1373, 21 mars._ DÉFAITE DES
    ANGLAIS A CHIZÉ.--_27 mars._ OCCUPATION DE NIORT.--REDDITION DES
    CHÂTEAUX DE MORTEMER ET DE DIENNÉ (§§ 687 à 723).


Les Anglais se préparent à envahir la France de deux côtés à la
fois, par la Guyenne et par Calais[82]. Charles V, que ses espions
tiennent au courant de tous les projets d’Édouard III[83], a soin
de faire mettre en bon état de défense les places de son royaume,
particulièrement en Picardie. Guichard d’Angle est fait chevalier de
la Jarretière le jour Saint George dans une fête solennelle de l’Ordre
qui se tient au château de Windsor. Sur les instances du dit Guichard,
Jean de Hastings, comte de Pembroke, gendre d’Édouard III, est nommé
lieutenant du roi d’Angleterre en Guyenne[84]. P. 33 à 35, 288 à 291.

      [82] Les préparatifs maritimes des Anglais commencèrent vers la
      fin de 1371. Le 6 octobre de cette année, Édouard III institua
      deux amiraux, Raoul de Ferrers et Robert de Assheton, chevaliers
      (Rymer, III, 923 et 924). Le 25 du même mois, il prit des mesures
      pour assurer la défense des côtes contre les entreprises des
      Français dont la flotte tenait déjà la mer et passait pour
      menacer surtout la ville de Yarmouth (_Ibid._, 925). Le 21
      décembre, il défendait de vendre des navires à des marchands
      étrangers (_Ibid._, 930). Le 26 janvier 1372, il concluait un
      traité d’alliance perpétuelle avec les Génois, dont les navires
      et les arbalétriers pouvaient lui être si utiles dans la guerre
      qu’il se préparait à entreprendre (_Ibid._, 931). Enfin, le 6
      février suivant, il faisait saisir dans les ports d’Angleterre
      tous les bateaux jaugeant 20 tonneaux et au-dessus pour les
      employer au transport de ses troupes (_Ibid._, 933).

      [83] Un mandement en date du 31 janvier 1372 (n. st.) nous
      prouve que Charles V n’ignorait rien des préparatifs du roi
      d’Angleterre. Voici les premières lignes de ce mandement.
      «Comme nous aions entendu par pluseurs personnes dignes de
      foy que nostre adversaire d’Angleterre a entencion et volenté
      de briefment venir par mer et par terre et entrer au plus
      grant effort que il pourra en nostre royalme pour grever et
      dommagier nous, nostre royaume et noz subgiés.» En prévision de
      ces attaques, Charles V organisa tout un système de défense.
      Dans chaque bailliage, il délégua deux ou trois chevaliers qui
      devaient s’adjoindre au bailli pour visiter toutes les places
      fortes du ressort; le roi donnait l’ordre de démolir celles que
      l’on ne jugerait pas capables de résister aux assauts de l’ennemi
      et au contraire de remettre les autres en parfait état, en
      ayant soin de les munir de provisions et d’artillerie (Delisle,
      _Mandements de Charles V_, p. 439 à 442).

      [84] Jean, comte de Pembroke, fut nommé lieutenant en la
      principauté d’Aquitaine le 20 avril 1372 (Rymer, III, 941).

Jean, comte de Pembroke[85], accompagné de Guichard d’Angle et d’un
chevalier d’outre-Saône nommé Othe de Granson[86], met à la voile à
Southampton pour se rendre en Guyenne; outre le corps d’armée embarqué
sur la flotte anglaise, le comte emporte de quoi payer la solde de
trois mille combattants pendant un an. Prévenue par le roi de France de
la prochaine arrivée des Anglais, une flotte espagnole, envoyée par D.
Enrique[87], roi de Castille, et composée de 40 gros navires et de 13
barges[88], se tient à l’ancre devant le havre de la Rochelle; cette
flotte est placée sous les ordres d’Ambrosio Boccanegra[89], de Cabeça
de Vaca[90], de D. Ferrand de Pion[91] et de Radigo le Roux[92] ou de
la Roselle. La rencontre des deux flottes a lieu dans les eaux de la
Rochelle la veille de la Nativité de saint Jean-Baptiste 1372[93].
Inférieurs en nombre à leurs adversaires, dont les navires plus grands
et plus élevés au-dessus de la ligne de flottaison[94] sont en outre
pourvus d’abris et armés d’arbalètes ainsi que de canons, les Anglais
et les Anglo-Gascons n’en soutiennent pas moins avec beaucoup de
vigueur l’attaque des Espagnols; lorsque le reflux de la mer et la
tombée de la nuit mettent fin au combat, ils n’avaient encore perdu que
deux de leurs navires chargés de provisions[95] sur les quatorze[96]
dont se composait leur flottille. P. 36 à 39, 292 à 295.

      [85] Par acte daté de Westminster le 7 février 1372, Édouard III
      donna l’ordre de réunir, d’armer et d’approvisionner des navires
      dans tous les ports d’Angleterre; ces préparatifs devaient être
      terminés et les navires prêts à prendre la mer le 1er mai suivant
      (Rymer, III, 933).

      [86] La famille de Granson ou Grandson tire son nom de la petite
      ville de ce nom située dans le pays de Vaud, sur les bords du lac
      de Neuchâtel: voilà pourquoi Froissart fait remarquer qu’Othe
      était originaire d’outre-Saône. Grandison est la forme anglaise
      du nom de cette famille dont une branche s’établit en Angleterre
      pendant la seconde moitié du XIIIe siècle.

      [87] Par acte daté du bois de Vincennes le 10 mars 1372 (n.
      st.), Charles V avait accordé des privilèges aux Castillans qui
      fréquentaient le royaume (Delisle, _Mandements_, p. 449).

      [88] La flotte espagnole se composait de vingt galées d’après
      la _Chronique des quatre premiers Valois_ (p. 232) et de douze
      seulement d’après D. Pedro Lopez de Avala: «Este año (1372),
      ovo nuevas el Rey Don Enrique como Micer Ambrosio Bocanegra su
      Almirante, con doce galeas suyas, las quales él avia enviado en
      ayuda del Rey de Francia, estando cerca de la Rochela, que estaba
      entonce por Inglaterra, llegára y el Conde de Peñabroch, que
      venia por Lugar teniente del Rey de Inglaterra en Guiana, con
      treinta é seis naos é con mucha compaña de caballeros é escuderos
      é omes de armas é con grand tesoro que el Rey de Inglaterra le
      diera para facer guerra in Francia, é que llegando el dicho Conde
      de Peñabroch á la villa de la Rochela con las dichas naos, las
      doce galeas de Castilla palearon con él, é le desbarataron, é
      prendieronle á él, é á todos los caballeros é omes de armas que
      con él venian, é tomaron todos los navios é tesoros que traian.»
      (_Crónica del Rey Don Enrique segundo_, dans CRONICAS DE LOS
      REYES DE CASTILLA, Madrid, 1877, gr. in-8º, 11, 12).

      [89] Ambrosio Boccanegra était d’origine génoise comme Barbavara,
      amiral au service de Philippe de Valois, et comme un certain
      nombre d’amiraux de Castille aux XIVe et XVe siècles. Par acte
      daté de Zamora le 5 novembre 1372, D. Enrique fit don à Ambrosio
      Boccanegra, pour le récompenser de la victoire remportée devant
      la Rochelle, de la petite ville de Linarès, en Andalousie
      (_Catalogo de los Señores y Condes de Fernan Nuñez_).

      [90] Pedro-Fernandez Cabeça de Vaca était maître de l’ordre de
      Saint-Jacques.

      [91] Les chroniques de Castille ne mentionnent à cette époque
      aucun amiral de ce nom. Ferrand de Pion serait-il, comme l’a
      supposé Buchon, une altération de Hernando de Léon? En 1377, D.
      Ferrand Sanchez de Tovar, amiral de Castille, prit part à une
      expédition dirigée par l’amiral français Jean de Vienne contre
      l’île de Wight.

      [92] Le nom véritable de ce chevalier est Rui Diaz de Rojas; il
      était originaire de cette partie de la Biscaye qu’on appelle le
      Guipuscoa.

      [93] Cette date est confirmée par une chronique anglaise
      contemporaine qui rapporte cet événement à la veille de la
      Saint-Jean-Baptiste, jour de la fête de sainte Ethelrède:
      «Contigit autem istud infortunium in Vigilia Nativitatis Sancti
      Johannis Baptistæ, in qua festiva Sanctæ Ethelredæ virginis
      occurrit.» (_Thomæ Walsingham, Quondam monachi Sancti Albani,
      Historia anglicana_, ed. Riley, 1863, p. 314). On se rappela à
      cette occasion que le comte de Pembroke, alors âgé d’environ
      vingt-cinq ans, avait profané un jour une église placée sous
      l’invocation de sainte Ethelrède, et l’on considéra la défaite
      de la Rochelle comme un châtiment infligé au coupable par cette
      sainte; on y vit aussi une punition des mœurs dissolues du jeune
      comte et de son hostilité contre le clergé anglais.

      [94] D’après l’auteur de la _Chronique des quatre premiers
      Valois_, les navires des Anglais étaient, au contraire, plus
      grands et plus pesants que ceux des Castillans: «Nos galées sont
      legieres, fait-il dire à l’amiral espagnol, et leurs grans nefz
      et leurs grans barges sont pesantes et fort chargées.» _Chronique
      des quatre premiers Valois_, p. 233.

      [95] Suivant la rédaction d’Amiens (p. 295), les Anglais auraient
      perdu, dans cette première rencontre, non point deux navires,
      mais quatre, avec le chargement de provisions que portaient ces
      navires.

      [96] Le rédacteur des _Grandes Chroniques de France_ (VI, 335)
      dit que la flotte anglaise se composait de trente-six navires;
      c’est également le chiffre donné par Ayala.

Malgré les instances du sénéchal Jean Harpedenne, Jean Chauderier,
maire de la Rochelle[97], et les habitants de cette ville refusent de
porter secours aux Anglais que vont renforcer pendant la nuit le dit
Jean Harpedenne, le seigneur de Tonnay-Boutonne, Jacques de Surgères
et Mauburni de Lignières[98]. Le lendemain matin, à la mer montante,
les Espagnols attaquent de nouveau les Anglais, dont ils accrochent les
navires avec de grands crocs et des grappins retenus par des chaînes.
Le comte de Pembroke se voit entouré par quatre navires ennemis placés
sous les ordres de Cabeça de Vaca et de D. Ferrand de Pion, tandis
qu’Othe de Granson et Guichard d’Angle sont aux prises avec Boccanegra
et Radigo le Roux. Après une résistance désespérée, tous les Anglais
et les Anglo-Gascons sont tués ou faits prisonniers. Au nombre des
prisonniers figurent le comte de Pembroke, Guichard d’Angle, Othe de
Granson, le seigneur de Poyanne[99], le seigneur de Tonnay-Boutonne,
Jean Harpedenne, Robert Twyford, Jean de Gruyères, Jacques de Surgères,
Jean de Courson, Jean Trussell et Thomas de Saint-Aubin[100]. Aimeri
de Tarde, chevalier gascon, Jean de Langton, Simon Hansagre, Jean de
Mortain et Jean Touchet sont tués. P. 38 à 42, 295 à 299.

      [97] Élu maire de la Rochelle le 21 avril 1370, Jean Chauderer
      ou Chauderier avait été remplacé le 13 avril 1371 par Guillaume
      Boullard. Le 4 avril 1372, Guillaume Boullard lui-même avait
      eu pour successeur Pierre Boudré. Par conséquent, c’est Pierre
      Boudré, et non Jean Chauderier, qui était maire de la Rochelle
      à la date de la défaite navale du comte de Pembroke devant la
      Rochelle et de la reddition de cette ville au roi de France. Jean
      Chauderier ne redevint maire que le 24 avril 1373 (communication
      de M. de Richemond, archiviste de la Charente-Inférieure). Cf.
      Arcère, _Hist. de la ville de la Rochelle_, I, 253, 254, 607.

      [98] Cette assertion de Froissart est confirmée par le passage
      suivant de la _Chronique des quatre premiers Valois_ (p. 234):
      «De ceulx de la Rochelle en y oult il moult de mors et noyez qui
      s’estoient mis en bateaulz petiz pour secourir les Anglois.»

      [99] Gérard de Tartas, seigneur de Poyanne (Landes, arr. Dax,
      c. Montfort). Par acte daté du mois de mars 1373 (n. st.),
      Charles V donna à Arnaud Amanieu, seigneur d’Albret, son
      beau-frère, les hôtels et vignobles confisqués que le dit
      seigneur de Poyanne possédait à Capbreton (Landes, arr. Dax, c.
      Saint-Vincent-de-Tyrosse), «comme il ait esté pris derrenierement
      en la compaignie du conte de Penebroc devant nostre bonne
      ville de la Rochelle par nos gens et les gens de Castille noz
      bienveillans et aliez.» (_Arch. Nat., sect. hist._, JJ 104, fº
      53, nº 107.)

      [100] La chronique de Thomas Walsingham ajoute à ces noms celui
      de Florimond, seigneur de Lesparre: «Hispani... captum comitem
      (de Pembroke) cum viginti millibus marcarum susceptarum a rege
      Anglie ad continuandam ibidem guerram, _nec non dominum de
      La Spaer_, aliosque multos nobiles et robustos in Hispaniam
      abduxerunt.» (_Thomæ Walsingham, Hist. Angl._, p. 314). Le
      rédacteur des _Grandes Chroniques de France_ dit que le nombre
      des prisonniers dépassa cent soixante, et D. Pedro Lopez de
      Ayala fait remarquer qu’il y avait dans ce nombre soixante-dix
      chevaliers, «los quales eran setenta Caballeros de espuelas
      doradas.»

La nef qui portait l’argent destiné à la solde des hommes d’armes
de Guyenne avait été coulée bas pendant l’action, et le précieux
chargement englouti au fond de la mer[101]. Les habitants de la
Rochelle, informés de la défaite des Anglais par Jacques de Surgères
qui avait obtenu sa mise en liberté moyennant le payement d’une rançon
de trois cents francs, s’en réjouissent plus qu’ils ne s’en affligent.
Le jour Saint-Jean-Baptiste, après nonne, la flotte espagnole
victorieuse lève l’ancre et cingle vers la haute mer pour regagner les
côtes de Galice. Le soir de ce même jour, six cents hommes d’armes
anglais et anglo-gascons arrivent à la Rochelle sous la conduite
de Thomas de Percy, de Gautier Hewet, de Jean Devereux, de Jean de
Grailly, captal de Buch, et du soudich de Latrau; ils sont consternés
en recevant la nouvelle de la défaite et de la prise du comte de
Pembroke. P. 42 à 44, 299, 300, 302 et 303.

      [101] Thomas Walsingham, dans un passage rapporté plus haut,
      évalue à vingt mille marcs les sommes trouvées par les Espagnols
      à bord des navires anglais. Le rédacteur des _Grandes Chroniques
      de France_ dit que les marins de Castille «gaignèrent moult grant
      finance», et D. Pedro Lopez de Ayala rapporte que tout le trésor
      «todo el tesoro» recueilli par les vainqueurs fut envoyé à D.
      Enrique à Burgos.

Owen de Galles, appartenant à la famille des princes de Galles
dépossédés par Édouard Ier, a cherché un refuge en France et s’est
mis à la solde de Charles V qui, dans l’été de 1372[102], confie
à l’écuyer gallois le commandement de trois mille combattants et
le charge de faire des courses sur mer contre les Anglais. Owen,
après avoir réuni une flottille à Harfleur, opère une descente dans
l’île de Guernesey[103], dont Aymon Rose, écuyer d’honneur d’Édouard
III, est capitaine. Ce capitaine parvient à rassembler une troupe
d’environ huit cents combattants[104] et livre à Owen un combat où
il est vaincu; il se réfugie derrière les remparts de l’imprenable
forteresse de Château Cornet, devant laquelle le vainqueur vient
mettre le siège. Sur ces entrefaites, Charles V reçoit la nouvelle de
la défaite du comte de Pembroke et de l’anéantissement de la flotte
anglaise devant la Rochelle. Les Anglo-Gascons restant par suite de
cette défaite sans souverain capitaine, le roi de France se décide à
profiter de circonstances aussi favorables pour faire envahir par son
connétable le Poitou, la Saintonge et le Rochellois, bien convaincu
qu’il suffira de quelques succès remportés par ses troupes pour faire
rentrer les villes sous son obéissance. C’est pourquoi il donne l’ordre
à Owen de Galles de se rendre en Espagne pour prier D. Enrique, roi
de Castille, d’envoyer de nouveau sa flotte sur les côtes de France
mettre le siège par mer devant la Rochelle. Owen lève donc le siège
de Château Cornet et retourne à Harfleur, d’où il se dirige avec sa
flottille vers l’Espagne; il jette l’ancre dans un port de Galice nommé
Santander[105]. P. 44 à 47, 300 à 302.

      [102] On rassembla les navires et les équipages qui devaient
      composer cette flotte à Harfleur du 15 avril au 15 mai 1372;
      le 8 mai, Charles V manda à Jean le Mareschal, receveur
      général des aides en Normandie, de remettre toutes les sommes
      dont il pourrait disposer à Jean le Mercier, trésorier des
      guerres, chargé de pourvoir aux frais de l’expédition (Delisle,
      _Mandements de Charles V_, p. 457). Par acte daté de Paris le
      10 mai 1372, Owen de Galles, dans une charte où il revendique
      ses droits héréditaires et proteste contre l’occupation du pays
      de Galles par les rois anglais, se reconnaît redevable envers
      Charles V d’une somme de 300 000 francs d’or et plus «tant en
      gaiges de gens d’armes, d’archiers et d’arbalestriers comme en
      navire et en gaiges et despens de marigniers, en hernois et en
      autres frais, missions et despens plusieurs» (_Arch. Nat., sect.
      hist._, JJ{c}, nº 27, fº 55; publiée par M. Kervyn, _Œuvres de
      Froissart_, VIII, 435 et 436). Le 22 avril précédent, Jacques
      de Montmor, chevalier, et Morelet de Montmor, écuyer, frère
      de Jacques, qui jouèrent un rôle important dans l’expédition
      maritime commandée par Owen de Galles, avaient fait montre à
      Harfleur de 125 hommes d’armes, «lesquelz entrèrent en mer en
      plusieurs barges et vaisseaux pour servir le roy de France ou
      faict de la dicte armée» (_Arch. Nat., sect. hist._, J 475, nº
      100{1}). L’auteur de la _Chronique des quatre premiers Valois_,
      le mieux informé de tous les chroniqueurs au sujet de cette
      expédition, dit que la flottille placée sous les ordres d’Owen de
      Galles et des frères de Montmor se composait d’environ 15 barges
      ou gros vaisseaux, non compris les petits navires, et qu’elle
      était montée par 600 hommes d’armes, sans compter les mariniers
      (p. 230). Ces données sont à peu près les mêmes que celles de
      Froissart, qui parle de 3000 combattants.

      [103] Le gardien et capitaine des îles de Jersey, Guernesey, Serk
      et Aurigny était, à la date du 6 septembre 1371 et probablement
      aussi en 1372, Gautier Hewet, ce même chevalier qui guerroyait
      alors en Saintonge (Rymer, III, 922).

      [104] Les habitants de Guernesey furent excités à la résistance
      par les jeunes femmes et les jeunes filles ou _basselettes_
      (diminutif de _basse_, jeune servante, en patois bas-normand)
      de l’île: «Et sachiez que jeunes femmes et les baisselettes des
      dictes ysles avoient en ce printemps de lors fait chapeaulx de
      flours et de violettes et les avoient donnés aux jeunez hommes et
      leur disoient que cil se devoient bien deffendre qui les avoient
      à amies.» Les Guernesiais se battirent si bien que plusieurs
      centaines d’entre eux restèrent sur le champ de bataille; en
      revanche, la garnison du château Cornet fit une sortie où elle
      tua par surprise un certain nombre de gamins de Paris enrôlés
      dans l’expédition lesquels s’étaient couchés et sans doute
      endormis devant un grand feu allumé en vue de la dite forteresse
      (_Chronique des quatre premiers Valois_, p. 230 et 231).

      [105] L’auteur de la _Chronique des quatre premiers Valois_
      rapporte également qu’après une descente à Guernesey la flotte
      française cingla vers les côtes d’Espagne. Les actes originaux
      confirment de point en point la version des deux chroniqueurs.
      On lit, en effet, dans un compte des recettes et dépenses de
      l’expédition arrêté à la date du 23 août 1372, que Jacques de
      Montmor, qui partageait avec Owen de Galles la direction des
      opérations, fit montre «à saint Ander le XXIIe jour de juillet
      CCCLXXII.» (_Arch. Nat._, J 475, nº 100{1}.) On en peut conclure
      que la descente opérée à Guernesey par les Français eut lieu
      sans doute dans le courant de juin 1372, saison qui explique
      les chapeaux de violettes donnés par les Guernésiaises à leurs
      amoureux, et que la flotte placée sous les ordres d’Owen de
      Galles jeta l’ancre devant Santander vers le milieu du mois
      suivant.

A la première nouvelle de la défaite et de la prise du comte de
Pembroke, Édouard III veut envoyer en Guyenne le comte de Salisbury
avec cinq cents hommes d’armes et un égal nombre d’archers, mais
bientôt les arrangements qu’il est amené à conclure avec le duc de
Bretagne[106] l’empêchent de mettre ce projet à exécution.--Pendant
ce temps, la flotte de D. Enrique, ralentie par des vents contraires,
n’arrive à Santander qu’un mois après son départ de la Rochelle; les
Espagnols ont chargé de chaînes leurs prisonniers à la manière des
Allemands. Owen de Galles, débarqué à Santander[107] le matin même du
jour où la flotte espagnole y vient jeter l’ancre, rencontre à l’hôtel
où il est descendu le comte de Pembroke, prisonnier des amiraux D.
Ferrand de Pion et Cabeça de Vaca; il lui adresse des reproches au
sujet de seigneuries que le comte possède dans la principauté de Galles
et dont les rois anglais ont dépouillé Owen après avoir fait périr son
père Edmond de Galles. Un chevalier de la suite du comte de Pembroke,
nommé Thomas de Saint-Aubin, provoque en duel Owen, qui refuse de se
battre avec un prisonnier. Les quatre amiraux espagnols ne tardent pas
à conduire leurs prisonniers à Burgos[108], en Castille, où D. Enrique,
qui avait envoyé au-devant d’eux son fils aîné D. Juan, les accueille
avec une courtoisie vraiment chevaleresque. P. 47 à 49, 302.

      [106] Une ligue offensive et défensive fut alors conclue entre
      Édouard III, roi d’Angleterre, et Jean V, duc de Bretagne et
      comte de Montfort. Cette ligue fut signée dans la chapelle royale
      de Westminster le 19 juillet 1372 (Rymer, III, 953 à 955).
      Par ce traité, Édouard III donnait à son gendre le comté de
      Richmond, s’engageait à envoyer en Bretagne 300 hommes d’armes
      et 300 archers et promettait de livrer au duc la marche d’entre
      Bretagne et Poitou. En retour, si le roi anglais venait en
      personne guerroyer au royaume de France, Jean V devait se joindre
      à l’expédition avec un corps d’armée de 1000 hommes d’armes dont
      chacun recevrait une indemnité annuelle de 160 francs.

      [107] La flotte française, montée par des hommes d’armes dont
      Owen de Galles, Jean de Rye, seigneur de Balançon, Jacques et
      Morelet de Montmor étaient les principaux chefs, avait jeté
      l’ancre dans le port de Santander dès le 19 juillet 1372, comme
      le prouve l’extrait de compte qui suit: «Et par la main messire
      Jehan de Rye à Saint Ander le XIXe jour de juillet CCCLXXII:
      VI{c} XXXVI frans.» Cette flotte n’avait pas encore levé l’ancre
      le 22, puisque à cette date Jacques de Montmor fit montre à
      Santander: «par moustre faite et receue à Saint-Ander le XXIIe
      jour de juillet CCCLXXII.» (_Arch. Nat._, K 475, nº 100{1}.)

      [108] D’après Ayala, D. Enrique se trouvait à Burgos, comme le
      dit Froissart, lorsque le roi de Castille reçut la nouvelle de
      la victoire remportée par sa flotte devant la Rochelle ainsi
      que de la prise du comte de Pembroke: «E el Rey Don Enrique ovo
      grand placer con estas nuevas, _é estovo en Burgos_ fasta que le
      enviaron alli al Conde de Peñabroch é á los Caballeros que con
      él fueron presos.» (_Crónica del Rey D. Enrique Segundo_, dans
      CRÓNICAS DE LOS REYES DE CASTILLA, II, 12). Ayala ajoute que les
      chevaliers faits prisonniers étaient au nombre de soixante-dix;
      outre le comte de Pembroke, le chroniqueur espagnol mentionne le
      seigneur de Poyanne et Guichard d’Angle, maréchal d’Angleterre
      ou plutôt d’Aquitaine. Après avoir été détenu pendant quelque
      temps au château de Curiel, Jean, comte de Pembroke, fut cédé par
      D. Enrique à Du Guesclin en échange des seigneuries de Soria,
      d’Almazan et d’Atienza, dont le connétable avait été gratifié, et
      en déduction d’une somme de 130 000 francs d’or à valoir sur le
      prix de rachat de ces seigneuries. Voy. p. XCVI, note 299.

Les Anglo-Gascons, venus à la Rochelle sous la conduite de Thomas de
Percy et de Jean de Grailly, captal de Buch, confient la garde du
château de la Rochelle à Jean Devereux et se dirigent avec environ
quatre cents lances vers Soubise[109]; dans la région située aux
environs de cette forteresse, ils délogent les Bretons à la solde
du roi de France d’un certain nombre de petites places et d’églises
fortifiées.--Sur les marches de l’Anjou, du Berry et de l’Auvergne se
tient alors un corps d’armée français composé de plus de trois mille
lances sous les ordres de Bertrand du Guesclin[110], connétable de
France, des ducs de Berry et de Bourbon accompagnés du comte d’Alençon,
du dauphin d’Auvergne, de Louis de Sancerre, d’Olivier, seigneur de
Clisson, de Jean, vicomte de Rohan, de Gui, seigneur de Laval, de Jean,
seigneur de Beaumanoir, et d’une foule d’autres grands seigneurs.
Ce corps d’armée s’empare successivement de Montmorillon[111], de
Chauvigny[112] et de Lussac[113]. Une fois maîtres de ces trois places,
les Français contournent Poitiers et viennent mettre le siège devant
le château de Moncontour[114] dont la garnison, composée de soixante
compagnons pleins d’audace et commandée par Jean Cressewell et David
Holegrave, tient sous sa merci les marches d’Anjou et de Touraine. P.
50, 51, 302 à 304.

      [109] Charente-Inférieure, arr. Marennes, c.
      Saint-Agnant-les-Marais.

      [110] Le 14 juin 1372, Bertrand du Guesclin se trouvait sans
      doute à Loches, car ce jour-là Jean, duc de Berry, alors
      de passage à Issoire, chargea Simon Champion, l’un de ses
      chevaucheurs, de porter lettres de sa part à monseigneur le
      connétable de France «à Loches en Thoraine» (_Arch. Nat., sect.
      hist._, KK 251, fº 88 vº).

      [111] Chef-lieu d’arrondissement de la Vienne, sur la Gartempe,
      affluent de la rive gauche de la Creuse, à 49 kilomètres au
      sud-est de Poitiers.

      [112] Vienne, arr. Montmorillon, à 24 kilomètres au nord-ouest
      de cette ville et à 24 kilomètres à l’est de Poitiers. Chauvigny
      n’est point sur la Creuse, comme Froissart le dit par erreur,
      mais sur la Vienne. Le château de Chauvigny appartenait aux
      évêques de Poitiers, et l’évêque était alors Gui de Malsec, qui
      avait succédé en 1371 à Aimeri de Mons et qui fut remplacé en
      1375 par Bertrand de Maumont.

      [113] Lussac-les-Châteaux, Vienne, arr. Montmorillon, sur la
      Vienne, à 20 kilomètres au sud de Chauvigny et à 12 kilomètres à
      l’ouest de Montmorillon.

      [114] La forteresse de Moncontour (Vienne, arr. Loudun), située
      à 45 kilomètres au nord-ouest de Poitiers, avait été prise par
      les Anglais et occupée par Cressewell et Holegrave au mois de
      septembre de l’année précédente. Voy. plus haut, p. XV.

Bertrand du Guesclin, Louis II, duc de Bourbon, Pierre, comte
d’Alençon, et Olivier, seigneur de Clisson, après six jours de siège
pendant lesquels ils ont fait combler les fossés avec des troncs
d’arbres et des fascines, montent à l’assaut de la forteresse. Jean
Cressewell et David Holegrave parviennent à repousser cet assaut;
mais craignant d’être mis à mort par Bertrand, s’ils prolongent la
résistance, ils prennent le parti de se rendre, à la condition d’avoir
la vie sauve et d’emporter l’or ou l’argent qu’ils possèdent. Une
fois maître du château de Moncontour, le connétable de France en fait
réparer les fortifications et y met garnison. P. 51 à 53, 304 et 305.

Jean Devereux, sénéchal de la Rochelle, laisse cette place sous la
garde d’un écuyer nommé Philippot Mansel et va, à la tête de cinquante
lances, renforcer la garnison de Poitiers. Thomas de Percy, sénéchal
de Poitou, quitte également le captal de Buch, en compagnie duquel
il vient de faire une expédition du côté de Soubise, et court avec
une compagnie de cinquante hommes d’armes s’enfermer dans Poitiers.
Après la reddition de Moncontour, Bertrand du Guesclin[115] opère sa
jonction avec Jean, duc de Berry; leurs forces réunies s’élèvent à
quatre mille hommes d’armes. Bertrand et le duc mettent le siège devant
Sainte-Sévère[116], petite place appartenant à Jean Devereux et dont
la garnison a pour chefs Guillaume de Percy, Richard Gilles et Richard
Holme. A cette nouvelle, Jean Devereux et Thomas de Percy quittent
Poitiers pour aller porter secours à la garnison de Sainte-Sévère; en
chemin, ils rencontrent Jean de Grailly, captal de Buch, auquel ils
persuadent d’appeler sous les armes tous les chevaliers et écuyers du
Poitou comme de la Saintonge, pour contraindre les Français à lever le
siège de Sainte-Sévère. Le corps d’armée ainsi réuni se compose de neuf
cents lances et de cinq cents archers, parmi lesquels on remarque le
seigneur de Parthenay, Louis de Harcourt, Hugues de Vivonne, Perceval
de Coulonges, Aimeri de Rochechouart, Jacques de Surgères, Geoffroi
d’Argenton, les seigneurs de Cousan, de Roussillon et de «Crupegnach»,
Jean d’Angle et Guillaume de Montendre. Ce corps d’armée occupe
l’abbaye de Charroux[117], sur les marches du Limousin. P. 53 à 57, 303
à 307.

      [115] Le 9 juillet 1372, Bertrand du Guesclin et Olivier,
      seigneur de Clisson, qui se trouvaient alors à Loudun, à 18
      kilomètres au nord-est de Moncontour, accordèrent une trêve ou
      abstinence de guerre aux prélats, barons, seigneurs et habitants
      du Poitou (_Arch. Nat., sect. hist._, JJ 108, fº 97 vº, nº
      160). Le lendemain 10 juillet, le connétable de France était à
      Chinon d’où il a daté la donation faite à Alain Saisy, écuyer,
      des château, ville et châtellenie de Mortemart (Haute-Vienne,
      arr. Bellac, c. Mézières) en Limousin, confisqués à cause de la
      rébellion d’Aimeri de Rochechouart, chevalier, seigneur du dit
      lieu, et «parce que de fait nous recouvrasmes pour le roy saisine
      du dit fort» (JJ 103, fº 77, nº 141). Une lettre de rémission
      octroyée par Bertrand du Guesclin à Olivier Darien, l’un de
      ses hommes d’armes, ancien partisan de Jean de Montfort et des
      Anglais, est également datée de Chinon en juillet 1372 (JJ 111,
      fº 180 vº, nº 346).

      [116] Indre, arr. la Châtre, sur l’Indre, non loin de la source
      de cette rivière, presque à la limite des départements de l’Indre
      et de la Creuse. Au moyen âge, Sainte-Sévère possédait à la fois
      un château dont le beau donjon cylindrique subsiste encore et des
      fortifications dont il ne reste qu’une porte qui remonte au XIVe
      siècle.

      [117] Vienne, arr. Civray, à 10 kilomètres à l’est de cette
      ville, près de la limite des départements de la Vienne, de la
      Charente et de la Haute-Vienne. Abbaye de Bénédictins au diocèse
      de Poitiers, fondée par Charlemagne en 799. Pierre, dit la
      Plette, abbé de Charroux, camérier du pape Grégoire XI, était
      tout dévoué à Charles V, qui l’admit au nombre de ses conseillers
      par acte daté de son château de Vincennes le 2 août 1372 (_Gallia
      christiana_, II, instrumenta, 349).

Bertrand du Guesclin, connétable, et Louis de Sancerre, maréchal de
France, font donner l’assaut à la forteresse de Sainte-Sévère. Les
ducs de Berry, de Bourbon et le comte dauphin d’Auvergne s’avancent
jusqu’aux fossés de la place et encouragent par leur exemple les
assaillants, parmi lesquels on ne compte pas moins de quarante-neuf
chevaliers bannerets. Guillaume de Percy, Richard Gilles et Richard
Holme, capitaines de la garnison, ignorant que le corps d’armée qui
vient leur apporter du secours est arrivé à moins de dix lieues
de Sainte-Sévère, ouvrent les portes de cette forteresse[118] aux
assiégeants, à la condition qu’on leur laissera la vie sauve. Informé
de l’approche des Anglais, Bertrand tient ses troupes rangées en
bataille jusqu’au soir; mais le captal de Buch, Thomas de Percy et Jean
Devereux, ayant reçu sur ces entrefaites la nouvelle de la reddition de
Sainte-Sévère, jugent inutile d’aller plus avant et jurent de tenir la
campagne jusqu’à ce qu’ils aient réussi à prendre leur revanche. P. 58
à 60, 307.

      [118] Le siège de Sainte-Sévère eut lieu certainement pendant la
      seconde quinzaine de juillet 1372. Le 21 de ce mois, Jean, duc
      de Berry, fit venir du pays d’Auvergne 12 tonneaux de vin «pour
      mener au siège de Sainte-Sévère» (_Arch. Nat._, sect. hist., KK
      251, fº 97). Le 26 juillet, le duc fit fabriquer à Bourges 4000
      viretons garnis de fer pour la même destination (_Ibid._, fº 97).
      Le 29, il donna l’ordre d’amener de Bourges à Sainte-Sévère 12
      tonneaux de vin (_Ibid._). La garnison de Sainte-Sévère avait
      capitulé dès le samedi 31 juillet 1372, puisque ce jour-là Jean,
      duc de Berry, fit allouer 100 sous tournois à un messager à
      cheval nommé Christian de Beaurepaire «pour faire ses frais et
      despens en alent de Sainte Severe à Paris pourter lettres de
      par mon seigneur (le duc de Berry) au roi faisant mencion de la
      prise du dit lieu de Sainte Severe» (_Ibid._, fº 89 vº). Le 2
      août, le duc de Berry envoyait des éclaireurs du côté du fort
      de la Souterraine (Creuse, arr. Guéret, un peu à l’ouest de
      Sainte-Sévère), alors occupé par les Anglais, pour s’enquérir
      des mouvements et des forces de l’ennemi; le 4 et le 5 de
      ce mois, il était encore à Cluis (Indre, arr. la Châtre, c.
      Neuvy-Saint-Sépulcre) et se dirigeait vers Poitiers (_Ibid._, fº
      97 vº).

Les habitants de Poitiers sont divisés en deux partis. Le commun, les
gens d’Église et plusieurs riches bourgeois sont d’avis d’appeler les
Français, tandis que Jean Renaud, maire de la ville, les fonctionnaires
nommés par le prince de Galles et quelques-uns des plus puissants
personnages de la bourgeoisie veulent rester Anglais; les premiers
invitent Du Guesclin à venir prendre possession de Poitiers, promettant
de lui en ouvrir les portes. Le connétable, qui se tient alors en
Limousin, se met à la tête de trois cents hommes d’armes, tous gens
d’élite et bien montés, avec lesquels, en une demi-journée et en
une nuit, il franchit une distance de trente lieues qui le sépare
de Poitiers. Le maire de cette ville adresse, de son côté, un appel
analogue à Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, qui, sur le conseil
du captal de Buch, envoie Jean d’Angle avec une compagnie de cent
lances prêter main-forte au maire ainsi qu’aux bourgeois partisans des
Anglais. Arrivé à une lieue de Poitiers, Jean d’Angle apprend que le
connétable de France a pris possession de cette ville[119] et retourne
vers Thomas de Percy. P. 60 à 62, 307.

      [119] L’erreur capitale de Froissart, en ce qui concerne la
      reddition de Poitiers, est d’avoir prêté à Bertrand du Guesclin
      un rôle non seulement prépondérant, mais tellement exclusif dans
      cette affaire que le duc de Berry n’apparaît même pas dans son
      récit. Deux documents, choisis entre beaucoup d’autres, que nous
      analysons ci-dessous, montreront que le chroniqueur n’a pas été
      renseigné exactement sur ce point. Cette reddition dut avoir lieu
      le samedi 7 août 1372. Cuvelier, dans sa _Chronique rimée de
      Bertrand du Guesclin_, se trompe sur l’année, puisqu’il place cet
      événement en 1370, mais il est bien informé quant au jour de la
      semaine:

          Quant Poitiers se rendi, ce jour fu _samedis_.

                        (Éd. Charrière, II, 269, vers 21 209.)

      Par acte daté de Poitiers le 7 août 1372, le jour même de la
      reddition, Jean, duc de Berry et d’Auvergne, donna à son bien
      amé Alain de Taillecol, dit l’Abbé de Malepaye, écuyer d’écurie
      du roi, «pour services rendus en la présente conqueste du pays
      de Guyenne», les biens sis au pays de Poitou, qui avaient été
      confisqués sur Thomelin Hautebourne, Wille Loing et Wille Halle,
      de la nation d’Angleterre, non obstant que le dit duc eût déjà
      concédé au dit Alain, à titre de rente viagère, 500 livres de
      rente annuelle confisquées sur Guichard d’Angle, chevalier, et
      en toute propriété, 500 livrées de terre à Dompierre en Aunis
      (auj. Dompierre-sur-Mer, arr. et c. la Rochelle), confisquées sur
      messire Jean de Luddan, prêtre anglais, ainsi qu’un hôtel sis
      à la Rochelle pourvu d’un mobilier évalué à 200 livres (_Arch.
      Nat._, JJ 104, nº 131, fº 61). Par un autre acte daté, comme le
      précédent, de Poitiers le dimanche 8 août 1372, le même duc de
      Berry donna à Jean le Page et à Guillaume Regnaut, secrétaires
      de son très cher et bien amé Bertrand du Guesclin, duc de Molina
      et connétable de France, «pour services rendus en la conqueste
      des pays de Guyenne, Poitou et Saintonge», certains manoirs
      et hébergements, estimés valoir 250 livres de rente annuelle,
      qui avaient appartenu à feu Robert de Grantonne, en son vivant
      prêtre, receveur de Poitou pour le prince d’Aquitaine et de
      Galles, ou que le dit feu messire Robert avait achetés au nom de
      Guillaume Yves son neveu, fils de sa sœur (_Ibid._, nº 33, fº
      14). Nous possédons également deux actes de Bertrand du Guesclin,
      duc de Molina et connétable de France, datés de Poitiers le
      lundi 9 août 1372, le premier de ces actes portant donation
      en faveur de Pierre de la Rocherousse, écuyer de Bretagne, de
      biens sis en la vicomté de Limoges confisqués sur feu Jean et
      Aimeri de Bonneval, frères, tous les deux morts, et sur Rouffaut
      de Bonneval, frère de Jean et d’Aimeri, lesquels, après être
      rentrés sous l’obéissance du roi de France, «pour lors que nous
      venismes d’Espaigne», avaient embrassé de nouveau le parti
      anglais (_Ibid._, nº 34, fº 14 vº); le second acte gratifiant un
      autre écuyer breton, Alain Saisy, seigneur de Mortemart, de tous
      les biens «que souloit tenir Aimeri de Rochechouart, chevalier,
      tant en Poitou, Limosin comme en la duchié de Guyenne», biens
      confisqués à cause de la rébellion du dit Aimeri, partisan du
      prince de Galles (_Ibid._, nº 38, fº 16). Sans parler de la date
      de la donation faite à Alain de Taillecol, une autre circonstance
      qui semble bien indiquer que la reddition de la ville de Poitiers
      dut avoir lieu le 7 août, c’est que ce fut le lendemain 8 que
      Jean, duc de Berry, fit partir pour Paris le messager chargé d’en
      apporter la nouvelle à Charles V: «A Mahiet de Cheri, hussier
      de sale Monseigneur (le duc de Berry), pour faire ses frais et
      despens, en alent de Poitiers à Paris porter lettres de par
      Monseigneur au roy, _contenant que la ville de Poitiers s’estoit
      rendue en l’obeissance de Monseigneur. Yci, par son mandement
      donné le huitiesme jour du dit moys_ (août 1372)» (_Arch. Nat._,
      KK 251, fº 89 vº).

Découragés par la nouvelle de la prise de Poitiers, les principaux
chefs qui composent le corps d’armée du captal de Buch estiment que
ce qu’ils ont de mieux à faire, c’est de se séparer afin que chacun
aille tenir garnison dans la forteresse confiée à sa garde; lorsqu’une
occasion favorable se présentera de se remettre en campagne, ils se
le feront savoir les uns aux autres. En attendant, les Poitevins
prennent le chemin de Thouars, les Anglo-Gascons se dirigent vers
Saint-Jean-d’Angely et les Anglais vers Niort. Les manants de cette
dernière ville veulent en refuser l’entrée aux nouveaux arrivants, mais
les Anglais emportent d’assaut la place, qu’ils mettent au pillage
après en avoir massacré les défenseurs. P. 62 à 64.

D. Enrique, roi de Castille, accueille favorablement la demande de
Charles V transmise par Owen de Galles. Par l’ordre de ce prince,
D. Radigo le Roux[120], grand amiral de Castille, réunit une flotte
composée de quarante gros navires, de huit galées et de treize barges,
et va jeter l’ancre devant la ville de la Rochelle qu’il soumet à
un étroit blocus. Le château de cette ville est toujours occupé par
une garnison anglaise, et la crainte de s’exposer aux représailles
de cette garnison empêche seule les bourgeois, qui sont Français de
cœur, de se soumettre au roi de France; ils conviennent avec les
Espagnols de s’abstenir, pendant la durée du blocus, de tout acte
d’hostilité les uns envers les autres.--A peine maître de Poitiers,
Bertrand du Guesclin envoie trois cents hommes d’armes bretons et
picards sous les ordres de Renaud, seigneur de Pons et de Thibaud du
Pont, mettre le siège devant le château de Soubise. La dame de Soubise
fait demander du secours au captal de Buch qui tient alors garnison
à Saint-Jean-d’Angely. Jean de Grailly concentre dans cette dernière
ville des détachements des garnisons anglaises de Saintes, d’Angoulême,
de Niort et de Lusignan pour aller renforcer la dame de Soubise et
obliger le seigneur de Pons à lever le siège de cette place. Informé
de ces préparatifs, Owen de Galles, embarqué sur un des navires de la
flotte espagnole[121] à l’ancre devant la Rochelle, va s’embosser à
l’embouchure de la Charente en face du château de Soubise[122] avec
treize barges montées par quatre cents armures de fer. P. 64 à 67, 307,
308.

      [120] D. Rui Diaz de Rojas.

      [121] Ce détail doit être exact, puisque nous lisons dans
      le _Compte des recettes et dépenses de l’expédition navale
      des frères Jacques et Morelet de Montmor_ que les Espagnols
      prétendirent qu’ils avaient pris part à la capture du captal
      de Buch, «pour obvier au debat des Espaignolz qui à la prise
      du dit captal vouloient participer et reclamer droit» (_Arch.
      Nat._, J 475, nº 100{1}). D’après l’auteur de la _Chronique
      des quatre premiers Valois_, dont le récit paraît émaner d’un
      témoin oculaire, des Espagnols de la compagnie d’Owen de Galles
      figurèrent avec honneur parmi les combattants: «Et moult bien
      se portèrent les Espaingnolz qui en la compaignie de Yvain
      estoient.» _Chronique des quatre premiers Valois_, p. 240.

      [122] Le bourg jadis fortifié de Soubise (Charente-Inférieure,
      arr. Marennes, c. Saint-Agnant) est situé sur la rive gauche de
      la Charente, à peu de distance de l’embouchure de ce fleuve,
      entre Rochefort et la mer.

Le captal de Buch, apprenant que le seigneur de Pons n’a pas plus de
cent lances devant Soubise, renvoie la moitié de ses gens et ne garde
que deux cents lances; il réussit à surprendre les assiégeants, les met
en déroute et fait prisonniers le seigneur de Pons et Thibaud du Pont;
mais il se laisse à son tour surprendre par Owen de Galles, les frères
Jacques et Morelet de Montmor[123], qui taillent en pièces les Anglais.
Le captal de Buch est pris par un écuyer picard de la compagnie d’Owen
de Galles, nommé Pierre d’Auvillers[124], et Thomas de Percy, sénéchal
de Poitou, par le chapelain gallois d’Owen, nommé David House[125].
Henri Hay, sénéchal d’Angoulême, Maurice Wis, homme d’armes de la
garnison de Lusignan, sont également faits prisonniers. Gautier Hewet
et Petiton de Curton, capitaines de Lusignan, Guillaume de Faringdon,
capitaine de Saintes, Jean Cressewell, l’un des capitaines de Niort,
se sauvent à grand’peine au moyen d’une planche que leur jettent les
assiégés pour traverser le fossé et d’une poterne par laquelle ils
parviennent à se réfugier dans la forteresse de Soubise. P. 67 à 69,
308.

      [123] Nous possédons aux Archives Nationales le compte détaillé
      des dépenses de Jacques de Montmor, chevalier, et de Morelet de
      Montmor, écuyer, frère de Jacques, depuis le 2 juillet jusqu’au
      16 décembre 1372: «C’est le compte et parties des sommes de
      deniers que messire Jacques de Monmor, chevalier, et Morelet de
      Monmor, escuier, son frère, demandent, requierent et supplient au
      roy nostre sire estre à eulz paiées et satisfiées et es quelles
      sommes ilz dient et moustrent le dit seigneur estre tenu à eulz,
      tant pour cause des gaiges d’eulz et de certaine quantité de
      gens d’armes, arbalestriers, mariniers et autres, desserviz es
      guerres du roy nostre dit seigneur, par mer et par terre, comme
      deniers par eulz pour cellui seigneur frayez, mis, despendus et
      paiez de leur comptant pour faire en plusieurs manières et pour
      plusieurs causes le plaisir, service, volonté et commandement
      du dit seigneur et de son connestable de France, et meesmement
      par vertu de leurs lettres, c’est assavoir depuis le deuxiesme
      jour de juillet trois cent soixante et douze, que les dessus diz
      frères ou l’un d’eulz commencèrent à servir le dit seigneur pour
      les causes dessus dites, jusques au seiziesme jour de décembre en
      suivant» (_Arch. Nat._, J 475, nº 100{1}).

      [124] D’après l’auteur de la _Chronique des quatre premiers
      Valois_ comme d’après Froissart, le gentilhomme auquel se rendit
      Jean de Grailly, captal de Buch, s’appelait Pierre d’Auvilliers
      ou d’Auvillers. Il appartenait à une famille plutôt normande que
      picarde, ainsi du reste que la plupart des hommes d’armes enrôlés
      dans l’expédition navale d’Owen de Galles, de Jacques et de
      Morelet de Montmor: «_Morelet de Mommor_ ET LES NORMANS, lit-on
      dans la _Chronique des quatre premiers Valois_ (p. 240), avoient
      forcloz les Anglois et tenoient le bout d’une rue.» On avait
      attaqué les Anglais au cri de: Claquin! Notre Dame! Claquin! La
      chronique que nous venons d’indiquer rapporte textuellement les
      paroles qui furent échangées entre Jean de Grailly et Pierre
      d’Auvilliers avant la reddition du captal. Il ne faut pas oublier
      qu’en sa qualité de comte de Longueville Bertrand du Guesclin
      était à la tête de la chevalerie normande.

      [125] Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, fut pris en effet
      par un Gallois, mais ce Gallois ne portait pas le nom indiqué
      par Froissart; il s’appelait en réalité Honvel Flinc. Par acte
      daté du château du Louvre le 10 janvier 1373 (n. st.), Thomas de
      Percy, chevalier d’Angleterre, reconnut qu’il était «prisonnier
      à Honvel Flinc, de Gales, lequel nous avoit pris en la bataille
      qui a esté ceste presente année où nous sommes (la pièce est
      datée de 1372 ancien style) devant la ville de Soubise, ou pais
      de Guienne, en laquelle bataille fut aussi pris par les gens de
      très noble et très puissant prince Charles, par la grâce de Dieu
      roy de France, monseigneur Jehan de Gresly, appellé le captal de
      Buch» (_Arch. Nat._, J 362, nº 2).

Le lendemain de ce combat livré dans la saison d’été, au mois
d’août[126], par une nuit fort obscure et pendant la décroissance de
la lune[127], Owen de Galles fait donner l’assaut au château. La dame
de Soubise consulte les capitaines anglais qui, jugeant la résistance
impossible, se décident à entrer en négociations avec les assiégeants
et se font délivrer des sauf-conduits pour se retirer en Poitou et
en Saintonge. D’après leur conseil, la châtelaine rend sa forteresse
aux vainqueurs et rentre sous l’obéissance du roi de France. Après
ce succès, Owen de Galles, qui ne veut se dessaisir du captal son
prisonnier[128] que sur l’ordre exprès de Charles V, regagne le gros
de la flotte ancrée devant la Rochelle, dont les Français et les
Espagnols continuent le blocus. P. 69 à 71, 308.

      [126] D’après une pièce de comptabilité rédigée au lendemain
      même de l’affaire de Soubise, Jean de Grailly, captal de Buch,
      et Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, auraient été défaits et
      pris le lundi 23 août 1372: «... Depuis le XXIIe jour d’avril
      CCCLXXII après Pasques qu’il reçut par monstre les dictes gens
      à Harefleu _jusques au_ XXIIIe _jour d’aoust ensuivant_ qu’ilz
      furent arrivez en l’isle d’Oleron _et que ce jour le captal de
      Buch, le seneschal de Poitou et le sire de Mareul_ (Renaud,
      seigneur de Mareuil, neveu de Raymond de Mareuil) _furent pris et
      les gens estans en leurs routes desconffiz en la besoingne qui
      lors fu_...» (_Arch. Nat._, J 475, nº 100{1}). Le surlendemain
      25 août, la nouvelle de la prise du captal était parvenue à
      Poitiers, et le duc de Berry, qui depuis la reddition avait
      établi sa résidence dans cette ville, donna l’ordre de payer six
      livres tournois à Simon Champion, l’un de ses chevaucheurs, qu’il
      envoyait à Paris en le chargeant d’apporter cette nouvelle au roi
      son frère: «A Symon Champion, chevaucheur monseigneur, pour faire
      ses fraiz et despens, en alent de Poitiers à Paris porter lettres
      de par monseigneur au roy contenant que _le captal et plusieurs
      autres capitaines anglois ont esté desconffis_.» (_Arch. Nat._,
      KK 251, fº 90 vº). Le jeudi 26 août, Philippe, duc de Bourgogne,
      reçut l’heureuse nouvelle à Chinon, où il donna à cette occasion
      un grand dîner au comte d’Eu ainsi qu’aux principaux chevaliers
      du petit corps d’armée qu’il conduisait lui-même en Poitou
      (_Bibl. Nat., Collect. de Bourgogne_, t. XXI, fº 8 vº). Le
      dimanche 29 août, six jours seulement après l’affaire de Soubise,
      Charles V dépêcha un religieux augustin nommé Frère Jean de
      Montmor vers Jacques et Morelet, frères du dit Jean, pour les
      inviter à remettre entre les mains du roi le captal de Buch leur
      prisonnier. Ce religieux était porteur d’une lettre missive
      revêtue de la signature du royal expéditeur: _Charles_, datée du
      bois de Vincennes et adressée «à noz amez et feaulz Jaques de
      Monmor, chevalier, et Morelet de Monmor, escuier, frères» (_Arch.
      Nat._, J 475, nº 100{6}).

      [127] Ce détail est parfaitement exact et prouve que Froissart
      devait tenir d’un témoin oculaire le récit qu’il nous a transmis
      de l’affaire de Soubise. En effet, pendant le mois d’août 1372,
      il y eut nouvelle lune le 3, premier quartier le 9, pleine lune
      le 16 et dernier quartier le 24 de ce mois. J. P. Escoffier,
      _Calendrier perpétuel_, Périgueux, 1880, p. 25 et 351.--L’auteur
      de la _Chronique des quatre premiers Valois_ rapporte l’affaire
      de Soubise à la nuit du samedi 21 au dimanche 22 août: «Et de
      là alèrent à Soubise, une forte ville, et s’appareillèrent pour
      l’assaillir, _et estoit jour de samedi.... Et lors estoit plus
      minuyt._» _Chron. des quatre premiers Valois_, p. 238, 239.--Owen
      de Galles et les frères de Montmor vinrent attaquer Soubise le
      samedi 21; mais Jean de Grailly, captal de Buch, capitaine de
      Saint-Jean-d’Angely, informé immédiatement de l’attaque des
      Français, n’a pu accourir au secours des assiégés que dans
      l’après-midi du dimanche 22. Le combat de Soubise a donc dû se
      livrer, comme le porte la pièce de comptabilité indiquée plus
      haut, dans la nuit du 22 au 23 août 1372.

      [128] Une querelle très vive ayant surgi entre les Français et
      les Espagnols à l’occasion de la capture de Jean de Grailly,
      les frères de Montmor firent embarquer le captal de Buch et les
      autres prisonniers sur une galiote montée par un équipage de 80
      mariniers et défendue par 20 arbalétriers et les transportèrent,
      dès le 23 août, en pleine mer, dans les eaux de l’île d’Oléron,
      dont les dits frères venaient d’être nommés gouverneurs (_Arch.
      Nat._, J 400, nº 67).

Encouragée par ce succès, une troupe de Bretons et de Poitevins, forte
de cinq cents hommes d’armes et placée sous les ordres de Renaud,
seigneur de Pons, d’Olivier, seigneur de Clisson, de Jean, vicomte de
Rohan, de Gui, seigneur de Laval, de Jean, seigneur de Beaumanoir,
et de Thibaud du Pont, s’empare successivement d’Angoulême[129],
de Saint-Jean-d’Angely[130], de Taillebourg[131], et va mettre le
siège devant la cité de Saintes. Guillaume de Faringdon, sénéchal de
Saintonge, se met en mesure d’opposer une vigoureuse résistance aux
assiégeants; mais les bourgeois de Saintes, sur le conseil de leur
évêque, partisan du roi de France[132], menacent de tuer Guillaume s’il
ne les laisse conclure un arrangement avec les Français; le sénéchal y
consent à la condition qu’on ne le fera point figurer dans l’acte de
capitulation. P. 71 à 73, 308.

      [129] Angoulême se rendit vers le 8 septembre à Geoffroi de la
      Roche et à Raymond de Mareuil auxquels l’Anglais Robin Sely
      livra l’une des tours de la ville (_Arch. Nat._, JJ 104, nº 2).
      Jean, duc de Berry, emprunta quatre livres tournois à Jacquet
      d’Ableiges, son secrétaire, le futur compilateur du _Grand
      coutumier_, pour en faire cadeau à un habitant d’Angoulême
      qui avait apporté au duc cette heureuse nouvelle. «A Jaquet
      d’Ableiges, secretaire de monseigneur (le duc de Berry), qu’il
      avoit presté à mon dit seigneur pour baillier _à un des habitans
      d’Angoulesme, lequel avoit apporté novelles que les habitans
      d’icelle ville se rendoient à monseigneur_, pour faire ses
      despens en soy retournant; yci, par quittance du dit secretaire
      donnée _le_ XXVIIe _jour du dit mois_ (octobre 1372) rendue à
      court: IIII livres tournois.» (_Arch. Nat._, KK 251, fº 91).
      Jean Prevost du Pellegrain, d’Angoulême, receveur de cette ville
      et du pays d’Angoumois, gardien du château de «Thouré», s’étant
      efficacement entremis pour faire ouvrir les portes d’Angoulême
      aux Français, obtint de Charles V des lettres de quittance
      générale datées de Paris le 27 mars 1374 (_Arch. Nat._, JJ 105,
      nº 224, fº 125 vº). Deux ordonnances, la première accordant à
      Angoulême une commune semblable à celle de Saint-Jean-d’Angely
      (_Ordonn._, V, 581 et 582), la seconde octroyant des lettres de
      sauvegarde à l’abbaye de Saint-Cibar, située dans les faubourgs
      d’Angoulême (_Ibid._, 591 et 592), sont datées du mois de janvier
      1373 et sont postérieures d’environ quatre mois à la reddition de
      cette ville au roi de France.

      [130] Saint-Jean-d’Angely ne se rendit aux Français que le lundi
      20 septembre, jour où Jean, duc de Berry, par lettres datées
      «de nostre ville de Saint Jehan d’Angeli», donna à Jean Ysoré,
      seigneur de la Varenne, et à Regnaut Chevin, seigneur de Mauzé,
      chevaliers, les terres confisquées sur Guichard d’Angle, partisan
      des Anglais, dans les sénéchaussées de Poitou, Saintonge et
      Angoumois (_Arch. Nat._, JJ 104, nº 331, fº 137). Philippe, duc
      de Bourgogne, Bertrand du Guesclin, Olivier, seigneur de Clisson,
      se trouvaient devant cette ville au moment de la reddition. «A
      monseigneur (le duc de Bourgogne), tant pour faire sa volenté
      comme pour lui esbattre au jeu des dés, tant au Bourgneuf lez
      la Rochelle comme à Saint Jehan d’Angely, en la compaignie du
      seigneur de Clisson, du connestable du Guesclin et autres.»
      (_Arch. de la Côte-d’Or_, B 1438, fº 19). Voyez la brochure
      intitulée _Campagne de Philippe le Hardi en 1372_, par Ernest
      Petit, p. 10.

      [131] Charente-Inférieure, arr. Saint-Jean-d’Angely, c.
      Saint-Savinien. Par acte daté de Saintes le 24 septembre 1372,
      Jean, duc de Berry, donna à Louis Larchevêque, seigneur de
      Taillebourg, les terres sises depuis le pont de Taillebourg,
      «ainsi comme le cours de l’ayve de la Charante emporte en alant
      envers Xaintes», jusqu’à un fossé près de Bussac (_Arch. Nat._,
      JJ 104, nº 56, fº 26 vº).

      [132] Le prélat, qui occupait alors le siège de Saintes,
      s’appelait Bernard du Sault (_Gallia Christiana_, II, col. 1078).

Le jour même où les vainqueurs font leur entrée dans la cité de
Saintes[133], Guillaume de Faringdon et ses gens prennent le chemin de
Bordeaux. Après s’être reposés trois jours, les Français se dirigent
vers la forteresse de Pons, restée anglaise, quoique Renaud, qui en
est le seigneur, se soit rallié au roi de France, et défendue par une
garnison dont Amanieu du Bourg est capitaine. Cette place se rend
sans résistance sous la seule condition que le capitaine Amanieu et
tous ceux qui voudront rester Anglais pourront se retirer à Bordeaux.
Renaud, seigneur de Pons, qui s’était promis de faire trancher la tête
à soixante de ses gens pour les punir de leur désobéissance, leur
pardonne à la prière du seigneur de Clisson. P. 74, 75, 308.

      [133] Saintes ouvrit ses portes aux Français le vendredi 24
      septembre, puisque la donation, faite par Jean, duc de Berry,
      à Louis Larchevesque, dont nous venons de donner l’analyse,
      est datée de «_nostre_ ville de Xantes, _le_ XXIIIIe _jour de
      septembre_ l’an mil trois cens soixante et douze». Le jour même
      de la reddition, par un autre acte dressé à Saintes à la même
      date que la donation susdite, Simon Burleigh, chevalier anglais,
      se reconnut redevable envers Louis, duc de Bourbon, d’une somme
      de 1000 francs qu’il s’engagea sur la foi de son corps à payer à
      Tours à la mi-carême suivante (_Arch. Nat._, P. 1358{2}, nº 567;
      _Inventaire des titres de Bourbon_, I, 567). Cette somme était
      peut-être, comme nous l’avons supposé naguères (voyez le tome
      VII de cette édition, sommaire, p. XCV, note 286 et p. XCVI),
      une avance faite par le duc de Bourbon à Simon Burleigh comme
      à-compte sur la rançon de la duchesse sa mère, tenue prisonnière
      dans la Tour de Broue (Charente-Inférieure, arr. et c. de
      Marennes, commune de Saint-Sornin), rançon qui avait été réglée
      deux mois auparavant par un traité intervenu le 23 juillet 1372,
      mais en réservant le cas où la dite duchesse serait délivrée
      «par force d’armes». Or, ce cas que l’on avait ainsi prévu se
      produisit, comme l’atteste expressément l’auteur de la _Chronique
      des quatre premiers Valois_ (p. 244). A une date que l’on ne
      saurait fixer avec une précision absolue, mais certainement entre
      le 7 août, date de la reddition de Poitiers, et le 22 du même
      mois, jour où le captal de Buch fut battu et fait prisonnier
      devant Soubise, Louis, duc de Bourbon, puissamment secondé
      par Bertrand du Guesclin, réussit à emporter d’assaut la Tour
      de Broue et délivra ainsi, sans bourse délier, la duchesse
      douairière sa mère.--Au lendemain même de la reddition de
      Saintes, dès le samedi 25 septembre au matin, Philippe, duc de
      Bourgogne, partit de cette ville et s’avança dans la direction
      de Cognac (E. Petit, _Campagne de Philippe le Hardi en 1372_,
      p. 11); mais Jean, duc de Berry, prolongea son séjour dans la
      capitale de la Saintonge au moins jusqu’au mardi 28: «A Pelerin,
      messaigier de madame (la duchesse de Berry) envoié de Xaintes
      à Saint Jehan d’Angeli pourter lettres de monseigneur (le duc
      de Berry) à Ymbaut du Peschin; yci, le dit XXVIIIe jour (de
      septembre 1372), XX sols tournois.» (_Arch. Nat._, KK 251, fº 91).

Les habitants de la Rochelle, qui ont noué des intelligences avec
Owen de Galles et aussi avec Bertrand du Guesclin, dès lors maître de
Poitiers, voudraient bien se tourner français, mais ils sont retenus
par la crainte de la garnison anglaise qui occupe leur château. Pendant
l’absence du capitaine Jean Devereux, parti de la Rochelle pour
répondre à l’appel du maire de Poitiers, cette garnison est commandée
par un écuyer nommé Philippot Mansel[134], homme d’armes d’une grande
bravoure, mais d’une intelligence très bornée. Voici la ruse qu’imagine
Jean Chauderier, maire de la Rochelle[135], pour s’emparer du château
et en expulser les Anglais. Un jour, il invite à dîner Philippot Mansel
et feint pendant le repas d’avoir reçu une lettre du roi d’Angleterre
lui ordonnant de passer en revue les soudoyers de la garnison, qui
sont au nombre de soixante, et de payer leurs gages échus depuis
trois mois. Le lendemain, pendant que le maire passe en revue ces
soudoyers sur une des places de la Rochelle, deux mille bourgeois armés
leur coupent la retraite et se rendent maîtres du château resté sans
défense. Les Anglais sont arrêtés, désarmés et enfermés deux par deux
en divers endroits de la ville. P. 75 à 80, 308.

      [134] Jean Cot et Philippot Manssel étaient les deux principaux
      hommes d’armes de la garnison anglaise de la Rochelle. A la date
      du 12 septembre 1372, après la reddition de cette ville et la
      prise du château, Cot et Manssel étaient les prisonniers du duc
      de Berry, qui fit acheter deux roncins pour les monter. «A Naudon
      de Figac et Geffroy Narron pour deux roussins pris et achatés
      d’eulx, du commandement monseigneur (le duc de Berry), _pour
      monter Jehan Cot et Philippot Manssel, Anglois, prisonniers de
      mon dit seigneur_ (_Arch. Nat._, KK 251, fº 98).

      [135] En 1372, le maire de la Rochelle était non pas Jean
      Chauderier, mais Pierre de Boudré. Au commencement du mois
      d’octobre de cette année, «honorable homme et sage sire Pierre
      de Boudré, maire de la Rochelle», prêta aux frères Jacques et
      Morelet de Montmor une somme de 969 francs d’or destinée à
      l’achat d’un certain nombre de chevaux pour amener à Paris le
      captal de Buch, laquelle somme fut remboursée le 16 novembre
      suivant à Jean Kaint, facteur du dit maire (_Arch. Nat._, J 475,
      nº 100{2}).

Les ducs de Berry, de Bourbon et de Bourgogne, qui s’étaient tenus très
longuement sur les marches de l’Auvergne et du Limousin[136] à la tête
de deux mille lances, lorsqu’ils apprennent que les habitants de la
Rochelle ont chassé les Anglais, se dirigent vers Poitiers, où ils vont
rejoindre le connétable de France. Chemin faisant, ils s’emparent des
châteaux de Saint-Maixent[137], de Melle et de Civray. P. 80, 81, 309.

      [136] Froissart se trompe grossièrement lorsqu’il affirme que
      les trois ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon s’étaient
      tenus «moult longuement» sur les marches de l’Auvergne et du
      Limousin. Le duc de Berry, qui avait fait son entrée à Poitiers
      dès le 7 août, le jour même de la reddition, attendit dans
      cette ville, avant de se remettre en campagne, l’arrivée du
      corps d’armée que lui amenait son frère cadet, Philippe, duc
      de Bourgogne. Parti de Nevers le mercredi 18 août, celui-ci,
      après un trajet de dix jours à travers le Berry et la Touraine,
      n’arriva dans la capitale du Poitou que le samedi 28 au matin,
      le même jour qu’Olivier, seigneur de Clisson, et que Charles
      d’Artois, comte d’Eu. Pendant ce temps, Bertrand du Guesclin et
      Louis, duc de Bourbon, paraissent avoir dirigé les opérations en
      Saintonge, opérations dont les deux principaux résultats furent
      la délivrance de la duchesse de Bourbon et la prise du captal de
      Buch.

      [137] Deux-Sèvres, arr. Niort, entre cette ville et Poitiers. On
      voit par les comptes de Philippe le Hardi, qui sont heureusement
      parvenus jusqu’à nous, que le duc de Bourgogne partit de Poitiers
      le 30 août au matin, dîna et gîta le soir à Sanxay, fit halte le
      31 à la Mothe-Sainte-Heraye (Deux-Sèvres, arr. Melle) et arriva
      le mercredi 1er septembre devant le château de Saint-Maixent.
      Après avoir assisté à la messe dans l’église du lieu à laquelle
      il fit une offrande, le duc attaqua le château, qui ne fut
      emporté que le samedi 4 après quatre jours de siège (E. Petit,
      _Campagne de Philippe le Hardi en 1372_, p. 9). Saint-Maixent
      possédait une antique abbaye dont les religieux avaient mis
      beaucoup d’empressement à faire leur soumission. Pour les
      récompenser, Charles V confirma leurs privilèges par acte en date
      du 26 novembre 1372 (_Ordonn._, V, 545, 546); et dans un autre
      acte octroyé en leur faveur le 27 juillet de l’année suivante
      pour les placer dans le ressort de Chinon substitué à celui de
      Loudun, il est fait mention des services signalés rendus à la
      Couronne de France par Guillaume de Vezençay, qui fut abbé de
      Saint-Maixent de 1363 à 1380 (_Ibid._, 625, 626).

De Poitiers où ils se tiennent[138], les trois ducs de Berry, de
Bourgogne, de Bourbon et le connétable de France envoient des
messagers à la Rochelle s’enquérir des dispositions des bourgeois de
cette ville; ceux-ci font savoir qu’ils sont et seront bons Français,
pourvu que Charles V fasse droit à leurs demandes, mais qu’en attendant
ils prient le duc de Berry et le connétable Bertrand de se tenir et de
tenir leurs gens d’armes éloignés de la Rochelle. Ils envoient douze
d’entre eux à Paris exposer au roi de France leurs conditions; ils
exigent: 1º le rasement du château[139]; 2º la réunion irrévocable
de leur ville au domaine de la Couronne; 3º la création d’un hôtel
des monnaies à la Rochelle; 4º l’exemption de toute taille, gabelle,
louage, subside, aide ou imposition qui n’aurait pas été levée avec
leur assentiment; 5º une sentence du pape les relevant du serment de
fidélité qu’ils avaient prêté au roi d’Angleterre. Charles V, qui
estime que la Rochelle est de toutes les villes de cette partie de
son royaume celle dont la possession lui importe le plus, accorde aux
députés des Rochellais tout ce qu’ils lui demandent[140]; il les comble
même de cadeaux et de joyaux qu’il les charge d’offrir de sa part à
leurs femmes. P. 81 à 83, 309.

      [138] On a vu par ce qui précède que, des trois ducs désignés ici
      par Froissart, le seul qui semble avoir fait un assez long séjour
      à Poitiers avant la reddition de la Rochelle, à savoir du 7 au 29
      août, est Jean, duc de Berry.

      [139] «Charles V ordonna qu’il ne seroit fait ni poursuite ni
      recherche de ceux qui avoient rasé le château aussitôt après
      l’expulsion des Anglois: ce qui prouve que la démolition de
      ce château ne fut point un des articles stipulés, comme nos
      écrivains modernes l’assurent d’après Froissart.» P. Arcère,
      _Hist. de la Rochelle_, I, 260.

      [140] Les habitants de la Rochelle obtinrent en effet, dans les
      quatre ou cinq mois qui suivirent la reddition de cette ville, la
      plupart des avantages énumérés ici par Froissart, à savoir, le 25
      novembre 1372, la création ou plutôt le rétablissement de leur
      hôtel des monnaies (_Ordonn._, V, 543) et le 8 janvier suivant,
      la confirmation de tous leurs anciens privilèges et en outre
      l’octroi de la noblesse aux maire, échevins et conseillers en
      même temps que la remise des droits de franc fief aux non-nobles
      (_Ibid._, 571 à 576).

Les bourgeois de la Rochelle s’empressent de raser leur château[141],
dont ils ne laissent pas pierre sur pierre et dont ils emploient les
débris au pavage de leurs rues; cela fait, ils informent le duc de
Berry qu’ils sont tout prêts à le recevoir au nom du roi de France.
Par l’ordre du duc, Bertrand du Guesclin part de Poitiers avec une
compagnie de cent lances et va prendre possession de la Rochelle[142].
Après cette prise de possession, Radigo le Roux, amiral de Castille, et
ses marins, ayant reçu le payement de leurs gages[143], lèvent l’ancre
et reprennent le chemin de l’Espagne. Quant à Owen de Galles, il se
dirige vers Paris, où il amène au roi le captal de Buch[144]. Charles V
fait le meilleur accueil à Jean de Grailly, qu’il espère attirer dans
son parti; mais le captal reste insensible à ces avances; il offre
seulement de se racheter en payant cinq ou six fois plus que son revenu
annuel. Le roi de France, à son tour, repousse cette offre et tient son
prisonnier enfermé au château du Louvre. P. 83 à 85, 309.

      [141] Par acte daté du mois d’avril 1373, Charles V institua
      Bernard Gautier, bourgeois de la Rochelle, ouvrier du serment
      de France au nouvel hôtel des monnaies qu’il venait d’établir
      dans cette ville, pour le récompenser des services qu’il avait
      rendus «à aidier à bouter hors de nostre chastel du dit lieu les
      Anglois» (_Arch. Nat._, JJ 104, nº 156, fº 70).

      [142] D’après la _Chronique des quatre premiers Valois_,
      plusieurs des hommes d’armes qui avaient l’habitude de combattre
      sous la bannière personnelle de Bertrand du Guesclin prirent
      part au combat de Soubise, où l’on attaqua les Anglo-Gascons
      en poussant le fameux cri de guerre du connétable: «Claquin!
      Notre Dame! Claquin!» D’un autre côté, Cabaret d’Orville, dans
      sa _Chronique du bon duc Loys de Bourbon_, après avoir raconté
      que Bertrand aida le duc de Bourbon à emporter d’assaut la Tour
      de Broue où l’on retenait prisonnière la duchesse douairière de
      Bourbon, mère du duc Louis, ajoute que cette prise de la Tour
      de Broue précéda immédiatement l’affaire de Soubise: «Quant la
      Tour de Brou fut rendue, les gens du duc de Bourbon s’en allèrent
      courre devant Sebise» (édit. Chazaud, 1876, p. 92). La forteresse
      de Soubise et la Tour de Brou ou de Broue, située à seize
      kilomètres au sud de Soubise, commandaient le cours inférieur
      de la Charente et par suite les communications par terre entre
      la Rochelle et Bordeaux. Une fois maître de ces deux points
      stratégiques, Bertrand du Guesclin, après avoir assuré ainsi ses
      derrières, put procéder en toute sécurité à l’investissement de
      la Rochelle par terre en même temps que la flotte des frères
      de Montmor, de Jean de Rye, d’Owen de Galles et des Espagnols,
      ancrée entre les îles de Ré, d’Aix, d’Oléron et le continent,
      bloquait étroitement cette ville par mer (_Ordonn._, V, 567). Ce
      blocus, mis ou du moins resserré et complété après l’occupation
      de Soubise qui eut lieu le 23 août, dura jusqu’à la reddition de
      la Rochelle, c’est-à-dire jusqu’au 8 septembre suivant. Ce fut
      pendant cet intervalle que les Rochellais, s’il en faut croire
      un de leurs historiens, consentirent à payer au connétable une
      somme de cinquante mille livres tournois, à la condition qu’on
      épargnerait leurs maisons et leurs terres (P. Arcère, d’après
      Barbot, _Hist. de la Rochelle_, I, 253). Le rôle actif joué par
      Du Guesclin dans les préliminaires de la reddition de la Rochelle
      est attesté par plusieurs actes, notamment par une donation datée
      du 5 septembre 1372, antérieure par conséquent de trois jours à
      l’entrée des Français dans la capitale de l’Aunis. Cette donation
      de deux maisons, l’une sise à la Rochelle, l’autre à Dompierre en
      Aunis, fut faite par Charles V à un Breton nommé Yvon le Corric,
      qui avait servi le roi «en la compaignie de son amé et feal
      connestable, _pour la bonne diligence qu’il a mis à faire venir
      et tourner la ville de la Rochelle en nostre obeissance_» (_Arch.
      Nat._, JJ 103, nº 287, fº 136). Par un autre acte délivré à la
      Rochelle sous son sceau le 8 septembre, précisément le jour où
      Jean, duc de Berry, prit possession de cette ville au nom du roi
      de France, Du Guesclin lui-même fit don d’une maison sise dans
      la rue de la Blatrie à un bourgeois de la Rochelle appelé Jamet
      du Chesne, originaire de Bretagne, _en remuneracion des services
      faiz par le dit Jamet, en pourchaçant à faire venir et retourner
      de nouvel la ville de la Rochelle en l’obeissance du roy_ (JJ
      104, nº 36, fº 15).

      [143] Ces Espagnols, qui depuis l’affaire de Soubise ne cessaient
      de réclamer le captal de Buch comme leur prisonnier, eurent un
      jour une rixe sanglante avec un certain nombre d’habitants de
      la Rochelle «ou temps que nostre dicte ville (de la Rochelle)
      vint derrenierement en nostre obeissance, lit-on dans une
      lettre de rémission datée de mai 1373, une _très grant noize
      et tumulte soursist entre les gens du navire d’Espaigne et
      aucuns des habitans de nostre dicte ville_, et y eut de part et
      d’autre grant quantité de gens armés tant que aussi comme tous
      les habitans de nostre dicte ville en furent commeuz.» Cette
      rixe éclata peut-être à l’occasion du transfert à la Rochelle
      du captal de Buch et des autres prisonniers revendiqués par les
      Espagnols.

      [144] Le 8 septembre, le captal et les autres personnages de
      marque faits prisonniers à l’affaire de Soubise, que l’on avait
      gardés jusqu’alors à bord d’un navire ancré en vue de l’île
      d’Oléron, furent transférés par l’ordre de Du Guesclin à la
      Rochelle où ils restèrent jusqu’au 6 octobre sous la garde de
      Morelet de Montmor et de 16 autres hommes d’armes; ensuite, on
      les interna dans l’abbaye de Saint-Maixent, où ils séjournèrent
      pendant le reste du mois d’octobre et pendant tout le mois de
      novembre. Au commencement de décembre, ils prirent place dans le
      cortège des ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, lorsque
      ces trois ducs quittèrent le Poitou, en compagnie de Bertrand du
      Guesclin, pour se diriger vers Paris, où ils arrivèrent le 11
      de ce mois (_Arch. Nat._, J 475, nº 100{1} à {7}). «Ce jour de
      samedi xie jour de décembre (1372) retournèrent de la conqueste
      de Poitou, Xantonge et Angoloisme et la Rochelle et entrèrent à
      Paris noz seigneurs les duz de Berry, Bourgoigne et Bourbon et
      plusieurs autres barons et seigneurs en leur compaignie et aussi
      le connestable de France. Et lors Pierret d’Auvillier, escuier,
      amena le captal de Buch, messire Guillaume (lisez: Thomas) de
      Percy et le sire de Mareuil et autres prisonniers gascoins et
      anglois. Le dit Pierret avoit pris en bataille le dit captal,
      etc.» (_Arch. Nat., sect. jud._, X 1470, fº 6).

Les châteaux de Marans, de Surgères, de Fontenay-le-Comte sont toujours
occupés par les Anglais, qui font des incursions jusqu’aux portes de
la Rochelle. Après avoir réuni sous leurs ordres un corps d’armée de
deux mille lances, les ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, le
connétable et les maréchaux de France, Béraud, dauphin d’Auvergne, et
Louis, seigneur de Sully, quittent Poitiers[145] et vont mettre le
siège devant le château de Benon[146]. Guillonet de Pau[147], écuyer
d’honneur du comte de Foix, et un chevalier napolitain connu sous le
nom de «messire Jacques» ont été mis par le captal à la tête de la
garnison de ce château. Les Français livrent sans résultat deux ou
trois assauts. Vers le milieu de la nuit, un détachement de la garnison
anglaise de Surgères[148] tombe à l’improviste dans le camp des
assiégeants et tue un écuyer d’honneur[149] du connétable de France.
Furieux de la mort de cet écuyer, Bertrand du Guesclin emporte d’assaut
le château de Benon, dont il fait passer la garnison au fil de l’épée.
P. 85 à 87, 309.

      [145] Les ducs de Berry, de Bourgogne, de Bourbon et Bertrand du
      Guesclin n’arrivaient pas de Poitiers lorsqu’ils mirent le siège
      devant le château de Benon; ils venaient de prendre possession de
      la Rochelle.

      [146] Le château de Benon (Charente-Inférieure, arr. la
      Rochelle, c. Courçon) commandait la route de la Rochelle à
      Niort par Nuaillé. Les trois ducs et le connétable de France,
      qui arrivaient de la Rochelle ou plutôt du Bourgneuf près de
      la Rochelle, où ils s’étaient tenus avec leurs gens d’armes
      du 5 au 11 septembre, vinrent camper «aux champs devant le
      chastel de Benoin» dans la journée du dimanche 12. Le château
      fut pris le mercredi 15 après trois jours de siège (_Campagne
      de Philippe le Hardi en 1372_, p. 10). Le duc de Berry a daté
      de Benon en septembre 1372 (par conséquent du 12 au 15 de ce
      mois) un acte par lequel il transféra le marché de Bourgneuf en
      Aunis (Charente-Inférieure, arr. la Rochelle, c. la Jarrie) du
      dimanche au samedi, en même temps qu’il établit au dit lieu deux
      foires annuelles fixées au 30 août et à la Sainte-Catherine (25
      novembre), à la supplication de Guillaume Arnaud, commandeur de
      la maison du Bourgneuf de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem,
      «pour consideracion que pour cause des presentes guerres _pour la
      première venue que noz amez et feaulx le connestable de France
      et le sire de Cliçon, qui ou grant nombre de gens d’armes et
      autres en leurs compaignies furent ou dit lieu de Bourgneuf_,
      pour lesquelles choses il dit les biens et facultez de la dite
      maison estre grandement diminués» (_Arch. Nat._, JJ 104, nº 104,
      fº 37 vº; _Ordonn._, V, 606).--Le passage que nous avons souligné
      indique clairement que Bertrand du Guesclin et Olivier, seigneur
      de Clisson, étaient venus camper au Bourgneuf et avaient commencé
      le blocus par terre de la Rochelle avant l’arrivée du duc de
      Bourgogne au même lieu le 5 septembre et des ducs de Berry et de
      Bourbon qui ne rejoignirent Philippe le Hardi, avec lequel ils
      dînèrent, que le lendemain 6 (_Campagne de Philippe le Hardi_, p.
      9).

      [147] Le prénom de cet homme d’armes est tantôt _Guillonet_,
      tantôt _Gui_, tantôt _Guillaume_, car il y a des exemples de ces
      trois formes dans les manuscrits. Le nom même varie et on le
      trouve écrit ici _Pans_, là _Paus_. Comme Froissart donne à ce
      chef de compagnies le titre d’écuyer du comte de Foix, la forme
      de Paus, qui semble indiquer que cet aventurier avait pris le nom
      de la capitale du Béarn, d’où il était sans doute originaire,
      nous a paru mériter la préférence. Ernauton de Pau ou de Paus,
      autre chef de Compagnies, devait appartenir à la même famille que
      Guillonet, quoiqu’il eût embrassé le parti adverse en se mettant
      au service du duc d’Anjou. Cuvelier désigne comme capitaine de
      Benon, non point Guillonet de Pau, mais un Anglais nommé Davy:

          Cappitain y avoit c’on appeloit Davi.

             (_Chronique rimée de B. du Guesclin_, II, 283, vers 21 642.)

      [148] D’après Cuvelier, ce fut un détachement de douze fiers
      compagnons de la garnison de Benon, et non de celle de Surgères,
      qui fit une sortie au milieu de la nuit et opéra la surprise
      meurtrière racontée ici par Froissart (_Ibid._, 285-287, vers 21
      700 à 21 754).

      [149] «Et là perdit le connestable quatre de ses gentilz hommes
      qui gouvernoient tout son faict lesquels estoient en leur lougis
      en leur lit où ils dormoient; si eurent laissé d’aventure l’huis
      ouvert leurs varlets qui jouoient aux dés, et furent tués les
      gentils hommes par ceulx de la garnison de Benon» (Cabaret
      d’Orville, _Chronique du bon duc Loys de Bourbon_, éd. Chazaud,
      p. 91). Ce détail est confirmé par Cuvelier, qui donne le nom
      du plus considérable de ces gentils hommes, celui que Froissart
      qualifie écuyer d’honneur du connétable, Geffroi Payen, et par
      l’_Histoire de la Rochelle_ d’Amos Barbot, qui mentionne outre
      Geffroi Payen, Thomas de la Luzerne et Jean Boterel (_Chron.
      rimée_, éd. Charrière, II, 286 et 287; Amos Barbot, _Hist. de
      la Rochelle_, Saintes, 1886, t. I, p. 204). D’après Cuvelier
      et l’auteur de la _Chronique en prose_, Olivier, seigneur de
      Clisson, furieux de la mort de Geffroi Payen son parent, fendit
      à coups de hache la tête à quinze Anglais de la garnison de
      Benon et mérita ainsi le surnom de _boucher_ que les Anglais lui
      donnèrent depuis lors:

          Englois ne pueent mais, par le corps sainct Benoit,
          S’il appellent _bouchier_ Olivier là endroit.

              (_Chron. rimée_, II, 290, vers 21 852 et 21 853.)

Les Français assiègent ensuite le château de Marans[150], situé à
quatre lieues de la Rochelle et où des Allemands tiennent garnison
sous les ordres d’un certain Wisebare. Ces Allemands, craignant
qu’on ne les traite comme les soudoyers de Benon, s’empressent de
rendre leur forteresse et s’enrôlent au service du roi de France à
la seule condition qu’ils seront payés de leurs gages. Arrivé devant
Surgères[151], le connétable trouve ce château complètement vide; la
garnison s’est enfuie à son approche. Il l’occupe et chevauche vers
Fontenay-le-Comte[152], où la femme[153] de Jean Harpedenne dirige la
résistance. P. 87, 88, 309.

      [150] Charente-Inférieure, arr. la Rochelle. Marans est situé
      à 20 kilomètres environ au nord de cette dernière ville et de
      Benon, sur la rive gauche et à peu de distance de l’embouchure de
      la Sèvre. Par lettres datées de Marans au mois de septembre 1372
      et par mandement spécial adressé à Geffroi Kerimel et à Geffroi
      Budes, chevaliers, Bertrand du Guesclin donna à son bien amé
      écuyer Perrot Maingny les biens meubles et héritages confisqués
      sur Jean Wilale et Henri Abbot, Anglais et ennemis du roi, biens
      situés en la ville et châtellenie de Fontenay-le-Comte (_Arch.
      Nat._, JJ 103, nº 371, fº 178 vº). Il n’est malheureusement pas
      fait mention dans cette charte du quantième du mois; mais comme
      l’itinéraire suivi par Du Guesclin dans la partie méridionale
      de la Saintonge pendant la seconde quinzaine de septembre est
      parfaitement établi et repose sur des actes authentiques,
      l’occupation de Marans par le connétable, si elle n’a pas
      coïncidé avec le siège de Benon, doit remonter aux premiers
      jours de septembre. Après s’être couvert au sud, en occupant,
      dès le 23 août, la forteresse de Soubise qui commandait le cours
      inférieur de la Charente, il est probable qu’un stratégiste aussi
      habile que Du Guesclin, voulant mettre les assiégeants à l’abri
      de toute surprise, aussi bien du côté du nord que du côté du
      midi, reconnut qu’il fallait pour cela réduire préalablement en
      son pouvoir le château de Marans par lequel on était maître du
      cours inférieur de la Sèvre. Si cette hypothèse est fondée, la
      démonstration contre Marans a dû suivre l’affaire de Soubise et
      avoir lieu dans les trois ou quatre premiers jours de septembre.

      [151] Charente-Inférieure, arr. Rochefort-sur-Mer. Un acte émané
      de Du Guesclin (donation à Simon La Grappe, écuyer, huissier
      d’armes du roi, des biens confisqués de Robert de Grantonne,
      prêtre anglais, sis en la châtellenie de Fontenay-le-Comte), dont
      une copie se trouve dans un registre du Trésor des Chartes (JJ
      103, nº 341, fº 167) est daté «devant Surgieres le treziesme jour
      du mois de septembre l’an mil CCCLXXII»; mais comme le connétable
      semble avoir pris part au siège de Benon, qui dura du 12 au
      15, la date de cette donation faite à La Grappe est sans doute
      fautive et peut provenir de l’omission dans l’acte original du V
      de XVIII écrit en chiffres romains. «Le siège de la forteresse de
      Surgères, écrit M. E. Petit d’après les registres des recettes
      et dépenses de Philippe le Hardi (_Campagne de Philippe le
      Hardi_, p. 10) fut fait sans désemparer et dura quatre jours; les
      assiégés firent leur reddition le dimanche 19.»

      [152] Aujourd’hui chef-lieu d’arrondissement du département de la
      Vendée, au nord de la Rochelle et de Niort, à peu près à moitié
      chemin de cette dernière ville et de Luçon.

      [153] Ce ne fut pas Jeanne de Clisson, sœur d’Olivier,
      première femme de Jean Harpedenne, qui présida à la défense de
      Fontenay-le-Comte, ainsi que l’a supposé Benjamin Fillon (_Jean
      Chandos_, Fontenay, 1856, p. 31). En 1372, Jean Harpedenne,
      veuf de Jeanne de Clisson, était déjà remarié à Catherine le
      Senecal, fille de Gui le Senecal, chevalier. Catherine suivit en
      Angleterre son mari expulsé du Poitou après le recouvrement de
      cette province par Charles V; aussi, plus tard, devenue veuve,
      rentrée en France et remariée à un chevalier nommé Étienne
      d’Aventoys, elle se vit dans la nécessité de se faire octroyer
      par Charles VI des lettres de rémission, datées du mois de
      septembre 1390, pour avoir tenu activement le parti d’Édouard
      III et des ennemis du royaume (_Arch. Nat._, JJ 139, nº 95, fº
      113). M. Kervyn de Lettenhove (_Chroniques de Froissart_, XXI,
      526, 527) a dédoublé Jean Harpedenne et l’a confondu avec un fils
      portant le nom de Jean comme son père et issu du premier mariage
      de celui-ci avec Jeanne de Clisson.

Les assiégés ont des vivres et des munitions en abondance, mais
ils savent qu’aucun secours ne peut leur être porté avant trois ou
quatre mois[154]; et comme en outre on les menace de ne leur faire
aucun quartier s’ils prolongent la défense, ils prennent le parti de
se rendre[155]. Le connétable leur permet d’emporter tout ce qu’ils
possèdent et de se retirer avec leur dame à Thouars, où tous les
chevaliers du Poitou, partisans des Anglais, ont cherché un refuge.
Les Français confient la garde de la forteresse de Fontenay-le-Comte à
Renaud «de Lazi»[156] et retournent à Poitiers. P. 88, 89, 309.

      [154] C’est ici qu’aurait dû trouver place le récit des
      opérations qui aboutirent à la reddition de Saint-Jean-d’Angely
      (20 septembre), de Saintes (24 septembre), à une halte devant
      Cognac (26 septembre), à l’occupation d’Aulnay-de-Saintonge (2
      octobre), enfin à une halte devant Niort, du 6 au 8 octobre
      (_Campagne de Philippe le Hardi en 1372_, p. 10 et 11). Comme
      nous l’avons déjà fait remarquer, Froissart ou bien n’a pas connu
      quelques-unes des opérations que nous venons d’indiquer, ou bien
      assigne une date inexacte à celles qu’il mentionne, telles que
      la reddition de Saint-Jean-d’Angely et celle de Saintes, qu’il
      a racontées avant la soumission de la Rochelle, tandis qu’en
      réalité elles sont postérieures d’un certain nombre de jours à ce
      dernier événement.

      [155] Le samedi 9 octobre, Philippe, duc de Bourgogne,
      venant de son campement en vue de Niort, mit le siège devant
      Fontenay-le-Comte. Le jour même de son arrivée, les habitants de
      la ville proprement dite capitulèrent, mais le château résista et
      ne fut enlevé de vive force que le lendemain dimanche (_Ibid._,
      p. 11). En l’absence de Jean Harpedenne, sénéchal de Saintonge,
      châtelain et capitaine de Fontenay-le-Comte, l’homme d’armes
      anglais qui dirigea surtout la résistance du château s’appelait
      Henri Abbot. Abbot était marié depuis environ neuf ans à une
      Française nommée Agnès Forgète, originaire de la Ferté-Milon et
      veuve d’un habitant de Fontenay nommé Mercereau, dont il avait eu
      un fils alors âgé de huit ans. Dès la fin de novembre 1372, un
      mois à peine après la reddition de Fontenay-le-Comte, Agnès se
      fit délivrer à la chancellerie royale des lettres de rémission et
      obtint que ses biens dotaux seraient exceptés de la confiscation
      des meubles et immeubles ayant appartenu à Henri Abbot son second
      mari. Dans ces lettres de rémission, il est fait mention d’un
      acte par lequel Jean, duc de Berry, comte de Poitou, «a donné
      à nostre amé et feal connestable de France la dicte ville et
      chastellerie de Fontenay, et aussi a donné à ses gens et autres
      tous les biens, meubles et heritages que tenoient les Anglois et
      leurs femmes qui demouroient en ycelle ville de Fontenay» (_Arch.
      Nat._, JJ 103, nº 254, fº 128 vº).

      [156] Cet homme d’armes nous est inconnu. Peut-être faut-il lire,
      au lieu de Renaud «de Lazi», Renaud de Larçay (Indre-et-Loire,
      arr. et c. Tours) ou Regnault de Lassay. Le 15 octobre 1372, le
      duc de Berry, qui se trouvait alors aux Herbiers (Vendée, arr.
      la Roche-sur-Yon), fit donner 20 sous tournois à Symonnet, l’un
      de ses chevaucheurs, qu’il envoyait à _Fontenay-le-Comte_ porter
      un message à Jean, comte de Sancerre, l’un de ses conseillers
      (_Arch. Nat._, KK 251, fº 91).

Après s’être reposés quatre jours à Poitiers, les seigneurs de France
vont mettre le siège devant Thouars[157] avec trois mille lances,
chevaliers et écuyers, et quatre mille fantassins y compris les
Génois. La place est trop forte et trop bien défendue pour être prise
d’assaut; aussi, les assiégeants se contentent de la bloquer, espérant
en avoir raison par la famine. Les principaux défenseurs de Thouars
sont Louis de Harcourt[158], le seigneur de Parthenay[159], le seigneur
de Thors[160], Hugues de Vivonne, Aimeri de Rochechouart, Perceval
de Coulonges, Regnault de Thouars, le seigneur de Roussillon[161],
Guillaume de «Crupegnach[162]», Geoffroi d’Argenton, Jacques de
Surgères, Jean d’Angle, Guillaume de Montendre et Mauburni de
Lignières. D’après le conseil de Perceval de Coulonges, les assiégés
concluent, après quinze jours de pourparlers, une trêve avec les
assiégeants. En vertu de cette trêve qui doit durer jusqu’au jour
Saint-Michel[163] suivant, les défenseurs de Thouars s’engagent à
rendre cette place et à se mettre en l’obéissance du roi de France
si Édouard III ou l’un de ses fils ne vient pas dans l’intervalle
contraindre les Français à lever le siège. En prévision de cette
éventualité, Charles V profite de la trêve pour envoyer des renforts
considérables aux assiégeants. P. 89 à 93, 310.

      [157] Deux-Sèvres, arr. Bressuire.

      [158] Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault.

      [159] Guillaume VII Larchevêque (voyez _Histoire de la ville de
      Parthenay_, par Bélisaire Ledain. Paris, 1858, p. 193).

      [160] Regnault de Vivonne, seigneur de Thors, fils de Savari de
      Vivonne et de Marie Chasteignier, marié à Catherine d’Ancenis.
      Thors fait partie aujourd’hui de la Charente-Inférieure, arr.
      Saint-Jean-d’Angely, c. Matha.

      [161] Ce seigneur de Roussillon, auquel Froissart donne le
      prénom de Geoffroi dans son récit de la bataille de Cocherel,
      est toujours désigné par le chroniqueur comme un chevalier
      poitevin. Un ancien fief de Roussillon, aujourd’hui hameau d’une
      centaine d’habitants, fait partie du territoire de la commune de
      Vaux-en-Couhé (Vienne, arr. Civray, c. Couhé). Roussillon est
      aussi un hameau de Charmé (Charente, arr. Ruffec, c. Aigre).

      [162] Guillaume de «Crupegnac» paraît être une mauvaise leçon
      pour Guillaume de Rouffignac (Charente-Inférieure, arr. Jonzac,
      c. Montendre).

      [163] Froissart se trompe ici très gravement et a entraîné dans
      son erreur la plupart des auteurs d’histoires générales ou
      locales. Ce chroniqueur se trompe sur deux points principaux:
      1º La trêve à laquelle il fait ici allusion ne fut pas signée
      devant Thouars; 2º cette trêve ne devait pas prendre fin le
      jour Saint-Michel, c’est-à-dire le 29 septembre 1372. Cette
      dernière erreur a conduit les érudits, qui se sont fourvoyés
      sur cette question à la suite de Froissart, à assigner une date
      inexacte à la conclusion de la trêve et partant au siège même
      de Thouars. Comme la clause la plus importante de cette trêve
      prévoit l’éventualité d’une armée de secours amenée devant
      la place assiégée par Édouard III ou par le prince de Galles
      avant l’expiration fixée par erreur au 29 septembre, trois
      mois n’étant pas de trop pour informer le roi d’Angleterre et
      lui donner le temps de réunir des forces suffisantes, de les
      transporter sur le continent et de les amener au lieu convenu,
      on en avait conclu qu’un traité portant une stipulation de ce
      genre n’avait pu être signé que dans le courant du mois de juin
      précédent; en conséquence, on avait reculé de trois mois la
      date du siège mis par les Français devant Thouars. En réalité,
      la convention dont il s’agit fut signée devant Surgères le
      samedi 18 septembre, la veille même de la reddition de cette
      place. Aux termes de cet acte qu’il suffira de résumer ici pour
      en faire comprendre la haute importance, une trêve qui devait
      durer jusqu’à la Saint-André, c’est-à-dire jusqu’au 30 novembre
      1372, était conclue entre Jean, duc de Berry et d’Auvergne,
      comte de Poitou et de Mâconnais, d’Angoulême et de Saintonge,
      lieutenant du roi de France ès dits pays, les sujets, soumis
      et alliés du dit roi, d’une part, deux prélats et un certain
      nombre de nobles traitant au nom de tous les habitants du Poitou,
      sujets du roi d’Angleterre, d’autre part. L’article principal
      de cette convention portait que si, le jour Saint-André ou le
      30 novembre suivant, le roi d’Angleterre ou son fils le prince
      de Galles ne se trouvait pas devant Thouars à la tête de forces
      assez considérables pour obliger les Français à lever le siège
      de cette place, les signataires de la convention, leurs sujets,
      alliés, hoirs et successeurs feraient leur soumission dès le
      lendemain et rentreraient en l’obéissance du roi de France (Voy.
      le texte du traité de Surgères, nº I de l’Appendice, p. CLV à
      CLIX; _Grandes Chroniques_, éd. P. Paris, VI, 336, 337). «Au jour
      emprins et accordé vindrent à toute puissance devant Touars, de
      par le roy de France, les ducs de Berry et de Bourgoigne ses
      frères, qui la journée se tindrent sur les champs en bataille
      ordennée et à banieres desploiées jusques au vespres. A laquelle
      heure vint pardevers nos seigneurs la vicomtesse (Pernelle,
      vicontesse de Thouars), acompaignée de nobles barons et dames,
      qui en l’obeissance du roy et d’eulx mist sa seigneurie. Et au
      giste vint avec eulx à Lodun, auquel lieu elle fist hommage lige
      de sa viconté, avec serement de loyauté au duc de Berri duquel
      est tenue la dicte viconté à cause de sa conté de Poitou. Et
      ainsi fut la conté acquise sur les Anglois par leur orgueil et
      desloyauté.» (Chron. publiée par Secousse, _Recueil de pièces sur
      Charles II, roy de Navarre_, p. 651.)

Les seigneurs poitevins enfermés dans Thouars dépêchent des messagers
en Angleterre pour solliciter l’envoi d’une armée de secours. Édouard
III s’empresse de réunir cette armée[164] dont Édouard, prince de
Galles, veut faire partie malgré le mauvais état de sa santé, et qui
s’élève à quatre mille hommes d’armes et à dix mille archers. Le roi
anglais, prévoyant le cas où il viendrait à mourir pendant le cours de
l’expédition, institue son héritier Richard[165], fils aîné du prince
de Galles, et fait jurer à ses trois fils, Jean, duc de Lancastre[166],
Edmond[167] et Thomas[168], de le reconnaître comme tel. Il s’embarque
à Southampton[169], où il a réuni une flotte de quatre cents vaisseaux
pour le transport de ses troupes, et cingle vers les côtes de
Poitou; mais des vents contraires le retiennent sur mer pendant neuf
semaines[170] et soufflent avec une telle violence qu’il ne peut
aborder ni en Poitou, ni en Rochellois[171], ni en Saintonge. Le terme
de Saint-Michel fixé pour l’expiration de la trêve[172] vient à échoir
sur ces entrefaites, et force est à Édouard III de regagner les côtes
d’Angleterre sans avoir porté le moindre secours à ses gens d’armes
assiégés dans Thouars[173]. A peine les Anglais sont-ils descendus de
leurs vaisseaux qu’un vent favorable commence à souffler[174] et permet
à deux cents navires qui vont charger des vins en Guyenne d’entrer dans
le havre de Bordeaux, et l’on en conclut que Dieu favorise le roi de
France. P. 93 à 96, 310.

      [164] Dès le 11 août, Édouard III, qui venait d’apprendre les
      premières opérations des Français sur les marches du Poitou,
      écrivit à tous les prélats de l’Angleterre pour leur demander
      des processions, des prières et se plaindre de l’invasion de
      ses possessions par les forces réunies des rois de France et
      de Castille (Rymer, III, 960). Dans un mandement en date du 23
      août, le roi d’Angleterre annonça son projet de passer sur le
      continent (_Ibid._, 961). Le lundi 30 du même mois, il s’embarqua
      à Sandwich sur un navire appelé _la Grâce de Dieu_ (_Ibid._, 962).

      [165] L’ordonnance par laquelle Édouard III institua le jeune
      Richard, fils d’Édouard prince de Galles, gardien du royaume
      d’Angleterre pendant son absence, est datée de Sandwich le mardi
      31 août (_Ibid._).

      [166] Jean, duc de Lancastre, qui s’intitulait roi de Castille et
      de Léon à cause de son mariage avec la fille aînée de D. Pèdre,
      était monté sur le même navire qu’Édouard III son père.

      [167] Edmond, comte de Cambridge et ensuite duc d’York.

      [168] Thomas de Woodstock, duc de Buckingham et ensuite de
      Gloucester.

      [169] On vient de voir que l’embarquement eut lieu, non à
      Southampton, mais à Sandwich.

      [170] Embarqué à Sandwich dès le 30 août, Édouard III dut mettre
      à la voile dans les premiers jours de septembre; il était rentré
      au palais de Westminster le 28 octobre suivant (_Ibid._, 963).

      [171] Le but spécial de cette expédition navale était, en effet,
      de débloquer la Rochelle et d’obliger les Français à lever le
      siège de cette ville (_Thomæ Walsingham, Historia anglicana_, éd.
      Riley, 1863, I, 315). Il en faut conclure que le blocus de cette
      place par mer et sans doute aussi par terre avait dû commencer
      dès le milieu du mois d’août 1372.

      [172] La trêve expirait le 30 novembre, ainsi que nous l’avons
      établi plus haut, non le 29 septembre.

      [173] La pensée ou du moins la pensée première d’Édouard III,
      lorsqu’il avait mis à la voile au commencement du mois d’août,
      avait été de porter secours aux bourgeois de la Rochelle et non
      aux gens d’armes enfermés dans Thouars. Le prince de Galles,
      malgré son état maladif, avait voulu accompagner son père dans
      cette expédition navale qui avorta si misérablement après avoir
      coûté au trésor anglais plus de neuf cent mille livres.

      [174] «Post cujus reditum, dit Thomas Walsingham en parlant du
      retour en Angleterre d’Édouard III après son expédition navale
      manquée, statim ventus ad partes oppositas se convertit» (_Hist.
      angl._, p. 315).

Informé des conditions de la trêve et du message transmis au roi son
maître par les Poitevins assiégés dans Thouars, Thomas de Felton,
sénéchal de Bordeaux[175], s’empresse de réunir, de son côté, un
petit corps d’armée pour leur porter secours. En passant par Niort,
ce corps d’armée se grossit d’une partie des hommes d’armes de la
garnison de cette place et aussi de quelques seigneurs tels que
Aimeri de Rochechouart, Geoffroi d’Argenton, Mauburni de Lignières
et Guillaume de Montendre, qui ont mieux aimé quitter Thouars que de
signer la trêve conclue avec les assiégeants. Thomas de Felton se
trouve ainsi à la tête de douze cents lances et n’attend que l’arrivée
d’Édouard III pour joindre ses forces à celles du roi d’Angleterre.
Charles V, qui n’ignore pas les préparatifs des Anglais, a mis sur
pied, pour tenir tête à ses adversaires, une armée considérable où
l’on ne compte pas moins de quinze mille hommes d’armes et de trente
mille fantassins[176]. Il n’en éprouve pas moins la joie la plus vive
lorsqu’il apprend que le terme de la Saint-Michel est échu et la trêve
expirée sans que l’on ait eu des nouvelles du roi d’Angleterre. P. 96 à
98, 310, 311.

      [175] La qualité donnée ici à Thomas de Felton n’est pas formulée
      d’une manière tout à fait exacte. Ce chevalier portait en réalité
      le titre de sénéchal, non de Bordeaux, mais d’Aquitaine ou de
      Gascogne.

      [176] Toute la puissance du roi fut assemblée devant Thouars pour
      consommer le traité fait devant Surgères le dix-huit septembre,
      «tout le jour de saint André (30 novembre), l’an mil trois cens
      soixante et douze» (Voy. p. CLV. Cf. _Arch. Nat._, P 1334{2}, fº
      26).--Le rédacteur des _Grandes Chroniques de France_ (VI, 336)
      évalue à trois mille le nombre des gens d’armes français réunis
      devant Thouars le 30 novembre 1372.

Les douze cents Anglais et Anglo-Gascons, rassemblés à Niort, voyant
approcher le terme de Saint-Michel sans qu’il arrive aucun renfort du
roi d’Angleterre ou de l’un de ses fils, proposent aux gentilshommes
assiégés dans Thouars de faire une sortie pour se joindre à eux et
offrir la bataille aux Français. Le seigneur de Parthenay est d’avis
d’accepter cette proposition et déclare que son intention est de rester
attaché, quoi qu’il arrive, au parti anglais; mais les seigneurs de
Poyanne et de Tonnay-Boutonne parviennent à le convaincre que l’on ne
peut accepter l’offre transmise par les messagers envoyés de Niort et
que l’honneur commande aux assiégés de tenir les engagements pris avec
les Français. C’est pourquoi, au terme fixé, les seigneurs poitevins de
la garnison de Thouars invitent les ducs de Berry, de Bourgogne et de
Bourbon ainsi que le connétable de France à venir prendre possession de
la forteresse qu’ils occupent et se remettent sous l’obéissance du roi
de France[177]. P. 98 à 101, 311.

      [177] «Et le landemain (de la Saint-André 30 novembre 1372) fut
      redducé et remis le dit duchié de Guyenne à la dicte obeissance
      du roy, _à Loudun, en l’église des Frères Meneurs_.» (Voy. le nº
      I de l’Appendice, p. CLV).--Le mercredi 1er décembre, toutes les
      forces réunies du duc de Bourgogne, du duc de Lorraine, du comte
      de la Marche, du vicomte de Rohan étaient encore «aux champs
      devant Thouars». Le soir, la place était en leur puissance. Des
      lettres, annonçant cette heureuse nouvelle, furent aussitôt
      adressées à Charles V. (Voy. l’extrait de chronique cité en
      note, p. LII.) Ce mercredi 1er décembre fut donc marqué par deux
      faits, l’un militaire, l’autre féodal, aussi importants l’un que
      l’autre. Le fait militaire fut la reddition de la forteresse de
      Thouars aux gens d’armes du roi de France. Le fait féodal, qui
      eut pour théâtre l’église des Frères Mineurs de Loudun, fut une
      prestation de foi et hommage solennelle faite au roi de France
      par les seigneurs qui avaient signé la trêve ou convention du 18
      septembre précédent. Cette prestation de foi et hommage fut reçue
      au nom de Charles V par Jean, duc de Berry, et par Bertrand du
      Guesclin, connétable de France. Mais ces seigneurs et notamment
      le plus considérable d’entre eux, Louis de Harcourt, vicomte de
      Châtellerault, ne firent leur soumission et ne prêtèrent serment
      de fidélité que sous certaines conditions. Louis de Harcourt, par
      exemple, avait eu soin de se faire promettre l’usufruit de la
      vicomté de Saint-Sauveur (Manche, arr. Valognes), et cela dès le
      commencement du mois de novembre 1372, puisque la ratification
      par Charles V de cette promesse est datée du 20 de ce mois
      (_Arch. Nat._, J 211, nº 39; Delisle, _Hist. de Saint-Sauveur_,
      p. 206, 207). Par un traité daté de Loudun le 1er décembre,
      le jour même où la prestation de foi et hommage eut lieu dans
      cette ville, le duc et le connétable s’engagèrent au nom du
      roi à faire entrer le vicomte de Châtellerault en jouissance
      du château de Saint-Sauveur, aussitôt que cette place aurait
      été recouvrée sur les Anglais par force ou autrement (_Arch.
      Nat._, J 211, nº 41; Delisle, _Hist. de Saint-Sauveur_, p. 207,
      208). Nous voyons même par un mandement de Charles V en date du
      8 janvier 1373 (n. st.) que Louis de Harcourt avait poussé la
      prévoyance jusqu’à se réserver les rançons ou «appâtis», comme
      on disait alors, levés sur un certain nombre de paroisses du
      Poitou à cause de ses châteaux de Châtellerault, de Gironde (auj.
      hameau de Saint-Genest-d’Ambière, Vienne, arr. Châtellerault,
      c. Lencloître) et de la Touche (auj. château de Marnay, Vienne,
      arr. Poitiers, c. Vivonne), levés, disons-nous, sur ces paroisses
      avant le 30 novembre 1372 (_Arch. Nat._, P 1334{1}, fº 24).--Par
      acte daté de Paris le 15 décembre suivant, Charles V confirma le
      traité et accord conclu par Jean, duc de Berry, Philippe, duc de
      Bourgogne, Bertrand du Guesclin, connétable de France, Olivier,
      seigneur de Clisson, avec les prélats, gens d’église, barons,
      seigneurs et dames des pays de Poitou et de Saintonge (_Arch.
      Nat._, J 241, nº 40; JJ 103, nº 361, fº 174; Hay du Chastelet,
      _Hist. de B. du Guesclin_, p. 437 à 439; _Ordonn._, V, 557, 558).
      En vertu de ce même acte, confirmant les dits pays dans les
      libertés et franchises dont ils jouissaient au temps de Louis
      IX et d’Alphonse de Poitiers, et portant amnistie générale en
      faveur de tous les habitants, nobles ou autres, Charles V déclara
      les comtés de Saintonge et d’Angoulême réunis à perpétuité à la
      couronne de France, tandis qu’au contraire il concéda le comté
      de Poitou, à titre d’apanage, à son frère Jean, duc de Berry. Un
      acte spécial en date du 19 décembre confirma cette concession à
      titre d’apanage du comté de Poitou, à la condition toutefois que
      Jean rendrait le comté de Mâcon dont il était investi (_Arch.
      Nat._, mémorial D de la Chambre des Comptes, fº 133; Blanchard,
      _Compilation chronologique_, col. 160).

Toutes les places du Poitou reconnaissent l’autorité du roi de France,
sauf Niort, Chizé[178], Mortagne[179], Mortemer[180], Lusignan[181],
Château-Larcher[182], la Roche-sur-Yon, Gençay[183], la Tour de
Broue[184], Merpins[185], Dienné[186]. Après la prise de possession
de Thouars, les ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon se dirigent
vers Paris, et le connétable de France retourne à Poitiers[187].
Quant à Olivier, seigneur de Clisson, il va mettre le siège devant
Mortagne[188] avec tous les hommes d’armes bretons de sa compagnie.
Un écuyer anglais nommé Jacques Clerch, capitaine de la garnison de
Mortagne, envoie demander du secours aux Anglais et aux Anglo-Gascons
qui tiennent garnison à Niort. Ceux-ci répondent à l’appel de Jacques
par l’envoi d’un détachement de cinq cents lances; mais Olivier,
averti à temps par un de ses espions, lève précipitamment le siège et
regagne Poitiers, laissant entre les mains de l’ennemi son matériel de
campement et ses provisions qui servent à ravitailler la garnison de
Mortagne. P. 101 à 103, 311.

      [178] Deux-Sèvres, arr. Melle, c. Brioux.

      [179] Mortagne-sur-Sèvre, Vendée, arr. la Roche-sur-Yon.

      [180] Vienne, arr. Montmorillon, c. Lussac.

      [181] Vienne, arr. Poitiers.

      [182] Vienne, arr. Poitiers, c. Vivonne.

      [183] Vienne, arr. Civray.

      [184] D’après Cabaret d’Orville, l’occupation par les
      Français de la Tour de Broue (auj. hameau de Saint-Sornin,
      Charente-Inférieure, arr. et c. Marennes) aurait précédé la
      prise du captal de Buch ainsi que la reddition de Soubise et
      serait par conséquent antérieure au 23 août 1372 (_Chronique du
      bon duc Loys de Bourbon_, éd. Chazaud, p. 92). Au contraire,
      l’auteur de la _Chronique des quatre premiers Valois_ (p. 244)
      place cet événement, ou du moins la délivrance de la duchesse de
      Bourbon enfermée dans la Tour de Broue, en 1373. Il faut donner
      la préférence au témoignage de Cabaret d’Orville, puisque nous
      possédons un acte daté du 23 juillet 1372, par lequel Simon
      Burleigh et Nicolas Dagworth prennent l’engagement de délivrer
      la duchesse de captivité et de la remettre aux mains du duc de
      Bourbon son fils, au plus tard le 1er novembre suivant (_Arch.
      Nat._, P 1358{1}, nº 504; Huillard-Bréholles, _Titres de la
      maison ducale de Bourbon_, I, 565, 566), sauf toutefois le cas où
      la dite duchesse serait reprise auparavant «par force d’armes».
      Lorsque Cabaret d’Orville et l’auteur de la _Chronique des
      quatre premiers Valois_ affirment que la duchesse douairière de
      Bourbon dut sa mise en liberté à ce dernier mode de délivrance,
      il y a d’autant plus lieu d’ajouter foi au témoignage de ces
      deux chroniqueurs que le duc de Bourbon, fils de la princesse
      prisonnière, qui prit part depuis le commencement jusqu’à la fin
      à toutes les opérations de la campagne, aurait gravement démérité
      au point de vue de l’honneur chevaleresque et encouru le reproche
      de félonie si, dès le début de cette campagne, il n’avait pas
      fait tous ses efforts pour enlever la Tour de Broue et reprendre
      ainsi de haute lutte la duchesse sa mère aux aventuriers qui
      la détenaient. D’un autre côté, comme Simon Burleigh, par acte
      daté de Saintes le 24 septembre 1372, se reconnaît redevable
      d’une somme de 1000 francs d’or envers le duc de Bourbon (_Arch.
      Nat._, P 1358{2}, nº 567; Huillard-Bréholles, _Titres_, etc., I,
      567), il se peut que cette somme représente ou bien une partie
      de la rançon de ce chevalier fait prisonnier en défendant la
      Tour, ou bien le remboursement d’un acompte déjà payé par le duc
      sur la rançon de sa mère, acompte qui devait donner lieu à une
      restitution, si, comme nous le supposons, Isabelle avait été déjà
      à cette date reprise par force d’armes. Enfin, il résulte d’un
      article de compte que, le 20 mai 1373, Owen de Galles occupait
      pour le roi de France la Tour de Broue (_Arch. Nat._, KK 251,
      fº 95 vº). Cette mention, rapprochée de ce que l’on sait par la
      _Chronique des quatre premiers Valois_ du rôle décisif joué par
      ce même Owen de Galles dans l’affaire de la prise du captal de
      Buch, donne lieu de croire que les deux forteresses de Soubise
      et de la Tour de Broue, très rapprochées d’ailleurs l’une de
      l’autre, ont dû être recouvrées à peu près en même temps par les
      Français, c’est-à-dire à la fin du mois d’août 1372.

      [185] Charente, arr. et c. Cognac.

      [186] Vienne, arr. Poitiers, c. la Villedieu.

      [187] Ainsi que les trois ducs de Berry, de Bourgogne et de
      Bourbon dont Froissart a tort de le séparer ici, Du Guesclin,
      après la reddition de Thouars et la soumission des principaux
      seigneurs poitevins, se dirigea vers Paris où il fit son entrée
      le 11 décembre 1372, ayant dans son cortège les deux prisonniers
      anglais les plus importants, le captal de Buch et Thomas de
      Percy. Voy. plus haut, p. XLVI, note 2.

      [188] A la date du 31 août 1373, Mortagne était encore au pouvoir
      des Anglais, comme le prouve l’article de compte suivant: «A
      Berry le heraut pour faire ses fraiz et despens, _en alent
      de Poitiers à Mortaigne convoier une quantité d’Anglois_, du
      commandement de monseigneur (le duc de Berry), yci, par quittance
      donnée le darrain jour d’aoust (1373) rendue à court: XL sols.»
      (_Arch. Nat._, KK 251, fº 128).

Aux approches de l’hiver, les Anglais ou Anglo-Gascons qui étaient
venus à Niort pour essayer de faire lever le siège de Thouars,
prennent le parti de retourner à Bordeaux; chemin faisant, ils
mettent au pillage les possessions du seigneur de Parthenay. Jean
Devereux, chevalier anglais, Jean Cressewell et Daghori Seys
continuent de tenir garnison à Niort,--Robert Grenacre, chevalier
anglais, à la Roche-sur-Yon,--Thomas de Saint-Quentin, à Lusignan,--la
dame de Mortemer, à Mortemer,--Jacques Taylor, écuyer anglais, à
Gençay,--Robert Morton et Martin Scott à Chizé. Ces capitaines font des
courses de côté et d’autre et rançonnent tellement le plat pays qu’ils
font place nette partout où ils passent. Bertrand du Guesclin, qui se
tient à Poitiers pendant tout cet hiver, n’attend que le retour de la
belle saison pour faire rendre gorge aux Anglais et les expulser des
places qui leur restent. P. 104, 311.

Jean de Montfort, duc de Bretagne, fait de vains efforts pour attirer
les prélats, les barons et les bonnes villes de son duché dans le
parti du roi d’Angleterre[189]; celui-ci envoie quatre cents hommes
d’armes et quatre cents archers tenir garnison à Saint-Mathieu[190] en
Bretagne. P. 104 à 107, 311.

      [189] «Et celle saison (pendant les deux derniers mois de 1372),
      le roy de France envoia plusieurs fois messaiges grans et
      notables par devers le duc de Bretaigne que l’en sentoit moult
      favorable aux Anglois, et le fist le roy par plusieurs fois
      requerir que il feist son devoir vers luy, si comme tenu y estoit
      comme vassal et homme lige du roy et pair de France et que il ne
      voulsist souffrir les Anglois entrer en son pais de Bretaigne ne
      les conforter en aucune maniere: lequel duc respondoit toujours
      que ainsi le feroit.» (_Grandes Chroniques de France_, VI,
      337.)--Au commencement de novembre 1372, Jean, duc de Berry,
      fit un voyage en Bretagne où le roi de France son frère l’avait
      chargé sans doute d’une mission diplomatique. Le 9 de ce mois, il
      était à Rennes d’où il envoya Guillaume Mauvinet, chevalier, l’un
      de ses chambellans, à Paris «devers le roi» (_Arch. Nat._, KK
      251, fº 99 vº).

      [190] Saint-Mathieu, surnommé par les Bretons Loc Mazé Pen ar Bed
      ou la Cellule de Saint-Mathieu Fin de Terre, est aujourd’hui un
      simple écart de la commune de Plougonvelin, située à l’extrémité
      occidentale du département du Finistère. D’après une légende,
      c’est l’endroit où aurait été débarqué le chef de saint Mathieu
      apporté d’Éthiopie par des navigateurs du Léon et où saint Tanguy
      fonda un monastère à l’époque mérovingienne. En réalité, l’envoi
      fait par Édouard III au duc de Bretagne fut seulement de 300
      hommes d’armes et de 300 archers, et non de 400. Voy. plus haut,
      p. XXX, en note.

Au retour de la belle saison, Bertrand du Guesclin[191] met le siège
devant Chizé[192]. Robert Morton et Martin Scott, chefs des assiégés,
appellent à leur secours les Anglais de Niort. Devereux[193], Daghori
Seys et Cressewell qui commandent ces Anglais, renforcés par les
garnisons de Lusignan et de Gençay[194], réunissent sous leurs ordres
sept cents hommes d’armes et marchent contre le connétable de France;
mais au moment où les assiégés, qui ne sont que soixante armures de
fer, vont recevoir ce secours, ils font une sortie et sont écrasés par
les Français. P. 107 à 110, 311.

      [191] Du Guesclin, après avoir quitté le Poitou au commencement
      de décembre 1372 et avoir fait son entrée à Paris le 11 de ce
      mois, se trouvait encore dans cette ville le 10 janvier suivant,
      car ce jour-là il reçut au château du Louvre le serment de Thomas
      de Percy qui, mis en liberté provisoire pour aller en Angleterre
      recueillir l’argent exigé pour sa rançon, s’engagea, la main
      dans la main du connétable, à être de retour au Palais royal à
      Paris pour le terme de Pâques suivant ou le 17 avril 1373 (_Arch.
      Nat._, J 362, nº 2). D’un autre côté, un mois ne s’était pas
      écoulé depuis cette prestation de serment que Bertrand était
      déjà retourné en Poitou. Dès le 17 février 1373, il était à
      Poitiers, d’où il a daté un acte par lequel il fit don à son
      bien amé écuyer Jean de Kerlouet des biens confisqués de Hugues
      Beuf, de la mère de Hugues, de Galhaut le Boucher et de Perrot de
      Saint-Flavet, «en remuneracion de partie des bons et agreables
      services qu’il a fais au roy nostre sire en ces presentes
      guerres, en la prise du fort de Chistré (auj. Chitré, hameau de
      Vouneuil-sur-Vienne, Vienne, arr. Châtellerault, sur la rive
      gauche de la Vienne), occupé et tenu pour le roi d’Angleterre par
      les dits Hugues, Galhaut et Perrot.» (_Arch. Nat._, JJ 104, nº
      87, fº 41 vº).

      [192] Deux-Sèvres, arr. Melle, c. Brioux, un peu au sud de Niort
      et de Melle, sur la Boutonne, affluent de la rive droite de la
      Charente.

      [193] Au commencement de 1373, la place où Jean Devereux,
      sénéchal anglais du Limousin, tenait le plus habituellement
      garnison était la Souterraine (Creuse, arr. Guéret), forteresse
      qui commandait la route de Bourges et de Châteauroux à Limoges,
      sur les confins des trois provinces de Limousin, de Berry et de
      Poitou. Par acte daté de mai 1374, Charles V donna à une femme
      de la Souterraine, nommée Rose des Moulins, les biens confisqués
      de Laurence Lescharde, fille de la dite Rose, maîtresse de Jean
      Devereux, au temps où ce chevalier anglais «tenoit et occupoit
      ycelle ville de la Sousterraine, laquelle Lorance, par legiereté
      de cuer et de sa voulenté, après ce que elle eust esté par
      certain temps en la compaignie du dit chevalier anglois, s’est
      partye _puis demi an ença_ de la dite ville _et s’en est alée
      avecques les Anglois_, afin de dédommager la dite Rose des
      Moulins «des dommages euz et soustenuz _ou conflit et prise de la
      dite ville de la Sousterraine_» (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 340,
      fº 183). Dès la fin de mars 1373, aussitôt après la victoire de
      Chizé et la reddition de Niort, Jean, duc de Berry, mit le siège
      devant la Souterraine (_Arch. Nat._, KK 251, fºs 93 vº, 94;
      Delisle, _Mandements de Charles V_, p. 499, nº 960). Toutefois,
      cette forteresse ne tomba au pouvoir des français que vers la fin
      de cette même année 1373.

      [194] Vienne, arr. Civray. Le château de Gençay, dont il subsiste
      des ruines imposantes, situé un peu au sud de Poitiers, à 133
      mètres d’altitude, commandait la vallée de la Cloyère, affluent
      de la rive droite du Clain et la route qui va directement de
      cette ville à Civray, à Ruffec, à Angoulême et à Bordeaux. Le
      12 juin 1373, Jean, duc de Berry, comte de Poitou, fit donner
      60 sous tournois à un nommé Rynant, «escuier de monseigneur le
      connestable de France, _lequel s’estoit eschapé des Anglois de
      Gençay où il estoit prisonnier_» (_Arch. Nat._, KK 251, fº 122
      vº). Vers le milieu de cette année, les Français assiégeaient
      Gençay en même temps que Lusignan et avaient élevé des bastilles
      devant ces deux châteaux. Par un mandement en date du 14 juillet
      1373, Jean, duc de Berry et comte de Poitou, fit sommation à un
      certain nombre de retardataires de payer leur quote-part d’une
      somme de 2000 francs d’or levée pour les frais de la bastille
      de devant le château de Gençay (Redet, _Inventaire des archives
      de Poitiers_, p. 312, nº 1955). Le 3 octobre suivant, ce même
      duc de Berry, qui se trouvait à Gençay, envoya de cette ville
      Clément l’Enffant, l’un de ses messagers, porter une lettre au
      maréchal d’Auvergne (KK 251, fº 129). Le 8 du même mois, un
      chevalier nommé Grégoire Seys, qui tenait du roi d’Angleterre
      la seigneurie de Gençay, se fit donner à Bordeaux par Thomas de
      Felton, sénéchal d’Aquitaine, 20 arcs, 20 gerbes de flèches, 24
      cordes et autres munitions destinées à la défense du dit lieu de
      Gençay (_Arch. hist. de la Gironde_, XII, 330. Cf. le sommaire du
      tome VII de notre édition, p. LIV, note 165). Gençay ne redevint
      français qu’au commencement de 1375. Par acte «donné devant
      le fort de Gençay» le 17 février de cette année, Bertrand du
      Guesclin, comte de Longueville, connétable de France, en vertu
      d’un traité de capitulation intervenu entre lui, d’une part,
      messire Dagori Sais (Gregoire ou Gregori Seys, dans le compte
      du contrôleur de l’artillerie de Bordeaux), seigneur de Gençay,
      les capitaine, connétable, receveur et autres Anglais tenant le
      dit fort de Gençay, d’autre part, moyennant la reddition du dit
      fort dans le délai fixé et à un certain terme convenu, confirma
      la femme et la fille du dit Dagori Sais et leurs hoirs dans la
      possession et la jouissance de tous les revenus des héritages que
      le dit Dagori et sa femme tenaient au temps que le pays était
      sous l’obéissance du prince de Galles. Ce traité fut ratifié par
      le roi dès le 22 février suivant. (_Arch. Nat._, JJ 106, nº 249,
      fº 136; JJ 153, nº 94, fº 46.) Le 7 avril 1376 (n. st.), Charles
      V donna à son frère le duc de Berry les châteaux de Gençay, de
      Mortemer et de Neuville (Neuville-de-Poitou, arr. Poitiers) que
      Radegonde Bechet, «femme d’un certain Anglois nommé Dagoris Sès»
      et Catherine le Senecal, fille de la dite Radegonde et seconde
      femme de Jean Harpedenne, avaient fortifiés et si bien pourvus
      de gens d’armes qu’il avait fallu de grands frais et des troupes
      nombreuses pour en faire le siège et en déloger l’ennemi (_Arch.
      Nat._, JJ 109, nº 18, fº 10). Cf. p. XLIX, note 3.

Robert Morton et Martin Scott sont faits prisonniers. Trois cents
pillards, Bretons et Poitevins, que les Anglais ont lancés en avant
pour attirer les Français hors de leurs retranchements, passent dans
les rangs de ces derniers. Du Guesclin fait scier à ras de terre les
palissades qui entourent son camp et attaque les Anglais après avoir
formé trois corps de bataille; il commande celui du milieu et met
ses deux ailes sous les ordres d’Alain de Beaumont et de Geoffroi de
Kerimel; chacun des trois corps ne compte pas moins de trois cents
hommes d’armes. Geoffroi Richou, Éven de Lacouet, Thibaud du Pont,
Silvestre Budes et Alain de Saint-Pol font dans cette journée des
prodiges de valeur. Les Anglais, de leur côté, déploient une grande
bravoure et remportent quelque temps l’avantage; mais enfin la victoire
reste aux Bretons, qui font trois cents prisonniers. P. 111 à 114, 312.

Cette défaite achève de ruiner la domination anglaise en Poitou; elle
est suivie de la reddition immédiate de la ville et du château de
Chizé[195]. Bertrand du Guesclin se rend ensuite à Niort[196], dont
il prend possession au nom du roi de France et où il fait reposer ses
troupes pendant quatre jours. Puis, il chevauche vers le beau château
de Lusignan[197] d’où la garnison anglaise qui l’occupait a décampé
aussitôt qu’elle a appris que son capitaine Robert Grenacre avait été
fait prisonnier à Chizé. Le connétable de France confie la garde de
ce château à un certain nombre de gens d’armes placés sous les ordres
d’un châtelain et se dirige vers Château-Larcher[198], défendu par la
dame de Pleumartin[199], mariée à Guichard d’Angle. Arrivé sur ces
entrefaites à Poitiers, le duc de Berry y reçoit avec une grande joie
la nouvelle de la victoire de Chizé. P. 114, 115, 312.

      [195] Froissart rapporte l’affaire de Chizé au 21 mars 1373.
      Ce combat dut certainement être livré peu de jours avant
      le 30 mars 1373, puisque ce fut à cette dernière date que
      Jean, duc de Berry, qui se trouvait alors à la Souterraine
      (Creuse, arr. Guéret), envoya Vitu, l’un de ses messagers,
      à Mehun-sur-Yèvre porter à la duchesse sa femme la nouvelle
      de la défaite et de la prise de Jean Devereux: «A dit Vitu,
      messaigier monseigneur, envoié le dit jour (30 mars 1373) de la
      Souterraine à Mehun-sur-Yèvre porter lettres de par monseigneur
      à madame de Berry contenant que _messire Jehan d’Esvreux avoit
      esté desconfit et pris_: XXXV sols tournois.» (_Arch. Nat._, KK
      251, fº 93 vº.) Le même jour, le duc envoya Simonnet Champion,
      l’un de ses chevaucheurs, porter à Poitiers et à la Rochelle
      des lettres dont le contenu se rapportait sans doute au même
      événement que le message confié à Vitu (_Ibid._, fºs 93 vº et
      94). Cabaret d’Orville et Pierre Cauchon se trompent donc, le
      premier en plaçant l’affaire de Chizé avant la fête de Noël
      1372 et le retour de Du Guesclin à Paris (_Chronique du bon
      duc Loys de Bourbon_, p. 41), le second après le lundi d’avant
      Pâques Fleuries ou le 4 avril 1373 (_Chronique de P. Cauchon_,
      p. 127). Au mois de décembre 1373, Charles V octroya des lettres
      de rémission à Perrin, dit Crespé, «en considération de ses
      services, tant au fait de la prise du captal de Buch où il fu
      _et en la desconfiture que nostre amé et feal connestable fist
      devant le fort de Chiset_, comme en la chevauchie et poursuite de
      nos ennemis.» (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 90, fº 57.) Du Guesclin
      avait formé son petit corps d’armée en concentrant les garnisons
      françaises du Poitou dont beaucoup occupaient des églises que
      l’on avait fortifiées et où l’on s’était retranché pour résister
      aux Anglais. C’est ainsi que Philibert de l’Étoile, Jean de
      Rasiné, Aimeri Paillart, écuyers, et un nommé Perrot Caillé
      avaient converti en forteresse l’église paroissiale de Bertegon
      (Vienne, arr. Loudun, c. Monts) dont la seigneurie appartenait
      en partie à Charles d’Artois, comte d’Eu; et nous lisons dans
      des lettres de rémission datées de juillet 1376 que ces écuyers
      se «départirent de la dite forteresse et nous alèrent servir
      en nos guerres, tant _à la bataille de Chisey_ et au siège de
      Lesignan comme autre part». (_Arch. Nat._, JJ 109, nº 116.) Chizé
      était le chef-lieu d’une châtellenie. L’église de cette localité
      avait sans doute été endommagée pendant le combat; aussi, pour
      la réparer, Du Guesclin légua une somme de cent francs, par une
      clause spéciale de son testament daté de juillet 1380. Jean
      Devereux, le principal chef du corps d’armée anglais, fut fait
      prisonnier à Chizé par Pierre de Negron.

      [196] Le 28 avril 1373, cinq semaines après l’affaire de Chizé,
      Jean, duc de Berry, était à Niort, d’où il envoya Jean Blondeau,
      l’un de ses valets de pied, porter lettres au sénéchal de Poitou:
      «A Jehan Blondeau, vallet de pié, pour _porter lettres de par
      monseigneur_ (Jean, duc de Berry), de NYORT _au seneschal de
      Poitou_ (Alain de Beaumont). Yci le dit jour (28 avril 1373), XV
      sols.» (_Arch. Nat._, KK 251, fº 94 vº.) L’occupation n’eut pas
      lieu sans coup férir, puisque l’intrépide écuyer breton Jean de
      Kerlouet fut tué devant Niort. Ce fut aussi sans doute à cette
      occasion que périt le maître de ce chien dont parle l’auteur du
      _Ménagier de Paris_ (éd. Jérôme Pichon, I, 94), auquel le duc de
      Berry, probablement pendant un séjour qu’il fit à Niort du 18 au
      25 juillet 1373 (_Arch. Nat._, KK 251, fº 105 vº), assura une
      pension alimentaire, pour le récompenser de sa fidélité envers
      son maître défunt sur la tombe duquel il se tenait, sans vouloir
      la quitter, depuis trois mois. D’après Cuvelier (_Chronique rimée
      de B. du Guesclin_, II, vers 22 486 à 22 504), Du Guesclin,
      ayant défait à Chizé les garnisons anglaises réunies sous le
      commandement de Jean Devereux, aurait fait revêtir à ses gens
      les cottes d’armes des Anglais et aurait pris ainsi Niort par
      surprise. Cette version s’accorde avec celle de Froissart pour
      placer la prise de Niort presque immédiatement après le combat
      de Chizé qui fut livré, comme on l’a vu plus haut, le 21 mars.
      Il y a tout lieu, par conséquent, d’accepter une tradition qui
      avait cours à Niort dès la fin du XVe siècle et qui fixait au 27
      mars la reprise de cette ville par Bertrand du Guesclin. Voici,
      en effet, ce qu’on lit dans le plus ancien registre conservé sous
      le nº 881 aux Archives municipales de Niort; c’est le compte de
      Geoffroi Faifeu, receveur du 1er juillet 1487 au 1er juillet
      1488: «_Item_, à messire Jehan Bonnet, viquayre de l’eglise
      paroschiale de Nostre Dame de la dicte ville, la somme de cinq
      solz pour la messe dicte à notte, à dyacre et soubzdyacre, _du
      jour de la reprinse de la ville qui fut le_ XXVIIe _jour du dit
      moys de mars_.» En souvenir de cet événement, les habitants de
      Niort firent construire une chapelle, dite de _Recouvrance_, dont
      le nom s’est conservé jusqu’à nos jours dans un lieu-dit situé à
      l’extrémité du territoire de cette ville, sur le bord de la route
      de Fontenay-le-Comte. C’était l’usage de se rendre tous les ans
      en procession à cette chapelle, le 27 mars, anniversaire de la
      «recouvrance» de Niort sur les Anglais; cet usage paraît être
      tombé en désuétude vers la fin du XVIe siècle, à l’époque des
      guerres de religion qui amenèrent en Poitou l’abandon de quelques
      cérémonies publiques du culte en même temps que la destruction de
      plusieurs dépôts d’archives et d’un certain nombre de monuments
      religieux. A la date du 22 juillet 1373, Guillaume de la Mousse
      était châtelain de Niort pour Jean, duc de Berry (_Arch. Nat._,
      KK 251, fº 105 vº). A cette même date, Owen de Galles était
      capitaine de la Tour de Broue (_Ibid._, fº 95 vº), Tristan Rouaut
      de Thouars, André Rouaut de Marans (_Ibid._, P 128 vº), Maurice
      du Parc de la Rochelle (_Bibl. Nat._, Decamps, 84, fº 177 vº),
      Alain de Beaumont de Saint-Maixent et de Saintes (_Ibid._, fº 94
      vº) et Thibaud du Pont de Rochechouart et d’Angoulême (_Ibid._,
      fº 128). Les Anglais continuaient d’occuper Cognac (_Ibid._,
      fº 129) qui ne fut repris par du Guesclin que le 1er juin 1375
      (_Grandes Chroniques de France_, VI, 346).

      [197] Le château de Lusignan, situé à 134 mètres d’altitude,
      commandait la route de Poitiers à Saint-Maixent et à Niort, ainsi
      que l’étroite vallée de la Vonne, bordée presque dans toute sa
      longueur de hautes murailles de rochers à pic. Froissart se
      trompe en rapportant l’occupation de Lusignan par les Français à
      la même date que la reddition de Niort. Le samedi 5 mars 1373,
      le premier samedi de carême, trois semaines par conséquent avant
      l’affaire de Chizé, Alain de Beaumont, sénéchal de Poitou, Jean
      de la Personne, vicomte d’Aunay, Gadifer de la Sale et Aimeri
      de Rochechouart mirent le siège devant le château de Lusignan,
      défendu par une garnison anglaise dont les deux principaux chefs
      étaient Jean Cressewell et Geffroi de Saint-Quentin (Delpit,
      _Documents français en Angleterre_, p. 191; _Bibl. Nat._,
      collection Decamps, vol. 84, fº 170). Afin de protéger les
      assiégeants contre les sorties de cette garnison, Jean, duc de
      Berry, fit construire au moins deux bastilles, chacune pourvue de
      quatre «eschiffes» et d’un engin apporté de Loudun, lesquelles
      bastilles ne furent complètement terminées et mises en état
      que plusieurs mois après l’investissement (Redet, _Invent. des
      arch. de Poitiers_, p. 90, 91; _Arch. Nat._, KK 251, fºs 102
      vº, 122, 127 à 129). Cet investissement dura sans interruption
      depuis le 5 mars 1373 jusque vers le milieu de l’année suivante
      (_Ibid._, KK 252, fºs 27 vº, 29 vº, 30). Par une «endenture»
      datée de Bordeaux le 4 avril 1374, en présence du seigneur de
      Percy et de Thomas de Felton, sénéchal d’Aquitaine, Jean, duc
      de Lancastre, ayant conclu avec Du Guesclin une trêve pendant
      la durée de laquelle les garnisons anglaises devaient cesser de
      vivre comme par le passé aux dépens du pays environnant, alloua
      à titre d’indemnité 6000 florins d’Avignon à Jean Cressewell et
      à Geffroi de Saint-Quentin, capitaines du château de Lusignan,
      en même temps qu’il les prorogea dans leur commandement jusqu’au
      1er septembre suivant (Delpit, _Documents français_, etc., p.
      191, 192). Du 19 septembre 1373 au 20 juillet 1374, les comptes
      du contrôleur de l’artillerie du château de Bordeaux mentionnent
      plusieurs livraisons de munitions, notamment d’arcs, de gerbes
      de flèches et de cordes, faites par Thomas de Felton, par
      Florimond, seigneur de Lesparre, ainsi que par Robert Roux, maire
      de Bordeaux, tant à Jean Cressewell, capitaine de Lusignan, qu’à
      Thomas Brancestre, lieutenant du dit capitaine (_Arch. hist. de
      la Gironde_, XII, 329, 330, 337). Cressewell fut fait prisonnier
      par les Français un peu avant le 24 juin 1374, puisque ce jour-là
      le duc de Berry, qui se trouvait à Issoudun, donna l’ordre de
      payer 40 sous à Araby le chevaucheur «qui estoit venu de Poitou
      dire les _novelles de la prise de Cressoelle_» (_Arch. Nat._,
      KK 252, fº 21). La capture de cet audacieux partisan contribua
      sans nul doute à amener la reddition du château de Lusignan, qui
      dut avoir lieu vers la fin de septembre 1374 au plus tard. Ce
      qui est certain, c’est que, dès le 1er octobre suivant, Lyonnet
      de Pennevaire fut institué par Jean, duc de Berry, capitaine,
      châtelain et gardien du château de Lusignan (Redet, _Tables
      de Dom Fonteneau_, Poitiers, 1839, p. 305). D’après Thomas
      Walsingham, une des conditions de la reddition aurait été la
      mise en liberté de Thomas de Percy, sénéchal du Poitou, fait
      prisonnier à Soubise (_Hist. angl._, p. 317). La délivrance du
      prisonnier coïncida avec la livraison de la forteresse. Conduit
      de Tours à Poitiers le 18 septembre 1374, Thomas de Percy fut
      dirigé sur Cognac le 11 octobre suivant (KK 252, fºs 22, 31).
      Le roman de _Mélusine_, par Jean d’Arras, contient de curieuses
      légendes relatives à ce siège de Lusignan et surtout aux
      apparitions de la fée Mélusine, qui passait pour avoir fondé ce
      château, à Cressewell (éd. de 1854, p. 420-424). Il résulte d’un
      acte de donation daté de mars 1376 (n. st.) que le duc de Berry
      fit un vœu à saint Germain d’Auxerre et une fondation en faveur
      de l’abbaye placée sous le vocable de ce saint, pour obtenir la
      reddition d’une forteresse réputée imprenable en raison de son
      origine féerique (_Arch. Nat._, J 185, nº 36; _Gall. Christ._,
      XII, col. 395).

      [198] Vienne, arr. Poitiers, c. Vivonne.

      [199] Jeanne Payen de Monpipeau.

La dame de Pleumartin sollicite et obtient de Bertrand du Guesclin
un sauf-conduit pour se rendre à Poitiers auprès du duc de Berry.
En l’absence de Guichard d’Angle son mari, prisonnier en Espagne de
D. Enrique, roi de Castille, elle prie le duc de la considérer comme
une veuve restée sans défense et de ne point lui faire la guerre,
promettant que de son côté elle s’abstiendra de tout acte d’hostilité.
Le duc accueille favorablement sa supplique et transmet au connétable
des ordres en conséquence. Du Guesclin et ses gens vont ensuite
assiéger le château de Mortemer[200] que rend la dame du lieu, ainsi
que toute sa terre et le château de Dienné[201]. Il ne reste plus en
Poitou de garnisons anglaises qu’à Mortagne[202], à Merpins[203] et
à la Tour de Broue[204]; la Roche-sur-Yon, que les Anglais occupent
encore, est sur les marches et du ressort d’Anjou. P. 115 à 117, 312.

      [200] Vienne, arr. Montmorillon, c. Lussac.

      [201] Vienne, arr. Poitiers, c. la Villedieu.

      [202] Mortagne-sur-Sèvre, Vendée, arr. la Roche-sur-Yon. Voyez le
      sommaire du tome VII de notre édition, p. LXXVII, note 231.

      [203] Charente, arr. et c. Cognac.

      [204] Froissart commet ici une erreur. La Tour de Broue avait été
      reprise par Bertrand du Guesclin et par Louis, duc de Bourbon,
      vers le milieu du mois d’août 1372. Voyez plus haut, p. XLI,
      note 2.




CHAPITRE C.

  _1373, fin d’avril, mai et juin._ EXPÉDITION DE LOUIS, DUC DE
    BOURBON, ET DE BERTRAND DU GUESCLIN EN BRETAGNE; DÉPART DE JEAN
    DE MONTFORT POUR L’ANGLETERRE; OCCUPATION DE RENNES, DE DINAN,
    DE SAINT-MALO, DE VANNES ET D’UN CERTAIN NOMBRE DE PLACES DE
    MOINDRE IMPORTANCE; PRISE D’HENNEBONT; SIÈGES DE LA ROCHE-SUR-YON,
    DE DERVAL ET DE BREST; OCCUPATION DE NANTES; GRANDS PRÉPARATIFS
    EN ANGLETERRE DES DUCS DE LANCASTRE ET DE BRETAGNE POUR ENVAHIR
    LA FRANCE A LA TÊTE D’UNE ARMÉE CONSIDÉRABLE; PRISE DE CONQ PAR
    L’ARMÉE FRANCO-BRETONNE.--_6 juillet._ TRAITÉ DE CAPITULATION DE
    BREST ET LEVÉE DU SIÈGE DE CETTE PLACE PAR LES FRANCO-BRETONS QUI
    VONT RENFORCER LES GENS D’ARMES CAMPÉS DEVANT DERVAL.--_Fin de
    juillet._ DÉBARQUEMENT A CALAIS DE L’ARMÉE RASSEMBLÉE PAR LES DUCS
    DE LANCASTRE ET DE BRETAGNE.--_Du 4 août au 8 septembre._ MARCHE
    ET OPÉRATIONS DE CETTE ARMÉE A TRAVERS L’ARTOIS, LA PICARDIE, LE
    VERMANDOIS ET LE SOISSONNAIS; COMBAT DE RIBEMONT.--_9 septembre._
    COMBAT D’OULCHY.--_29 septembre._ EXÉCUTION DEVANT DERVAL PAR
    LE DUC D’ANJOU DES OTAGES LIVRÉS NAGUÈRE AUX FRANCO-BRETONS EN
    VERTU DU TRAITÉ DE CAPITULATION DE CETTE PLACE, AUQUEL ROBERT
    KNOLLES A REFUSÉ DE SOUSCRIRE.--_10 septembre._ ARRIVÉE A PARIS
    DU DUC D’ANJOU, DE DU GUESCLIN ET DE CLISSON, QUI ASSISTENT A
    UN GRAND CONSEIL DE GUERRE TENU PAR CHARLES V ET Y DONNENT LEUR
    AVIS.--(_1375, 16 avril._ MORT DU COMTE DE PEMBROKE, PRISONNIER
    DU ROI DE CASTILLE, LIVRÉ PAR LE DIT ROI A DU GUESCLIN EN PAYMENT
    D’UNE SOMME DE 120 000 FRANCS DUE POUR LE COMTÉ DE SORIA RACHETÉ
    PAR D. ENRIQUE DE TRASTAMAR; RACHAT PAR CE MÊME ROI DU COMTÉ
    D’AGREDA MOYENNANT LA CESSION D’UN AUTRE DE SES PRISONNIERS,
    GUICHARD D’ANGLE, A OLIVIER DE MAUNY.)--_1373, du 11 au 26
    septembre._ LES ANGLAIS EN CHAMPAGNE; ARRIVÉE DES LÉGATS DU
    PAPE A TROYES; ÉCHEC SUBI SOUS LES MURS DE CETTE VILLE PAR LES
    ENVAHISSEURS.--_Du 26 septembre au 25 décembre._ MARCHE PÉNIBLE ET
    MEURTRIÈRE DE L’ARMÉE DU DUC DE LANCASTRE A TRAVERS LA BOURGOGNE,
    LE NIVERNAIS, LE BOURBONNAIS, L’AUVERGNE, LE LIMOUSIN ET LE
    PÉRIGORD; ARRIVÉE A BORDEAUX (§§ 723 à 748).


Un corps d’armée d’environ dix mille hommes à la solde du roi de France
met le siège devant la forteresse de Bécherel[205] où les Anglais
tiennent garnison. Noms des principaux seigneurs de Normandie et de
Bretagne qui composent ce corps d’armée. Du Guesclin ayant reconquis
presque entièrement le Poitou, va rejoindre à Poitiers les ducs de
Berry, de Bourgogne et de Bourbon; il donne congé à ses gens d’armes
dont la plupart, surtout les Bretons et les Normands, vont renforcer
le siège de Bécherel. La garnison de cette place a pour capitaines deux
chevaliers anglais, Jean Appert et Jean de Cornouaille. Les Anglais
tiennent également la forteresse de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en basse
Normandie, dont le capitaine est, depuis la mort de Jean Chandos[206],
Alain de Buxhull. Celui-ci a pour lieutenant Thomas de Catterton. Les
trois ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, Bertrand du Guesclin
et Olivier, seigneur de Clisson, quittent le Poitou et retournent à
Paris, où le roi Charles V et le duc d’Anjou son frère les accueillent
avec de grandes démonstrations de joie. Par l’entremise de Guillaume
de Dormans et du comte de Saarbruck, une paix[207] est conclue entre
Charles V et Charles, roi de Navarre, qui se tient alors à Cherbourg.
Le connétable de France se rend à Caen au-devant du roi de Navarre
et lui fait escorte jusqu’à Paris; Louis, duc d’Anjou, qui ne veut
pas se rencontrer avec le Navarrais, va visiter sa terre de Guise en
Thiérache. Charles le Mauvais passe une douzaine de jours à la cour du
roi de France, qui comble son beau-frère d’attentions et de cadeaux.
Le roi de Navarre consent à laisser auprès de Charles V ses deux fils
Charles et Pierre[208], qui doivent partager l’éducation du dauphin
Charles, fils aîné du roi de France, et de Charles d’Albret, et l’on
verra qu’il eut lieu de se repentir par la suite de cette résolution.
P. 117 à 120, 312.

      [205] Bécherel (Ille-et-Vilaine, arr. Montfort) est situé à 500
      mètres à gauche de l’une des deux routes qui vont de Rennes à
      Dinan, près de la source de l’un des affluents de la Rance, à
      175 mètres d’altitude; c’est un des points les plus élevés de la
      péninsule armoricaine. Des hommes d’armes au service du roi de
      France assiégeaient déjà le château de Bécherel dans le courant
      du mois d’août 1371 (_Bibl. Nat., Collect. de Clairambault_, reg.
      10, p. 559). Le 4 novembre suivant, Édouard III, dont les gens
      tenaient depuis longues années garnison à Bécherel, donna l’ordre
      de livrer cette place à Jean de Montfort, duc de Bretagne, en
      échange de Morlaix, de Brest et d’Hennebont (Rymer, III, 927);
      mais, le duc ayant déclaré, dans un acte daté de son château
      d’Auray le 25 février 1372, qu’il renonçait à toute réclamation
      ultérieure au sujet du château de Bécherel, il en faut conclure
      que les Anglais n’avaient pas cessé d’occuper ce château
      (_Ibid._, 936).

      [206] Après la mort de Jean Chandos, blessé mortellement à
      l’affaire du pont de Lussac le 1er janvier 1370 (Voy. tome VII de
      notre édition, p. LXXXVI, note 259), Édouard III avait confié la
      garde de Saint-Sauveur à Guillaume de Latimer (Delisle, _Hist.
      du château et des sires de Saint-Sauveur-le-Vicomte_; Preuves,
      p. 178, 179; Rymer, III, 900), qui choisit pour lieutenant
      Thomas de Catterton; mais, le 26 novembre suivant, il retira
      cette garde au successeur immédiat de Chandos pour la donner à
      Alain de Buxhull (Rymer, III, 903), confirmé dans cet office le
      3 juin 1371 (_Ibid._, 917). La capitainerie de Saint-Sauveur
      étant considérée à la fois comme un office militaire et comme une
      ferme exceptionnellement lucrative, Alain de Buxhull avait dû
      s’engager, pour jouir de cette ferme, à payer au roi d’Angleterre
      une rente annuelle de mille marcs d’argent (Delisle, _Hist. de
      Saint-Sauveur_, P. 177).

      [207] Froissart revient ici en arrière sur des faits qu’il a
      déjà racontés et qui remontent à l’année 1371. Les négociations
      s’ouvrirent directement entre les rois de France et de Navarre
      à Vernon du 25 au 29 mars de cette année, et le 24 mai suivant
      Charles le Mauvais se rendit à Paris, où il passa en fêtes la
      dernière semaine de ce mois (_Grandes Chroniques_, VI, 329-332;
      cf. t. VII de notre édition, sommaire, p. XCVI, notes 287 à 289).
      Le roi de Navarre se trouvait encore dans cette ville les 15
      et 17 juin suivants (Secousse, _Preuves de l’hist. de Charles
      le Mauvais_, p. 318 à 321) et il y revint au mois de novembre
      (_Bibl. Nat., Quittances_, XIX, 1255), avant de regagner par
      terre son royaume de Navarre, où il fit sa rentrée vers le
      commencement de 1372.

      [208] Pierre de Navarre, comte de Mortain, second fils de Charles
      le Mauvais, n’arriva à la cour du roi de France et n’y tint
      état qu’à partir du 8 juillet 1376 (_Bibl. Nat., Quittances_,
      XXII, 1771). Quant à Charles, l’aîné des fils du Navarrais, le
      rédacteur des _Grandes Chroniques_ dit qu’il se rendit auprès de
      Charles V, son oncle maternel, au commencement de 1378 (VI, 432).

Le roi de Navarre, après avoir visité le château, les tours et les
hautes murailles que Charles V fait construire au bois de Vincennes,
prend congé du roi de France et se dirige vers Montpellier[209]
dont la baronnie lui appartient.--Sur ces entrefaites, David Bruce,
roi d’Écosse, meurt dans une abbaye située près d’Édimbourg, et on
l’enterre auprès du roi Robert son père à l’abbaye de Dunfermline[210];
il a pour successeur son neveu Robert Bruce, auparavant sénéchal
d’Écosse. Robert manque de bravoure personnelle, mais il a onze
beaux-fils, tous bons hommes d’armes; Guillaume, comte de Douglas,
et Archibald Douglas, que David Bruce avait poursuivis de sa haine,
rentrent en grâce auprès du nouveau roi. Les trêves, conclues entre les
deux royaumes d’Angleterre et d’Écosse, doivent encore durer quatre
ans; les chevaliers et les écuyers des deux pays observent ces trêves,
mais les vilains de la frontière se font un jeu de les violer et ne
cessent de se combattre, de se piller les uns les autres. P. 120 à 121,
312.

      [209] Charles le Mauvais, qui retournait de France en Navarre,
      fit son entrée à Montpellier le samedi 20 mars 1372, veille des
      Rameaux; il était accompagné de Raymond de Baux, prince d’Orange,
      et de Philippe de Savoisy (Chronique romane de Montpellier dans
      _Thalamus Parvus_, Montpellier, 1836, p. 387).

      [210] David Bruce mourut le 22 février 1371 (_Art de vérifier les
      dates_, I, 845). Il est fait mention de la mort du roi d’Écosse
      dans un mandement d’Édouard III en date du 20 juin suivant
      (Rymer, III, 919). Au mois de mai 1373, le roi d’Angleterre fit
      acheter en Flandre des blocs de pierre de couleur noire destinés
      à l’érection du mausolée de David Bruce (_Ibid._, 980).

Édouard ne tarde pas à apprendre que le Poitou, la Saintonge et le pays
de la Rochelle sont perdus pour lui; il sait en outre que les Français
sont maîtres de la mer et que leur flotte, composée de cent vingt gros
vaisseaux[211] et placée sous les ordres d’Owen de Galles[212], de
Radigo le Roux[213] amiral de D. Enrique, roi de Castille, de Jean de
Rye[214] et de Jean de Vienne[215], menace les côtes d’Angleterre. Il
se décide alors à envoyer en France un corps d’armée de deux mille
hommes d’armes et de deux mille archers, dont il donne le commandement
au comte de Salisbury[216], à Guillaume de Nevill[217] et à Philippe
de Courtenay[218]. Ce corps d’armée s’embarque en Cornouaille et se
dirige vers la Bretagne, dont le roi d’Angleterre veut attirer les
barons dans son alliance. Les Anglais débarquent à Saint-Malo de l’Ile,
où ils trouvent à l’ancre sept navires marchands de Castille[219]; ils
brûlent ces navires, massacrent les équipages et prennent possession de
la ville de Saint-Malo, dont ils ravagent et pillent les environs. Le
bruit se répand aussitôt en Bretagne que ces Anglais ont été attirés
par le duc et par Robert Knolles, et puisque Jean V livre ainsi son
pays à des étrangers, beaucoup d’habitants du duché estiment qu’il a
encouru la peine de déchéance. Aussi, chacun se met-il de lui-même
en bon état de défense, et l’on garnit d’artillerie ainsi que de
provisions les cités, les villes et les châteaux. Le duc de Bretagne se
tient alors à Vannes, où sa présence inquiète plus qu’elle ne rassure
les habitants de la cité et du bourg. Quant à Robert Knolles, après
avoir entassé dans son château de Derval toute sorte de provisions et
d’artillerie, il en confie la garde à Hue Browe et va renforcer la
garnison du château de Brest, un des plus forts du monde, que commande
le seigneur de Nevill[220], d’Angleterre, débarqué à Saint-Mathieu
l’année précédente. P. 121 à 123, 312, 313.

      [211] La prise du captal de Buch, dont les gens d’armes de Du
      Guesclin et les marins castillans s’étaient disputé la capture
      l’année précédente à la suite de l’affaire de Soubise, avait
      amené un refroidissement entre les cours de France et de Castille
      depuis la fin d’août 1372, et D. Enrique avait rappelé sa flotte.
      Aussi, lorsque au printemps de l’année suivante des navires
      anglais vinrent menacer certains points des côtes de Normandie,
      Charles V ne put leur opposer que trois galées dont l’armement et
      la solde des équipages lui avaient coûté 5300 francs (Delisle,
      _Mandements de Charles V_, p. 500, nº 963).

      [212] Dans les premiers mois de 1373, Owen de Galles se trouvait
      en Saintonge, où Charles V et Jean, duc de Berry, l’avaient
      institué capitaine de la Tour de Broue (Voyez plus haut, p.
      LXIII, en note); et nous savons, d’un autre côté, que cet écuyer
      gallois, qui se prétendait de lignée princière, fut retenu le 9
      juin de cette année avec 100 hommes d’armes de sa compagnie pour
      poursuivre les ennemis sous monseigneur de Bourgogne (_Ibid._,
      p. 502, nº 965; _Bibl. Nat., Decamps_, vol. 84, fº 173). Entre
      ces deux dates, il ne reste guère de temps pour une campagne sur
      mer, à moins que les 100 hommes d’armes d’Owen de Galles n’aient
      formé, ainsi que les 40 glaives de Jean de Vienne mentionnés
      plus bas, les équipages des trois galées armées vers la fin de
      mai et qui purent à la rigueur faire des courses en mer au cours
      des mois de juin et de juillet 1373. Toutefois l’effectif très
      considérable attribué à la flotte dont il s’agit donne lieu de
      croire que Froissart, ayant omis de mentionner Owen de Galles
      parmi les commandants de la flotte victorieuse devant la Rochelle
      le 23 juin 1372 (Voyez plus haut, p. XXV), commet ici la même
      confusion que Cabaret d’Orville (_La vie du bon duc Loys de
      Bourbon_, p. 45, 46), en rapportant à l’année 1373 des faits qui
      s’étaient passés un an auparavant.

      [213] Sur le véritable nom de cet amiral, voyez plus haut, p.
      XXV, note 4.

      [214] Le Comtois Jean de Rye, seigneur de Balançon (château de
      Thervay, Jura, arr. Dôle, c. Montmirey), fut un des principaux
      agents diplomatiques employés par Charles V auprès de D. Enrique,
      roi de Castille, dont la flotte et les équipages constituaient la
      principale force maritime du roi de France.

      [215] Par mandement daté du bois de Vincennes le 2 juin 1373,
      Charles V enjoignit à Cornevalois de payer, depuis le 24 mai
      précédent jusqu’à nouvel ordre, les gages de Jean de Vienne,
      chevalier, l’un de ses chambellans, et de 40 glaives de sa
      compagnie enrôlés pour surveiller les mouvements d’une flottille
      anglaise qui s’était montrée devant Harfleur en la fosse de Leure
      (Delisle, _Mandements de Charles V_, p. 501, nº 964).

      [216] Le 8 février 1373, Guillaume de Montagu, comte de
      Salisbury, s’engagea à servir pendant six mois le roi
      d’Angleterre sur mer avec 300 hommes d’armes et 300 archers; et
      le 16 de ce même mois, il fut institué capitaine de la flotte ou
      armée des barges qui se disposait à prendre la mer (Rymer, III,
      971).

      [217] Troisième fils de Raoul de Nevill et d’Alice d’Audley.

      [218] A la date du 20 février 1373, Philippe de Courtenay
      remplissait l’office d’amiral de la flotte anglaise vers les
      parties de l’ouest dans le port de Dartmouth (Rymer, III, 971).

      [219] Un mandement d’Édouard III, adressé le 20 février 1373
      à Philippe de Courtenay, est précisément relatif à la saisie
      de plusieurs navires de Castille qui faisaient voile vers les
      parties de Flandre et «de Sancto Maloro».

      [220] Jean, seigneur de Nevill, fils aîné de Raoul de Nevill
      et d’Alice d’Audley, sénéchal de l’hôtel du roi d’Angleterre,
      avait été envoyé en Bretagne, vers la fin de juillet 1372, avec
      une compagnie de 300 hommes d’armes et de 300 archers; il était
      porteur d’instructions qui lui conféraient dans le duché de
      Bretagne une autorité supérieure à celle du duc lui-même (Rymer,
      III, 948, 960; dom Morice, _Preuves de l’hist. de Bretagne_, II,
      col. 48). Froissart le désigne ainsi: «le seigneur de Neuville,
      d’_Angleterre_», par opposition aux Neuville de France, famille
      chevaleresque à laquelle appartenait Jean de Neuville, neveu du
      maréchal d’Audrehem.

Les barons et les seigneurs de Bretagne invitent Charles V à envoyer
un corps d’armée prendre possession du duché et à le confisquer pour
crime de forfaiture avant que les Anglais aient eu le temps d’établir
partout des garnisons. Le roi de France s’empresse de répondre à
l’appel de ses partisans et charge Bertrand du Guesclin de diriger
l’expédition. Le connétable réunit à Angers[221] un corps d’armée de
quatre mille lances et de dix mille gens de pied[222] et chevauche
vers la Bretagne. Louis, duc de Bourbon, Pierre, comte d’Alençon,
Robert d’Alençon, comte du Perche, Béraud, comte dauphin d’Auvergne,
Jean, comte de Boulogne, Bernard, comte de Ventadour, Bouchard, comte
de Vendôme, Olivier, seigneur de Clisson, Jean, vicomte de Rohan,
Jean, seigneur de Beaumanoir, Gui, seigneur de Rochefort, tous les
barons de Bretagne en général font partie de ce corps d’armée. A la
nouvelle de l’approche des Français, le duc de Bretagne, se voyant
abandonné par ses propres sujets, quitte précipitamment Vannes et se
rend au château d’Auray, où il passe six jours. Puis, laissant dans ce
château la duchesse sa femme sous la garde d’un chevalier nommé Jean
Austin[223], il gagne la forteresse de Saint-Mathieu dont la garnison
refuse l’entrée au duc fugitif. Jean V, ne trouvant plus dans son duché
un seul asile sûr, s’embarque à Conq[224] et cingle vers l’Angleterre.
Débarqué en Cornouaille, il se rend à Windsor à la cour d’Édouard III.
Il reçoit le meilleur accueil de ce prince, qui s’engage à ne conclure
aucune paix avec son adversaire de France tant que Jean V n’aura point
été réintégré dans son duché. Pendant son séjour en Angleterre, le duc
institue Robert Knolles son lieutenant en Bretagne. P. 123 à 126, 313.

      [221] D’après Cabaret d’Orville (_La vie du bon duc Loys de
      Bourbon_, p. 42), la concentration des troupes destinées à
      l’expédition de Bretagne se fit à Angers et aux Ponts-de-Cé.

      [222] Cabaret d’Orville évalue l’effectif de l’armée de Bretagne
      à 2000 chevaliers et écuyers et à 800 hommes de trait. Ces
      chiffres sont beaucoup plus acceptables que ceux de Froissart.

      [223] Jean ou John Austyn, que Froissart appelle à la française
      Jean Augustin, servait encore en Bretagne au mois d’août 1376;
      il était alors avec Jean ou John Lakyngeth, mentionné plus loin
      comme capitaine de Conq, l’un des deux principaux gardiens du
      château de Brest (Rymer, III, 1062).

      [224] Le «Conq» de Froissart n’est pas Concarneau; c’est un écart
      de la commune actuelle de Beuzec-Conq (Finistère, arr. Quimper,
      c. Concarneau), tout au fond d’une anse qui communique avec la
      baie de La Forest ou de Fouesnant. D’après l’auteur du _Chronicon
      Briocense_ (D. Morice, _Preuves de l’hist. de Bretagne_, II, 45),
      le duc de Bretagne ne s’embarqua pas pour l’Angleterre à Conq,
      mais à Brest. Cet embarquement se fit le jeudi 28 avril 1373.

Le connétable de France et ses gens d’armes ne prennent point le chemin
de Nantes, mais celui de la bonne cité de Rennes[225] et de la Bretagne
bretonnante qui a toujours été plus attachée au parti du comte de
Montfort que la douce Bretagne. Ils occupent successivement Rennes,
Dinan[226] et Vannes, qui ouvrent leurs portes sans résistance. Après
s’être reposé quatre jours dans cette dernière ville, Du Guesclin
va assiéger le château de Sucinio[227], défendu par des Anglais à
la solde du duc de Bretagne. Ce château est emporté d’assaut après
quatre jours de siège. Le connétable fait passer la garnison au fil
de l’épée et confie la garde de Sucinio à l’un de ses écuyers nommé
Éven de Mailly. Il soumet à l’obéissance du roi de France Jugon[228],
Coët-la-Forêt[229], la Roche-Derrien[230], Ploërmel, Josselin[231], le
Faouet[232], Guingamp, Saint-Mathieu[233], Guérande[234], Quimperlé
et Quimper-Corentin. Effrayés par ces succès et craignant que les
flottes réunies de France et d’Espagne ne les attaquent par mer, le
comte de Salisbury, Guillaume de Nevill et Philippe de Courtenay,
qui se tiennent à Saint-Malo, abandonnent cette place après l’avoir
brûlée et livrée au pillage, pour aller se mettre en sûreté dans
le château de Brest, défendu par le seigneur de Nevill et Robert
Knolles. Dans le trajet de Saint-Malo à Brest, ils mouillent pendant
un jour à Hennebont[235] et jettent l’ancre dans le havre de Brest
au moment où Bertrand du Guesclin, qui croit les surprendre, arrive
devant Saint-Malo dont il prend possession au nom du roi de France.
Furieux d’avoir ainsi laissé échapper ses adversaires, le connétable va
mettre le siège devant les château et ville d’Hennebont, où le comte
de Salisbury vient de laisser en passant une garnison de cent vingt
Anglais sous les ordres d’un écuyer nommé Thomelin West[236]. P. 126 à
129, 313.

      [225] Du Guesclin dut faire ses préparatifs pour l’expédition de
      Bretagne et se diriger vers ce pays par l’Anjou immédiatement
      après la victoire de Chizé et la prise de Niort, qu’il faut
      dater, comme nous croyons l’avoir établi plus haut, des 21 et 27
      mars 1373 (Cf. p. LXII, note 1). Dès la fin d’avril, le 29 de ce
      mois, le connétable de France devait être arrivé en Bretagne,
      puisque à cette date un chevaucheur du duc de Berry se rendit
      dans cette province où il était chargé de remettre à Bertrand
      des lettres de son maître: «A Baudet de Choret, chevaucheur de
      mon dit seigneur (le duc de Berry), pour faire ses fraiz et
      despens en alent de Poiters en _Berthaigne porter lettres de par
      monseigneur au connestable de France_.» (_Arch. Nat._, KK 251, fº
      94 vº). La quittance de la somme allouée à ce chevaucheur pour
      l’accomplissement de son message est datée du 29 avril 1373. Le
      même chevaucheur fut renvoyé en Bretagne vers le connétable, le
      13 mai suivant (_Ibid._, fº 95). Nous devons faire remarquer
      néanmoins que Louis, duc de Bourbonnais, qui fut avec Du Guesclin
      le principal chef de l’expédition de Bretagne n’avait pas encore
      quitté Paris à la date du 23 avril (_Arch. Nat._, P 1362{2}, nº
      1107; Huillard-Bréholles, _Titres de Bourbon_, I, 569). Le 19 mai
      1373, il est certain que Du Guesclin se trouvait à Rennes, où,
      sur le rapport de son cousin Hervé de Mauny, seigneur de Torigni,
      il donna l’ordre de laisser les religieux de Saint-Melaine de
      cette ville jouir de leurs droits d’usage dans la forêt de Rennes
      (_Bibl. Nat., ms. fr._ 22 325, fº 105).

      [226] Le 9 mai 1373, Jean, vicomte de Rohan, et Raoul, seigneur
      de Montfort, donnèrent quittance de leurs gages à Dinan, et
      la date de ces quittances nous donne lieu de conjecturer avec
      quelque vraisemblance le moment où le corps d’armée au service
      du roi de France, ou du moins un détachement de cette armée,
      prit possession de cette ville au nom de Charles V (D. Morice,
      _Preuves de l’hist. de Bretagne_, II, col. 65).

      [227] Cet ancien château des ducs de Bretagne, dont six tours
      subsistent encore, est situé dans la presqu’île de Ruis, au sud
      du golfe du Morbihan et à l’est de la baie de Quiberon, sur le
      territoire de la commune de Sarzeau (Morbihan, arr. Vannes).

      [228] Côtes-du-Nord, arr. Dinan.

      [229] D’après M. Arthur de La Borderie, «Ghoy la Forest» de
      Froissart devrait être identifié avec un château de Coët, mot qui
      en breton signifie forêt, situé sur le territoire de la commune
      de Languidic (Morbihan, arr. Lorient, c. Hennebont), à trois
      lieues environ au nord-est d’Hennebont.

      [230] Côtes-du-Nord, arr. Lannion. Selon toute vraissemblance,
      Du Guesclin n’alla prendre possession de la Roche-Derrien et en
      général des places de la Bretagne septentrionale qu’après le
      traité de capitulation de Brest daté du 6 juillet; le 14 août, il
      était à la Roche-Derrien. Voyez plus loin, p. LXXXV, note 3.

      [231] Morbihan, arr. Ploërmel.

      [232] Morbihan, arr. Pontivy.

      [233] Voyez plus haut, p. LIX, note 1. Le 6 juillet, à la date
      du traité de capitulation de Brest, Saint-Mathieu ou Saint-Mahé
      n’avait pas cessé d’être aux mains des Anglais et des partisans
      de Montfort.

      [234] Loire-Inférieure, arr. Saint-Nazaire. L’ordre ou plutôt
      le désordre absolu de cette énumération prouve avec évidence,
      d’abord que Froissart était tout à fait ignorant en matière de
      géographie bretonne, ensuite que ce chroniqueur cite au hasard
      et pêle-mêle les forteresses ou lieux forts de cette province
      dont le nom lui était resté dans la mémoire, par conséquent
      que son témoignage, en ce qui concerne la marche suivie par
      Du Guesclin et son corps d’armée, ne mérite aucune confiance.
      Cabaret d’Orville ajoute aux places mentionnées ici Broons
      (Côtes-du-Nord, arr. Dinan), Tinténiac (Ille-et-Vilaine, arr.
      Saint-Malo), Fougères et Dinan (_La vie du bon duc Loys de
      Bourbon_, p. 42 à 44); et Guillaume de Saint-André (_Le livre du
      bon Jehan duc de Bretaigne_, dans Charrière, _Chronique rimée de
      B. du Guesclin_, II, 489), indique en outre Montmuran (château de
      la commune des Ifs, Ille-et-Vilaine, arr. Montfort, c. Bécherel)
      et Auray (Morbihan, arr. Lorient). L’auteur de la _Chronique des
      quatre premiers Valois_ (p. 245) se borne à dire que toutes les
      villes et forteresses de Bretagne se rendirent, excepté Brest
      et Derval. Le rédacteur des _Grandes Chroniques de France_ (VI,
      335) se contente également de cet énoncé sommaire, avec cette
      différence toutefois qu’il excepte Auray, aussi bien que Brest
      et Derval, du nombre des forteresses bretonnes qui reconnurent
      l’autorité du roi de France. Ce dernier témoignage est à la fois
      le plus sommaire et le plus exact.

      [235] Morbihan, arr. Lorient, petit port sur la rivière de
      Blavet qui communique avec la mer par les rades de Lorient et
      de Port-Louis. En faisant mouiller à Hennebont une flotte qui
      cinglait de Saint-Malo vers Brest, Froissart a montré ici une
      fois de plus sa complète ignorance au sujet de la situation
      réciproque de ces trois villes.

      [236] Thomelin étant un diminutif de Thomas, dont on usait
      volontiers pour distinguer un fils de son père, lorsque celui-ci
      portait ce même prénom, nous croyons pouvoir identifier le
      «Thomelin Wisk» auquel le comte de Salisbury avait confié la
      garde d’Hennebont, avec Thomas West, du comté de Southampton,
      mentionné dans des mandements d’Édouard III en date des 12
      juin et 20 juillet 1373 comme l’un des hommes d’armes chargés
      spécialement de pourvoir à la défense des rivages de ce comté
      (Rymer, III, 945, 988). Le capitaine d’une garnison anglaise,
      lorsqu’il était réduit à capituler comme ce fut le cas de Thomas
      West à Hennebont, se voyait d’ordinaire imposer l’obligation de
      ne pas porter les armes en France, du moins pendant un temps
      déterminé. Si notre identification est fondée, la reddition
      d’Hennebont à Du Guesclin serait antérieure au 12 juin et, selon
      toute apparence, des derniers jours de mai 1373.

L’armée assiégeante est forte de vingt mille combattants. Avant de
monter à l’assaut, Du Guesclin s’avance jusqu’aux barrières et prévient
les habitants d’Hennebont qu’ils seront tous massacrés jusqu’au dernier
si un seul d’entre eux est trouvé les armes à la main dans les rangs
des combattants. Se voyant réduits à eux-mêmes et se jugeant incapables
de résister à des forces aussi considérables, les Anglais de la
garnison sollicitent un sauf-conduit pour venir jusqu’aux barrières
parlementer avec les assiégeants. A la faveur de ce sauf-conduit,
Thomelin West et quatre de ses compagnons ont une entrevue avec les
chefs de l’armée assiégeante et s’engagent à livrer la ville et le
château d’Hennebont moyennant qu’ils auront la vie sauve et pourront se
retirer à Brest avec armes et bagages. Ce fut ainsi que, sans recourir
à la force des armes, le connétable réussit à s’emparer par ruse d’une
place dont il n’aurait pas échangé la possession contre une somme de
cent mille francs. P. 129 à 131, 313.

Du Guesclin met une garnison dans le château d’Hennebont et se dirige
vers Nantes et les bords de la Loire, réduisant sous l’obéissance du
roi de France tous les endroits par où il passe. En même temps, Louis,
duc d’Anjou[237], rassemble toutes ses forces en vue d’une expédition
projetée contre la forteresse de la Roche-sur-Yon[238], située sur
les marches de son duché et occupée par les Anglais. En apprenant ces
nouvelles, le comte de Salisbury et les autres Anglais qui ont quitté
Saint-Malo pour venir s’enfermer dans le château de Brest, laissant
ce château sous la garde de Robert Knolles, se rembarquent sur leur
flotte et cinglent vers Redon et Guérande. Dans le trajet d’Hennebont
à Nantes, le connétable de France met le siège devant le château de
Derval[239], appartenant à Robert Knolles, qui en a confié la garde
à deux frères, ses cousins, Hue et Renier Browe[240]. A ce moment,
mille hommes d’armes et quatre mille archers, sous les ordres de
Jean de Beuil, de Guillaume des Bordes, de Louis de Saint-Julien et
d’Éven Charuel, se détachent du corps d’armée de Du Guesclin pour aller
rejoindre le duc d’Anjou devant la Roche-sur-Yon. Un autre détachement,
composé de mille lances et commandé par Olivier, seigneur de Clisson,
Jean, vicomte de Rohan, les seigneurs de Léon, de Beaumanoir, de Rais,
de Rieux, d’Avaugour, de Malestroit, du Pont et de Rochefort, va mettre
le siège devant Brest[241] afin d’empêcher Robert Knolles de venir
au secours de sa forteresse de Derval. C’est ainsi que les partisans
du roi de France assiègent à la fois quatre places, les Normands
Bécherel, les Bretons Brest et Derval, les Poitevins et les Angevins la
Roche-sur-Yon. P. 131 à 134, 313.

      [237] Quoi qu’en dise Froissart, Louis, duc d’Anjou, ne joua
      personnellement aucun rôle dans la campagne de Bretagne, du moins
      pendant les huit premiers mois de 1373. Tandis que Du Guesclin
      dirigeait les opérations contre les Anglais dans cette province,
      l’aîné des frères de Charles V guerroyait en Languedoc et, vers
      la fin de juin, entreprenait contre les places anglo-gasconnes
      du comté de Bigorre, notamment contre Mauvezin et Lourdes, cette
      expédition que le chroniqueur de Valenciennes, conséquent dans
      son erreur, a reculée d’une année en la reportant, comme nous le
      montrerons plus loin, au mois de juin 1374.

      [238] Le siège fut mis devant la Roche-sur-Yon presque aussitôt
      après la victoire de Chizé et la prise de Niort, non point, comme
      le raconte Froissart, par le duc d’Anjou, mais par Olivier,
      seigneur de Clisson. Le 1er mai 1373, Jean, duc de Berry, qui
      se trouvait alors à Poitiers, donna l’ordre d’allouer une somme
      de 40 sous au Roi de Berry, un de ses hérauts, pour porter un
      «message à monseigneur de Clisson à la Roche sur Yon» (_Arch.
      Nat._, KK. 251, fº 94 vº). Ce siège durait sans doute encore le
      23 juillet suivant, puisque ce jour-là ce même duc fit partir de
      Niort l’un de ses chevaucheurs avec des lettres destinées «au
      sire de Clisson à la Roche sur Yon» (_Ibid._, fº 127). Parmi les
      assiégeants figuraient quelques-uns des plus grands seigneurs
      du Poitou, entre autres Guillaume Larchevesque, seigneur de
      Parthenay, vers lequel le duc de Berry envoya de Poitiers, le 18
      mai, Guillaume Bonnet, l’un de ses chambellans (_Ibid._, fº 102
      vº).

      [239] Loire-Inférieure, arr. Châteaubriant, à la croisée des
      routes de Rennes à Nantes, de Château-Gontier et de Châteaubriant
      à Redon et à Vannes. Il ne reste aujourd’hui de l’ancien château
      de Derval, situé a 3 kil. au nord-est du bourg de ce nom, que la
      moitié du donjon coupé verticalement et haut de 28 mètres.

      [240] Par acte daté du palais de Westminster le 2 novembre
      1374, des lettres de sauf-conduit furent délivrées à Hugue ou
      Hue Browe, chevalier, qui se disposait à passer la mer pour le
      service du roi d’Angleterre en compagnie d’Edmond, comte de March
      (Rymer, III, 1014).

      [241] Plusieurs montres de gens d’armes reçues devant Brest,
      notamment celles de Jean de Beaumanoir et de Robert de Guitté,
      chevaliers, maréchaux «de monseigneur le connestable de France»
      (Hay du Chastelet, _Hist. de B. du Guesclin_, p. 382), celle
      de Jean Raguenel, vicomte de Dinan, de Pierre, seigneur de
      Rostrenen, de Geffroi de Kerimel, de Guillaume, châtelain
      de Beauvais, de Henri de Pledren, de Thibaud de Rivière (D.
      Morice, _Preuves_, II, col. 64, 65; Hay de Chastelet, _Hist. de
      B. du Guesclin_, p. 379-382), plusieurs montres, disons-nous,
      établissent que le corps d’armée placé sous le commandement
      immédiat de Bertrand du Guesclin avait mis le siège devant
      Brest dès le 1er juin 1373. Le 4 de ce mois, le connétable en
      personne dirigeait les opérations du siège, puisque ce jour-là,
      par lettres données devant Brest, il confirma une donation
      antérieurement faite à maître Jean le Barbu, conseiller de Jean
      de Montfort, de certains héritages situés dans l’évêché de Léon
      (_Arch. Nat._, JJ 104, nº 234, fº 99 vº). Le 23 juin, Henri de
      Pledren donna quittance de ses gages «au siège devant Brest» (Hay
      du Chastelet, p. 382). Le 26 du même mois, Du Guesclin continuait
      de diriger en personne les opérations du siège et octroyait à
      Perrin Mottin, de la paroisse de Notre-Dame d’Ambrières (Mayenne,
      arr. Mayenne) des lettres de grâce ou de rémission «données
      devant Brest» (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 80, fº 52). Enfin, le 28
      juin, Brumor de Laval, Pierre, seigneur de Rostrenen, Gilbert de
      Combray, Henri de Pledren firent montre ou donnèrent quittance
      «au siège devant Brest» (Dom Morice, _Preuves_, II, col. 66;
      _Bibl. Nat._, _Collect. Clairambault_, reg. 33, p. 2491).

Après avoir repoussé plusieurs assauts, les frères Browe, capitaines de
Derval, voyant qu’ils ne peuvent informer Robert Knolles de l’extrémité
où ils sont réduits, proposent à Du Guesclin un arrangement en vertu
duquel ils s’engagent à rendre la place s’ils ne sont pas secourus
dans un délai de quarante jours. Le connétable de France prend l’avis
du duc d’Anjou, qui lui conseille d’accepter cette proposition, à la
condition que les assiégés livreront des otages; les frères Browe
livrent donc deux chevaliers et deux écuyers que Bertrand envoie à la
Roche-sur-Yon vers le duc d’Anjou. En attendant l’expiration de la
trêve de quarante jours, Du Guesclin laisse devant Derval quatre mille
combattants de Bretagne, de Limousin, d’Auvergne et de Bourgogne, et
chevauche vers Nantes avec cinq cents lances. P. 134, 135, 313.

A la nouvelle de l’approche du connétable de France, les bourgeois de
Nantes ferment devant lui les portes de leur ville et ne consentent
à le recevoir qu’à des conditions déterminées. S’ils veulent rester
Français et sont bien décidés à ne laisser pénétrer aucun Anglais dans
leur cité, ils ne tiennent pas moins à garder le serment de fidélité
qu’ils ont prêté à Jean V, duc de Bretagne, leur seigneur immédiat.
Sous ces réserves dont il reconnaît la légitimité, Du Guesclin fait son
entrée dans Nantes, où il passe huit jours; le neuvième jour, il quitte
cette ville et va habiter un manoir du duc de Bretagne situé dans les
environs, sur le bord de la Loire, où il se tient en communication
constante avec le roi de France, ainsi qu’avec les chefs des divers
corps d’armée qui prennent part aux opérations, et notamment avec le
duc d’Anjou qui assiège la Roche-sur-Yon. P. 135, 136, 313.

Sur les instances du duc de Bretagne réfugié à la cour d’Angleterre,
Édouard III met sur pied un corps d’armée de deux mille armures de
fer et de quatre mille archers. Sous les ordres de Jean, duc de
Lancastre, fils du roi anglais, et du duc Jean V, ce corps d’armée doit
passer la mer, débarquer au havre de Calais, envahir la France par la
Picardie, s’avancer entre Seine et Loire et finalement pénétrer en
Normandie et en Bretagne afin de faire lever les sièges de Bécherel, de
Saint-Sauveur-le-Vicomte, de Brest et de Derval. On a préparé longtemps
à l’avance le matériel de l’expédition, les voitures de transport,
les moulins à main pour moudre le blé et autres grains, ainsi que
les fours portatifs pour cuire le pain[242]. Trois ans auparavant,
le duc de Lancastre avait déjà projeté une expédition du même genre
pour laquelle les ducs de Gueldre et de Juliers avaient promis de lui
fournir douze cents lances l’année même où ils livrèrent bataille
au duc de Brabant; mais la mort d’Édouard, duc de Gueldre, et des
embarras de tout genre survenus au duc de Juliers avaient fait obstacle
à l’accomplissement de ce projet. Le roi d’Angleterre et le duc de
Lancastre n’en avaient pas moins continué leurs préparatifs. Édouard
III offrit alors de prendre à sa solde tous les chevaliers de Flandre,
de Brabant, de Hainaut et d’Allemagne qui voudraient bien entrer à son
service moyennant finance; le duc de Lancastre, de son côté, avait
réussi par ce moyen à enrôler bien trois cents hommes d’armes écossais.
Le rendez-vous général avait été fixé à Calais, où tous les hommes
d’armes étrangers, après avoir été payés de leurs gages pour six mois,
devaient attendre l’arrivée des ducs de Lancastre et de Bretagne; et
cette attente fut longue, parce qu’il fallut beaucoup de temps pour
transporter de Douvres à Calais les provisions et le matériel de
l’expédition[243]. A la nouvelle de ces préparatifs, Charles V fait
presser les opérations en Bretagne et mettre en bon état de défense
les places de Picardie qu’il sait devoir être exposées les premières
aux attaques de l’ennemi; en même temps, il donne des ordres pour que
les habitants du plat pays transportent dans les villes fermées ce
qu’ils possèdent de plus précieux et pour que l’on détruise tout ce
qui pourrait tomber entre les mains des envahisseurs.--Les gens de
Louis, duc d’Anjou, continuent d’assiéger la Roche-sur-Yon en l’absence
de leur duc retourné à Angers. Un chevalier anglais, nommé Robert
Grenacre, capitaine de la garnison de cette forteresse, s’engage à la
livrer à ces gens d’armes s’il n’est pas secouru dans le délai d’un
mois, à la condition que lui et ses soudoyers auront la vie sauve et
pourront, moyennant un sauf-conduit, se retirer à Bordeaux avec tout
ce qui leur appartient. A l’expiration du terme fixé, Grenacre n’ayant
reçu aucun secours, ouvre les portes de la Roche-sur-Yon aux gens du
duc d’Anjou et s’achemine en compagnie de tous les siens vers Bordeaux.
P. 137 à 139, 314.

      [242] Plusieurs mandements d’Édouard III en date des 22 et
      28 avril 1373 se rapportent aux préparatifs maritimes de
      l’expédition du duc de Lancastre (Rymer, III, 974, 977). Un
      autre mandement du roi d’Angleterre, adressé le 28 mai suivant à
      Adam Blakemore, maréchal de Jean de Montfort, qui comptait alors
      des Anglais parmi les officiers de sa maison, semble indiquer
      que l’objectif de l’expédition projetée, du moins à cette date,
      était la Bretagne; on y lit en effet les mots suivants: «quos
      (il s’agit des hommes d’armes de Jean de Montfort) in obsequium
      nostrum, _in comitiva præfati ducis_, AD PARTES BRITANNIÆ
      _proficisci ordinavimus_» (Rymer, III, 981).

      [243] L’acte par lequel Édouard III institua Jean, duc de
      Lancastre, roi de Castille et de Léon, son lieutenant spécial et
      capitaine général, tant au royaume de France qu’en Aquitaine,
      avec les pleins pouvoirs attachés à ces titres, est daté du
      palais de Westminster le 12 juin 1373. Le 16 de ce mois, le roi
      d’Angleterre ordonna des prières publiques par tout son royaume
      pour le succès de l’expédition (Rymer, III, 982, 983). Le 23, il
      décida que, dès le lendemain vendredi 24 juin, jour de la fête de
      Saint-Jean-Baptiste, tous les hommes d’armes enrôlés devraient
      être rendus dans leurs ports respectifs pour s’embarquer et
      prendre immédiatement la mer (_Ibid._, 987).

Olivier, seigneur de Clisson, Jean, vicomte de Rohan, Gui, seigneur
de Rochefort, et Jean, seigneur de Beaumanoir, se détachent un jour
avec cinq cents lances du corps d’armée qui assiège Brest et vont
attaquer Conq[244], petite forteresse située sur le bord de la mer,
dont la garnison a pour capitaine un chevalier anglais de l’hôtel du
duc de Bretagne nommé Jean Lakyngeth[245]. Ils emportent d’assaut
cette forteresse et tuent tous les Anglais qu’ils y trouvent, à
l’exception du capitaine et de six hommes d’armes qu’ils retiennent
prisonniers[246]; et après avoir remis en état les fortifications de
Conq et y avoir établi garnison, ils retournent au siège de Brest. P.
139, 140, 314.

      [244] Sur Conq, voyez plus haut p. LXXI, note 4. La forteresse de
      Conq fut assiégée et prise d’assaut par Du Guesclin en personne
      vers la fin de mai 1373. En effet, par lettres datées de Conq
      le 28 de ce mois, le duc de Molina, connétable de France, donna
      à son amé cousin et bachelier Jean de Juch les châtellenies et
      villes de Rosporden et de Fouesnant (Finistère, arr. Quimper), en
      l’évêché de Cornouaille, confisquées sur Robert Knolles, Anglais
      et ennemi du roi de France (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 26, fº 22
      vº).

      [245] Jean Lakyngeth, chevalier, était trois ans plus tard, en
      1376, l’un des deux principaux gardiens du château de Brest
      (Voyez plus haut, p. LXXI, note 3). D’après Cabaret d’Orville (p.
      44), le capitaine de Conq était un écuyer anglais nommé Jennequin
      Pel. Cet écuyer est sans doute le même personnage que «Jehan
      Pil», écuyer, l’un des six otages livrés le 8 juillet 1373 à Du
      Guesclin en vertu de la capitulation de Brest (_Arch. Nat._, J
      642, nº 21).

      [246] Dans le traité de capitulation du château de Brest en date
      du 6 juillet 1373, Robert Knolles eut soin de stipuler que Jean
      Lakyngeth, prisonnier des Français, serait remis en liberté et
      échangé contre Hervé de Saint-Gouëno.

L’expédition contre Conq ayant amené une diversion et rendu moins
étroit le blocus de Brest, un messager envoyé par les frères Browe pour
informer Robert Knolles de la situation critique où se trouvent réduits
les défenseurs de son château de Derval, réussit à s’introduire un
soir dans la place assiégée. Knolles imagine alors de proposer aux
assiégeants de leur rendre Brest s’il ne reçoit pas de secours dans le
délai d’un mois. Avant de rien décider, Clisson et les autres grands
seigneurs bretons veulent avoir l’avis du connétable qui se tient alors
près de Nantes[247], et chargent le chevalier et les deux écuyers,
porteurs de la proposition du capitaine de Brest, d’aller moyennant un
sauf-conduit la soumettre à Bertrand du Guesclin. Celui-ci conseille
de l’accepter, à la condition toutefois que Robert Knolles livrera de
bons otages[248]. Les otages une fois livrés, Clisson et les autres
barons lèvent le siège de Brest et vont rejoindre le connétable près de
Nantes, en attendant le moment fixé pour la reddition de Derval et de
Brest. Quant à Knolles, il s’empresse de profiter de la levée du siège
pour se bouter dans son château de Derval[249], ce qui éveille à juste
titre la défiance de Du Guesclin, puisqu’il était convenu avec Hue
Browe, capitaine de cette forteresse, que les Anglais ne pourraient lui
porter secours qu’après avoir offert la bataille aux Français et les
avoir vaincus. P. 140 à 142, 314.

Avant de quitter Brest, Robert Knolles fait savoir au comte de
Salisbury[250], capitaine de la flotte anglaise alors ancrée dans le
port de Guérande, la teneur du traité de capitulation; aux termes de ce
traité, il faut se mettre en mesure d’offrir la bataille aux Français
dans le délai d’un mois si l’on ne veut être réduit, dès que ce délai
sera expiré, à leur livrer la place de Brest. Le comte de Salisbury
lève aussitôt l’ancre et vient mouiller en face des remparts de cette
place. Ayant fait débarquer et mettre en ligne deux mille hommes
d’armes et autant d’archers, il envoie prévenir Du Guesclin et Clisson
qu’il les attend pour leur livrer bataille sous les murs de Brest,
afin de dégager cette forteresse et de recouvrer les otages qui ont
été livrés. Le connétable de France fait répondre au commandant de la
flotte anglaise qu’il l’invite à marcher à sa rencontre. Le comte de
Salisbury renvoie un héraut dire à Du Guesclin que lui et les siens
sont des marins dépourvus de cavalerie, mais qu’ils ne demandent pas
mieux que d’aller au-devant des Français si ceux-ci veulent leur prêter
des chevaux. Le connétable, Clisson et les autres barons de France et
de Bretagne, ayant réuni un corps d’armée de quatre mille lances et de
quinze mille gens de pied, se décident à venir camper à la distance
d’une journée de la forteresse de Brest, à la place même qu’occupaient
les assiégeants au moment où le traité de capitulation avait été
conclu; et sur le refus des Français de faire encore la moitié du
chemin qui les sépare du corps d’armée anglais, le comte de Salisbury
prétend qu’il leur a offert en vain la bataille et les somme[251] en
conséquence de renvoyer les otages livrés par Robert Knolles. P. 142 à
146, 314.

      [247] Au moment où le traité de capitulation fut conclu,
      c’est-à-dire le mercredi 6 juillet 1373, Du Guesclin ne se
      tenait point près de Nantes; il était présent devant Brest,
      comme l’attestent les deux premières lignes de ce traité que
      nous transcrivons littéralement: «Saichent touz que nous Jehan,
      seigneur de Neuville, Robert Kenole, sire de Derval, et Thomas
      de Melleborne, à present tenanz la ville et chastel de Brest,
      avons octroié, promis et accordé à nobles et puissanz seigneurs
      le duc de Bourbon, _le connestable de France_ et au viconte de
      Rohan, _estanz à presant davant le dit fort_» (Voy. le texte
      de ce traité, p. CLX à CLXIII). Clisson, au contraire, devait
      être alors, non devant Brest, mais à la Roche-sur-Yon. En vertu
      du premier et principal article du traité de capitulation du 6
      juillet 1373, Jean, seigneur de Nevill, Robert Knolles et Thomas
      de Melbourne prenaient l’engagement de rendre un mois plus tard,
      c’est-à-dire le 6 août suivant, les ville et château de Brest
      ès mains du vicomte de Rohan, «en cas que le duc ne vendra
      le derrain jour du dit mois de paiz ou si fort que il puisse
      tenir les champs en place égal davant la dicte ville de Brest.»
      Semblable engagement fut pris pour la duchesse de Bretagne
      enfermée dans Auray, avec cette réserve toutefois qu’il serait
      accordé huit jours à la dite duchesse pour accorder ou refuser sa
      ratification, en ce qui concernait la dite forteresse d’Auray.

      [248] Les six otages accordés au connétable de France, Jourdan
      d’Aulen, chevalier, Robert Clifton, Jean Welelbort, Jean Pil,
      Jean Ambloy et Jean Hecton, écuyers anglais, prêtèrent serment
      devant Brest le 8 juillet 1373 (_Arch. Nat._, J 642, nº 21;
      Kervyn de Lettenhove, _Œuvres de Froissart_, XVIII, 509, 510).

      [249] Si Robert Knolles avait tenu la conduite que lui prête ici
      Froissart, il aurait forfait à un engagement qu’il avait pris de
      la manière la plus solennelle, car il avait promis, en vertu de
      l’un des articles du traité du 6 juillet, de demeurer avec tous
      ses compagnons dans la place de Brest jusqu’au 6 août suivant,
      en d’autres termes pendant un mois: «Nous dessus nommez (Nevill,
      Knolles, Melbourne), avecques touz noz compaignons que nous avons
      à present, _demourrons un mois après le jour de ceste accordance
      jurée en la dicte ville et chastel de Brest_.» Au premier abord,
      une lettre close adressée au duc de Bourbon, à Du Guesclin et au
      vicomte de Rohan semblerait donner un démenti au chroniqueur,
      puisqu’elle est écrite au nom des trois capitaines anglais et
      qu’elle est datée de Brest le 4 août, à la veille de l’expiration
      de l’armistice. Quoique cette lettre ait été déjà publiée par
      M. Kervyn de Lettenhove (_Œuvres de Froissart_, XVIII, 510),
      nous croyons utile de la reproduire ici, parce que deux mots,
      fort importants pour indiquer le ton et préciser le sens de ce
      document, ont été mal lus par le premier éditeur: «Jouhan, sire
      de Neuville, Robert Kanoles, sire de Derval et de Rougé, et
      Thomas de Melborne. Vous (Kervyn: _à Lois_), sire duc de Bourbon,
      sire Bertram du Guesclin, conestable de France, Jouhan, viconte
      de Rohan, nous nous en merveillonx moult que vous nous avés enxin
      (Kervyn: _en rien_) rescript depuis que nous vous avons trois
      foiz rescript, vous certefiant les deffaux que vous nous avez
      faict contre l’acordance juré entre vous et nous et scellé de voz
      seaux. Sur quoy nous nous tenons quittes et delivres de toutes
      trette et promesse entre vous et nous. Si vous requerons, comme
      autreffoiz vous avons requis, de nous rendre noz ostages en la
      ville de Brest quitement sanz empechement. Escript à Brest, le
      judi quatriesme jour d’aoust, à houre de vespres, l’an mill tres
      cens sexante et treze.» (_Arch. Nat._, J 642, nº 22). Quoique
      cette lettre close soit écrite au nom de Nevill, de Knolles et
      de Melbourne, elle n’est munie ni du sceau de Robert Knolles ni
      de celui de Thomas de Melbourne. Un seul sceau est plaqué sur le
      papier, celui de Jean de Nevill, seigneur de Raben. La légende de
      ce sceau est ainsi conçue: _Sigillum Johannis de Nevile, domini
      de Raben._

      L’absence des sceaux de Knolles et de Melbourne semble indiquer
      que ces deux personnages ne se trouvaient pas à Brest au moment
      où la lettre du 4 août a été rédigée. Cette circonstance tendrait
      donc à confirmer la version de Froissart.

      [250] Il est certain qu’à la date du 7 août 1373 Guillaume de
      Montagu, comte de Salisbury, qui s’intitule «lieutenant du roi
      d’Angleterre en Bretagne dans le voyage ordonné pour le siège du
      château de Brest», était venu mouiller avec sa flotte devant ce
      château, puisque, ce jour-là, lui et Jean, seigneur de Nevill,
      lieutenant du duc de Bretagne, firent mandement au contrôleur
      de l’artillerie du château de Bordeaux de livrer à Thomas de
      Melbourne, clerc trésorier de Jean de Montfort, 100 arcs, 200
      gerbes de flèches et 200 cordes d’arc pour la défense du dit
      château de Brest (_Arch. hist. de la Gironde_, XII, 328).

      [251] Comme on l’a vu dans une des notes précédentes, cette
      sommation ne fut pas adressée par le comte de Salisbury, mais
      par les trois personnages qui avaient scellé le traité de
      capitulation du 6 juillet, à savoir: Jean, seigneur de Nevill,
      Robert Knolles et Thomas de Melbourne.

Cela fait, les Anglais, après avoir ravitaillé le château de Brest et
renforcé la garnison, se rembarquent, lèvent l’ancre et cinglent vers
Saint-Mathieu; le défaut de cavalerie ne leur permet pas de marcher au
secours de Derval et d’ailleurs Knolles leur a mandé qu’il n’a besoin
de l’assistance de personne et se charge bien tout seul de tenir tête
à ses adversaires. Le départ des Anglais rend inutile la prolongation
de séjour des Français et des Bretons, qui se retirent emmenant avec
eux les otages de Brest. Le connétable et les siens vont alors camper
devant Derval pour tenir leur journée; mais Robert Knolles leur fait
dire qu’ils n’ont que faire d’attendre la reddition du château, car il
tient le traité de capitulation pour nul et non avenu, et la raison
en est qu’il ne reconnaît pas à ses gens le droit de conclure un
arrangement quelconque sans son assentiment. Grand est l’étonnement du
connétable, du seigneur de Clisson, des barons de France et de Bretagne
en recevant cette notification qu’ils se hâtent de transmettre au duc
d’Anjou; celui-ci part aussitôt d’Angers et arrive devant Derval. P.
146, 147, 314.

Sur ces entrefaites, Jean, duc de Lancastre, et Jean V, duc de
Bretagne, débarquent à Calais[252] avec une armée composée de trois
mille hommes d’armes, de six mille archers et de deux mille autres
combattants. Le connétable de cette armée est Édouard Spencer, et
les maréchaux sont Thomas, comte de Warwick, et Guillaume, comte de
Suffolk. Noms des principaux barons d’Angleterre qui prennent part
à cette expédition. Nicolas de Tamworth est alors capitaine de la
garnison de Calais. Les ducs de Lancastre et de Bretagne quittent cette
ville un mercredi matin, passent devant Guines[253] où commande Jean de
Harleston, devant Ardres[254] dont Jean, seigneur de Gommegnies, est
capitaine, devant la Montoire[255] dont la garnison est placée sous les
ordres d’un chevalier picard nommé Honnecourt; et, sans livrer assaut
à cette dernière forteresse, ils se viennent loger sur les bords de la
belle rivière qui court à Ausques[256] et leurs lignes se développent
sur une telle largeur qu’elles s’étendent depuis Balinghem[257]
jusqu’à l’abbaye de Licques[258]. Le second jour, ils contournent la
ville de Saint-Omer, bien défendue par le vicomte de Meaux[259], et
campent le soir sur les hauteurs de Helfaut[260]. Le troisième jour,
ils passent à côté de Thérouanne[261] où les seigneurs de Sempy[262],
de Brimeux[263], de Poix[264], et Lionel d’Airaines[265] commandent
une garnison de deux cents lances. Ils chevauchent en trois batailles,
ne faisant pas plus de trois ou quatre lieues par jour, se logeant
de haut jour, se retrouvant ensemble tous les soirs et chaque corps
ou bataille ayant toujours soin de rester en contact avec les deux
autres. Les maréchaux commandent le premier corps; les deux ducs de
Lancastre et de Bretagne, le second; puis vient le charroi contenant
les approvisionnements; enfin, le connétable fait l’arrière-garde. Ces
trois corps se rejoignent et aucun ne s’écarte de la voie qui lui a été
assignée, de même qu’aucun chevalier ni écuyer ne se permet de rompre
les rangs et de se séparer de sa compagnie sans en avoir reçu l’ordre
des maréchaux. Aussitôt que le roi de France est informé de la marche
en avant de cette armée d’invasion, il rappelle en France quelques-uns
des chevaliers qui guerroient en Bretagne, notamment Olivier, seigneur
de Clisson[266], Jean, vicomte de Rohan, Jean de Beuil, Guillaume des
Bordes et Louis de Saint-Julien, car il veut faire poursuivre les
Anglais. Le connétable Du Guesclin[267], Louis, duc de Bourbon, Pierre,
comte d’Alençon, restent seuls auprès du duc d’Anjou jusqu’à ce que
l’on en ait fini avec ceux de Derval. Pendant que les seigneurs mandés
par Charles V font leurs préparatifs et se rendent de Bretagne en
France, les ducs de Lancastre et de Bretagne mettent au pillage le pays
qu’ils traversent sur une largeur de six lieues, faisant main basse sur
tout ce qu’ils trouvent et ne recourant à leurs approvisionnements
qu’à défaut de vivres pris sur le pays. P. 147 à 151, 314, 315.

      [252] Jean, dit de Gand, duc de Lancastre, et Jean de Montfort,
      duc de Bretagne, débarquèrent à Calais dans le courant du mois
      de juillet 1373: «Adivit (dux Britanniæ) villam de Calaisio
      in eodem anno 1373, _mense Julii_» (Chronicon Briocense, dans
      _Hist. de Bretagne_, par dom Morice, Preuves, I, 47).--«Item, _en
      celuy mois de juillet_ (1373), Jehan, duc de Lenclastre, fils
      du roy d’Angleterre, et Jehan, conte de Montfort.... vindrent
      d’Angleterre à Calais» (_Grandes Chroniques_, VI, 339). Dès le 27
      de ce mois, la nouvelle du débarquement de l’armée anglaise sur
      le continent fut transmise par Philippe le Hardi, qui se trouvait
      alors à Amiens, à la duchesse sa femme restée en Bourgogne (Dom
      Plancher, _Hist. de Bourgogne_, III, 41; Preuves, XXXIII).
      Toutefois, le matin du 3 août suivant, Jean, duc de Lancastre,
      n’avait pas encore quitté Calais (Delpit, _Documents français
      en Angleterre_, p. 189). L’armée d’invasion dut s’ébranler ce
      jour-là même qui était, comme le dit Froissart, un mercredi, dans
      l’après-midi, puisqu’elle était déjà arrivée devant Roye lorsque
      Jean de Montfort, duc de Bretagne, vassal du roi de France,
      envoya à ce dernier des lettres de défi ou, comme nous dirions
      aujourd’hui, une déclaration de guerre qui fut remise à Charles V
      le 8 août (Hay du Chastelet, _Hist. de B. du Guesclin_, p. 452).

      [253] Guines en Calaisis, Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer.

      [254] Ardres en Calaisis, Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer.

      [255] Hameau de Zutkerque, Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c.
      Audruicq.

      [256] Auj. Nordausques (Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c.
      Ardres). La belle rivière dont parle Froissart est le Hem,
      qui, prenant ses diverses sources à Escœuilles, à Surques, à
      Rebergues, à Haut-Loquin et à Alquines, passe à Audrehem, à
      Tournehem et à Nordausques; à Polincove (arr. Saint-Omer, c.
      Audruicq), le Hem ou Meulestroom se divise en deux bras dont l’un
      se jette dans l’Aa près d’Holque, tandis que l’autre va alimenter
      le canal de Calais à Saint-Omer.

      [257] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Ardres.

      [258] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Guines. Abbaye de
      Prémontrés au diocèse de Thérouanne. Cette abbaye était fortifiée
      et défendue par une garnison dont Jean de Calonne, écuyer, était
      capitaine en 1375 (_Arch. Nat._, JJ 106, nº 376, fº 96) et en
      1382 (_Bibl. Nat., Collection Clairambault_, reg. 24, p. 1743).
      Le 2 avril 1376, ce même Jean de Calonne commandait aussi la
      garnison du fort d’Alquines (_Ibid._, p. 1741). Au mois de mars
      1375 (n. st.), Charles V octroya des lettres de rémission à Jean
      de Calonne, fils de Jean, à Enguerran Wik, à Etienne de Lambel,
      dit le Flamand, et à Jean Barbier, «pauvres compagnons de la
      garnison de l’abbaye de Licques», au sujet du meurtre d’un valet
      qui, mangeant des harengs et les trouvant trop maigres, avait
      proposé ironiquement de les faire cuire avec une chandelle de
      suif pour les rendre plus gras (_Arch. Nat._, JJ 106, nº 376).

      [259] Robert de Béthune, vicomte de Meaux.

      [260] Le plateau de Helfaut est situé à 7 kil. au sud de
      Saint-Omer, à moitié chemin de cette ville et de Thérouanne.

      [261] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Aire-sur-la-Lys. La
      Roque a publié (_Hist. de la maison d’Harcourt_, addit. aux
      preuves, IV, 1466, 1467) les montres des gens d’armes reçus
      à Thérouanne du 1er janvier au 24 avril 1373 pour servir ès
      parties de Picardie sous Hue de Châtillon, sire de Dampierre et
      de Rollaincourt, maître des arbalétriers de France et capitaine
      général pour le roi ès parties de Picardie.

      [262] Le 1er mai 1373, Charles V octroya des lettres de quittance
      générale à Jean, seigneur de Sempy, chargé de la garde de
      Boulogne-sur-Mer et du pays d’environ sur la frontière de Calais,
      du 1er avril 1368 au dernier avril 1372, et depuis lors capitaine
      du pays de Picardie (_Arch. Nat._, JJ 106, nº 166, fº 92).

      [263] Par actes datés de Thérouanne les 21 janvier 1373 (n.
      st.) et 26 août 1374, David de Poix, seigneur de Brimeux
      (Pas-de-Calais, arr. Montreuil-sur-Mer, c. Campagne-lez-Hesdin),
      donna quittance de ses gages ès guerres de Picardie (_Bibl. Nat.,
      Collect. Clairambault_, reg. 22, p. 1571, et reg. 87, p. 6831).

      [264] Jean, seigneur de Poix (Somme, arr. Amiens), donna
      quittance de ses gages à Abbeville le 11 janvier 1370 (_Bibl.
      Nat., Collect. Clairambault_, reg. 87, p. 6833).

      [265] Le 1er mars 1376 (n. st.), Lionel d’Airaines, chevalier,
      donna quittance de ses gages desservis à la poursuite des
      routiers (_Bibl. Nat., Clairambault_, reg. 5, p. 239).

      [266] Les choses se passèrent en réalité d’une manière tout à
      fait contraire à ce que raconte ici Froissart. Le texte du traité
      de capitulation de Derval n’est malheureusement pas parvenu
      jusqu’à nous, mais nous savons par un mandement de Charles V
      que Clisson, et non Du Guesclin, avait arrêté les bases de ce
      traité avec les capitaines anglais (Voy. p. XCIII, note 1). Le
      chroniqueur ne se trompe pas moins lorsqu’il affirme qu’Olivier
      répondit à l’appel du roi de France plus tôt que Bertrand et
      rejoignit le premier le corps d’armée qui poursuivait les Anglais
      sous les ordres du duc de Bourgogne. Il résulte de l’Itinéraire
      de Philippe le Hardi en 1373, dressé d’après le registre B 1436
      des Archives de la Côte-d’Or, dont nous devons la communication
      à l’obligeance de M. Ernest Petit, qu’Olivier, seigneur de
      Clisson, ne vint se joindre aux gens d’armes chargés de harceler
      l’armée du duc de Lancastre qu’à Sézanne (Marne, arr. Épernay),
      le mardi 13 septembre, plus d’un mois après le commencement des
      opérations. Jean de Beuil ne venait pas de Bretagne, mais du
      Languedoc.

      [267] Nous ne connaissons aucun acte de Du Guesclin daté du
      «siège devant Derval», comme on aurait dit alors en style de
      chancellerie. Depuis le 6 juillet, date du traité de capitulation
      de Brest et de la levée du siège de cette place, jusqu’à la fin
      d’août où Bertrand quitta la Bretagne pour se rendre à Paris
      d’abord et ensuite dans le corps d’armée du duc de Bourgogne, le
      connétable de France paraît avoir employé cet intervalle de deux
      mois environ à prendre possession d’un certain nombre de places
      de la partie septentrionale de la Bretagne, c’est-à-dire des
      évêchés de Tréguier, de Saint-Brieuc, de Saint-Malo et de Rennes.
      Le 11 juillet, il était à Tréguier, où il fit une donation à
      Guillaume de Kermartin, écuyer (Hay du Chastelet, _Hist. de Du
      Guesclin_, p. 383; D. Morice, _Preuves_, II, col. 76, 77), et
      où il confirma les privilèges maritimes de l’église et de la
      ville (_Bibl. de l’École des Chartes_, VIII, 235). Le lendemain
      12, il s’était transporté à Moncontour (Moncontour-de-Bretagne,
      arr. Saint-Brieuc), d’où il a daté une donation faite à Alain
      de Guihemarrou de biens sis dans la châtellenie d’Auray et
      confisqués sur Pierre de Guymarrou, partisan des Anglais (_Arch.
      Nat._, JJ 112, nº 158, fº 94). Le 28 juillet, il était rentré à
      Rennes, d’où il était parti un peu après le 19 mai précédent,
      comme l’atteste une charte datée de cette ville et par laquelle
      il manda à Perrot Nepveu, receveur de l’ordinaire, à Alain du
      Bouais, receveur de l’extraordinaire et des fouages de l’évêché,
      de ne plus faire obstacle au payement des ouvriers employés par
      les Frères Prêcheurs à la construction d’une église dans les
      faubourgs de la dite ville (_Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine_, série
      H, carton 5, nº 2). Dans le courant du mois d’août, sans doute
      dans les premiers jours de ce mois, c’est-à-dire à la date fixée
      pour la reddition de Brest, le connétable de France était revenu
      camper à peu de distance de cette place, puisque nous avons des
      lettres de rémission ou de grâce émanées de Bertrand du Guesclin,
      duc de Molina, et datées «de Mout Relaix, ou mois d’aoust 1373»;
      Moutrelaix, c’est Morlaix, et ces lettres furent octroyées à un
      écuyer au service du duc de Bourbon, nommé Guillaume de Mars,
      qui avait rossé deux ou trois habitants de Cusset en Auvergne
      (_Arch. Nat._, JJ 104, nº 302, fº 126). Le 14 août, Bertrand
      passait à la Roche-Derrien (Côtes-du-Nord, arr. Lannion), où il
      enjoignit au capitaine de cette place de maintenir les franchises
      de l’église, de la ville et de la banlieue de Tréguier; ce
      capitaine était alors Bertrand de Saint-Pern (_Bibl. de l’École
      des Chartes_, VIII, 237-239). Enfin, le 20 août, il était pour
      la seconde fois de retour à Rennes, où il notifia la levée d’un
      subside de 1 franc ou 20 sous par feu dans les cinq diocèses de
      Rennes, de Dol, de Saint-Malo, de Saint-Brieuc et de Vannes,
      subside destiné au payement des gens d’armes employés au siège
      de Derval, «_jaçoit ce que l’en ait encommencié treitié avec les
      gens d’armes ou dit lieu_, pour les garder qu’ils ne dommagent
      le peuple, celui treitié pendant, et _pour paier certaine somme
      de chevance que l’en leur a accordé paier le jour de la Saint
      Michiel prochaine_, et auxi _pour paier certaine somme à messire
      Robert Richier pour cause de Becherel_.» (D. Morice, _Preuves_,
      II, col. 77). Cette mesure fut, selon toute apparence, l’un des
      derniers actes d’autorité exercés en Bretagne par Du Guesclin,
      qui était alors à la veille de quitter le duché, puisqu’il dut
      arriver à Paris dans les derniers jours d’août (Voy. p. XCII,
      note 2).

Les Anglais passent devant Aire[268], allument partout l’incendie
en traversant le comté de Saint-Pol[269] et livrent un assaut
infructueux à la ville de Doullens[270]. Ils font halte à l’abbaye
du Mont-Saint-Éloi[271], située à deux petites lieues d’Arras,
et s’y reposent un jour et deux nuits; puis ils se dirigent vers
Bray-sur-Somme[272], dont la garnison, composée de chevaliers et
d’écuyers du pays[273], repousse victorieusement toutes leurs attaques;
à l’assaut de l’une des portes de cette forteresse, le Chanoine de
Robersart[274] fait merveille d’armes et sauve la vie à l’un de
ses écuyers. En quittant Bray, les envahisseurs se dirigent vers
Saint-Quentin et entrent dans le beau et riche pays de Vermandois[275].
Guillaume des Bordes, envoyé par le roi de France à Saint-Quentin en
qualité de capitaine, prête dix arbalétriers à Baudouin, seigneur de
Bousies, qui se rend à Ribemont[276] pour aider Gilles, seigneur de
Chin[277], dont il a épousé la fille, à garder cette forteresse.
Arrivé à deux lieues de Saint-Quentin sur la route de Laon, Baudouin
fait la rencontre de Jean de Beuil, qui va de la part de Charles
V se mettre à la tête de la garnison de Laon. Ces deux chevaliers
surprennent à une demi-lieue de Ribemont le charroi ainsi que les
bagages de Hugh de Calverly; et après avoir tué les valets qui les
conduisent, ils s’emparent de ces bagages et les emportent dans
Ribemont en guise de butin. Peu de temps avant leur arrivée, Gilles,
seigneur de Chin, avait amené un renfort de soixante lances, et parmi
les seigneurs de cette marche et de la vallée de l’Oise qui sont venus
s’enfermer dans Ribemont, on distingue Jean de Fosseux[278], les
seigneurs de Soize[279] et de Clary[280]. P. 151 à 153, 315.

      [268] Aire-sur-la-Lys, Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer.

      [269] Saint-Pol-sur-Ternoise, chef-lieu d’arrondissement du
      Pas-de-Calais.

      [270] Le rédacteur des _Grandes Chroniques de France_ (VI, 339)
      dit au contraire que les Anglais, venant de Hesdin, firent route
      par Doullens «sans l’assaillir», ensuite par Beauquesne (Somme,
      arr. et c. Doullens) et passèrent la Somme à Corbie (chef-lieu
      de canton de l’arr. d’Amiens, situé à 16 kil. à l’est de cette
      ville, sur la rive droite de la Somme). Un détachement de l’aile
      droite s’avança jusqu’au village de Sainte-Geneviève-en-Caux
      (Seine-Inférieure, arr. Dieppe, c. Tôtes) et y mit le feu
      (Delisle, _Mandements de Charles V_, nº 1076, p. 558). Philippe,
      duc de Bourgogne, chargé par Charles V de pourvoir à la mise en
      bon état de défense d’Amiens, arriva dans cette ville le jeudi
      14 juillet et y prolongea son séjour jusqu’au mardi 16 août. Le
      samedi 16, le surlendemain de son arrivée, il donna un grand
      dîner où assistèrent Jean, duc de Lorraine, Charles d’Artois,
      comte d’Eu, Valeran de Luxembourg, comte de Saint-Pol, plusieurs
      chevaliers ou écuyers et aussi quelques-uns des plus notables
      bourgeois d’Amiens. Le duc ne s’absenta de cette ville que
      les mercredi 20 et 27 juillet pour aller en partie de chasse
      à Bettencourt, chez messire Raoul de Renneval (_Itinéraire de
      Philippe le Hardi_, dressé et communiqué par M. Ernest Petit).

      [271] Pas-de-Calais, arr. Arras, c. Vimy, sur le bord de la route
      qui va de Thérouanne à Arras, à 9 kil. au nord de cette dernière
      ville. Il y avait au Mont-Saint-Éloi une abbaye de l’ordre de
      Saint-Augustin, près de laquelle campa l’aile gauche de l’armée
      anglaise, tandis que l’aile droite, après avoir traversé le comté
      de Saint-Pol, s’avançait dans la direction de Doullens.

      [272] Somme, arr. Péronne. Le 21 août 1373, les échevins,
      gouverneurs et conseil de la ville et cité de Reims, remirent à
      un messager, envoyé vers eux par leurs grands amis les habitants
      de Troyes, copie d’une lettre reçue la veille, où le capitaine
      de Nesle leur annonçait que les Anglais avaient passé la rivière
      de Somme le 19, que le duc de Lancastre était devant la ville
      de Bray, et le duc de Bretagne devant celle de Cappy (Somme,
      arr. Péronne, c. Bray), dont les habitants avaient converti leur
      clocher en tour fortifiée. Au moment du départ de ce messager,
      les Rémois ajoutèrent en post-scriptum qu’ils venaient d’être
      informés que les envahisseurs étaient logés à Roye (_Arch. mun.
      de Troyes_, série AA, 48e carton, 3e liasse; Boutiot, _Hist.
      de Troyes_, II, 234, 235). Une lettre de rémission octroyée en
      septembre 1373 à un clerc de Liège nommé Jean Anseaux, qui avait
      fait partie du «tinel du duc de Lenclastre depuis Calais jusques
      à l’eaue de Somme», mentionne le passage des Anglais à Bray
      (_Arch. Nat._, JJ 104, nº 350, fº 143 vº).

      [273] Les Anglais traversèrent l’Artois, la Picardie et le
      Vermandois depuis le 4 jusqu’au 31 août 1373. En décembre
      suivant, Charles V assigna 120 livres de rente annuelle à son
      amé et féal chevalier et conseiller Jean Barreau, maître des
      requêtes de son hôtel et gouverneur de son bailliage d’Amiens,
      «lequel Jean Barreau a servi en ceste année (1373) sous nostre
      très cher frère le duc de Bourgogne à la teste des arbalestriers
      de Picardie» (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 53, fº 37º). Un espion
      de Charles V, Guyon Grassin, originaire de Poitiers, entré au
      service du duc de Lancastre pour surprendre les secrets des
      Anglais, se fit prendre par les Français assiégés dans le fort
      de Nesle (Somme, arr. Péronne) (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 42, fº
      32). La ville de Roye (Somme, arr. Montdidier), qui avait alors
      commune, prévôté, siège royal, et qui était le chef-lieu de l’une
      des châtellenies du bailliage de Vermandois, fut à peu près
      complètement détruite (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 144, fº 83; JJ
      112, nº 353, fº 175 vº et 176). Les Anglais y demeurèrent sept
      jours et ne purent s’emparer de l’église (_Grandes Chroniques_,
      VI, 339), qu’un sergent d’armes de Charles V, nommé Jean Charles,
      avait travaillé à fortifier pendant trois ans et où il sut se
      maintenir en repoussant les assauts répétés des Anglais. Le roi
      son maître le récompensa en le nommant, le 6 octobre suivant,
      capitaine du fort de Roye (Delisle, _Mandements_, p. 507, nº 981).

      [274] Thierry de Robersart, dit le Chanoine, seigneur d’Écaillon
      (Nord, arr. et c. Douai), attiré en Angleterre comme Eustache
      d’Auberchicourt et tant d’autres chevaliers du Hainaut par la
      reine Philippa.

      [275] Le 9 août 1373, Charles V donna l’ordre au bailli de
      Vermandois de prendre sans nul retard toutes les mesures que
      réclamait l’invasion des ennemis dont on était menacé (Varin,
      _Archives administratives de Reims_, III, 385).

      [276] Aisne, arr. Saint-Quentin. On voit par des lettres de
      rémission datées du 11 mai 1374 que les Anglais passèrent à
      Ribemont «environ la première semaine du mois de septembre
      derrenierement passé», après avoir mis le feu aux villages de
      Moy (Moy-de-l’Aisne, arr. Saint-Quentin) et d’Alaincourt (Aisne,
      arr. Saint-Quentin, c. Moy), et qu’ils furent poursuivis par
      Philippe, duc de Bourgogne, Bertrand du Guesclin, Jacques de
      Werchin, fils du sénéchal de Hainaut, Floridas de Moreuil,
      Floridas de Cramaille, Gontlart de Moy, fils du seigneur de Moy,
      chevaliers, et Alemant de Sissy (Aisne, arr. Saint-Quentin, c.
      Ribemont), écuyer (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 298, fº 159 vº).
      Il semblerait résulter de la mention faite dans cette pièce de
      la part prise à la défense du Vermandois par le connétable de
      France que celui-ci, dont un acte signale la présence à Paris en
      septembre, sans doute dans les premiers jours de ce mois, ne fit
      que traverser cette ville et courut rejoindre le duc de Bourgogne
      et Jean de Vienne, spécialement chargés de harceler les Anglais
      du duc de Lancastre et de leur donner la chasse. Outre Moy et
      Alaincourt, quatre autres villages de la même région, Remigny,
      Vendeuil, Essigny-le-Grand et «Royeglise», furent également la
      proie des flammes (Delisle, _Mandements de Charles V_, nºs 1092,
      1093, p. 565, 566).

      [277] Chin fait aujourd’hui partie du royaume de Belgique (prov.
      Hainaut, arr. Tournai, c. Templeuve) et Bousies du département du
      Nord (arr. Avesnes, c. Landrecies).

      [278] En 1380, Gilles de Chin (_Bibl. Nat., Collect.
      Clairambault_, reg. 32, p. 2351) et Jean, seigneur de Fosseux
      (_Ibid._, reg. 49, p. 3649), servaient ès guerres de Picardie.

      [279] Aisne, arr. Laon, c. Rozoy-sur-Serre. Ce seigneur de Soize
      s’appelait Gérard.

      [280] Hugues, seigneur de Clary (Nord, arr. Cambrai).

Gilles, seigneur de Chin, capitaine de la garnison de Ribemont[281],
apercevant dans un terrain défriché et nouvellement mis en labour un
détachement d’une centaine d’hommes d’armes anglais, fait une sortie
contre eux et les taille en pièces; jeté deux fois à bas de son cheval
dans la mêlée, il est relevé par un de ses bâtards. Les Français
vainqueurs rentrent dans Ribemont avec de nombreux prisonniers. Le
soir même du jour où ce combat s’était livré, le gros de l’armée
anglaise vient camper en vue de Ribemont. Le lendemain matin, les ducs
de Lancastre et de Bretagne, sans rien tenter contre cette place,
prennent le chemin de Laon. Dès qu’ils ont levé leur camp, quelques-uns
des défenseurs de Ribemont qui ont pris part au combat de la veille,
notamment Jean de Beuil, Gérard de Lor et le seigneur de Soize, sortent
par une des poternes de la place, s’engagent dans un chemin détourné et
vont renforcer la garnison de la montagne de Laon. P. 153 à 155, 315.

      [281] Tant que les Anglais avaient occupé la Picardie et menacé
      Amiens, le duc de Bourgogne s’était tenu renfermé dans cette
      ville. Il en partit le mercredi 17 août pour harceler l’aile
      droite des Anglais qui avait envahi le Vermandois; ce jour-là, il
      vint souper et gîter à Montdidier.

Les ducs de Lancastre et de Bretagne se reposent trois jours à
Vaux-sous-Laon[282], dans un pays plantureux et où l’on trouve toute
espèce de denrées, car on est à l’époque des vendanges, et les
habitants des villages, pour se racheter de l’incendie, apportent
à l’ennemi bœufs et moutons, barriques de vin et sacs de pain en
abondance. Les Anglais n’ont qu’un désir, c’est d’en venir aux mains
avec les Français; mais Charles V, qui ne veut point s’exposer aux
chances d’une bataille, se contente de faire harceler les envahisseurs
par un corps d’armée de cinq ou six cents lances qui les serre de
très près et ne leur permet pas de se déployer. Aussi, les trois
cents hommes d’armes bretons et français qui tiennent garnison à
Laon[283] laissent les Anglais camper tranquillement au-dessous
d’eux à Vaux sans faire aucune sortie ni de jour ni de nuit pour les
réveiller. Ce que voyant, les ducs et leurs gens s’acheminent vers
Soissons[284] en suivant le cours des rivières et en s’avançant
toujours à travers les vallées les plus plantureuses. Les quatre cents
hommes d’armes français qui ne cessent de surveiller et d’inquiéter
les Anglais les serrent[285] parfois de si près que des conversations
s’établissent entre les uns et les autres. Dialogue échangé entre Henri
de Percy[286], l’un des plus grands barons de l’armée anglaise, et
Aimeri, dit le bâtard de Namur, fils de Guillaume, comte de Namur[287],
l’un des hommes d’armes à la solde du roi de France. Des deux côtés
on épargne d’un commun accord la terre du seigneur de Coucy[288],
alors absent de son pays et qui avait voulu rester neutre dans cette
guerre à cause de son mariage avec Isabelle, l’une des filles du roi
d’Angleterre. P. 155 à 157, 315.

      [282] Vaux est un faubourg de la ville de Laon.

      [283] Charles avait établi des garnisons non seulement à Laon,
      mais encore dans les petites places des environs, telles que
      Crépy-en-Laonnois (Aisne, arr. et c. Laon). Nous lisons dans une
      lettre de rémission datée de novembre 1373 que, «_environ la
      derreniere sepmaine du mois d’aoust derrain passée_», Gui, comte
      de Blois, le protecteur de Froissart, tenait garnison à Crépy,
      «pour le garder contre nos ennemis qui lors estoient sur le pays»
      (_Arch. Nat._, JJ 104, nº 373, fº 152).

      [284] Les Anglais, dans leur marche de Laon à Soissons, passèrent
      à Vailly-sur-Aisne (_Grandes Chroniques_, VI, 340). Le 25 août
      1373, les élus au Conseil de Châlons écrivirent à leurs bons amis
      de Troyes qu’ils avaient appris, grâce à des nouvelles reçues de
      Reims, que l’avant-garde des Anglais, après avoir passé l’Oise,
      développait ses lignes et lançait ses coureurs dans toute la
      région comprise entre Pont-l’Évêque (Oise, arr. Compiègne, c.
      Noyon) et Vailly (Aisne, arr. Soissons), se préparant à traverser
      l’Aisne pour continuer sa marche dans la direction de Reims et de
      Châlons (_Arch. mun. de Troyes_, série AA, 58e carton, 3e liasse;
      Boutiot, Hist. de Troyes, II, 235). Mon très savant confrère,
      M. d’Arbois de Jubainville, a publié pour la première fois les
      deux lettres des habitants de Reims et de Châlons (_Voyage
      paléographique dans le département de l’Aube_, Troyes, 1855, p.
      148 et 151). Le duc de Bourgogne, qui continuait de surveiller
      l’aile droite anglaise, se tint à Compiègne du jeudi 18 au samedi
      20 août.

      [285] Parti de Compiègne le 20 au matin, le duc de Bourgogne
      vint souper et gîter à Ambleny (Aisne, arr. Soissons, c.
      Vic-sur-Aisne), le dimanche 21 et se tint à Soissons depuis le
      lundi 22 août jusqu’au vendredi 9 septembre (_Itinéraire de
      Philippe le Hardi_, par M. Ernest Petit.)

      [286] Henri, fils de Henri de Percy et de Marie de Lancastre,
      marié successivement à Marguerite Nevill et à Mathilde de Lucy,
      maréchal d’Angleterre en 1376, fut créé comte de Northumberland
      par Richard III en 1377. Il était le frère aîné de Thomas de
      Percy, sénéchal de Poitou, fait prisonnier à Soubise en 1372,
      et fut le père de Henri, surnommé Hotspur, immortalisé par
      Shakspeare, mort en 1403; le comte de Northumberland survécut
      quatre ans à son fils.

      [287] Guillaume, comte de Namur, quatrième fils de Jean Ier et
      de Marie d’Artois, dont Robert de Namur, seigneur de Beaufort,
      l’un des protecteurs de Froissart, n’était que le sixième fils,
      touchait une pension de 1000 livres de rente annuelle sur le
      trésor du roi à Paris.

      [288] Enguerrand VII, seigneur de Coucy, servait alors en Italie
      à la solde du pape Grégoire XI.

Dans une escamourche qui a pour théâtre le village d’Oulchy[289], dans
la marche de Soissons, cent vingt hommes d’armes français commandés
par Jean de Vienne, Jean de Beuil[290] et Robert de Béthune, vicomte
de Meaux, surprennent à la pointe du jour les sentinelles de l’armée
anglaise, et Gautier Hewet, l’un des plus illustres vétérans de cette
armée, se fait tuer en s’efforçant, quoiqu’il fût à moitié désarmé,
de repousser une attaque aussi inopinée. Les Français vainqueurs
dans cette rencontre ramènent dans leur camp un certain nombre de
prisonniers, tandis que les Anglais, affligés de la perte d’un de leurs
plus vaillants chevaliers, se mettent en marche dans la direction de
Reims en suivant le cours de la Marne. P. 157, 158, 315, 316.

      [289] Oulchy-le-Château, Aisne, arr. Soissons, sur la route et à
      peu près à moitié chemin de cette ville à Château-Thierry.

      [290] Dans le courant du mois de septembre, et sans doute dans
      les premiers jours de ce mois, Louis, duc d’Anjou, qui était de
      passage à Blois et qui arrivait du Périgord où il se trouvait
      encore à Limeuil (Dordogne, arr. Bergerac, c. Saint-Alvère) le
      30 août précédent, donna des ordres à Pierre Scatisse, trésorier
      de France à Toulouse, pour le payement de la solde d’un corps
      d’armée, composé de 2000 hommes d’armes et de 500 arbalétriers,
      qu’il amenait du Languedoc à marches forcées au secours du roi de
      France son frère contre le duc de Lancastre (D. Vaissete, _Hist.
      de Languedoc_, IV, 352). Jean de Beuil, sénéchal de Beaucaire et
      de Nîmes, devait être l’un des principaux chefs de ces troupes
      de renfort. Aussi n’est-il pas sans intérêt de remarquer le rôle
      prêté ici par Froissart à ce chevalier, parce qu’il y a là un
      indice que le corps auxiliaire amené par le duc d’Anjou venait
      d’entrer en ligne et de se joindre aux gens d’armes du duc de
      Bourgogne pour harceler les Anglais et leur donner la chasse.
      L’affaire d’Oulchy eut lieu le vendredi 9 septembre, au matin.
      Sans parler de Gautier ou Walter Hewet tué les armes à la main,
      les Anglais ainsi surpris, qui formaient un petit détachement
      de 50 lances et de 20 archers, laissèrent entre les mains des
      vainqueurs 10 chevaliers de grand état et 24 écuyers (_Grandes
      Chroniques_, VI, 340). Ce beau fait d’armes ne contribua pas
      médiocrement à la haute fortune de Jean de Vienne, qui fut pourvu
      le 27 décembre suivant de la charge d’amiral de France, dont
      Aimeri, vicomte de Narbonne, avait été investi pendant quatre ans
      depuis le 28 décembre 1369 (_Jean de Vienne, amiral de France_,
      par le marquis Terrier de Loray, Paris, 1878, p. 65).

Pendant ce temps, Louis, duc d’Anjou, et Bertrand du Guesclin,
connétable de France, se tiennent devant le château de Derval[291],
et somment à plusieurs reprises Robert Knolles de leur rendre ce
château conformément au traité de capitulation conclu avec les frères
Browe, lieutenants du dit Robert et naguère capitaines de la dite
place. Knolles refuse obstinément d’obtempérer à ces sommations; il
prétend que les frères Browe ont agi sans son autorisation et qu’en
conséquence l’arrangement dont ils ont pris l’initiative doit être
considéré comme nul et non avenu. Irrité de ces refus, le duc d’Anjou
menace de mettre à mort les quatre otages livrés par les Browe en
garantie de l’accomplissement des engagements stipulés dans le traité
de capitulation[292]. Robert Knolles répond que, dans ce cas, il fera
périr un égal nombre de chevaliers français qui sont ses prisonniers.
Le duc d’Anjou est tellement exaspéré par cette réponse, qu’il se
décide à mettre sa menace à exécution. Il fait amener les quatre otages
de Derval, deux chevaliers et deux écuyers, et les fait mettre à mort
séance tenante. Robert Knolles, qui a vu l’exécution de ces otages des
fenêtres de son château, donne aussitôt l’ordre d’attacher au sommet
et à l’extérieur des remparts une longue table; puis, il fait amener
successivement sur cette table trois chevaliers et un écuyer, ses
prisonniers, dont il avait refusé dix mille francs, et là un bourreau,
après leur avoir tranché la tête, précipite ces cadavres mutilés et ces
têtes coupées au fond des fossés de Derval. P. 138 à 160, 316.

      [291] Au moment du combat d’Oulchy, livré, comme on l’a vu
      ci-dessus, le 9 septembre, ni Du Guesclin ni le duc d’Anjou
      ne se tenaient devant le château de Derval. Arrivé à Paris
      depuis une dizaine de jours, puisque ses deux maréchaux, Jean
      de Beaumanoir et Robert de Guitté, avaient passé une revue à
      Saint-Cloud le 1er août précédent (Dom Morice, _Preuves_, II,
      col. 64, 65), le connétable de France a daté de Paris, _au
      mois de septembre_, des lettres de grâce ou de rémission qu’il
      octroya à un écuyer du comté de Longueville nommé Wautier du
      Mesnil, au sujet d’un homicide dont cet écuyer s’était rendu
      coupable (_Arch. Nat._, JJ 104, nº 310, fº 129). D’ailleurs un
      acte, postérieur à l’événement de moins d’une année, nous montre
      Bertrand guerroyant contre les Anglais dans le Vermandois dès
      la première semaine de septembre (Voy. plus haut, p. LXXXVIII,
      note 4, et p. LXXXIX). Quant au duc d’Anjou, qui venait d’arriver
      précipitamment du Languedoc par le Périgord, il ne se dirigea,
      selon toute apparence, vers l’Anjou et la Bretagne qu’après avoir
      touché barre à Paris, où il prit les instructions du roi de
      France son frère, auquel il amenait les importants renforts dont
      il a été question plus haut. Comme le raconte Froissart, il dut
      aller ensuite devant le château de Derval, mais il n’y alla que
      pour prendre possession de cette place dont la reddition devait
      avoir lieu, aux termes du traité de capitulation, le 29 septembre
      seulement (Voy. la note suivante).

      [292] Un mandement de Charles V en date du 8 octobre 1373
      établit que la reddition du château de Derval avait été fixée
      par le traité de capitulation au 29 septembre précédent ou à la
      Saint-Michel, et que Bureau, seigneur de la Rivière, premier
      chambellan du roi de France, avait été chargé de faire escorte
      au duc d’Anjou, avec une nombreuse compagnie de gens d’armes, de
      Blois à Derval, «pour l’accompagner à tenir _certaine journée que
      monseigneur de Cliçon avoit emprinse d’estre devant le chastel de
      Derval à ceste Saint Michel dernière passée, à laquelle journée
      ceux qui le tenoient le devoient rendre au roy_.» (Delisle,
      _Mandements de Charles V_, nº 984, p. 510). Les sanglantes
      exécutions dont parle Froissart eurent lieu sans doute, soit le
      soir du jour fixé pour la reddition, soit plutôt le lendemain,
      c’est-à-dire le 30 septembre 1373.

Aussitôt après ces cruelles exécutions, le duc d’Anjou et le
connétable, informés que les ducs de Lancastre et de Bretagne ont
envahi le royaume et sont déjà arrivés sur les bords de la Marne,
lèvent le siège de Derval pour se rendre en toute hâte à Paris
auprès du roi de France. Là, Charles V réunit en Conseil[293] ses
trois frères, les ducs d’Anjou, de Berry et de Bourgogne, Bertrand
du Guesclin son connétable et Olivier, seigneur de Clisson, qu’il a
mandé tout exprès, pour inviter chacun à dire son avis sur la manière
dont il convient de combattre les Anglais, car il y a des barons, des
chevaliers et aussi des bonnes villes qui murmurent de ce que l’on
reste sur la défensive et qui prétendent que c’est une honte pour la
noblesse de France de laisser ainsi les Anglais traverser le royaume
tout à leur aise, sans marcher à leur rencontre et leur tenir tête. P.
160, 161, 316.

      [293] La mention de la présence à cette mémorable séance du
      duc d’Anjou, de Du Guesclin et de Clisson, ainsi que du rôle
      prépondérant qu’y jouèrent ces trois grands personnages, nous
      permet d’en déterminer la date au moins approximative. Elle ne
      put avoir lieu que dans le courant du mois de septembre, puisque
      aucun des trois orateurs qui y prirent la parole n’était arrivé à
      Paris avant cette date (Voy. ci-dessus, p. LXXXV, note 2, et p.
      XCII, note 2), et vraisemblablement vers la fin de la première
      quinzaine de ce mois, puisque, d’une part, Clisson rejoignit
      le corps d’armée du duc de Bourgogne à Sézanne le 13 septembre
      (Voy. p. LXXXV, note 2), et que, d’autre part, le duc d’Anjou
      ne put guère partir de Paris beaucoup après cette date pour se
      trouver devant Derval à la Saint-Michel (Voy. p. XCII, note
      2, et p. XCIII). Nous inclinerions à fixer au 10 septembre la
      tenue de ce grand Conseil de guerre, précisément au lendemain
      de l’affaire d’Oulchy, dont l’heureuse issue venait de relever
      le crédit des partisans d’une offensive plus énergique. La
      présence de Du Guesclin et de Clisson à Paris, à la date que nous
      indiquons, est d’autant plus probable que cette même journée
      du 10 septembre 1373 fut marquée par les faveurs dont Charles
      V gratifia un certain nombre de chevaliers ou écuyers bretons,
      tels que Guillaume, seigneur de Penhoet (Hay du Chastelet, p.
      383), Sevestre Campson, capitaine de Morlaix (_Arch. Nat._, J
      621, nº 82), Maurice de Plusquellec (_Ibid._, nº 79{2}), Hervé de
      Saint-Gouëno (Ibid., nº 79{3}), enfin Olivier le Moine (_Ibid._,
      nº 79).--Quant aux ducs de Bourgogne et de Berry, dont Froissart
      mentionne également la présence, sans indiquer du reste l’avis
      qu’ils n’auraient certainement pas manqué d’émettre s’ils avaient
      réellement assisté à ce grand Conseil, ils étaient absents de
      Paris l’un et l’autre et ne purent par conséquent être consultés,
      du moins de vive voix. Quoi qu’il en soit, ce que dit Froissart
      de l’intimité qui s’établit dès lors entre le duc d’Anjou et Du
      Guesclin est confirmé par les faits. Le 28 octobre suivant, le
      jour même où Louis, duc d’Anjou, qui regagnait son gouvernement
      de Languedoc par Avignon, était de passage à Gien sur Loire (D.
      Vaissete, _Hist. de Languedoc_, Toulouse, 1885, X, 1495), Charles
      V, inspiré sans doute par son connétable, institua l’aîné de ses
      frères son lieutenant général dans tout le duché de Bretagne (Hay
      du Chastelet, _Hist. de B. du Guesclin_, p. 453).

Du Guesclin, invité à parler le premier, conseille de ne livrer
bataille aux Anglais que si l’on a sur eux l’avantage du nombre et de
la position, et appelle en témoignage son compagnon d’armes le seigneur
de Clisson, qui a été nourri dès l’enfance et a fait ses premières
armes avec les envahisseurs. Celui-ci approuve le conseil du connétable
et dit que, sans offrir le combat aux Anglais dont l’audace naturelle
est encore accrue par une longue série de victoires, il faut se tenir
prêt à profiter de toutes les fautes qu’ils pourront commettre; ce
système de temporisation a trop bien réussi depuis un certain nombre
d’années pour que l’on ne continue pas de le suivre. Charles V déclare
se ranger à ces avis et veut désormais confier à Du Guesclin et à
Clisson la défense de son royaume. Le duc d’Anjou donne son assentiment
à cette résolution du roi et ajoute qu’il compte bien, avec l’aide de
ces deux capitaines, expulser à bref délai les Anglais de l’Aquitaine
et de la Haute Gascogne. Après ce conseil, Du Guesclin et Clisson,
ayant réuni un corps d’armée de cinq cents lances, se dirigent vers
Troyes à la poursuite des Anglais. Les deux ducs de Lancastre et de
Bretagne venaient de passer devant Épernay[294] et Vertus[295], non
sans avoir rançonné et fourragé tout le pays situé aux environs de
ces deux villes, ainsi que la belle et riche vallée de la Marne; puis
ils contournent Châlons[296] en Champagne, mais sans s’en approcher
de trop près, et prennent le chemin de Troyes. Au moment où ils
arrivent sous les murs de cette cité, Du Guesclin, Clisson, les ducs de
Bourgogne et de Bourbon sont déjà venus renforcer la garnison de cette
place[297], dont l’effectif ne compte pas moins de douze cents lances.
P. 161 à 164, 316.

      [294] Des lettres de rémission, datées de novembre 1373,
      mentionnent le passage du duc de Lancastre et en particulier
      du connétable de son armée Édouard Spencer à Damery-sur-Marne
      (Marne, arr. et c. Épernay), où les deux ménestrels du dit
      connétable, originaires de la châtellenie d’Ypres, s’enfuirent en
      déserteurs du camp anglais avec leur valet (_Arch. Nat._, JJ 105,
      nº 68, fº 44).

      [295] Marne, arr. Châlons-sur-Marne. Eustache des Champs, dit
      Morel, a décrit dans quelques-unes de ses poésies les ravages
      commis par les Anglais aux environs de Vertus, d’où il était
      originaire.

      [296] Le 18 octobre 1373, quelques-uns des hommes d’armes
      préposés à la défense de la Champagne, Béraud, comte dauphin
      d’Auvergne, Hugues de Melun, seigneur d’Antoing, Louis, seigneur
      de Sully et de Grez, Jacques Win, dit le Poursuivant d’Amours,
      furent passés en revue à Melun (La Roque, _Hist. de la maison
      d’Harcourt_, IV, 1452). Dès le 1er de ce mois, Jean, vicomte
      de Melun, comte de Tancarville, était à Pont-sur-Yonne (Yonne,
      arr. Sens) avec 50 hommes d’armes (_Ibid._, 1431, 1432). C’est
      à ce dernier grand seigneur que Charles V donna en 1379, à
      titre viager, le château de Beaufort (auj. Montmorency, Aube,
      arr. Arcis-sur-Aube, c. Chavanges), confisqué sur Jean, duc
      de Lancastre, qui le tenait du chef de sa femme (_Arch. de la
      Côte-d’Or_, série B, carton 3112).

      [297] De Sézanne, qu’il quitta pendant la nuit du mardi
      13, le duc de Bourgogne vint dîner et camper à Saint-Just
      (Saint-Just-Sauvage, Marne, arr. Épernay, c. Anglure) et, pressé
      de couvrir Troyes devenu l’objectif de l’ennemi, fit une telle
      diligence qu’il arriva dans la capitale de la Champagne le jeudi
      soir 15 septembre. Il y resta onze jours du jeudi 15 au lundi
      26; le mardi 20, il alla coucher à Juilly (Côte-d’Or, arr. et c.
      Semur), où la duchesse de Bourgogne vint à sa rencontre; mais
      il était de retour à Troyes dès le lendemain. Cette excursion
      matrimoniale du duc de Bourgogne nous est un indice que les
      Anglais passèrent devant Troyes, selon toute apparence, entre le
      mercredi 21 et le lundi 26 septembre. Cf. _Revue de Champagne et
      Brie_, VI, 1879, p. 58.

Bertrand du Guesclin rend au roi de Castille la terre de Soria,
rapportant bien dix mille francs de revenu annuel, dont il avait été
gratifié en récompense de ses services, et le roi de Castille donne
en échange au connétable de France Jean, comte de Pembroke, fait
prisonnier par les Espagnols dans le combat naval livré devant la
Rochelle[298]. Le comte s’engage à payer à Bertrand, par les mains
des Lombards de Bruges, une rançon de cent vingt mille francs[299];
et cette somme ne doit être versée que le jour où le prisonnier
aurait été reconduit sain et sauf à Calais. Or, il arrive que le comte
de Pembroke, au moment où il se rend d’Espagne dans cette ville en
traversant la France à la faveur d’un sauf-conduit délivré par le
connétable, est pris de maladie et meurt à Arras, et Du Guesclin perd
ainsi tout à la fois son prisonnier et sa rançon[300]. Olivier de
Mauny, neveu du connétable, gratifié naguère par le roi de Castille
de la terre d’Agreda, d’un revenu annuel de quatre mille francs,
échange aussi cette terre contre un autre prisonnier de D. Enrique
nommé Guichard d’Angle[301], et pour obtenir la mise en liberté de
ce chevalier ainsi que de Guillaume, neveu de Guichard, Édouard III
consent à rendre le seigneur de Roye[302], qu’il garde comme otage en
Angleterre. Ces deux échanges ont été la condition mise au mariage
d’Olivier de Mauny[303] avec la fille du seigneur de Roye, qui doit
hériter après la mort de son vieux père d’une fortune évaluée à trois
mille francs de revenu annuel. Guichard d’Angle, admis au nombre des
conseillers d’Édouard III, mande à sa femme et à ses enfants de venir
le rejoindre en Angleterre, où il s’établit définitivement, et déclare
renoncer à la possession de tous les fiefs qu’il tient en Poitou du duc
de Berry, auquel il adresse des remerciements pour avoir daigné laisser
en paix sa femme et ses enfants pendant son absence. P. 164 à 166, 316.

      [298] Jean de Hastings, comte de Pembroke, nommé lieutenant du
      roi d’Angleterre en la principauté d’Aquitaine le 20 avril 1372,
      avait été battu et fait prisonnier par la flotte de Castille à
      la bataille navale livrée devant la Rochelle le 23 juin suivant
      (Voy. plus haut, p. XXIII à XXVII).

      [299] Aux termes de «l’endenture» faite le 11 janvier 1375 (n.
      st.) entre Du Guesclin et le comte de Pembroke, le chiffre de la
      rançon s’élevait, non à 120 000, comme le dit Froissart, mais à
      130 000 francs d’or du coin de France, payables: 50 000 francs
      avant la Purification ou le 2 février suivant, 10 000 francs
      six semaines après la rentrée du comte en Angleterre, et 70
      000 en obligations munies des sceaux de cinq comtes et de cinq
      chevaliers anglais, lesquelles obligations seraient remboursables
      35 000 francs à Noël ou le 25 décembre 1375, 35 000 francs le
      24 juin ou à la Saint-Jean-Baptiste 1376. Il était convenu en
      outre que Jean de Hastings se pourrait armer et faire tout ce
      qui appartient à bon et loyal chevalier, aussitôt qu’il aurait
      payé les 10 000 francs pour lesquels il s’était personnellement
      obligé. A l’échéance du 2 février 1375, le comte de Pembroke
      n’ayant pu réunir tout l’argent dont il avait besoin pour faire
      son premier payement, Du Guesclin consentit d’autant plus
      facilement à accorder un délai à son prisonnier que l’évêque
      de Bayeux et le comte de Saarbruck furent bientôt appelés à se
      rendre à Bruges pour sceller chez un marchand lucquois nommé
      Fortiguerra le sac où l’on avait mis en dépôt, non seulement 23
      135 nobles et demi et 2 gros valant 50 000 francs, mais encore
      deux obligations représentant une somme de 70 000 francs et
      revêtues de la garantie des cinq comtes et des cinq chevaliers
      anglais désignés dans l’endenture. Le comte de Pembroke était
      mort sur ces entrefaites, le lundi 16 avril 1375; et les gens
      du connétable avaient eu beau faire diligence, le malheureux
      prisonnier avait rendu le dernier soupir à Moreuil en Picardie
      (Somme, arr. Montdidier), et non à Arras, suivant la version
      de Froissart, avant d’avoir touché une terre anglaise. Sur
      l’ordre du duc de Lancastre, qui savait que le roi son père
      avait fait l’avance des sommes déposées chez Fortiguerra, la
      garnison anglaise de Guines avait refusé de prendre livraison
      d’un cadavre qui aurait coûté si cher, de telle sorte que les
      restes du comte auraient pu être abandonnés sur la voie publique
      si on ne les eût pas recueillis par pitié dans une abbaye située
      à deux lieues de Calais. Aussitôt qu’il fut informé du décès
      de son gendre, Édouard III n’eut rien de plus pressé que de se
      faire restituer par les échevins de Bruges ou plutôt de faire
      restituer à son fils le duc de Lancastre les sommes mises en
      dépôt chez Fortiguerra. Ce fut alors que le Breton Yves de
      Kerambars, procureur de Bertrand du Guesclin, adressa à ces mêmes
      échevins de Bruges, à l’appui des réclamations du connétable,
      un long mémoire conservé aux Archives Nationales dans un des
      registres du Trésor des Chartes (J 381, nº 16), mémoire dont
      M. Kervyn de Lettenhove a publié le texte en 1874 (_Œuvres de
      Froissart_, XVIII, 511-543). Le 20 juillet 1375, Charles V,
      prenant en considération l’appel interjeté par Du Guesclin contre
      la décision des échevins, fit ajourner ces derniers devant le
      Parlement de Paris. Les magistrats de Bruges n’ayant point
      comparu, furent condamnés par défaut, et le profit de ce défaut
      fut adjugé au connétable. Ce profit, purement de style, fut la
      seule satisfaction que Bertrand parvint à obtenir, quoique le
      procès en revendication qu’il avait intenté ait continué de
      figurer sur les rôles du Parlement pendant les années 1376 et
      1377. La somme de 120 000 francs, chiffre de la rançon imposée
      par D. Enrique de Trastamar, roi de Castille, au comte de
      Pembroke, son prisonnier, avait été accepté par Du Guesclin en
      déduction du montant du produit de la vente de son duché de
      Molina et de son comté de Soria, rachetés par le dit roi de
      Castille. Comme le connétable n’avait fait cette vente que pour
      rester au service de Charles V, ce prince éprouva le besoin de
      dédommager, au moins dans une certaine mesure, son fidèle et
      loyal serviteur, auquel il donna, par acte daté de Paris, le
      lundi 30 mars 1377, une somme de 50 000 francs, exigible à raison
      de 5000 francs par mois jusqu’à parfait payement, en retour de
      quoi Bertrand lui transporta le 27 novembre suivant tout le
      droit qu’il pouvait avoir contre les échevins de Bruges (Hay du
      Chastelet, _Hist. de B. du Guesclin_, p. 454, 456, 457).

      [300] Jean de Hastings, comte de Pembroke, mourut à Moreuil le
      16 avril 1375, et Du Guesclin fit de vains efforts, dans le
      cours des années 1375 et 1376, pour se faire payer la rançon de
      son prisonnier. Froissart connaissait tous ces faits lorsqu’il
      en a intercalé la mention dans son récit de l’expédition du duc
      de Lancastre en France pendant la seconde moitié de 1373. Par
      conséquent, la rédaction de cette dernière partie de son premier
      livre ne peut être antérieure à la fin de 1376 ou au commencement
      de 1377. La mention de la mort d’Édouard Spencer, décédé au mois
      de novembre 1375, que l’on trouvera un peu plus loin, vient
      encore confirmer l’exactitude de cette conclusion (Voy. p. CIII,
      note 2).

      [301] Guichard d’Angle, maréchal d’Aquitaine, avait été fait
      prisonnier ainsi que le comte de Pembroke dans la bataille navale
      livrée devant la Rochelle le 23 juin 1372 (Voy. plus haut, p.
      XXVI, XXVII).

      [302] Mathieu, seigneur de Roye et de Germigny, envoyé comme
      otage en Angleterre après le traité de Brétigny, n’avait pas
      encore recouvré sa liberté à la date du 5 novembre 1371 (Rymer,
      III, 928). Au mois d’octobre 1368, Charles V, voulant dédommager
      ce chevalier d’une captivité aussi longue et aussi onéreuse,
      avait fondé à Germigny (Marne, arr. Reims, c. Ville-en-Tardenois)
      une foire annuelle qui se tenait depuis la veille de Saint-Simon
      et Saint-Jude jusqu’au deuxième jour après la dite fête (_Arch.
      Nat._, JJ 100, nº 165).

      [303] Ce ne fut pas Olivier de Mauny, ce fut Alain de Mauny,
      neveu à la mode de Bretagne de Du Guesclin, qui épousa en 1374
      Marie de Roye, fille unique de Mathieu, seigneur de Roye, et de
      Iolande de Hangest (P. Anselme, _Hist. généal. de la maison de
      France_, VIII, 9, 10).

Sur ces entrefaites, le pape Grégoire XI envoie d’Avignon à Paris deux
légats, l’archevêque de Ravenne et l’évêque de Carpentras, pour traiter
de la paix entre les rois de France et d’Angleterre. Charles V et le
duc d’Anjou invitent ces légats à se rendre à Troyes pour entamer des
pourparlers, d’une part, avec le connétable et le seigneur de Clisson,
d’autre part, avec les ducs de Lancastre et de Bretagne. Ces derniers
viennent camper devant Troyes[304] trois jours après l’arrivée des
deux légats dans cette ville. Les deux maréchaux de l’armée anglaise
escarmouchent jusqu’aux barrières, tandis que le connétable, Édouard
Spencer, fait merveille d’armes à la porte de Bourgogne[305]. Pendant
ces escarmouches, les deux légats se rendent aux tentes des ducs
de Lancastre et de Bretagne, auxquels ils exposent l’objet de leur
mission. Les ducs font à ces légats un accueil courtois, mais il leur
est absolument interdit de s’immiscer dans des négociations de ce
genre. P. 166 à 168, 316.

      [304] Les Anglais arrivèrent sans doute devant Troyes, comme
      nous l’avons dit plus haut, du 21 au 26 septembre. Un peu avant
      le 29 de ce mois, on les signalait portant des enseignes ou
      croix de drap rouge et des sachets pleins de soufre à Brienne
      et à Dienville (Aube, arr. Bar-sur-Aube, c. Brienne), dont les
      habitants étaient réduits à se cacher dans les bois (_Arch.
      Nat._, JJ 105, nº 31, fº 24 vº). Ils passèrent la Seine à Gyé
      (Gyé-sur-Seine, Aube, arr. Bar-sur-Seine, c. Mussy-sur-Seine, au
      sud-est et en amont de Troyes), se dirigeant d’abord vers Sens.
      Il semble résulter de la narration de Cabaret d’Orville que l’un
      des corps de l’armée anglaise, sans doute l’aile droite, franchit
      l’Aube près de Plancy (Aube, arr. Arcis, c. Méry-sur-Seine), où
      plusieurs des hommes d’armes de l’entourage du duc de Bourbon
      tuèrent sept Anglais devant la _Barrière amoureuse_ et taillèrent
      en pièces un détachement d’éclaireurs de l’avant-garde ennemie,
      en effectuant leur retour de Plancy à Troyes (_La chron. du bon
      duc Loys de Bourbon_, p. 50-52). D’après ce même chroniqueur,
      deux mille hommes d’armes renfermés dans Troyes opérèrent, sous
      les ordres de Louis, duc de Bourbon, et d’Olivier, seigneur de
      Clisson, une sortie où l’on tua 100 ennemis et où furent faits
      120 prisonniers, notamment Jean Burleigh (_Ibid._, p. 53).

      [305] Une lettre datée de Paris le 12 octobre 1373 et adressée
      par Pierre de Villiers-Herbisse (Aube, arr. et c. Arcis),
      confesseur de Charles V, évêque de Nevers, et par le célèbre
      avocat Jean des Marès, conseiller du roi, aux habitants de
      Troyes, mentionne «les grans dommages que les diz habitans et
      tout le pais de environ ont euz ou fait de la guerre» (D’Arbois,
      _Voyage paléographique_, p. 151, 152). Les faubourgs de la
      capitale de la Champagne eurent beaucoup à souffrir et, le
      19 avril 1374, Charles V amortit 50 livres tournois de rente
      annuelle en faveur de la maison des Chartreux lez Troyes: «cum
      vix poterit dicta domus reparari, propter dampna et nonnulla
      gravamina per gentes nostras armorum in bonis suis illata, _dum
      dux Lancastrie, inimicus noster, cum suo exercitu per partes
      Campanie transitum faceret_» (_Arch. Nat._, JJ 106, nº 397, fº
      205 vº).

Il est, en effet, d’usage en Angleterre que les chefs d’une expédition,
surtout lorsque cette expédition doit avoir lieu en France, prêtent
serment: 1º de ne mettre bas les armes qu’après avoir achevé ce qu’ils
ont entrepris; 2º de garder un secret inviolable sur leurs projets;
3º d’observer une discipline rigoureuse et de ne jamais laisser la
désunion ni la révolte se mettre dans les rangs de leurs soldats. Les
ducs de Lancastre et de Bretagne n’ont donc point qualité pour répondre
aux propositions des légats ni même pour accorder une trêve ou une
abstinence de guerre quelconque. Aussi continuent-ils, nonobstant les
démarches de ces légats, de mettre le feu aux maisons isolées, aux
villages et aux petits forts, de rançonner les habitants du plat pays
et les abbayes[306]. Ils ne cessent pas non plus un seul instant de
chevaucher en ordre de bataille. D’un autre côté, mille lances d’élite
commandées par Du Guesclin, Clisson, les vicomtes de Rohan et de Meaux
poursuivent les envahisseurs l’épée dans les reins et les serrent de
si près qu’ils n’osent développer leurs lignes, car les Français se
tiennent à portée et en mesure de profiter de la première occasion
favorable qui s’offrira pour l’attaque. P. 168 à 170, 316, 317.

      [306] Vers la fin de septembre 1373, le bailli du pays d’Auxois
      pour le duc de Bourgogne ordonna de faire rentrer les vivres dans
      les châteaux et d’enlever les fers des moulins par crainte des
      Anglais dont on signalait la présence à Pothières (Côte-d’Or,
      arr. et c. Châtillon-sur-Seine), à Pontaubert (Yonne, arr. et c.
      Avallon) et à Vaux (Arch. de la Côte-d’Or, B 2760; _Invent._,
      305). A cette même date, pendant la saison des vendanges,
      Bertrand du Guesclin et Philippe, duc de Bourgogne, donnèrent la
      chasse à l’un des détachements de l’armée du duc de Lancastre qui
      s’était avancé dans la direction de Joigny et de Sens, comme on
      le voit par une lettre de rémission octroyée en décembre 1373 à
      Jean Tenrieau, de Brion près de Joigny, où il est fait mention
      de «aucuns pillars suivans, _environ vendanges derrain passées_,
      les routes des gens d’armes _en la compaignie_ de notre très cher
      et très amé frère _le duc de Bourgoigne_ et de nostre amé et
      feal _connestable estans ou pais de Bourgoigne_ pour contrester
      à l’entreprise de nos ennemis.» (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 95, fº
      59). D’après Cabaret d’Orville, les Anglais se seraient avancés
      dans cette direction jusqu’aux faubourgs de Sens, où Olivier,
      seigneur de Clisson, les aurait fait tomber dans une embuscade,
      en aurait tué 600 et leur aurait ainsi infligé le plus grave
      échec de toute l’expédition (_La chronique du bon duc Loys de
      Bourbon_, p. 54, 55). Ce fut peut-être cet échec qui détermina
      le duc de Lancastre à rebrousser chemin, à remonter le cours de
      la Loire jusqu’à Marcigny pour gagner Bordeaux en traversant
      l’Auvergne et le Limousin. Voici, d’après l’_Itinéraire de
      Philippe le Hardi_, dressé par M. Petit, la route que suivit le
      duc de Bourgogne depuis Troyes jusqu’en Auvergne; comme le duc
      poursuivait Lancastre, cet itinéraire nous indique avec quelques
      jours seulement de retard la marche et les étapes successives
      des Anglais eux-mêmes. Le mardi 27 septembre, Philippe le Hardi,
      qui venait de quitter Troyes, dîna à Villemaur (Aube, arr.
      Troyes, c. Estissac) et coucha à Joigny; le lendemain 28, il
      alla dîner à Villemer (Yonne, arr. Joigny, c. Aillant), soupa
      et coucha à Auxerre, où il passa les deux derniers jours du
      mois de septembre. Il passa le 2 octobre à Druyes (Yonne, arr.
      Auxerre, c. Courson), le 3 à Varzy (Nièvre, arr. Clamecy), du 4
      au 6 à Prémery (Nièvre, arr. Cosne), du 7 au 9 à Decize (Nièvre,
      arr. Nevers); le 10, il fut réduit à coucher en rase campagne;
      il passa le 11 et 12 octobre à Roanne, dans le comté de Forez,
      quelques jours après que les Anglais avaient effectué le passage
      de la Loire à Marcigny, un peu en aval de Roanne; le 13, il
      alla coucher à Saint-Haon (Loire, arr. Roanne), le 14 à Cusset
      (Allier, arr. La Palisse), le 18 à Saint-Pourçain (Allier, arr.
      Gannat). Arrivé le dimanche 19 octobre à Souvigny (Allier, arr.
      Moulins), il y passa quatre jours dans la magnifique résidence
      du duc de Bourbon, frère de sa belle-sœur la reine de France.
      Revenu le 24 à Saint-Pourçain, il y prolongea son séjour jusqu’au
      dimanche 30 et n’arriva que le lundi 31 dernier jour d’octobre à
      Aigueperse, en Auvergne.

C’est ainsi que les ducs de Lancastre et de Bretagne traversent la
France de part en part, offrant toujours la bataille, sans jamais
trouver à qui parler. Les Français qui les poursuivent en les
harcelant, tantôt sur leur aile droite, tantôt sur leur aile gauche,
suivant la direction du cours des rivières, se logent presque tous les
soirs à leur aise dans des forteresses ou de bonnes villes, tandis que
les Anglais sont réduits à planter leurs tentes en rase campagne, où
ils souffrent de la disette de vivres et, quand l’hiver est arrivé,
de la rigueur du froid; ils ont en outre à traverser des pays très
pauvres tels que l’Auvergne[307], le Limousin[308], le Rouergue[309],
l’Agenais, où les plus grands seigneurs sont parfois cinq ou six jours
sans manger de pain, car vers la fin de leur chevauchée ils n’ont pas
moins de trois mille lances à leur poursuite et n’osent fourrager
les uns sans les autres. C’est dans ces conditions défavorables
qu’ils franchissent la Loire, l’Allier, la Dordogne, la Garonne ainsi
que plusieurs autres grosses rivières qui descendent des montagnes
d’Auvergne. Aussi, c’est à peine s’ils ont conservé le tiers de leur
charroi lorsqu’ils arrivent à Bordeaux; ils ont laissé le reste en
route, soit faute de chevaux pour le traîner, soit parce que l’on n’a
pu le transporter à travers les défilés des montagnes. Comme ils ne
rentrent à Bordeaux qu’après Noël[310], c’est-à-dire en plein hiver,
plusieurs gentilshommes succombent en chemin à l’excès du froid ou des
privations, et d’autres, tels que le connétable Édouard Spencer[311],
y contractent le germe du mal qui doit les emporter plus tard. P. 170,
171.

      [307] Arrivé à Aigueperse (Puy-de-Dôme, arr. Riom) le 31 octobre,
      le duc de Bourgogne passa les deux premiers jours de novembre
      dans cette localité, située sur le bord de l’ancienne voie
      romaine qui, contournant le massif du Puy de Dôme, conduisait
      de temps immémorial par la vallée de la Dordogne en Limousin et
      en Périgord. D’Aigueperse, Philippe le Hardi se rendit à Riom,
      où il passa également deux jours, le jeudi 3 et le vendredi 4
      novembre. Le samedi 5, il vint souper et coucher à Clermont, où
      il séjourna jusqu’au mercredi 9. Renonçant à poursuivre plus loin
      l’armée anglaise, il revint le 10 coucher à Aigueperse, d’où il
      se dirigea vers Bourges en passant par Montagu en Combraille,
      Montluçon, Hérisson, Ainay-le-Château et Meillant; le 16, il
      arriva dans la capitale du Berry, où il fut rejoint le 24 par la
      duchesse de Bourgogne, qui y tint compagnie à son mari jusqu’au
      29, jour où l’on célébra dans la cathédrale de Sens un service
      solennel pour le repos de l’âme de la reine de Navarre, récemment
      décédée. Le vendredi 2 décembre suivant, le duc de Bourgogne
      était à Paris, où il rendit compte au roi son frère de tous
      les incidents d’une campagne qui durait depuis quatre mois. En
      novembre 1373, plusieurs lettres de rémission retracent les
      ravages exercés par les Anglais en Bourgogne, en Nivernais, en
      Berry et en Auvergne (_Arch. Nat._, JJ 105, nºs 288, 305; JJ 115,
      nº 104; KK 252, fº 25).

      [308] Le Limousin fut la seule province où le duc de Lancastre
      réussit à s’emparer, pendant le cours de son expédition, de
      places de quelque importance. Sans parler d’un chevalier
      nommé Pierre de Maumont, dont Charles V donna les biens à Gui
      d’Aubusson, en mars 1374, parce que le dit Pierre s’était rallié
      aux Anglais «pour le temps que le duc de Lanclastre avecques sa
      compaignie a derrain chevauchié par le pais de Lymozin» (_Arch.
      Nat._, JJ 105, nº 204), lequel Pierre de Maumont réussit à
      obtenir sa grâce dès le mois de juillet suivant (_Ibid._, nº
      420), la ville de Tulle se rendit aux envahisseurs, comme on le
      voit par des lettres de rémission datées du 15 mars 1374 (n.
      st.), où on lit que «nostre ennemi le duc de Lencastre, comme il
      passast derrain avecques ses gens par le pais de Lymosin, eust
      pris la cité de Tuelle» (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 238, fº 131
      vº; JJ 108, nº 27, fº 18). Brives la Gaillarde suivit l’exemple
      de Tulle et ouvrit ses portes aux Anglais que les Français
      poursuivaient (JJ 105, nº 491, fº 250 vº). Cette dernière ville
      ne fut reprise que vers la fin du mois de juillet de l’année
      suivante; Louis, duc de Bourbon, l’emporta d’assaut (JJ 105,
      nº 578, fº 290; JJ 106, nº 339, fº 179 vº). Ces opérations en
      Limousin, où Bertrand du Guesclin, du côté des Français, et
      Bernard de la Sale, du côté des Anglais, nous apparaissent dans
      les actes comme ayant joué un rôle actif, durent avoir lieu,
      d’après Cabaret d’Orville, assez bien renseigné sur cette fin
      de l’expédition du duc de Lancastre, un peu avant Noël ou le 25
      décembre (_La chronique du bon duc Loys de Bourbon_, p. 55), en
      d’autres termes, pendant la seconde quinzaine de novembre et
      les vingt premiers jours de décembre 1373. Cf. _Bulletin de la
      Société archéologique de la Corrèze_, t. I (1878-1879), p. 130 et
      suiv.

      [309] Le Rouergue n’était pas sur le chemin du duc de Lancastre,
      qui devait être pressé de rentrer directement à Bordeaux après
      avoir fait campagne en Limousin dans une saison déjà rigoureuse.
      Il est plus probable qu’après la prise de Tulle et de Brives
      les Anglais continuèrent de suivre la vallée de la Dordogne et
      se dirigèrent vers le Bordelais en passant par Sarlat, Limeuil,
      Lalinde et Bergerac. Tel est du reste l’itinéraire que Guillaume
      de Saint-André fait suivre à Jean de Montfort, duc de Bretagne,
      qui, s’étant séparé du gros de l’armée anglaise à la suite d’une
      querelle avec le duc de Lancastre au sujet du payement de la
      solde des troupes et sans doute aussi au sujet de l’occupation du
      Limousin sur lequel Montfort élevait des prétentions, avait pris
      les devants et, accompagné seulement de soixante Bretons fidèles,
      s’était frayé à part un passage pour gagner Bordeaux (_Le livre
      du bon duc Jehan de Bretaigne_, vers 2011 à 2361).

      [310] Un acte d’Édouard III, daté du 8 janvier 1374, mentionne le
      retour à Bordeaux, ou du moins en Guyenne, du duc de Lancastre,
      «par ce que nous fumes certifiez qe nostre très cher fitz Johan,
      roi de Castille et de Leon, duc de Lancastre, liquel a esté grant
      piece ovesque pluseurs nobles seignours et grantz et autres gentz
      d’armes en sa compaignie assemblez en grant host es parties de
      France, _est de presente en nostre seignourie d’Aquitaigne_»
      (Delpit, _Documents français en Angleterre_, p. 190). Le duc de
      Lancastre mit fin à son expédition et rentra à Bordeaux dans les
      derniers jours de 1373 ou les premiers jours de 1374.

      [311] Édouard Spencer, l’un des protecteurs de Froissart, qui
      avait été chargé dans l’expédition du duc de Lancastre de
      l’office de connétable de l’armée, ne survécut pas deux ans à
      cette expédition; il mourut à Cardiff au mois de novembre 1375.




CHAPITRE CI.

  _1373, 28 octobre-1374, 8 janvier._ RETOUR DU DUC D’ANJOU A
    TOULOUSE PAR AVIGNON.--_1373, juin et juillet._ TRAITÉ DE
    CAPITULATION DE BÉCHEREL. EXPÉDITION DU DUC D’ANJOU EN BIGORRE;
    REDDITION DE SAINT-SEVER; PRISE DE LOURDES.--_1374, commencement
    d’avril._ JOURNÉE DE BATAILLE ASSIGNÉE PRÈS DE MOSSAIC ENTRE
    LES DUCS D’ANJOU ET DE LANCASTRE; DÉFAUT A CE RENDEZ-VOUS DE
    LANCASTRE, QUI PART DE BORDEAUX ET RETOURNE EN ANGLETERRE.--_21
    mai._ EXPIRATION DE LA TRÊVE CONCLUE PAR DU GUESCLIN AVEC LE
    DUC DE LANCASTRE.--_Juin et juillet._ SOUMISSION DU VICOMTE DE
    CASTELBON. EXPÉDITION DE DU GUESCLIN ET DU DUC D’ANJOU, D’ABORD
    DANS LE BAS LANGUEDOC CONTRE LES COMPAGNIES, ENSUITE SUR LES
    CONFINS DE L’AGENAIS ET DU BORDELAIS CONTRE LES ANGLAIS; SIÈGE ET
    PRISE DE LA RÉOLE, DE LANGON, DE SAINT-MACAIRE, DE SAINTE-BAZAILLE
    ET DES PLACES AVOISINANTES.--_2 octobre._ RETOUR DE DU GUESCLIN
    A PARIS ET DU DUC D’ANJOU A TOULOUSE.--_août et septembre._
    SIÈGE DE SAINT-SAUVEUR-LE-VICOMTE; REDDITION DE BÉCHEREL,
    DONT LA GARNISON VA RENFORCER CELLE DE SAINT-SAUVEUR.--_1375,
    premiers mois._ DÉFAITE DES FRANÇAIS DANS UNE RENCONTRE ENTRE
    LIQUES ET TOURNEHEM; CAPTURE DU COMTE DE SAINT-POL, EMMENÉ EN
    ANGLETERRE.--OUVERTURE DES NÉGOCIATIONS A BRUGES ENTRE LES
    AMBASSADEURS DE FRANCE ET D’ANGLETERRE.--RETOUR EN FRANCE DU
    DUC DE BRETAGNE ET DU COMTE DE CAMBRIDGE AVEC UN CORPS D’ARMÉE
    CONSIDÉRABLE; DÉBARQUEMENT A SAINT-MATHIEU; PRISE DE SAINT-POL DE
    LÉON; SIÈGE DE SAINT-BRIEUC.--_21 mai._ TRAITÉ DE CAPITULATION DE
    SAINT-SAUVEUR.--LEVÉE DU SIÈGE DE SAINT-BRIEUC PAR LES ANGLAIS,
    ET DU SIÈGE DU NOUVEAU FORT PAR LES FRANÇAIS, QUE LES ANGLAIS
    ACCOURUS DE SAINT-BRIEUC POURSUIVENT JUSQU’A QUIMPERLÉ OÙ ILS LES
    ASSIÈGENT.--_27 juin._ TRÊVE D’UN AN ENTRE LES ROIS DE FRANCE ET
    D’ANGLETERRE CONCLUE A BRUGES; LEVÉE DU SIÈGE DE QUIMPERLÉ.--_3
    juillet._ REDDITION DE SAINT-SAUVEUR AU ROI DE FRANCE (§§ 749 à
    768).


Après cette grande chevauchée, le duc d’Anjou regagne Toulouse[312]
en compagnie du connétable de France[313] et donne rendez-vous à ses
gens d’armes pour le terme de Pâques de l’année suivante. Les légats
du pape continuent de s’entremettre auprès des ducs d’Anjou et de
Lancastre pour amener la conclusion d’un traité de paix entre les
rois de France et d’Angleterre. Le duc d’Anjou passe tout l’hiver à
faire des préparatifs en vue d’une expédition projetée dans la Haute
Gascogne, où il veut contraindre tous les possesseurs de fiefs et
d’arrière-fiefs à reconnaître la suzeraineté du roi de France dont le
comte de Foix prétend que ses hommes ne relèvent en rien non plus que
du roi d’Angleterre. P. 171, 172, 317.

      [312] Parti de Gien-sur-Loire le 28 octobre 1373 (Voy. plus
      haut, p. XCIV, note 1), Louis, duc d’Anjou, était à Lyon le 27
      novembre, à Roquemaure (Gard, arr. Uzès) du 29 du même mois au
      2 décembre, à Avignon du 2 au 12 de ce mois, à Nîmes (où il
      fêta le jour de Noël dans l’hôtel de Pierre Scatisse, trésorier
      de France) du 13 décembre au 2 janvier; il partit de Nîmes
      ce jour-là en compagnie de Pierre Scatisse pour se rendre à
      Toulouse, où il arriva le dimanche 8 janvier 1374 (Journal de
      Pierre Scatisse de 1369 à 1374, publié par Ménard, _Histoire de
      Nismes_, II; Preuves, p. 2-7).

      [313] Bertrand du Guesclin n’accompagna point le duc d’Anjou
      dans ce voyage; il employa les deux derniers mois de 1373 à
      donner la chasse aux Anglais du duc de Lancastre. Treize jours
      après l’arrivée du duc à Toulouse, le samedi 21 janvier 1374,
      Bertrand, devenu veuf par le décès de sa première femme Tiphaine
      Raguenel, morte peu après le 23 juillet de l’année précédente,
      se remaria à Rennes à Jeanne de Laval, dame de Tinténiac, fille
      de Jean de Laval, sire de Châtillon, et d’Isabeau, dame de
      Tinténiac, de Bécherel et de Romillé (Hay de Chastelet, _Hist.
      de B. du Guesclin_, p. 250; P. Anselme, _Hist. généal._, VI,
      186). Le connétable passa en Bretagne et en basse Normandie, à
      Pontorson, avec sa jeune femme, la fin de janvier ainsi que les
      mois de février et de mars, et n’alla rejoindre le duc d’Anjou
      en Languedoc que dans le courant du mois d’avril. Une quittance
      d’une somme de 1000 francs qu’il délivra à Étienne de Montmejan,
      trésorier des guerres du roi de France et du duc d’Anjou, atteste
      sa présence à Toulouse le 25 avril 1374 (_Bibl. Nat., Pièces
      Originales_, vol. 1433, dossier DU GUESCLIN).

Peu après Pâques, le duc d’Anjou réunit à Périgueux[314] une armée
composée de dix mille hommes d’armes, dont mille étaient des
Bretons, et de trente mille fantassins, dont quinze cents étaient
des arbalétriers génois. Noms des principaux seigneurs enrôlés
dans les rangs de cette armée. Le duc d’Anjou et le connétable de
France inaugurent la campagne en mettant le siège devant l’abbaye de
Saint-Sever[315]. L’abbé s’empresse de faire sa soumission et de livrer
des otages que l’on envoie à Périgueux. Après quinze jours de siège,
les Français emportent d’assaut le château de Lourdes[316], et Pierre
Arnaud de Béarn, capitaine de cette place pour le comte de Foix, se
fait tuer en défendant la forteresse confiée à sa garde. La ville est
livrée au pillage et les bonshommes que l’on y trouve sont massacrés ou
mis à rançon. P. 172, 174, 317.

      [314] Ce corps d’armée, dont Froissart exagère beaucoup
      l’effectif, ne fut pas formé à Périgueux, mais à Toulouse, et
      nous possédons les montres des principaux hommes d’armes enrôlés
      à cette occasion par le duc d’Anjou (D. Vaissete, _Hist. de
      Languedoc_, Toulouse, 1885, X, col. 1503-1509).

      [315] Auj. Saint-Sever-de-Rustau, Hautes-Pyrénées, arr. Tarbes,
      c. Rabastens, sur l’Arros, à 22 kil. au nord-est de Tarbes. Le
      cloître de l’abbaye bénédictine de Saint-Sever au diocèse de
      Tarbes subsistait en partie, quoique à moitié ruiné, il y a
      quelques années. «Les châteaux du Bigorre, écrivait en 1885 M. A.
      Molinier, étaient tenus par les Anglais au nom du captal de Buch,
      celui-ci ayant été gratifié de ce comté par le roi d’Angleterre
      et son fils le duc d’Aquitaine» (_Hist. de Languedoc_, IX, 843,
      note 1). Le consciencieux annotateur de dom Vaissete commet ici
      une petite erreur. Le 27 juin 1369, le prince de Galles avait
      en effet donné au captal le comté de Bigorre, et cette donation
      avait été confirmée par Édouard III le 20 avril de l’année
      suivante (Rymer, III, 890). Mais trois mois après la prise du
      captal de Buch à Soubise, le 20 novembre 1372, Édouard III avait
      donné la viguerie de Mauvezin en l’évêché de Tarbes et la terre
      de Maransin à Roger Bernard de Foix, vicomte de Castelbon et
      seigneur de Navailles (_Bibl. Nat., Collect. de Bréquigny_, XXX,
      fºs 134, 136).

      [316] Hautes-Pyrénées, arr. Argelès, à 19 kil. au sud-ouest
      de Tarbes. Quoi qu’en ait dit dom Vaissete, dont le principal
      annotateur de la nouvelle édition de l’_Histoire générale
      de Languedoc_, M. A. Molinier, a accepté sur ce point les
      conclusions (IX, 835, 843, note 1; X, 117), il n’y a point
      lieu de distinguer deux expéditions du duc d’Anjou contre les
      places anglo-gasconnes du comté de Bigorre, l’une qui se fit
      réellement du milieu de juin au 7 juillet 1373, l’autre que
      l’on aurait recommencée du 14 juin au 8 juillet de l’année
      suivante. Quant à l’expédition très réelle de 1373, trois actes
      vidimés dans les registres du Trésor des Chartes l’établissent
      avec la dernière évidence. Le premier de ces actes par lequel
      Louis, duc d’Anjou, donne au comte d’Armagnac la viguerie de
      Goudon en Bigorre (Hautes-Pyrénées, arr. Tarbes, c. Tournay)
      est daté «en nos tentes devant Mauvoisin», le 20 juin 1373
      (_Arch. Nat._, JJ 105, nº 55, fº 37 vº). Le second acte, par
      lequel ce même duc gratifie le dit comte d’une autre viguerie
      du comté de Bigorre, celle de Mauvezin, et aussi de la cité de
      Capvern, confisquées sur le vicomte de Castelbon rebelle, a été
      dressé «en nos tentes devant Lourdes», le dernier jour de juin,
      c’est-à-dire le 30 juin suivant (_Ibid._, nº 73, fº 47). Enfin,
      la date d’une confirmation faite par le duc d’Anjou d’un acte
      antérieur est ainsi conçue: «in tentis nostris ante Lourdam,
      anno Domini millesimo trecentesimo septuagesimo tercio, mense
      junii» (_Ibid._, JJ 149, nº 296, fº 148 vº). Dès 1867, un érudit
      du Bigorre, M. Curie-Seimbres, avait assigné sa véritable date à
      la campagne du duc d’Anjou en Bigorre; malheureusement, il s’est
      trompé à son tour en faisant assiéger Lourdes, au mois de juin
      1373, par Du Guesclin qui guerroyait alors en Bretagne (_Mém.
      de la Soc. des Hautes-Pyrénées_, année 1867, p. 104, 105). Quoi
      qu’il en soit, il demeure certain que le siège de Mauvezin, puis
      de Lourdes, par le duc d’Anjou, pendant la seconde quinzaine de
      juin 1373, est établi par des actes et ne saurait être contesté,
      tandis que la prétendue expédition de ce même duc et de Du
      Guesclin contre Saint-Sever et Lourdes en 1374, soit du 8 juillet
      au 1er août, soit, comme le suppose M. A. Molinier, du 14 juin au
      8 juillet, est en contradiction avec des documents authentiques,
      au moins en ce qui concerne le connétable de France. Froissart,
      ayant commis l’erreur de faire guerroyer le duc d’Anjou en
      Bretagne pendant la première moitié de 1373, a rapporté sans
      doute à l’année 1374 des faits de guerre qui s’étaient passés
      précisément un an auparavant et qu’il n’aurait pu, sans se
      contredire, mentionner à leur date véritable. L’erreur de dom
      Vaissete et des nouveaux éditeurs de l’_Histoire générale de
      Languedoc_ est d’autant plus singulière qu’ils ont connu deux
      des pièces dont nous venons de donner l’analyse (_Hist. de
      Languedoc_, IX, 835, note 5).

Après la prise de Lourdes, les gens d’armes du duc d’Anjou
ravagent les terres du vicomte de Castelbon[317], des seigneurs
de Castelnau[318] et de Lescun[319], et mettent le siège devant le
fort château de Sault[320], défendu par un homme d’armes du comté de
Foix nommé Guillonet de Pau. Le comte de Foix prend l’engagement,
par l’entremise de l’abbé de Saint-Sever et du seigneur de Marsan,
tant en son nom qu’au nom de ses feudataires, de reconnaître soit la
suzeraineté du roi de France, soit celle du roi d’Angleterre, selon
que l’un ou l’autre des deux rois sera vainqueur à la journée assignée
à la mi-août[321] devant Moissac. Sur les instances de l’archevêque
de Ravenne et de l’évêque de Carpentras, légats[322] du pape Grégoire
XI, le duc de Lancastre, qui se tient alors à Bordeaux avec le duc
de Bretagne, envoie quatre de ses chevaliers à Périgueux vers le duc
d’Anjou et le connétable de France. Tous ces pourparlers aboutissent à
la conclusion d’une trêve[323] qui doit durer jusqu’au dernier jour du
mois d’août. P. 174 à 176, 317.

      [317] Un peu avant le mois de juillet 1374, Roger Bernard de
      Foix, vicomte de Castelbon, entama des négociations avec le
      duc d’Anjou et fit présenter à celui-ci par son procureur des
      propositions d’accommodement dont nous possédons le texte publié
      pour la première fois en 1885 sous la date erronée de 1369 par
      M. A. Molinier (_Hist. de Languedoc_, X, col. 1420 et 1421);
      mais l’éditeur a reconnu qu’il faut faire descendre en 1374 la
      rédaction de ces propositions (_Ibid._, IX, 843, note 2). Dans
      le courant du mois de juillet de cette année, ces négociations
      aboutirent à un traité conclu à Toulouse, dont Vaissete a publié
      le texte (_Ibid._, X, col. 1482-1486). En dédommagement du
      château de Mauvezin en Bigorre dont il s’était emparé, le duc
      assigna au vicomte: 1º 500 livres de rente annuelle assises
      sur les château et châtellenie de Sauveterre de Bercodan en la
      sénéchaussée de Toulouse (Haute-Garonne, arr. Saint-Gaudens, c.
      Saint-Bertrand); 2º le droit de battre monnaie; 3º 1000 livres
      de rente à prendre sur la conquête à faire de la Guyenne; 4º le
      lieu de Bonnegarde en la sénéchaussée des Landes (Landes, arr.
      Saint-Sever, c. Amou); 5º la restitution d’une rente annuelle de
      600 livres dont Géraude de Navailles, femme du vicomte, devait
      jouir sur la recette de Toulouse.

      [318] Raymond Bernard, seigneur de Castelnau-Tursan (Landes, arr.
      Saint-Sever, c. Geaune).

      [319] Basses-Pyrénées, arr. Oloron, c. Accous.

      [320] Sault-de-Navailles, Basses-Pyrénées, arr. et c. Orthez.
      Dans les propositions transmises par son procureur, le vicomte
      de Castelbon exprimait le vœu que le duc d’Anjou le chargeât de
      la garde de Sault avec 60 lances et de celle de Mauvezin avec 30
      lances, mais le lieutenant du roi en Languedoc se garda bien de
      faire droit à ces deux demandes.

      [321] Cette journée n’était point assignée, du moins à l’origine,
      à la mi-août, mais au lendemain de Pâques, c’est-à-dire au lundi
      3 avril 1374. Froissart a entraîné dans son erreur le judicieux
      dom Vaissete lui-même, ainsi que le très diligent annotateur de
      la nouvelle édition de l’_Histoire générale de Languedoc_, qui
      aurait dû peut-être prendre plus garde au passage suivant du
      journal de Pierre Scatisse publié en 1751 par Ménard: «... tout
      pour le grant besoing de finence que monseigneur avoit pour payer
      les gens d’armes qu’il avoit mandés estre devers lui _à lendemain
      de Pasques, pour la dite journée qu’il entendoit à tenir contre
      le duc de Lancastre sur les champs_» (_Hist. de Nismes_, II;
      Preuves, p. 6). Walsingham fixe cette journée au 10 avril 1374.

      [322] Les légats que Grégoire XI avait chargés de s’entremettre
      de la paix, vers le milieu de 1373, étaient Simon, cardinal,
      archevêque de Canterbury, et Jean de Dormans, chancelier de
      France, dit le cardinal de Beauvais (Rymer, III, 969, 970); mais
      ce dernier mourut le 7 novembre de cette année. En 1374, le pape
      confia la même mission à Pileus de Prata, archevêque de Ravenne,
      et à Guillaume de Lestrange, évêque de Carpentras.

      [323] Dom Vaissete a supposé que cette trêve ou suspension
      d’armes avait été conclue vers le 15 juin 1374 par l’entremise du
      comte de Foix et du vicomte de Castelbon (_Hist. de Languedoc_,
      IX, 843; X, 117). C’est une erreur. La trêve dont il s’agit
      est antérieure au 4 avril 1374, puisqu’il en est fait mention
      dans une «endenture» entre le duc de Lancastre et les deux
      capitaines anglais de Lusignan qui porte cette date: «pour
      cause de cestes trevez qe au present ont esté pris par mon dit
      seigneur de Castille (le duc de Lancastre) et ses adversaires de
      France» (Delpit, _Documents français en Angleterre_, p. 191).
      Antérieurement au 9 mars de cette année, Du Guesclin, qui se
      disposait à quitter la Bretagne pour se rendre en Languedoc, est
      mentionné comme ayant conclu de son côté un arrangement avec le
      duc de Lancastre (_Arch. Nat._, X{1a} 1470, fº 110 vº), lequel
      arrangement n’est autre sans doute que la trêve mal datée par
      dom Vaissete. D’après Thomas Walsingham, cette trêve, conclue
      à l’insu d’Édouard III, devait durer jusqu’au 20 mai 1374
      (_Historia anglicana_, p. 316). D’après le rédacteur des _Grandes
      Chroniques de France_ (VI, 343), elle avait été négociée par
      Bertrand du Guesclin, du côté des Français, par Robert, seigneur
      d’Aubeterre, et par Thierry, dit le Chanoine de Robersart, du
      côté des Anglais; elle prit fin le 21 mai 1374, le jour de la
      fête de la Pentecôte, et l’on voit que cette date finale est la
      même à un jour près que celle qui est donnée par Walsingham.

Aussitôt après la conclusion de cette trêve, le duc de Lancastre[324]
fait voile pour l’Angleterre en compagnie du duc de Bretagne, auquel
il tarde de réunir une armée pour repasser dans son duché et faire
lever le siège de Bécherel. Avant de quitter Bordeaux, le duc de
Lancastre institue Thomas de Felton[325] grand sénéchal de cette
ville et du Bordelais, en enjoignant aux barons de Gascogne d’obéir
pendant son absence au dit Thomas comme à son lieutenant. Assiégés et
bloqués depuis plus d’un an par les Français, Jean Appert et Jean de
Cornouaille, capitaines de la garnison anglaise de Bécherel, lassés
d’attendre en vain du secours et craignant de manquer de vivres, font
proposer par un héraut de livrer cette forteresse s’ils ne reçoivent
pas, dans le délai de la Toussaint, des renforts suffisants pour
combattre les Français. Mouton de Blainville et Louis de Sancerre,
maréchaux de France, qui commandent les assiégeants, après en avoir
référé au roi de France, acceptent les ouvertures des assiégés, signent
une trêve[326] qui doit durer jusqu’à la Toussaint et se font livrer
des otages. Les capitaines de Bécherel profitent de cette trêve pour
solliciter du roi d’Angleterre et du duc de Bretagne un envoi immédiat
de secours. P. 176 à 178, 317, 318.

      [324] D’après le rédacteur des _Grandes Chroniques de France_
      (VI, 342), Jean, duc de Lancastre, quitta Bordeaux pour retourner
      en Angleterre dans le courant du mois d’avril 1374. Ce départ
      eut lieu sans doute peu de jours après le 4 avril, date de
      l’endenture qui fut passée à Bordeaux entre le duc et les deux
      capitaines anglais de Lusignan (Voy. plus haut, p. LXIII, note 1).

      [325] Thomas de Felton fut confirmé par Édouard III dans son
      office de sénéchal d’Aquitaine par un acte passé à Westminster
      le 6 mars 1374 (Rymer, III, 1000). Avant son départ de Bordeaux,
      Jean, duc de Lancastre, nomma lieutenants en Aquitaine pendant
      son absence, outre Thomas de Felton, Florimond, seigneur de
      Lesparre, et Robert Roux, maire de Bordeaux (Delpit, _Documents
      français en Angleterre_, p. 328).

      [326] Le 20 août 1373, Bertrand du Guesclin avait ordonné la
      levée d’un subside de 1 franc par feu dans les cinq diocèses de
      Rennes, de Dol, de Saint-Malo, de Saint-Brieuc et de Vannes,
      «pour paier certaine somme à messire Robert Richier à cause
      de Becherel» (Voy. p. LXXXV, note 3, et p. LXXXVI.). Cette
      phrase semblerait indiquer qu’à la date du mandement le château
      de Bécherel s’était déjà rendu aux Français par composition,
      c’est-à-dire moyennant le payement d’une somme déterminée.

Trois jours avant la mi-août[327], Charles V et le duc d’Anjou
réunissent à Moissac une armée de quinze mille hommes d’armes et de
trente mille fantassins. Au jour fixé, aucun Anglais ne se présente
pour tenir la journée contre les Français. Thomas de Felton vient
trouver le duc d’Anjou après la mi-août et prétend que les ducs de
Lancastre et de Bretagne ont toujours considéré la trêve comme devant
s’appliquer à la journée de Moissac[328]. Quoi qu’il en soit, suivant
l’engagement pris, le comte de Foix[329], les prélats, les barons et
autres feudataires de son comté prêtent serment de foi et hommage au
roi de France entre les mains du duc d’Anjou, qui renvoie au dit comte
les otages gardés à Périgueux et retourne à Toulouse après avoir pris
possession des ville et château de Moissac[330]. P. 178 à 180, 318.

      [327] A l’origine, comme nous l’avons établi plus haut, la
      journée sur les champs entre Montauban et Moissac, entre les
      rivières de Garonne et de Tarn, avait été fixée au lundi 3
      avril 1374. Il est vrai que, trois semaines avant le terme
      convenu, le 17 mars, le duc d’Anjou dépêcha un docteur en lois
      et deux de ses chambellans auprès de Gaston Phœbus, comte de
      Foix, par l’intermédiaire duquel il négociait avec le duc de
      Lancastre, pour entamer des négociations sur de nouvelles bases
      et suspendre, continuer, proroger ou même au besoin faire tenir
      comme nulle et non avenue la journée primitivement fixée au 3
      avril (Rymer, III, 1000). Si l’on admet la version de Froissart,
      ces nouveaux pourparlers auraient eu pour résultat de faire
      proroger la journée de Moissac du 3 avril au 15 août. Arrivé de
      Bretagne à Toulouse au plus tard le 25 avril 1374, Du Guesclin
      employa les mois de mai, de juin et de juillet à mettre en bon
      état de défense les places fortes du bas Languedoc et à donner
      la chasse aux Compagnies qui infestaient cette région. Le 19
      mai, il était à Narbonne, où il fut consulté par le duc d’Anjou
      sur les mesures à prendre pour fortifier cette ville (_Hist. de
      Languedoc_, X, note XXVIII, p. 115), le 26 du même mois et le
      2 juin à Carcassonne, le 19 et le 20 juin à Montpellier; dès
      le 8 juillet, il était de retour à Toulouse, où il se trouvait
      encore le 26 de ce mois (_Bibl. Nat., Pièces Originales_, vol.
      1433, dossier DU GUESCLIN). Le 1er août suivant, il partit sans
      doute de Toulouse avec les ducs d’Anjou et de Bourbon pour aller
      mettre le siège devant la Réole (Journal de Scatisse publié dans
      _Hist. de Nismes_, II; Preuves, p. 6). Dès le 4 août, Louis,
      duc d’Anjou, était déjà arrivé à Agen, où il fit un cadeau à un
      homme d’armes nommé Robert Sadot (_Hist. de Languedoc_, X, col.
      1506), et il est probable qu’à cette même date Du Guesclin se
      trouvait aussi dans cette ville. Le 10 de ce mois, la présence
      du connétable de France à Agen est attestée par une quittance
      qu’il y donna de ses gages et de ceux de 100 hommes d’armes de sa
      compagnie, dont 12 chevaliers et entre autres son cousin Hervé de
      Mauny (Hay du Chastelet, _Hist. de B. du Guesclin_, p. 384; dom
      Morice, _Preuves de l’histoire de Bretagne_, II, col. 81). Dans
      aucun de ces documents il n’est question d’une prétendue journée
      de Moissac qui aurait été prorogée au 15 août.

      [328] La trêve, qui expira le 21 mai 1374, n’aurait pu
      s’appliquer à une journée de Moissac prorogée au 15 août suivant.

      [329] Gaston Phœbus, comte de Foix, ne fit sa soumission
      définitive au roi de France qu’en 1375.

      [330] Louis, duc d’Anjou, qui vers le 15 août 1374, à la date
      de la prétendue journée de Moissac prorogée, se trouvait à Agen
      ou près d’Agen, et non à Périgueux, ne retourna pas alors à
      Toulouse, mais continua sa marche vers la Réole. Il n’eut pas
      besoin de prendre possession de la ville de Moissac, qui était
      redevenue française dès le 23 juillet 1370 (Voy. le tome VII de
      notre édition, sommaire, p. LXVIII, note 211, et p. LXIX). Nous
      ignorons sur quoi se fonde dom Vaissete lorsqu’il mentionne un
      siège de «la ville de Marziac, au diocèse d’Auch», vers la fin de
      juin 1374, par le duc d’Anjou (_Hist. de Languedoc_, IX, 843).

Pendant la première quinzaine de septembre 1374, Louis, duc
d’Anjou, part de Toulouse[331] avec un corps d’armée pour faire
une chevauchée du côté de la Réole et d’Auberoche. L’abbé de
Saint-Sever, le vicomte de Castelbon, les seigneurs de Castelnau, de
Lescun et de Marsan font partie de cette expédition. La Réole[332],
Langon[333], Saint-Macaire[334], «Condon[335]», Sainte-Bazeille[336],
«Prudaire[337]», «Mautlion[338]», «Dion[339]», «Sebillach[340]»,
Auberoche[341] et une quarantaine de villes fermées ou de forts
châteaux se rendent aux Français. Pendant ce temps, les deux légats
du Saint-Siège, l’archevêque de Ravenne et l’évêque de Carpentras, de
retour à Saint-Omer, ne cessent de s’entremettre et d’envoyer messages
sur messages tant en France qu’en Angleterre pour faire accepter une
trêve par les belligérants. Édouard III, qui voit ses possessions au
delà du détroit lui échapper les unes après les autres et qui éprouve
une peine profonde de n’avoir pu secourir plus efficacement le duc
de Bretagne chassé de ses États à cause de son attachement au parti
anglais et menacé de perdre son héritage, se montre tout disposé à
accueillir favorablement les ouvertures des deux prélats; il décide en
conséquence que son fils le duc de Lancastre passera la mer et viendra
à Calais pour s’aboucher avec les ambassadeurs du roi de France.
Celui-ci, de son côté, finit par consentir à envoyer à Saint-Omer
son frère Louis, duc d’Anjou, en lui donnant pour instructions de se
laisser gouverner et conduire par les deux légats, et l’on arrête une
entrevue pour la Toussaint suivante entre le duc de Lancastre, débarqué
à Calais, et le duc d’Anjou, qui ne doit pas tarder à se rendre à
Saint-Omer. Les barons de Bretagne, en particulier, se préoccupent
vivement de ce qui doit être décidé dans cette entrevue au sujet de
l’affaire de Bécherel. Pour se conformer aux ordres de Charles V,
Louis, duc d’Anjou, Bertrand du Guesclin, connétable de France, et
Olivier, seigneur de Clisson, s’éloignent du Rouergue[342], licencient
leurs gens, ne retiennent à leur service que les Bretons et, sans
retourner à Toulouse[343], reviennent en France. P. 180 à 182, 318.

      [331] On a vu par la note précédente que Louis, duc d’Anjou,
      accompagné de Louis, duc de Bourbon, et de Bertrand du Guesclin,
      avait quitté Toulouse dès le 1er août, non le 7 ou le 17
      septembre, et qu’il était déjà arrivé à Agen le 4 de ce même mois
      d’août. Certains manuscrits assignent en effet à son départ de
      Toulouse, les uns la date du 7, d’autres celle du 17 septembre.
      On voit que ces deux dates sont inexactes.

      [332] Auj. chef-lieu d’arrondissement de la Gironde, sur la
      rive droite de la Garonne, à 51 kil. en amont et au sud-est
      de Bordeaux. La garnison de cette place était alors commandée
      par Hugh de Calverly, auquel Florimond, seigneur de Lesparre,
      et le maire de Bordeaux Robert Roux, lieutenants en Aquitaine
      pour le duc de Lancastre, avaient fait délivrer, dès le 4 août,
      des munitions, «ad redeundum ad villam Regule contra adventum
      ducis Andegavie» (_Arch. hist. de la Gironde_, XII, 338). Du
      3 août au 21 septembre, Regnaut de Montléon, l’un des maîtres
      d’hôtel du duc de Berry, alla de Lusignan à la Réole et revint
      de cette ville à Poitiers par l’ordre de son maître qui l’avait
      chargé d’une mission auprès du duc d’Anjou au sujet de Thomas
      de Percy (_Arch. Nat._, KK 252, fº 37). Dès le 21 août, la
      ville proprement dite se rendit «gracieusement et grandement»
      au duc d’Anjou (_Arch. Nat._, JJ 107, nº 18; JJ 126, nº 104),
      qui, le 27 de ce mois, témoigna sa reconnaissance aux habitants
      en confirmant leurs privilèges (_Ordonn._, VI, 105 à 108); le
      lendemain 28, le duc d’Anjou partit de la Réole après avoir fait
      promettre à la garnison anglaise qui tenait bon dans le château
      que, si elle n’était secourue avant le 8 septembre suivant, elle
      rendrait à cette date le dit château au roi de France (_Grandes
      Chroniques_, VI, 343). Du Guesclin fut sans doute chargé de
      continuer le blocus et de tenir la main à l’exécution de cette
      convention, car plusieurs des hommes d’armes de sa compagnie,
      tels que Colart d’Estouteville, seigneur de Torcy (_Bibl.
      Nat., Titres scellés de Clairambault_, reg. 45, p. 3373), et
      l’arbalétrier génois Louis Doria, écuyer (_Ibid._, reg. 41, p.
      3071), furent payés de leur solde à la Réole le 4 septembre,
      et nous possédons une quittance du connétable de France datée
      également de la Réole le 11 du même mois (Ibid., _Collect. des
      Pièces originales_, vol. 1433, dossier DU GUESCLIN). Le 15
      septembre, le duc d’Anjou lui-même, après une chevauchée où il
      s’était fait rendre sans doute quelques-unes des petites places
      des environs de la Réole indiquées par Froissart, était de retour
      dans cette ville, où il fit remise de 10 000 francs d’or au duc
      de Bourbon sur les 30 000 stipulés en échange de la renonciation
      à ses prétentions sur le comté de Forez (Huillard-Bréholles,
      _Titres de la maison de Bourbon_, I, 573).

      [333] Gironde, arr. Bazas, sur la rive gauche de la Garonne,
      presque en face de Saint-Macaire.

      [334] Gironde, arr. la Réole, à l’ouest et en aval de cette
      ville, sur la rive droite de la Garonne. Le 13 septembre 1374,
      Bertrand de Pomiers était capitaine de la garnison anglaise de
      Saint-Macaire (_Arch. hist. de la Gironde_, XII, 331).

      [335] Condom (Gers) est assez éloigné de cette région et avait
      fait sa soumission au roi de France du 1er au 13 mai 1369.
      Cabaret d’Orville (édit. Chazaud, p. 59, 60) désigne aussi
      Condom et ajoute à la liste de Froissart le Port-Sainte-Marie
      (Lot-et-Garonne, arr. Agen), Penne-d’Agenais (Lot-et-Garonne,
      arr. Villeneuve), Penne-d’Albigeois (Tarn, arr. Gaillac, c.
      Vaour), Florence (Gironde, arr. Libourne, c. Poujols) et Genas
      (écart de Pellegrue, Gironde, arr. la Réole).

      [336] Lot-et-Garonne, arr. et c. Marmande, sur la rive droite de
      la Garonne, au sud-est et en amont de la Réole.

      [337] Ce nom de lieu, que l’on trouve écrit, tantôt «Prudaire»,
      tantôt «Praudaire», dans les divers manuscrits de Froissart, est
      inconnu.

      [338] Le 15 septembre 1373, Thomas de Felton, sénéchal
      d’Aquitaine, donna l’ordre de délivrer 12 arcs, 12 gerbes de
      flèches et 24 cordes d’arcs à Amanieu «de Balfada», chevalier,
      châtelain de Bourg et gardien du château de Montléon dans la
      sénéchaussée de Saintonge (_Arch. hist. de la Gironde_, XII, 320,
      328). Le Montléon mentionné ici est évidemment le «Mautlion» de
      Froissart, dont c’est affaire aux érudits locaux de déterminer
      l’emplacement.

      [339] M. Kervyn de Lettenhove (_Œuvres de Froissart_, XXIV, 269)
      propose d’identifier «Dion» avec le château de Dieu-la-Volt
      signalé par M. Léo Drouyn dans la vallée du Drot, presque en face
      de Monségur (Gironde, arr. la Réole). «Dion» n’est peut-être
      qu’une mauvaise leçon pour Rioms (Gironde, arr. Bordeaux, c.
      Cadillac, sur la rive droite de la Garonne, en aval de la Réole),
      forteresse où les Anglais tenaient garnison en août et septembre
      1374 (_Arch. hist. de la Gironde_, XII, 338).

      [340] «Sebillach» désigne peut-être Savignac (Gironde, arr.
      Bazas, c. Auros), sur la Bassanne, affluent de la rive gauche de
      la Garonne.

      [341] La forteresse d’Auberoche est aujourd’hui un simple
      lieu-dit de la commune du Change (Dordogne, arr. Périgueux, c.
      Savignac-les-Églises), sur la Haute-Vézère, à 15 kil. à l’est
      de Périgueux. Cabaret d’Orville ne dit rien de cette prétendue
      expédition contre Auberoche qui aurait obligé le duc d’Anjou
      à s’éloigner beaucoup de la vallée de la Garonne, son centre
      d’opérations pendant toute cette campagne qui ne dura que deux
      mois.

      [342] Comment le duc d’Anjou et Du Guesclin auraient-ils pu
      s’éloigner du Rouergue, puisqu’ils venaient de faire campagne
      dans la vallée de la Garonne, vers les confins de l’Agenais et du
      Bordelais? Auberoche, la dernière place qu’ils auraient prise, si
      l’on admet la version du chroniqueur, est située en Périgord, non
      dans le Rouergue.

      [343] Quoi qu’en dise ici Froissart, le duc d’Anjou retourna
      certainement à Toulouse, où il était rentré dès le commencement
      d’octobre; il en partit le 8 en compagnie de la duchesse pour
      aller à Nîmes, où il séjourna jusqu’au 30 du même mois. De Nîmes,
      il se dirigea vers Villeneuve-lez-Avignon (_Ordonn._, VI, 70,
      71), où il donna, le lundi 27 novembre, à quinze cardinaux,
      ce somptueux dîner pour les apprêts duquel Pierre Scatisse,
      trésorier du duc, revint à Nîmes faire provision de sauvagines
      (Ménard, _Hist. de Nismes_, II; Preuves, p. 6, 7). Du Guesclin,
      au contraire, dut se rendre auprès de Charles V en toute hâte et
      par la voie la plus directe, ainsi que Froissart le raconte. Dès
      le 2 octobre 1374 il était arrivé à Paris, et donna ce jour-là à
      Jeannet d’Estouteville, frère de Colart d’Estouteville, seigneur
      de Torcy, varlet tranchant du roi, lesquels Colart et Jeannet
      venaient de servir sous ses ordres devant la Réole, les biens
      confisqués de Guillaume de Briançon, justicié pour ses démérites
      par ordre du bailli de Rouen (_Arch. Nat._, JJ 106, nº 49, fº 29
      vº. Cf. _Revue hist._, XXXV, 288-92).

Les places françaises des marches de Picardie sont alors pourvues
de bonnes garnisons. La garnison d’Abbeville, entre autres, a pour
capitaine Hue de Châtillon[344], maître des arbalétriers de France,
débarqué récemment de Boulogne et ne respirant que le désir de la
vengeance; car, pris en embuscade aux alentours d’Abbeville par Nicole
de Louvain qui avait refusé de le prendre à rançon, il avait été réduit
à se faire enlever sur les marches du Northumberland, où on le tenait
en captivité, par un marinier de l’Écluse, qui l’avait ramené en
Flandre. Rétabli dans son office de maître des arbalétriers aussitôt
après son retour en France, il commande la garnison d’Abbeville, d’où
il fait des chevauchées aux environs. Du côté des Français, Henri des
Iles[345], Jean de Longvillers[346], Guillaume de Nesle, le Châtelain
de Beauvais, capitaines de Dieppe, de Boulogne, de Montreuil-sur-Mer et
de Rue, sont opposés à Jean de Burleigh, à Jean de Harleston, à Jean,
seigneur de Gommegnies, capitaines anglais de Calais, de Guines et
d’Ardres. A Calais, le lieutenant du capitaine est Walter Devereux. Un
jour, Walter Devereux, Jean de Harleston et le seigneur de Gommegnies
rassemblent de très grand matin environ cent soixante lances dans la
bastille d’Ardres et partent en expédition du côté de Boulogne. Ce même
jour, Jean de Longvillers, à la tête d’environ soixante lances, fait
route en sens contraire dans la direction de Calais. A deux lieues
de Boulogne, il rencontre la petite troupe conduite par le seigneur
de Gommegnies. Les Anglais attaquent les Français et font quatorze
prisonniers. Le reste se sauve et rentre à Boulogne. Sitôt qu’ils sont
revenus de cette poursuite, les vainqueurs se disposent à regagner
Ardres en ligne directe par le beau chemin vert, dit de Leulinghe,
qui traverse le pays d’Alequine. Ce même jour aussi, Hue de Châtillon
ou monseigneur le Maître, comme on a coutume de l’appeler, s’est mis
en campagne, de son côté, à la tête de quatre cents lances. Chemin
faisant, il est rejoint par le jeune comte de Saint-Pol, Waleran
de Luxembourg, qui, revenu depuis quelques jours seulement de ses
possessions de Lorraine à Saint-Pol, s’est remis en route pour aller en
pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne. Hue et Waleran, une fois réunis,
ne sachant rien de la chevauchée des Anglais, et les croyant toujours
enfermés dans Ardres, vont courir jusque sous les fortifications
de cette place et, après avoir fait une démonstration devant les
barrières, rebroussent chemin et se dirigent vers Licques et vers
Tournehem. P. 182 à 184, 318.

      [344] A la date du 16 septembre 1373, au lendemain du passage
      en Vermandois de l’armée du duc de Lancastre, Hue ou Hugue
      de Châtillon, maître des arbalétriers de France, était à
      Saint-Quentin, où il donna l’ordre de faire payer les gages de
      Jean d’Audenfort, écuyer, capitaine du fort d’Audrehem (_Bibl.
      Nat., Collect, de Clairambault_, reg. 4, p. 161).

      [345] Henri, seigneur des Isles (_Clairambault_, reg. 62, p.
      4767).

      [346] Jean de Longvillers, seigneur d’Engoudsent (auj. hameau de
      Beussent, Pas-de-Calais, arr. Montreuil-sur-Mer, c. Hucqueliers).

Un Anglais de la garnison d’Ardres sort de cette forteresse et va à
la dérobée prévenir le seigneur de Gommegnies, Walter Devereux et
Jean de Harleston de la présence des Français dans ces parages. Les
trois chevaliers anglais marchent aussitôt à la rencontre de leurs
adversaires qu’on leur dit être arrivés entre Licques et Tournehem.
Ceux-ci, de leur côté, sitôt qu’ils sont avisés de la marche des
Anglais, mettent trois cents lances en embuscade dans un petit bois
près de Licques sous les ordres de Hue de Châtillon, tandis que
le comte de Saint-Pol continue de s’avancer avec cent lances à la
rencontre de l’ennemi. L’avant-garde anglaise ne se compose que
d’une quinzaine de lances, et Jean de Harleston, qui commande cette
avant-garde, a reçu l’ordre de faire semblant de fuir, aussitôt
qu’il se trouvera en présence des Français, et de regagner le plus
vite possible la haie derrière laquelle se tient le gros des forces
anglaises. La feinte réussit, et l’avant-garde française donne la
chasse aux Anglais jusqu’à cette haie où le combat s’engage. Le comte
de Saint-Pol et ses gens ne tardent pas à avoir le dessous. Le comte
est fait prisonnier[347] par un écuyer du duché de Gueldre ainsi que
soixante autres, tant chevaliers qu’écuyers, entre autres les seigneurs
de Poix[348], de Clary[349], Guillaume de Nesle, Charles de Châtillon,
Lionel d’Airaines, Jean, seigneur de Chepoix[350], Guillaume, châtelain
de Beauvais, les frères Henri et Jean des Isles et Gauvinet de
Bailleul[351]. P. 184 à 187, 318.

      [347] Cette rencontre dut avoir lieu vers la fin de janvier ou
      dans les premiers jours de février 1375. Le 16 février, Édouard
      III donna l’ordre à Alain de Buxhull, connétable de sa Tour
      de Londres, de préparer sans retard les chambres et salles
      nécessaires pour servir à l’habitation de noble homme le comte
      de Saint-Pol de France, prisonnier de son amé et féal chambrier,
      Guillaume de Latymer (Rymer, III, 1024).

      [348] Jean, seigneur de Poix (_Clairambault_, reg. 87, p. 6833).

      [349] Hugues, seigneur de Clary (_Clairambault_, reg. 32, p.
      2397).

      [350] Jean, seigneur de Chepoix (Oise, arr. Clermont, c.
      Breteuil), fit montre à Reims le 3 mars 1376 et prit part à la
      poursuite des routiers (_Clairambault_, reg. 103, p. 7983).

      [351] Vers 1375, Gauvinet ou Gauvainet, des seigneurs de Bailleul
      en Artois (Pas-de-Calais, arr. Arras, c. Vimy), donna quittance
      de gages pour services de guerre rendus à la frontière de
      Picardie (_Ibid._, reg. 9, p. 501).

Hue de Châtillon et les trois cents lances, qui se tenaient en
embuscade, surviennent au moment où le combat dure encore; mais, au
lieu de se porter au secours de leurs compagnons d’armes, le seigneur
de Châtillon et ses gens donnent de l’éperon à leurs chevaux et
s’éloignent précipitamment du champ de bataille. Embarrassés du grand
nombre de prisonniers qu’ils ont faits, les Anglais ne s’acharnent
point à la poursuite des fuyards et rentrent le soir même à Ardres.
Après souper, Jean, seigneur de Gommegnies, achète le comte de
Saint-Pol à l’écuyer qui l’avait fait prisonnier au prix de dix mille
francs. Le lendemain, Jean de Harleston retourne à Guines et Walter
Devereux à Calais. A la nouvelle de ce succès, Édouard III, roi
d’Angleterre, fait venir auprès de lui au château de Windsor, où il se
trouve alors, le seigneur de Gommegnies, capitaine d’Ardres, qui amène
le comte de Saint-Pol son prisonnier et le donne au monarque anglais.
Le roi est bien aise de se faire livrer ce prisonnier pour deux
raisons: d’abord, parce qu’il garde rancune au comte Gui de Luxembourg,
père de Valeran, de ce qu’il s’était évadé d’Angleterre sans congé
et n’avait rien négligé pour rallumer la guerre entre ce pays et la
France; ensuite, parce qu’il espère pouvoir échanger le comte de
Saint-Pol contre le captal de Buch détenu dans la tour du Temple à
Paris. En retour de la cession du comte, le seigneur de Gommegnies
reçoit du roi d’Angleterre un présent de vingt mille francs. Le
prisonnier est traité avec courtoisie. On le laisse aller et venir dans
l’intérieur du château de Windsor, mais il ne peut franchir le seuil
de la porte de ce château sans le congé de ses gardiens. De retour à
Ardres, le seigneur de Gommegnies gratifie de nouvelles sommes d’argent
l’écuyer de Gueldre qui avait pris Valeran de Luxembourg, seigneur de
Ligny et comte de Saint-Pol. P. 187 à 192, 319.

Les rois de France et d’Angleterre concluent une trêve[352] qui ne
s’appliquait à l’origine qu’au pays situé entre Calais et la rivière de
Somme; cette trêve ne fut point observée dans les anciennes marches,
notamment en Normandie et en Bretagne. Louis, duc d’Anjou[353], arrive
à Saint-Omer en compagnie de deux légats[354]. L’escorte du duc se
compose d’environ mille lances de Bretons dont Bertrand du Guesclin,
connétable de France, Olivier, seigneur de Clisson, Jean, vicomte de
Rohan, Gui, comte de Laval[355], les seigneurs de Beaumanoir et de
Rochefort sont les chefs. Ces gens d’armes, logés au plat pays aux
environs de Bailleul et de la Croix en Flandre, touchent une solde avec
laquelle ils payent tout ce qu’ils prennent sans grever l’habitant;
mais ils se tiennent prêts à prendre l’offensive et n’ont qu’une
médiocre confiance dans les Anglais.--Sur ces entrefaites, Jean de
Vienne[356], amiral de France, met premièrement par mer le siège
devant la forteresse de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en basse Normandie.
Owen de Galles et le seigneur de Rye prennent part à ce siège où la
flotte de D. Enrique, roi de Castille, est commandée par Radigho de
Rous.--Gui, comte de Blois, vient rejoindre à Saint-Omer Louis, duc
d’Anjou, avec une suite de trente chevaux au lieu de treize seulement
sur lesquels comptait le dit duc. Jean, duc de Lancastre, arrive de
son côté à Calais et ne peut s’empêcher de témoigner sa surprise en
voyant la marche de Saint-Omer occupée par un si grand nombre de gens
d’armes bretons. Cependant les deux légats vont de l’un à l’autre duc
pour les amener à une entente et les décider à conclure, sinon un
traité de paix, au moins une prorogation de la trêve.--Le terme fixé
dans le traité de capitulation de Bécherel pour la reddition de cette
place approchant, Charles V écrit à Bertrand du Guesclin, connétable de
France, et à Olivier, seigneur de Clisson, pour réclamer leur présence
à cette journée à la tête de forces imposantes; car, si les Anglais
tentent de faire lever le siège de Bécherel, le roi de France veut être
en mesure de s’y opposer. Du Guesclin et Clisson prennent donc congé
du duc d’Anjou et conduisent devant Bécherel, avant le jour fixé pour
la reddition, plus de dix mille lances. Le bruit s’était répandu que
le duc de Bretagne Jean de Montfort et le comte de Salisbury amenaient
par mer aux assiégés un secours de dix mille hommes; mais ce secours,
la garnison de Bécherel l’attendit en vain et se plaignit amèrement de
ce qu’après une défense de quinze mois elle eût été ainsi abandonnée à
ses seules forces. Aux termes du traité de capitulation, les assiégés
rendent au jour convenu la place aux Français. Les deux capitaines
de la garnison, Jean Appert et Jean de Cornouaille, s’éloignent de
Bécherel avec armes et bagages; puis, à la faveur d’un sauf-conduit qui
leur avait été délivré par Bertrand du Guesclin, connétable de France,
ils vont renforcer la garnison anglaise de Saint-Sauveur-le-Vicomte. P.
190 à 192, 319.

      [352] Cette trêve, qui fut conclue à Bourbourg le 11 février
      1375, ne devait durer que jusqu’aux fêtes de Pâques; elle fut
      le prélude de négociations qui s’échangèrent à Bruges pendant
      les mois de mai et de juin suivants. Le roi de France s’y fit
      représenter par son frère Philippe, duc de Bourgogne, et par
      Jean de la Grange, évêque d’Amiens, auxquels il avait délégué
      ses pleins pouvoirs par acte en date du 1er mars 1375 (Rymer,
      III, 1031; _Gr. Chr._, VI, 344). Édouard III, de son côté, dès
      le 20 février précédent, avait choisi comme ses ambassadeurs
      Jean, duc de Lancastre, son fils, l’évêque de Londres, le comte
      de Salisbury, Jean Cobham, Frank de Hale et Arnaud Sauvage,
      chevaliers, Jean de Shepey et Simon de Multon, docteurs en droit
      (Rymer, III, 1024). Le résultat de ces négociations fut, d’abord
      un projet de trêves rédigé à Bruges le 26 mai et portant levée,
      sous certaines conditions, du siège mis par les Français depuis
      le milieu de 1374 devant Saint-Sauveur-le-Vicomte (_Ibid._,
      1038), ensuite un traité définitif arrêté le 27 juin, par
      lequel une trêve d’une année était conclue entre les parties
      belligérantes en même temps que les Anglais s’engageaient à
      remettre au roi de France, le 15 juin de l’année suivante,
      Saint-Sauveur-le-Vicomte moyennant le payement préalable opéré à
      Bruges d’une somme de 40 000 francs (_Ibid._, 1031, 1034, 1035).
      C’est par une erreur évidente que Froissart semble avoir confondu
      ces négociations, tenues à Bruges pendant la première moitié de
      1375, auxquelles le duc de Bourgogne présida seul, avec celles
      qui s’ouvrirent à Saint-Omer sous les auspices des deux ducs
      d’Anjou et de Bourgogne vers la fin de cette même année.

      [353] Le 25 octobre 1375, Charles V envoya de Senlis Charles de
      Poitiers, l’un de ses chambellans, vers Louis, comte de Flandre,
      en le chargeant de remettre au dit comte une lettre close où
      le roi de France invitait son vassal à rejoindre à Saint-Omer
      ses «très amez frères d’Anjou et de Bourgoigne, vostre filz, es
      traictiez encommenciez pour le bien de paix entre nous et nostre
      adversaire d’Angleterre» (Delisle, _Mandements de Charles V_, p.
      610, 611, nº 1174{a}). Le 2 novembre suivant, Louis, duc d’Anjou,
      qui se rendait à Saint-Omer, était de passage à Guise, ville qui
      lui avait été apportée en dot par Marie de Bretagne, fille de
      Charles de Blois, sa femme (_Bibl. Nat._, _Quittances_, XXI, nº
      1706).

      [354] Ces deux légats étaient Pileus de Prata, archevêque de
      Ravenne, et Guillaume de Lestrange, d’abord évêque de Carpentras,
      promu à l’archevêché de Rouen à la fin de 1375. C’est également
      à l’instigation de ces deux légats que l’on avait entamé les
      premières négociations à Bruges dès les premiers mois de cette
      année.

      [355] Par acte daté de Bruges le 4 février 1376, Louis, duc
      d’Anjou, fit payer une somme de 400 francs à Gui, seigneur de
      Laval et de Châteaubriand, pour ses gages «en la compagnie de
      monseigneur le duc ou voyage de Bruges que mon dit seigneur y
      fist pour le traité de la paix» (_Arch. Nat._, KK 245, fº 47).

      [356] Dès la fin de 1372, Charles V avait arrêté le projet de
      reprendre aux Anglais Saint-Sauveur-le-Vicomte; l’usufruit de
      cette vicomté fut promis dès lors à Louis de Harcourt, vicomte
      de Châtellerault, par des traités passés les 20 novembre, 1er
      et 15 décembre de cette année (Voy. plus haut, p. LV, note 1,
      et p. LVI). Le 27 décembre 1372, il chargea Louis Thesart,
      évêque de Bayeux, Silvestre de la Cervelle, évêque de Coutances,
      ses conseillers, maître Thomas Graffart, archidiacre d’Auge,
      l’un de ses secrétaires, Raoul Paynel, capitaine de Coutances,
      Jean Martel, capitaine de Falaise, les baillis de Caen et
      de Cotentin, Raoul Campion, son receveur général en basse
      Normandie, Robert Assire, vicomte d’Auge, Robert Aupois, maire
      de Falaise, Nicolas le Prestrel, bourgeois de Saint-Lô, de lever
      dans la partie de la Normandie située à l’ouest et au midi de
      la Seine une imposition de 40 000 francs pour le recouvrement
      du château de Saint-Sauveur-le-Vicomte occupé par les Anglais
      (_Arch. Nat._, K 49, nº 69; Delisle, _Hist. de Saint-Sauveur_,
      208 à 210). Toutefois, le siège de cette forteresse ne commença
      réellement que vers le milieu de 1374. Le 1er août de cette
      année, Jean de Vienne, vice-amiral de la mer, fut chargé de
      diriger les opérations avec le titre de capitaine général, et
      Milon de Dormans, qui avait succédé sur le siège de Bayeux à
      Louis Thesart, Silvestre de la Cervelle, évêque de Coutances,
      Jean le Mercier et le Bègue de Fayel furent adjoints comme
      commissaires du roi à ce capitaine général, tant pour le
      seconder dans la direction des opérations que pour présider à
      la levée des aides, à la confection des engins, au recrutement,
      à l’armement, à l’approvisionnement et au payement de la solde
      des troupes (_Arch. Nat._, K 50, nº 9; Delisle, _Hist. de
      Saint-Sauveur_, p. 212 à 215). Comme Jean de Vienne, mis à la
      tête des forces assiégeantes, portait le titre de vice-amiral,
      Froissart, aussi peu familier avec la géographie de la Normandie
      qu’avec celle de la Bretagne, a supposé que le château de
      Saint-Sauveur-le-Vicomte, situé à plusieurs lieues de la mer,
      pouvait être bloqué par une flotte. En réalité, la rivière
      d’Ouve, qui fait communiquer ce château avec la baie des Veys,
      n’est navigable que pour de simples barques, et ce fut surtout
      pour enlever aux assiégés tout moyen de se ravitailler par cette
      voie que Jean de Vienne fit construire, dès le début du siège,
      les bastilles du Pont-d’Ouve (auj. écart de Saint-Côme-du-Mont,
      Manche, arr. Saint-Lô, c. Carentan), de Beuzeville (Manche,
      arr. Valognes, c. Sainte-Mère-Eglise, sur la rive droite de
      l’Ouve), de Pont-l’Abbé (auj. écart de Picauville, Manche, arr.
      Valognes, sur la rive gauche de l’Ouve) et de Pierrepont (auj.
      Saint-Sauveur-de-Pierrepont, Manche, arr. Coutances, c. la
      Haye-du-Puits). En septembre et octobre 1374, Milon de Dormans,
      évêque de Bayeux, se tenait en personne dans la bastille de
      Beuzeville, tandis que le vice-amiral Jean de Vienne, bloquant
      d’un peu plus près la place assiégée, avait son quartier général
      à Pont-l’Abbé. Cf. Delisle, _Hist. de Saint-Sauveur_, p. 188, 189.

Aussitôt après la prise de possession de Bécherel, le connétable de
France[357], le seigneur de Clisson et les deux maréchaux de France
viennent mettre le siège devant le château de Saint-Sauveur-le-Vicomte
dont on fait le blocus par terre et par mer. Thomas de Catterton, nommé
capitaine de la garnison par Alain de Buxhull, a mis la forteresse en
bon état de défense. Thomas Trevet, Jean de Burgh, Philippe Pickworth
et les trois frères de Maulevrier sont au nombre des assiégés auxquels
Jean Appert, Jean de Cornouaille et les compagnons partis de Bécherel
ont apporté un si utile renfort. La garnison de Saint-Sauveur est
encouragée à la résistance par l’espoir que le duc de Bretagne la
viendra secourir par mer ou tout au moins qu’elle sera comprise dans
la trêve qui se négocie entre Louis, duc d’Anjou, établi à Saint-Omer,
et Jean, duc de Lancastre, débarqué à Calais. Cet espoir soutient
les assiégés pendant tout le cours de l’hiver, où leurs remparts et
même leurs habitations ont beaucoup à souffrir du jet des pierres
énormes[358] lancées par les machines de guerre des Français. P. 192 à
194, 319.

      [357] C’est par erreur que Froissart et aussi Jean de Noyal
      (Delisle, _Hist. de Saint-Sauveur_; Preuves, p. 275) font honneur
      à Bertrand du Guesclin de l’expulsion des Anglais du château de
      Saint-Sauveur-le-Vicomte. Cette erreur était déjà accréditée en
      basse Normandie au commencement du XVe siècle, comme on le voit
      par une enquête faite à Valognes en 1423 (_Ibid._, p. 340).

      [358] Trois habiles ingénieurs, Gérard de Figeac, Nicole de
      Billy et Bernard de Montferrat, servant sous le vice-amiral Jean
      de Vienne, le premier aux gages de 15 francs, les deux autres
      aux gages de 12 francs par mois, fabriquèrent pour le siège de
      Saint-Sauveur des canons plus puissants que ceux dont on s’était
      servi jusqu’alors. Un engin, dit le gros canon de Saint-Lô,
      parce que Girard de Figeac l’avait fait forger dans cette ville,
      lançait des pierres pesant cent livres (Delisle, _Hist. de
      Saint-Sauveur_; Preuves, p. 237, 238, 241). Un autre grand canon
      de fer, fabriqué dans la halle de Caen du 20 mars au 3 mai 1375
      par quatre maîtres de forge travaillant sous la direction de
      Bernard de Montferrat, nécessita l’emploi de 885 livres de fer
      d’Auge, de 1200 livres de fer d’Espagne et de 200 livres d’acier
      (_Ibid._, p. 186 à 190). Ces batteries de canons, établies
      sur le mont de la Place à Rauville (Manche, arr. Valognes, c.
      Saint-Sauveur), un peu à l’est du château de Saint-Sauveur,
      et aussi dans l’enceinte de l’abbaye que les assiégeants
      avaient convertie en bastille, firent pleuvoir sur le château,
      principalement du 10 au 21 mai 1375, date de la capitulation, une
      pluie de grosses pierres taillées en forme de boulets.

Les négociations entamées entre les ducs d’Anjou et de Lancastre
n’aboutissant, malgré l’entremise des deux légats, à aucun résultat
par suite de la trop grande distance entre Saint-Omer et Calais, les
deux princes conviennent d’une entrevue directe et personnelle qui
doit avoir lieu à Bruges. Le duc de Bretagne, qui s’était rendu à
Calais en compagnie du duc de Lancastre, retourne en Angleterre, où
Édouard III met à sa disposition un corps expéditionnaire de deux mille
hommes et de quatre mille archers pour l’aider à reconquérir son duché.
Quelques-uns des plus grands seigneurs d’Angleterre font partie de ce
corps d’armée, notamment Edmond, comte de Cambridge[359], Edmond de
Mortimer, comte de March, Thomas Holland, fils aîné du premier lit de
la princesse de Galles, depuis comte de Kent, et Édouard Spencer qui
mourut au retour de cette expédition[360]. Les Anglais s’embarquent
à Southampton et font voile vers Saint-Sauveur, où ils veulent
attaquer les navires du roi de France ancrés devant cette place, mais
ils sont poussés par les vents contraires sur les côtes de Bretagne
et débarquent devant Saint-Mathieu. Ils s’emparent de cette place,
dont ils passent la garnison au fil de l’épée. A cette nouvelle, le
connétable, les barons de France, de Normandie et de Bretagne, qui
bloquent étroitement Saint-Sauveur-le-Vicomte, détachent du gros de
leurs forces une colonne de trois ou quatre cents lances, commandée par
Olivier, seigneur de Clisson, Jean, vicomte de Rohan, Jean, seigneur de
Beaumanoir, et Gui, seigneur de Laval, qui va tenir garnison à Lamballe
pour faire frontière contre les Anglais. Ceux-ci, continuant leur
marche en avant, prennent d’assaut Saint-Pol de Léon et viennent mettre
le siège devant Saint-Brieuc. P. 194 à 196, 319.

      [359] Par acte daté du palais de Westminster le 24 novembre 1374,
      Édouard III institua Edmond, comte de Cambridge, et Jean, duc
      de Bretagne, comte de Montfort et de Richemond, ses lieutenants
      spéciaux et capitaines généraux dans le duché de Bretagne
      (Rymer, III, 1018, 1019). Les 16 et 24 décembre suivants, le
      roi d’Angleterre enjoignit à Hugh Tyrel, capitaine du château
      d’Auray, à Jean Devereux, capitaine du château de Brest, de
      recevoir en toute obéissance les ordres du duc de Bretagne et du
      comte de Cambridge, qui sont «ja à aler en Bretaigne», et de leur
      livrer les dits châteaux à leur premier commandement (_Ibid._,
      1019, 1020).

      [360] A la fin de son récit de l’expédition du duc de Lancastre
      en France pendant la seconde moitié de 1373, Froissart avait
      déjà mentionné par avance le décès d’Édouard Spencer, l’un de
      ses protecteurs, qui mourut en novembre 1375 (Voy. plus haut, p.
      CIII, note 2).

Les Anglais, bloqués dans Saint-Sauveur-le-Vicomte, apprenant le
débarquement en Bretagne de forces aussi considérables, ne doutent pas
que le duc et le comte de Cambridge viennent bientôt à leur secours
et forcent les Français à lever le siège. Le jet des machines de
guerre des assiégeants incommode de plus en plus la garnison. Une
pierre, lancée par une de ces machines, fait un jour irruption dans
une chambre où le capitaine Catterton est couché malade, enfonce le
plancher de cette chambre et ne s’arrête qu’à l’étage inférieur[361].
Les assiégés se décident à demander une trêve, et pour l’obtenir Thomas
Trevet et Jean de Burgh entrent en pourparlers avec le connétable de
France[362] et le duc de Bourbon. On convient de cesser les hostilités
de part et d’autre depuis la mi-carême jusqu’à Pâques, et si dans cet
intervalle la forteresse de Saint-Sauveur n’est pas secourue par le
duc de Bretagne en personne, elle sera livrée aux Français, auxquels
seront remis de bons otages en garantie de cette reddition[363]. Sur
ces entrefaites, les négociations se poursuivent à Bruges entre les
ducs d’Anjou et de Lancastre sans aboutir à aucun résultat, parce que
les affaires de Bretagne et de Castille font obstacle à une entente.
D’une part, en effet, le duc de Lancastre n’est disposé à consentir à
un arrangement qu’à une condition, c’est que le duc de Bretagne rentre
en possession de son duché tout entier, y compris la partie dont le roi
de France s’est emparé et qu’il a réunie au domaine de sa Couronne.
D’un autre côté, Charles V s’est engagé solennellement à ne conclure
aucun traité de paix sans y faire comprendre D. Enrique de Trastamar,
roi de Castille, son allié; et Jean, duc de Lancastre, qui se prétend
héritier de Castille du chef de sa femme, fille de D. Pèdre, répugne à
accepter une clause où l’on ne manquerait pas de voir une renonciation
indirecte à ses prétentions. Les deux légats ne s’entremettent pas
moins entre les négociateurs et ne désespèrent pas, malgré la gravité
de ces difficultés, de les faire arriver à une entente. P. 196 à 199,
319.

      [361] Des détails aussi précis et aussi minutieux doivent
      émaner de quelqu’un qui se trouvait, à ce moment du siège, dans
      l’intérieur de la place. Il y a lieu par conséquent de supposer
      que Froissart a raconté le siège de Saint-Sauveur d’après la
      version de l’un des hommes d’armes anglais qui avaient concouru à
      la défense. Si l’on admet cette supposition, on s’explique plus
      aisément l’erreur assez grave que le chroniqueur de Valenciennes
      a commise en plaçant Bertrand du Guesclin à la tête des
      assiégeants. Ceux-ci avaient intérêt à annoncer soit la présence,
      soit la prochaine arrivée de Bertrand, à cause de la terreur que
      le nom seul du connétable de France inspirait à ses adversaires;
      mais on n’a pu ajouter foi à ce faux bruit que dans les rangs des
      assiégés.

      [362] Pendant les derniers mois du siège de Saint-Sauveur,
      c’est-à-dire au printemps de 1375, Bertrand du Guesclin ne
      guerroyait point en basse Normandie, mais en Saintonge. Il
      assiégeait alors Cognac, qui se rendit le 1er juin (_Grandes
      Chroniques de France_, VI, 346).

      [363] Le traité de capitulation fut conclu le 21 mai 1375.
      Par ce traité Thomas Catterton, écuyer, capitaine de
      Saint-Sauveur-le-Vicomte, s’engageait à rendre cette place le 3
      juillet suivant, si le roi d’Angleterre ne parvenait point dans
      l’intervalle à envoyer à la garnison des renforts suffisants
      pour obliger les Français à lever le siège, moyennant toutefois
      une somme de 40 000 francs d’or dont le payement lui fut
      solennellement garanti par Jean de Vienne, amiral de France,
      lieutenant du roi de France en Normandie, Milon de Dormans, qui
      venait d’être transféré du siège de Bayeux à celui de Beauvais,
      Silvestre de la Cervelle, évêque de Coutances, Guillaume Paynel,
      sire de Hambye, Guillaume du Fayel, dit le Bègue, Robert,
      seigneur de Pirou, Jean dit le Sénéchal d’Eu, Guillaume de
      Villiers, seigneur du Hommet, Jean de Blaisy, Jean le bâtard de
      Vernay, Raoul Tesson, Guillaume, seigneur de Magneville, Henri,
      seigneur de Colombières, Pierre Bardoul et Gui de Châtillon.
      Outre les 40 000 francs ainsi stipulés, il fut convenu que Thomas
      Catterton toucherait personnellement une somme de 12 000 francs,
      Thomas Trevet, une somme de 2000 francs et Hennequin Vallebreton,
      une somme de 1000 francs. Jean de Vienne dut promettre également
      de faire payer les rançons exigées de plusieurs hommes d’armes
      français, capturés par la garnison anglaise de Saint-Sauveur
      pendant le cours du siège. En retour, cette garnison livra huit
      otages en garantie de l’engagement qu’elle avait contracté de
      livrer la forteresse le 3 juillet. Ces huit otages étaient
      Thomas Trevet, Hochequin l’Inde, Jean de Burgh, Guillaume
      Maulevrier, Guillaume Chelleton, Janequin Noel, Willecoc Standon
      et Jean Hericié, que l’amiral Jean de Vienne interna, en les
      traitant avec les plus grands égards, dans les châteaux de
      Caen, de Falaise, de Rouen et de Vernon (Delisle, _Hist. de
      Saint-Sauveur_, p. 198 à 200; Preuves, p. 242 à 248).

En prévision d’une tentative faite par les Anglais débarqués en
Bretagne pour débloquer Saint-Sauveur-le-Vicomte, Charles V fait
renforcer le corps d’armée qui assiège cette forteresse[364]. Les
assiégés envoient des messagers demander du secours à Jean de
Montfort, duc de Bretagne, à Edmond, comte de Cambridge, et aux barons
d’Angleterre campés devant Saint-Brieuc. Ces messagers arrivent au
moment où les remparts de cette place sont déjà tellement minés que
la résistance ne peut plus se prolonger au delà de quelques jours.
Les assiégeants décident donc de ne répondre à l’appel de la garnison
de Saint-Sauveur et de ne lui porter secours qu’après la reddition de
Saint-Brieuc. P. 199 à 201, 319.

      [364] Le 15 juin 1375, Charles V notifia aux maréchaux de France
      qu’afin d’être le plus fort à la journée de Saint-Sauveur,
      il avait fait faire semonce générale à toutes manières de
      gens d’armes et arbalétriers du royaume pour se rendre à la
      dite journée (La Roque, _Hist. de Harcourt_, IV, 1597). M.
      Léopold Delisle a publié en 1867, comme pièces justificatives
      à la suite de son _Histoire du château et des sires de
      Saint-Sauveur-le-Vicomte_, un certain nombre d’articles de
      comptabilité où l’on trouve les noms de beaucoup des hommes
      d’armes qui se réunirent dans le Cotentin à la fin du mois de
      juin 1375, sous les ordres des deux maréchaux de France Mouton de
      Blainville et Louis de Sancerre ainsi que du premier chambellan
      Bureau de la Rivière (_Hist. de Saint-Sauveur_; Preuves, p. 257,
      265 à 277). Les milices communales fournirent leurs contingents,
      et la ville de Châlons-sur-Marne, par exemple, envoya douze
      arbalétriers à la journée de Saint-Sauveur (Boutaric,
      _Institutions militaires de la France_, p. 220, note 2).

Jean Devereux[365], qui occupe l’île de Quimperlé[366], fortifie une
motte située à environ deux lieues de cette ville, que l’on appelle le
Nouveau Fort. La garnison de ce Nouveau Fort commet tant d’exactions
et se livre à de tels désordres dans tout le pays d’alentour que les
jeunes gens et les fillettes de Bretagne en font une chanson. Olivier,
seigneur de Clisson, le vicomte de Rohan, les seigneurs de Laval et de
Beaumanoir entreprennent de réprimer ces brigandages. Ils chevauchent
à la tête d’environ deux cents lances vers le Nouveau Fort et livrent
à la garnison de cette petite place un grand assaut qui se prolonge
pendant trois jours; les assiégés réussissent à repousser cet assaut
grâce surtout à leur bonne artillerie. P. 201 à 204, 319.

      [365] A la fin de 1374 et au commencement de 1375, Jean Devereux
      était capitaine de Brest (Voy. plus haut, p. CXXI, note 1).

      [366] Quimperlé, aujourd’hui chef-lieu d’arrondissement du
      Finistère, est situé à une certaine distance de la mer. Ce qui
      explique jusqu’à un certain point l’expression d’île dont se sert
      Froissart, c’est que l’ancienne ville fortifiée de Quimperlé
      s’entassait sur une étroite langue de terre resserrée entre
      les deux rivières d’Ellé et d’Isole, à la pointe même où elles
      viennent confondre leurs eaux. Le périmètre de cette ancienne
      ville était seulement de six hectares formant un parallélogramme
      irrégulier dont chaque grande face avait pour fossé le lit de
      l’une de ces deux rivières.

Le duc de Bretagne, le comte de Cambridge et les barons d’Angleterre
qui assiègent Saint-Brieuc reçoivent en même temps la triple nouvelle:
1º de la perte d’une mine pratiquée par leurs gens sous les remparts
de Saint-Brieuc et de la nécessité d’en refaire une nouvelle; 2º de la
conclusion d’une trêve entre les ducs de Lancastre et d’Anjou, cette
dernière nouvelle apportée de Bruges par le héraut Chandos, dépêché
par Jean, duc de Lancastre, vers son frère Edmond, comte de Cambridge;
3º du siège mis devant le Nouveau Fort, dont Jean Devereux commande la
garnison, par les seigneurs de Clisson, de Rohan, de Beaumanoir, de
Laval et de Rochefort. Jean de Montfort, duc de Bretagne, dit qu’il
aurait plus chère la prise de ces cinq chevaliers que de n’importe
quelle ville ou cité de son duché. C’est pourquoi il lève aussitôt le
siège de Saint-Brieuc pour marcher au secours de Jean Devereux et à la
rescousse du Nouveau Fort. P. 204, 205, 320.

Avertis à temps, Clisson et les autres seigneurs de Bretagne qui
sont venus mettre le siège devant le Nouveau Fort, se sentant très
inférieurs en nombre à leurs adversaires, se sauvent de toute la
vitesse de leurs chevaux dans la direction de Quimperlé. Trouvant les
portes de cette ville tout ouvertes, ils s’y précipitent, puis ferment
les barrières derrière eux pour interdire le passage aux Anglais
qui n’ont pas cessé de les poursuivre. Le duc de Bretagne renonce à
grand’peine à donner l’assaut et fait loger ses gens tout autour de
Quimperlé. P. 205 à 217, 320.

Après deux jours qui se passent en assauts continuels, les assiégés
envoient vers le duc de Bretagne un héraut chargé de négocier les
conditions auxquelles ils seraient disposés à se rendre. Jean de
Montfort exige qu’ils se rendent sans condition. Ils font alors
proposer au duc de faire leur reddition au bout de quinze jours, si
dans l’intervalle ils ne sont pas secourus. Les assiégeants se décident
à accepter cette nouvelle proposition, à la condition toutefois que les
quinze jours de répit demandés seront réduits à huit. P. 207 à 210, 320.

Le roi de France a cinq ou six coureurs à cheval qui vont et viennent
jour et nuit de Paris en Bretagne et de Bretagne à Paris, et qui, du
jour au lendemain, lui apportent des nouvelles de ce qui se passe à
cent ou quatre-vingts lieues loin. De même, entre Bruges et Paris, il
a organisé un service de messagers qui le tiennent au courant jour
par jour de toutes les phases des négociations. Aussi, à peine est-il
informé de l’affaire de Quimperlé qu’il mande en toute hâte au duc
d’Anjou de conclure dans le plus bref délai possible et, coûte que
coûte, une trêve avec les Anglais, trêve qui devra avoir son effet
dans toute l’étendue du royaume de France. Par l’entremise des légats
qu’il a réussi à mettre dans ses intérêts, le duc d’Anjou fait accepter
cette trêve[367] qui doit durer jusqu’au 1er mai 1376; et l’on fixe
à Bruges pour la Toussaint suivante un rendez-vous entre les trois
ducs d’Anjou, de Lancastre et de Bretagne afin de poser les bases d’un
accord entre Charles V et Jean de Montfort au sujet de la succession
du duché. Les deux chevaliers anglais, chargés de notifier au duc de
Bretagne les clauses de l’arrangement intervenu entre les ducs de
Lancastre et d’Anjou, font une diligence telle qu’ils ne mettent que
cinq jours à parcourir la distance entre Bruges et Quimperlé. Ils
arrivent devant cette place la veille du jour où la reddition doit
avoir lieu. Le résultat immédiat des nouvelles apportées de Bruges est
de forcer les Anglais à lever le siège. Aussi, ces nouvelles comblent
de joie les cinq seigneurs bretons qui s’étaient renfermés dans
Quimperlé et par contre excitent au plus haut degré le mécontentement
du duc de Bretagne, qui regagne Saint-Mathieu-Fin-de-Terre où la flotte
anglo-bretonne était restée à l’ancre. P. 210 à 212, 320, 321.

      [367] Cette trêve fut conclue à Bruges le 27 juin 1375 entre
      Jean, duc de Lancastre, qui s’intitule en outre roi de Castille
      et de Léon, traitant au nom d’Édouard III son père, et Philippe,
      duc de Bourgogne, investi des pleins pouvoirs de Charles V son
      frère; elle devait durer depuis le jour où elle avait été signée
      jusqu’au dernier jour de juin 1376. Jean de Montfort, duc de
      Bretagne, y fut compris avec cette réserve qu’il ne tiendrait
      sur pied que 200 hommes d’armes dans le duché pour la garde de
      ses villes. La trêve de Bruges stipulait: 1º la levée du siège
      de Saint-Sauveur-le-Vicomte, les bastilles construites par les
      Français restant en l’état; 2º la remise de Cognac entre les
      mains du Saint-Père, qui rendrait cette place, à l’expiration
      de la trêve, à qui de droit; 3º la mise en liberté de Jean de
      Grailly, captal de Buch, fait prisonnier par les Français à
      Soubise, le 23 août 1372, de Roger de Beaufort et de Jean de la
      Roche, neveu du dit Roger, capturés par les Anglais à la prise de
      Limoges le 19 septembre 1370, lesquels prisonniers on promettait
      de délivrer sous caution pendant quatre mois afin de les mettre
      en mesure de payer leur rançon, à la condition toutefois qu’il
      leur serait interdit de pénétrer en Guyenne; 4º l’envoi à
      Bruges, le 15 septembre suivant, de personnes notables munies
      des pleins pouvoirs des deux rois de France et d’Angleterre pour
      traiter de la paix; 5º l’annulation du traité de capitulation
      intervenu le 21 mai précédent entre Jean de Vienne, amiral
      de France, et Thomas de Catterton, capitaine du château de
      Saint-Sauveur-le-Vicomte, et la remise du dit château au roi de
      France, le 15 juin 1376, moyennant le payement de 40 000 francs;
      6º le retour des négociateurs à Bruges, le 12 juin de l’année
      suivante, quinze jours avant l’expiration de la présente trêve
      (Rymer, vol. III, pars II, p. 1032 à 1034). Le duc de Bourgogne
      et les deux légats du pape étaient arrivés à Bruges dès la fin
      de mars 1375. Le dimanche 25 de ce mois, Philippe le Hardi donna
      dans cette ville un grand dîner diplomatique où il eut pour
      convives l’archevêque de Ravenne (Pileus de Prata), l’évêque de
      Carpentras (Guillaume de Lestrange), l’évêque d’Amiens (Jean de
      la Grange), Jean, comte de Saarbruck, Hue de Châtillon, maître
      des arbalétriers, messire Arnaud de Corbie, premier président
      du Parlement «et autres gens du roy estans à Bruges ainsi que
      plusieurs chevaliers, escuiers, bourghemaistres, officiers et
      bourgois de la dite ville» (_Itinéraire de Philippe le Hardi_,
      dressé par M. Ernest Petit).

La levée du siège de Quimperlé est suivie du licenciement de l’armée
du duc de Bretagne. Les comtes de Cambridge, de March et le seigneur
Spencer retournent en Angleterre. Le duc de Bretagne, après avoir fait
visite à la duchesse au château d’Auray où il l’avait laissée plus
d’un an auparavant, l’emmène avec lui au delà du détroit. Le duc de
Lancastre, revenu de Bruges à Calais, prend le même chemin, tout en
se réservant de revenir à Bruges à la Toussaint suivante. Quant au
duc d’Anjou, il retourne à Saint-Omer, d’où il ne s’absente que pour
passer quelque temps en Thiérache auprès de la duchesse sa femme, qui
a reçu la terre de Guise en héritage. Seuls, les légats envoyés par le
Saint-Siège en vue de la conclusion d’un traité de paix continuent de
séjourner à Bruges.--Dans l’opinion des Anglais, la trêve de Bruges,
qui a amené la levée du siège de Quimperlé, doit entraîner également
celle du siège de Saint-Sauveur-le-Vicomte; mais les Français, qui ont
forcé la garnison de cette dernière place à capituler et qui voient
approcher le jour fixé pour la reddition, ne l’entendent pas ainsi[368]
et n’ont pas réuni moins de dix mille lances devant la forteresse
pour le cas où le duc de Bretagne viendrait, au jour marqué par le
traité de capitulation, leur offrir la bataille pour les forcer à
lever le siège. Ils menacent de faire mourir les otages qui leur ont
été remis et, si on les réduit à emporter la place d’assaut, de ne
faire quartier à personne. Ces menaces décident Catterton et les gens
d’armes placés sous ses ordres à effectuer la reddition du château
de Saint-Sauveur-le-Vicomte, dont le connétable prend possession au
nom du roi de France. Après cette reddition, la garnison anglaise
s’embarque[369] pour retourner en Angleterre, tandis que les gens des
compagnies se dirigent vers la Bretagne et les bords de la Loire, en
attendant que Charles V leur transmette de nouveaux ordres. P. 212 à
214, 321.

      [368] Le 27 juin 1375, le jour même où la trêve de Bruges fut
      conclue et signée, Jean, duc de Lancastre, expédia une dépêche à
      Thomas de Catterton pour inviter le capitaine de Saint-Sauveur
      à publier dans le Cotentin les articles de cette trêve qui
      concernaient la forteresse assiégée par les troupes du roi de
      France (_Ibid._, 1034). Cette lettre arriva sans doute trop
      tard à destination, et c’est ainsi que la convention du 21 mai
      fut rigoureusement exécutée, quoiqu’elle eût été annulée par le
      traité du 27 juin. Le roi d’Angleterre protesta avec énergie et
      prétendit qu’on eût dû s’en tenir aux stipulations de la trêve
      de Bruges et les exécuter strictement. Le 2 août suivant, il
      donna pleins pouvoirs à Jean, évêque de Hereford, à Jean, sire
      de Cobham, à Henri Le Scrop, bannerets, à maître Jean Shepey,
      docteur en droit, pour poursuivre l’exécution de la clause de la
      trêve de Bruges relative à Saint-Sauveur (_Ibid._, 1059); ces
      protestations n’aboutirent à aucun résultat, et la convention du
      21 mai 1375 eut son plein effet.

      [369] Le 3 juillet 1375, la garnison anglaise évacua le château
      de Saint-Sauveur et s’achemina vers le havre de Carteret, où
      Thomas de Catterton devait s’embarquer avec ses compagnons
      pour rentrer en Angleterre (Delisle, _Hist. de Saint-Sauveur_;
      Preuves, p. 185, 263, 264). On fit expédier des lettres de
      rémission aux Français mêlés à cette garnison. Le mécontentement
      fut très vif en Angleterre, où Guillaume de Latymer et Thomas de
      Catterton furent accusés de trahison (_Rotuli parliament._, II,
      325). Charles V récompensa dignement tous ceux de ses serviteurs
      qui avaient concouru à amener le recouvrement de cette importante
      forteresse. Il concéda en usufruit les revenus de la baronnie
      de Saint-Sauveur à Bureau de la Rivière (_Ibid._; Preuves, p.
      297). Le 15 juillet 1375, il autorisa Jean le Mercier, qui avait
      mené à bien la partie financière de l’opération, à accepter une
      somme de six mille francs qui lui était offerte en témoignage de
      reconnaissance par les habitants de la basse Normandie (_Ibid._;
      Preuves, p. 277, 279). Milon de Dormans, le prélat guerrier et
      patriote, qui avait tenu garnison dans la bastille de Beuzeville,
      fut promu à l’évêché de Beauvais, qui lui conférait la dignité de
      pair de France et d’où sa famille tirait son origine. Huguenin
      du Bois, capitaine de Bricquebec, fut gratifié d’un don de 600
      francs (_Ibid._; Preuves, p. 219), et Henri de Colombières reçut
      200 francs pour remettre en bon état de défense son château de
      la Haye-du-Puits (_Ibid._, p. 288, 289). Comme nous l’avons fait
      remarquer plus haut (Voy. p. CXIX, note 1), Froissart s’est
      trompé en rapportant à Du Guesclin l’honneur d’avoir mis le siège
      devant Saint-Sauveur-le-Vicomte et d’avoir obtenu la reddition de
      cette place; cet honneur appartient à Jean de Vienne. Au moment
      où l’on commença le blocus, le connétable de France guerroyait
      en Languedoc avec le duc d’Anjou, d’abord contre les Compagnies,
      ensuite contre la Réole et les forteresses anglo-gasconnes
      situées sur les confins de l’Agenais et du Bordelais. Nous ne
      retrouvons Bertrand en basse Normandie qu’à la fin de décembre
      1374. Le 14 de ce mois, le connétable, qui s’intitule dès lors
      seigneur de Tinténiac, parce que la seigneurie de ce nom venait
      de lui être apportée en dot par sa seconde femme Jeanne de Laval,
      le connétable se trouvait à Pontorson, où il donna quittance de
      100 livres tournois au receveur d’Avranches (_Bibl. Nat., Pièces
      originales_, vol. 1433, dossier DU GUESCLIN). En supposant qu’il
      ait mis à profit son séjour en basse Normandie pour prendre
      une part quelconque aux opérations commencées dès lors contre
      Saint-Sauveur-le-Vicomte, il ne put faire devant le château ainsi
      assiégé qu’une simple apparition.




CHAPITRE CII.

  _1375, août et septembre._ GUERRE ENTRE ENGUERRAND VII, SEIGNEUR
    DE COUCY, ET LÉOPOLD II, DUC D’AUTRICHE, AU SUJET DE SEIGNEURIES
    SITUÉES EN ALSACE, DANS LE BRISGAU, L’ARGOVIE ET LE COMTÉ DE NYDAU;
    MARCHE DES COMPAGNIES RASSEMBLÉES PAR LE DIT ENGUERRAND A TRAVERS
    LA CHAMPAGNE ORIENTALE, LE BARROIS, LE PAYS MESSIN, LA LORRAINE ET
    L’ALSACE.--_1375, décembre-1376, 12 mars._ CONFÉRENCES DE BRUGES;
    PROROGATION JUSQU’AU 1er AVRIL 1377 DES TRÊVES QUI DEVAIENT EXPIRER
    LE DERNIER JUIN 1376.--_1375, octobre, novembre, décembre._ RAVAGES
    EXERCÉS PAR LES COMPAGNIES SUR LA RIVE GAUCHE DU RHIN, EN ALSACE
    ET EN SUISSE.--_1376, 13 janvier._ CONCLUSION D’UN TRAITÉ DE PAIX
    AVEC LES DUCS D’AUTRICHE ET RETOUR FURTIF EN FRANCE DU SEIGNEUR
    DE COUCY.--_8 juin._ MORT D’ÉDOUARD, PRINCE DE GALLES, SURNOMMÉ
    LE PRINCE NOIR.--_Septembre._ MORT DE JEAN DE GRAILLY, CAPTAL DE
    BUCH.--_1376, 20 septembre-1377, 17 janvier._ DÉPART D’AVIGNON DU
    PAPE GRÉGOIRE XI ET ARRIVÉE A ROME.--_1377, mars, avril et mai._
    NOUVELLES CONFÉRENCES POUR LA PAIX ENTRE LES PLÉNIPOTENTIAIRES DU
    ROI DE FRANCE, QUI SE TIENNENT A MONTREUIL-SUR-MER ET A BOLOGNE, ET
    CEUX DU ROI D’ANGLETERRE ÉTABLIS A CALAIS. PRÉPARATIFS MARITIMES
    DES FRANÇAIS POUR FAIRE DES DESCENTES SUR LES CÔTES D’ANGLETERRE
    ET DES ANGLAIS POUR S’OPPOSER A CES DESCENTES.--_21 juin._ MORT
    D’ÉDOUARD III.--_28 juin._ DESCENTE DES FRANÇAIS A RYE; PRISE ET
    PILLAGE DE CETTE VILLE.--_16 juillet._ COURONNEMENT DE RICHARD
    II.--_Fin de juin et juillet._ COMBAT DE LEWES; PRISE ET PILLAGE
    DE CETTE VILLE, DE FOLKESTONE, DE PORTSMOUTH, DE DARMOUTH ET DE
    PLYMOUTH.--_15 août-septembre._ NOUVELLE CAMPAGNE MARITIME DES
    FRANÇAIS; OCCUPATION DE L’ILE DE WIGHT; DESCENTES A SOUTHAMPTON ET
    A WINCHELSEA; INCENDIE DE POOLE. EXPÉDITION DU DUC DE BOURGOGNE
    SUR LES CONFINS DU BOULONNAIS ET DU CALAISIS; PRISE D’ARDRES ET
    D’AUDRUICQ (§§ 769 à 788).


C’est au moment où les Compagnies, qui désolent depuis si longtemps la
France, redoublent ainsi leurs ravages, qu’une occasion se présente
d’en débarrasser le royaume. Cette occasion est offerte par les démêlés
relatifs à la succession du duché d’Autriche. Enguerrand, seigneur de
Coucy, revendique cette succession du chef de sa mère, sœur germaine
du dernier duc d’Autriche[370], à l’encontre d’un autre prétendant qui
s’est emparé du duché[371], quoiqu’il ne soit que le cousin germain
de son prédécesseur. Les conseillers de Charles V sont d’avis que
le seigneur de Coucy entre en campagne pour faire valoir ses droits
les armes à la main en s’aidant des Compagnies qu’il devra emmener
à cet effet hors de France. Enguerrand était alors de retour depuis
peu de temps d’une expédition en Italie[372] où il avait combattu
pendant plusieurs années pour le Saint-Siège contre les Milanais, les
Florentins et les Pisans. Deux des principaux conseillers de Charles
V, Bureau de la Rivière et [Jean] le Mercier, profitent du séjour du
seigneur de Coucy à Saint-Gobain[373] auprès de sa femme[374], fille
d’Édouard III, pour lui faire des ouvertures. Il est convenu que, si
Enguerrand consent à emmener en Autriche[375] les gens des Compagnies
et particulièrement les Bretons[376], il sera défrayé d’une partie
des dépenses de l’expédition par le roi de France[377], qui lui
assurera en outre un libre passage à travers la Bourgogne, l’Alsace et
même au delà du Rhin. Les bandes dont on veut obtenir l’éloignement
s’empressent d’accepter les grandes sommes d’argent qu’on leur
distribue au nom du roi Charles[378]; mais on va voir que le seigneur
de Coucy, malgré cette distribution et ces avances, n’en put obtenir
plus tard aucun service. P. 214 à 216, 321.

      [370] Enguerrand VII, seigneur de Coucy, comte de Soissons,
      de Marle et de Bedford, était par Catherine sa mère, mariée à
      Enguerrand VI, le petit-fils de Léopold Ier, dit le Glorieux,
      troisième fils d’Albert de Habsbourg, duc d’Autriche de 1282
      à 1308. Léopold Ier mourut à Strasbourg le 28 février 1326.
      Catherine d’Autriche était, non la sœur germaine, mais la nièce
      de Frédéric Ier le Beau, duc d’Autriche de 1308 à 1330, d’Albert
      II le Sage, frère puîné et successeur de Frédéric le Beau, décédé
      le 23 juillet 1358; elle était par conséquent la cousine germaine
      de Rodolphe IV l’Ingénieux, de Frédéric II, d’Albert III et de
      Léopold II, fils et successeurs d’Albert II, dont le second,
      Frédéric II, fut tué à la chasse le 10 décembre 1362 et dont
      l’aîné, Rodolphe IV, mourut à Milan, à l’âge de 22 ans, le 27
      juillet 1365.

      [371] Le seigneur de Coucy ne revendiquait pas le duché
      d’Autriche, mais seulement des biens allodiaux situés dans
      l’Alsace, le Brisgau et l’Argovie, qu’il prétendait avoir été
      assignés en dot à sa mère. Albert III et Léopold II, contre
      lesquels Enguerrand VII prit les armes, possédèrent par indivis
      le duché d’Autriche jusqu’en 1379; à cette date, un partage
      définitif intervenu entre les deux frères assura l’Autriche tout
      entière et quelques villes de la Styrie à Albert III, tandis
      que la Carinthie et le surplus de la Styrie échurent à Léopold
      II, qui fut en outre mis en possession des biens de sa maison
      situés en Alsace, en Souabe et en Suisse (_Art de vérifier les
      dates_, III, 573, 574; II, 721, 722; P. Anselme, _Hist. généal.
      de la maison de France_, VIII, 542-545). Cf. l’Abrégé de la vie
      d’Enguerrand VII du nom, sire de Couci, avec un détail de son
      expédition en Alsace et en Suisse, par le baron de Zurlauben,
      dans _Histoire de l’Académie des inscriptions_, XXV, 168-186.

      [372] Avant de mettre son épée au service du Saint-Siège, vers
      la fin de 1369, au moment où la lutte allait se rallumer entre
      Charles V et Édouard III, le seigneur de Coucy, gendre du roi
      d’Angleterre, auquel il répugnait de prendre parti, soit contre
      son suzerain, soit contre son beau-père, avait déjà cherché
      et trouvé une diversion en déclarant la guerre à Albert et
      à Léopold, ducs d’Autriche, ses cousins. Nous possédons aux
      Archives, dans le fonds de Montbéliard, un acte daté du 10
      novembre 1369, par lequel Enguerrand, seigneur de Coucy, comte
      de Soissons et de Bedford, s’oblige à payer une somme de 21 000
      francs à Étienne, comte de Montbéliard et seigneur de Montfaucon,
      lequel a promis de l’aider dans la guerre qu’il a déclarée à
      Albert et à Léopold, ducs d’Autriche (_Arch. Nat._, K 1752, nº
      15).

      [373] Aisne, arr. Laon, c. la Fère. La seigneurie de Nouvion,
      récemment achetée par Jean le Mercier, avoisinait les possessions
      du seigneur de Coucy.

      [374] En 1365, Enguerrand VII avait épousé Isabelle d’Angleterre,
      fille d’Édouard III et de Philippa de Hainaut, et l’année
      suivante il avait été créé comte de Bedford à l’occasion de ce
      mariage.

      [375] En disant qu’Enguerrand VII voulait emmener les Compagnies
      en Autriche, Froissart commet une erreur que la plupart des
      historiens de ce siècle ont reproduite, quoiqu’elle ait été
      solidement réfutée dès 1759 par le baron de Zurlauben (_Hist. de
      l’Acad. des inscriptions_, XXV, 174). L’objectif de l’expédition
      était, non le duché d’Autriche, mais l’Alsace et les cantons
      suisses de Brisgau, d’Argovie et de Thurgovie, c’est-à-dire les
      pays où se trouvaient les biens allodiaux revendiqués par le
      seigneur de Coucy.

      [376] Ces routiers, désignés souvent sous la qualification de
      «Bretons», sans doute parce que beaucoup d’entre eux étaient
      originaires de la province de Bretagne, occupaient surtout le
      comtat d’Avignon, le Lyonnais, le Forez et le comté de Bourgogne,
      du moins pendant la première moitié de 1375, à la veille de
      l’expédition dont le seigneur de Coucy prit le commandement.
      Plusieurs de ces aventuriers, après avoir été l’année précédente
      à la solde du duc d’Anjou, s’étaient ensuite laissé enrôler au
      service du Saint-Siège, et l’on remarquait parmi leurs chefs des
      hommes d’armes appartenant aux meilleures familles de Bretagne.
      Tels étaient, par exemple, Olivier du Guesclin, frère puîné de
      Bertrand, Geoffroi et Silvestre Budes, cousins de Bertrand et
      d’Olivier, Jean de Malestroit et Jean de Saint-Pol. Charles V et
      Louis, duc d’Anjou, mirent tout en œuvre pour empêcher les bandes
      bretonnes cantonnées sur la rive gauche de la Saône et du Rhône
      de repasser ces deux fleuves et de rentrer dans le royaume. Le
      14 mars 1375 (n. st.), Jean de Saint-Pol, chevalier, et Colin
      du Breuil, écuyer, du duché de Bretagne, donnèrent quittance
      à Pierre le Saut, sergent d’armes du roi, maître des ports et
      receveur de la traite des blés en la sénéchaussée de Beaucaire
      et de Nîmes, d’une somme de 500 francs d’or qui leur avait été
      allouée par Louis, duc d’Anjou, moyennant l’engagement qu’ils
      avaient pris en leur nom et au nom de leurs compagnons: 1º de
      ne pas passer le Rhône pour venir au royaume sans mandement du
      roi ou du duc; 2º de ne porter aucun dommage en la terre de
      l’Église, c’est-à-dire dans le Comtat d’Avignon; 3º d’empêcher
      Olivier du Guesclin et ses compagnons de passer la dite rivière
      et de porter dommage au royaume ainsi qu’à la dite terre de
      l’Église (Hay du Chastelet, _Hist. de B. du Guesclin_, p. 386).
      Les comptes des ducs de Bourgogne sont remplis de mentions
      relatives aux brigandages exercés par ces Bretons en Dombes
      (_Arch. de la Côte-d’Or_, B 8254, 8767, 9296; Invent., 111, 228,
      299, 399) ainsi qu’en Bourgogne (_Ibid._, B 5255, 5311, 5619;
      _Invent._, II, 238, 245, 291), particulièrement vers le milieu
      de l’année 1375. Ici, c’est un héraut de Philippe le Hardi qui
      va de Dijon à Chalon «vers les capitaines des routes de gens
      d’armes», pour leur présenter des lettres de la duchesse de
      Bourgogne. Là, c’est un messager qui accourt de Chalon à Dijon
      avertir le duc que «Jean de Malestroit venoit en Bourgogne avec
      une grande quantité de gens d’armes et le prier de s’opposer
      à cette invasion» (_Ibid._, 3575; Finot, _Recherches sur les
      incursions des Anglais_, Vesoul, 1874, p. 112, note 5). Ailleurs,
      Jean de Chatenay, écuyer, se rend de Dijon à Jaucourt auprès de
      la duchesse de Bourgogne, pour lui «dire nouvelles des routes de
      gens d’armes estans en Lyonnois, devers lesquelles il avoit esté
      pourter lettres de creance du lieutenant de messire Olivier du
      Guesclin pardevers ma dite dame, de certaines choses que le dit
      lieutenant li avoit enchargié» (_Ibid._, B 4421; _Invent._, 111,
      114).

      [377] Par lettres patentes datées de Paris le 4 août 1374,
      Charles V assigna une pension annuelle de six mille francs d’or
      au seigneur de Coucy, qui donna quittance de la sixième partie de
      cette somme, c’est-à-dire de mille francs, le 8 novembre suivant
      (P. Anselme, _Hist. généal. de la maison de France_, VIII, 542).

      [378] La concentration de ces bandes dut avoir lieu vers le
      milieu de 1375, sur les confins de la Champagne et des duché
      et comté de Bourgogne. Des lettres de rémission octroyées en
      octobre 1375 à Garnier, dit le Grangier, retracent une scène de
      pillage dont la seigneurie d’Amance (Aube, arr. Bar-sur-Aube,
      c. Vendeuvre), appartenant au doyen de Vendeuvre, avait été le
      théâtre «environ la Saint Michel archange», c’est-à-dire vers
      le 29 septembre précédent (_Arch. Nat._, JJ 107, nº 278, fº
      136). A Togny en Champagne (auj. Togny-aux-Bœufs, Marne, arr.
      Châlons-sur-Marne, c. Écury-sur-Coole), les habitants avaient été
      réduits à s’entasser dans des cachettes, «pour doubte des gens
      d’armes qui lors passoient continuelment par le pais pour aler en
      Autriche avec nostre amé et feal le seigneur de Coucy» (_Ibid._,
      nº 337, fº 167).

Vers la Saint-Michel 1375[379], les Compagnies enrôlées pour
l’expédition d’Autriche traversent la Lorraine en la ravageant,
pillent villes et châteaux et obtiennent en or et argent des
bourgeois de Metz[380] à peu près tout ce qu’elles demandent. Les
principaux chevaliers, qui ont pris la direction de ces bandes,
sont le seigneur de Coucy, Raoul de Coucy, oncle[381] de ce grand
seigneur, le vicomte de Meaux[382], les seigneurs de Vergy[383], de
Roye[384], de Renneval[385], de Hangest[386] et Hue de Roucy[387].
Avant de donner passage aux Bretons et aux Bourguignons à travers
leur pays, les seigneurs d’Alsace leur font promettre de s’abstenir
des actes de déprédation dont ils sont coutumiers. Les capitaines en
prennent l’engagement[388] et observent d’abord tant bien que mal cet
engagement; mais par la suite ces bandes indisciplinées ne tinrent
rien de ce qui avait été promis.--A la Toussaint de cette même année
1375, des conférences se tiennent à Bruges entre les ducs de Lancastre
et de Bretagne, chargés des pleins pouvoirs du roi d’Angleterre, et
les ducs d’Anjou et de Bourgogne, députés par le roi de France. A
l’occasion de ces conférences, Louis, comte de Flandre, et Philippe,
duc de Bourgogne, gendre du dit comte, donnent à Gand des joutes
solennelles[389] en l’honneur des ducs d’Anjou, de Lancastre et de
Bretagne. Le duc et la duchesse de Brabant, le duc Aubert de Bavière
et sa femme, la duchesse de Bourgogne, assistent à ces joutes qui
durent quatre jours et auxquelles prennent part cinquante chevaliers
et cinquante écuyers. Les négociations entamées à Bruges immédiatement
après ces joutes ne peuvent, malgré l’entremise des deux légats,
aboutir à aucun résultat. Le roi d’Angleterre exige d’abord que les
Français rendent tout ce qu’ils ont reconquis depuis l’ouverture des
hostilités, ensuite qu’ils achèvent de payer la rançon stipulée par
le traité de Brétigny et enfin qu’ils mettent en liberté le captal
de Buch. Le roi de France, à l’inverse, réclame, outre la cession
de Calais et la démolition des fortifications de cette place, la
restitution de toutes les sommes versées tant par lui que par le roi
Jean II son père pour l’acquittement de la dite rançon de Brétigny.
Des réclamations aussi contradictoires rendent impossible toute
entente. Toutefois, j’appris alors que ce furent principalement les
deux questions de Bretagne et d’Espagne qui amenèrent la rupture des
négociations. On proroge la trêve jusqu’au 1er avril 1376[390]. Après
quoi, les ducs se séparent pour retourner les uns en Angleterre, les
autres en France. Les légats seuls restent à Bruges; il est vrai que
l’on est convenu, avant de se séparer, de renvoyer dans cette ville des
députés chargés de pleins pouvoirs pour la Toussaint suivante. P. 216 à
219, 321.

      [379] L’appel adressé par Enguerrand, seigneur de Coucy, comte
      de Soissons et de Bedford, aux cités de Strasbourg, de Colmar et
      autres cités impériales d’Alsace, contre Albert et Léopold, ses
      cousins, ducs d’Autriche, est daté de Massevaux ou Masmunster
      (Haut-Rhin, arr. Belfort), le 24 septembre 1375. D’où il y a
      lieu de conclure que le gros des Compagnies, après avoir remonté
      le cours de la Moselle, depuis Metz jusqu’à la source de cette
      rivière, s’avança vers la rive gauche du Rhin, en suivant les
      petits cours d’eau qui descendent du Ballon d’Alsace et viennent
      grossir l’Ill près de Mulhouse. Le seigneur de Coucy écrit aux
      villes impériales d’Alsace qu’il vient revendiquer la succession
      de Léopold Ier, son aïeul, usurpée par Albert et Léopold ses
      cousins. Il déclare que Wenceslas, duc de Brabant, lieutenant de
      l’empereur, l’a assuré qu’il ne mettrait aucun obstacle à cette
      revendication. Il termine en réclamant la fidélité, l’amitié, le
      concours effectif des bourgeois des villes impériales d’Alsace,
      en s’engageant, de son côté, à ne rien entreprendre contre eux
      et à concentrer tous ses efforts contre les fauteurs de ceux
      qui détiennent injustement son héritage (Wencker, _Apparatus
      archivorum_, 216; analysé par Schoepflin, _Alsatia diplomatica_,
      II, 272).

      [380] Les Compagnies, s’étant répandues dans les duchés de Bar
      et de Lorraine avant d’entrer en Alsace, se firent payer par les
      bourgeois de Metz une indemnité de guerre de 34 000 francs. A
      cette condition, elles promirent d’épargner le territoire messin
      dans un rayon de trois lieues autour de cette ville. Quant à
      l’évêque de Metz Thierry, dont les domaines s’étendaient bien au
      delà du rayon ainsi épargné, il acheta la même faveur en payant
      une somme de 16 000 francs et en comblant de riches présents les
      principaux chefs de ces bandes (_Hist. de Metz_, Metz, 1775,
      II, 589). On voit par les registres de comptabilité du duché
      de Bar conservés aux archives de la Meuse que, dès la première
      quinzaine d’août 1375, Robert, duc de Bar, prit certaines mesures
      de précaution contre les bandes de Bretons et d’Anglais dont on
      lui avait annoncé la prochaine arrivée, en garnissant de bonnes
      troupes ses principales forteresses, notamment Saint-Mihiel,
      Gondrecourt, Foug et Lamothe en Bassigny. On y voit également
      que ces bandes, après avoir franchi la frontière du duché de
      Bar, traversèrent ce duché par le centre en passant par Revigny,
      vers le 28 août, et par Gondrecourt, dont quelques-uns de ces
      aventuriers occupèrent les faubourgs jusqu’au 12 septembre
      suivant (Servais, _Annales historiques du Barrois_, Bar-le-Duc,
      1865, I, 302-304). On lit dans un des registres dont nous venons
      de parler que «li grant route des Bretons estoit ou paiix après
      la mixon l’an 75 avec le signour de Coucy». L’irruption de ces
      bandes dans la plaine de Metz dut par conséquent avoir lieu vers
      la mi-septembre 1375. Un cadet de la maison ducale de Bar, Pierre
      de Bar, seigneur de Pierrefort (château situé à Martincourt,
      Meurthe-et-Moselle, arr. Toul, c. Domèvre), prit part à
      l’expédition du seigneur de Coucy.

      [381] Raoul de Coucy, seigneur de Montmirail (Marne, arr.
      Épernay), troisième fils de Guillaume, seigneur de Coucy, et
      d’Isabeau de Châtillon, frère puîné d’Enguerrand VI, était par
      suite l’oncle d’Enguerrand VII.

      [382] Par actes datés de Reims le 3 mars et de Vienne le 2 mai
      1376, Robert de Béthune, vicomte de Meaux, donna quittance des
      gages qu’il avait desservis à la poursuite des Compagnies (_Bibl.
      Nat., collect. Clairambault_, reg. 14, p. 917).

      [383] Jean, III du nom, dit le Grand, seigneur de Vergy, de
      Fouvent, de Champlitte et de Port-sur-Saône, mort le 25 mai 1418,
      revêtu des titres de sénéchal, de maréchal et de gouverneur du
      duché de Bourgogne.

      [384] Par acte daté de Reims le 1er mars 1376 (n. st.), Jean,
      seigneur de Roye, chevalier, donna quittance des gages qu’il
      avait desservis ès guerres de Champagne contre les Compagnies de
      routiers (_Ibid._, reg. 97, p. 7543).

      [385] Raoul, seigneur de Renneval (Aisne, arr. Laon, c.
      Rozoy-sur-Serre).

      [386] Par acte daté de Reims le 1er mars 1376, Jean, seigneur
      de Hangest, donna quittance des gages qu’il avait desservis ès
      guerres de Champagne contre les Compagnies de routiers (_Ibid._,
      reg. 57, p. 4355).

      [387] Hue ou Hugues de Roucy, seigneur de Pierrepont (Aisne, arr.
      Laon, c. Marle), troisième fils de Jean V, comte de Roucy, et de
      Marguerite de Baumez.

      [388] Enguerrand VII prend en effet cet engagement d’une manière
      formelle dans la lettre qu’il adressa de Massevaux ou Masmunster
      aux villes impériales d’Alsace le 24 septembre 1375 et dont nous
      avons donné plus haut l’analyse. Léopold II, duc d’Autriche,
      écrivit de son côté, aux bourgeois de Strasbourg, pour les
      inviter à lui prêter main-forte afin d’empêcher les Anglais,
      c’est ainsi qu’il désigne les bandes du seigneur de Coucy, de
      faire irruption sur la rive droite du Rhin. Cette dépêche de
      Léopold II est datée de Brisach le 12 octobre 1375 (Schoepflin,
      _Alsatia diplomatica_, II, 273). A propos de cette qualification
      d’Anglais, Thomas Holand, depuis comte de Kent, est le seul cité
      comme ayant pris part à cette expédition.

      [389] Le 1er novembre 1375, les grands personnages mentionnés ici
      par Froissart, et notamment le duc de Bourgogne, ne se trouvaient
      ni à Bruges ni à Gand. Les joutes dont il s’agit eurent lieu à
      Bruges dans les premiers jours d’avril de cette année (_Bibl.
      Nat., Coll. de Bourgogne_, t. LV, fº 28 vº).

      [390] Par actes datés de Bruges le 12 mars 1376, Jean, duc
      de Lancastre, Simon, archevêque de Canterbury, Edmond, comte
      de Cambridge, traitant au nom du roi d’Angleterre, Louis,
      duc d’Anjou et de Touraine, comte du Maine, Philippe, duc
      de Bourgogne, chargés des pleins pouvoirs du roi de France,
      prorogèrent jusqu’au 1er avril 1377 les trêves qui devaient
      expirer le dernier juin 1376 (Rymer, III, 1048). Ces trêves
      étaient celles que l’on avait conclues dans cette même ville de
      Bruges le 27 juin 1375 (_Ibid._, 1031 à 1034). (Cf. plus haut,
      p. CXVI, note 2, et p. CXVII). La date du 1er avril 1376 donnée
      par Froissart n’en est pas moins exacte, parce qu’il s’agit de
      l’année 1376, ancien style, sur la date finale de laquelle le
      chroniqueur semble avoir partagé la méprise du rédacteur des
      _Grandes Chroniques_: «Mais il proroguèrent les trièves jusques
      au premier jour du mois d’avril mil trois cens septante six, et
      Pasques furent le sixiesme jour du dit mois, que l’en dit mil
      trois cens septante sept» (_Gr. Chron._, VI, 347). En réalité,
      Pâques tomba en 1376 le 13 avril, en 1377 le 29 mars.

Arrivé en Alsace, le seigneur de Coucy défie le duc d’Autriche et lui
déclare la guerre. A la première nouvelle des projets hostiles de ce
grand seigneur et de la marche des Compagnies, les gens de Léopold II
brûlent et détruisent eux-mêmes bien trois journées du pays que doivent
traverser ces bandes. Accoutumés aux grasses et riches campagnes de
France, de Berry et de Bretagne, des bords de la Marne et de la Loire,
les gens des Compagnies, trouvant partout sur leur chemin un territoire
pauvre et dévasté, manquant d’ailleurs de fourrage pour leurs chevaux,
veulent rebrousser chemin. Ils s’échelonnent sur la rive gauche du Rhin
et refusent de franchir ce fleuve sous prétexte qu’ils ne le peuvent
passer à gué et qu’ils n’ont point de bateaux pour y établir un pont.
A tous les reproches que leur adresse Enguerrand VII, ils répondent
qu’il n’a qu’à leur donner l’exemple en allant de l’avant et qu’ils
le suivront[391]. Le duc d’Autriche, qui n’en redoute pas moins
l’approche de ces bandes, fait offrir le comté de Ferrette[392] dont
le revenu annuel est de vingt mille francs, au seigneur de Coucy qui
repousse cette offre. P. 219 à 221, 321.

      [391] Une curieuse série de lettres, adressées par le bourgmestre
      et le Conseil de la ville de Bâle au bourgmestre et au Conseil
      de la ville de Strasbourg, notamment à la date des 14 et 19
      octobre, 25 novembre et 15 décembre 1375, nous retrace tous les
      mouvements de ces bandes, d’abord aux environs de Haguenau,
      ensuite au village de Roche, d’où une bande venant de Lure sous
      les ordres de Jean de Vienne et d’Owen de Galles menace Belfort,
      les progrès de ces mêmes bandes s’avançant de Montbéliard et
      de Belfort contre Bâle, le combat de Marlen où une troupe de
      braves paysans d’Alsace osa attaquer l’une de ces bandes et se
      fit exterminer, le ravage des environs de Bâle, l’occupation et
      le pillage de Wallenburg (gros bourg situé dans le canton de
      Bâle-Campagne), le passage à travers la montagne de Havenstein et
      le défilé de la Clus, dans le canton de Soleure, la destruction
      de Wangen (sur la rive droite de l’Aar, au nord-est du canton
      de Berne), l’investissement de la ville de Buren (au sud-ouest
      de Wangen, sur la rive droite de l’Aar, dans le canton de
      Berne) appartenant au comte de Nydau, et enfin les trois échecs
      successifs que ces Compagnies subirent à Buttisholz, à Sonns et à
      Fraubrunnen, entre Soleure et Berne. L’issue malheureuse de ces
      deux derniers engagements, livrés les 25 et 26 décembre 1375,
      s’ajoutant à la rigueur de la saison et à la disette croissante
      des vivres, arrêta la marche en avant des bandes conduites par le
      seigneur de Coucy et les décida à reprendre le chemin de l’Alsace
      (Trouillat, _Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle_,
      Porrentruy, 1861, IV, 347, note 1; baron de Zurlauben, _Hist. de
      l’Acad. des Inscriptions_, XXV, 178-181). Le 25 décembre, une de
      ces bandes avait brûlé l’abbaye de Fontaine-André, située dans
      le canton actuel de Neuchâtel (Matile, _Monuments_, p. 1012).
      Le 2 septembre 1376, Jean de Vienne, évêque de Bâle, cousin de
      l’amiral Jean de Vienne, l’un des chefs des bandes dévastatrices,
      fit don de 200 florins d’or à Jacques de Tavannes, écuyer, pour
      le récompenser des services que le dit écuyer avait rendus à
      l’église de Bâle, «especialment en defendre et garder leaulment
      nostre ville du Byenne, adonc et quant les Compaignes, gens et
      servans du seignour de Couci, furent en Arguel et en la terre
      ai conte de Nydowe, contre les dictes Compaignes.» (Trouillat,
      _Monuments de Bâle_, IV, 366).

      [392] Ferrette ou Pfirt, ancien département du Haut-Rhin, arr.
      Altkirch, à 18 kil. au sud-est de cette ville. Le comté de
      Ferrette, qui comprenait les seigneuries d’Altkirch, de Thann,
      de Delle, de Rougemont et de Belfort, séparé au commencement du
      douzième siècle de celui de Montbéliard, passé en 1319 dans la
      maison d’Autriche, ne fut réuni à la France que par le traité de
      Westphalie en 1648.

Le seigneur de Coucy, dans la crainte d’être trahi par les gens des
Compagnies et livré au duc d’Autriche ou aux Allemands, se sauve
pendant la nuit à la faveur d’un déguisement, escorté de deux de ses
chevaliers seulement[393]. Un retour aussi précipité fait l’étonnement
du roi de France, des ducs d’Anjou, de Berry et de Bourgogne, auxquels
Enguerrand VII, qui était doué d’une éloquence naturelle, n’a pas de
peine à faire approuver les motifs de ce retour. Après Pâques[394],
le seigneur de Coucy obtient du roi de France l’autorisation d’aller
passer quelque temps en Angleterre avec sa femme, fille d’Édouard III;
Charles V l’a chargé de rechercher les bases d’un arrangement entre les
deux pays. P. 221 à 223, 321, 322.

      [393] L’acte par lequel Enguerrand VII, seigneur de Coucy, fit
      la paix avec son cousin Léopold II, duc d’Autriche, est daté
      de Wattwiller (anc. dép. du Haut-Rhin, à 5 kil. au N. E. de
      Thann), le 13 janvier 1376. L’endroit même où fut dressé cet acte
      diplomatique prouve que, suivant la version de Froissart, les
      Compagnies et leur chef, après avoir poussé des pointes jusqu’aux
      environs de Bienne, de Nydau, de Neuchâtel et de Berne, avaient
      été forcées, vers la fin de décembre 1375, de rétrograder en
      Alsace. Pour arriver à un arrangement, Albert III et Léopold
      II, ducs d’Autriche, cédèrent au seigneur de Coucy, non pas le
      comté de Ferrette, dont l’offre aurait été repoussée, s’il en
      faut croire notre chroniqueur, mais un autre comté situé un peu
      plus au sud, celui de Nydau, qui comprenait la ville de Buren, et
      dont le seigneur de Coucy resta en possession pendant douze ans.
      Léopold II se réserva seulement le titre de protecteur des deux
      villes de Nydau et de Buren et le conserva jusqu’à sa mort sur le
      champ de bataille de Sempach, le 9 juillet 1386.

      [394] Comme nous l’avons fait remarquer dans une des notes
      précédentes, Pâques tomba en 1376 le 13 avril.

Les Compagnies, ayant renoncé définitivement à envahir le duché
d’Autriche, refluent vers la France[395] qu’elles appellent leur
chambre.--Le seigneur de Coucy, pendant son séjour au delà du détroit,
rend successivement visite, d’abord au roi d’Angleterre qui fait bon
accueil à son gendre et à sa fille, ensuite à ses quatre beaux-frères,
Édouard, prince de Galles, gravement malade à Londres, Jean, duc
de Lancastre, Edmond, comte de Cambridge, et Thomas, le plus jeune
des quatre frères. Il va voir aussi son neveu le jeune Richard,
fils du prince de Galles, confié à la garde et à la direction de
Guichard d’Angle; puis il laisse en Angleterre sa femme ainsi que sa
fille cadette la damoiselle de Coucy et revient en France.--Sur ces
entrefaites, Édouard III, qui règne depuis cinquante ans, célèbre son
jubilé ou cinquantenaire[396] et fait à cette occasion des largesses à
ses chevaliers. Un peu avant la célébration de ce jubilé, le jour de
la Trinité 1376[397], Édouard, prince de Galles, était mort au palais
de Westminster lez Londres; après avoir embaumé ses restes et les avoir
mis dans un cercueil de plomb, on les garda ainsi jusqu’à la fête
Saint-Michel suivante, jour où on lui fit des obsèques solennelles dans
l’abbaye de Westminster[398]. P. 223 à 225, 322.

      [395] Dès la seconde quinzaine de janvier 1376, les Compagnies
      commencèrent à refluer en France. Vers la fin de ce mois,
      des bandes bretonnes se répandirent de nouveau dans le duché
      de Bar; le 24, un détachement de ces routiers occupait les
      faubourgs de Lamarche, en Bassigny. Au commencement de février,
      d’autres détachements envahirent le Barrois, s’avancèrent
      jusqu’à Saint-Mihiel, se cantonnèrent pendant plusieurs jours
      aux environs de cette forteresse, puis se dirigèrent vers le
      comté de Réthel, en menaçant la Champagne septentrionale et
      en particulier les comtés de Soissons, de Marle, ainsi que la
      baronnie de Coucy (Servais, _Annales historiques du Barrois_,
      I, 311). A la fin de février et dans les premiers jours de mars
      1376, Charles V fit faire à Reims un grand rassemblement de
      troupes pour repousser ces bandes et leur donner la chasse. Parmi
      les hommes d’armes qui prirent part à cette nouvelle campagne
      contre les Compagnies figurent Enguerrand, seigneur de Coucy,
      naguères le chef de ces mêmes bandes (_Bibl. Nat., collect.
      Clairambault_, reg. 35, p. 2619), Guillaume Guenaut, seigneur
      des Bordes (_Ibid._, reg. 17, p. 1181), Philibert, seigneur de
      Beaufremont (_Ibid._, reg. 11, p. 649), Oger d’Anglure (_Ibid._,
      reg. 5, p. 185), Gilles de Boqueaux (Ibid., reg. 18, p. 1),
      Jean de Fauconnière (_Ibid._, reg. 46, p. 3419 et reg. 49, p.
      3713), Lionnel d’Airaines (_Ibid._, reg. 5, p. 239), enfin Robert
      de Béthune, vicomte de Meaux, Jean, seigneur de Roye, Jean,
      seigneur de Hangest (Voy. plus haut, p. CXXXIV, notes 1, 3, 5).
      Ces trois derniers chevaliers étaient ainsi appelés à combattre
      leurs compagnons d’armes de la veille, puisqu’ils avaient fait
      partie, s’il faut en croire Froissart, aussi bien qu’Enguerrand
      VII lui-même, de l’expédition contre Léopold II, duc d’Autriche.
      Louis de Sancerre, maréchal de France, partagea avec Enguerrand
      VII et Guillaume des Bordes le commandement des troupes ainsi
      rassemblées «en la poursuite de certaines routes de gens d’armes
      qui par maniere de Compaignes sont venuz de nouvel des parties
      d’Alemaigne» (_Bibl. Nat., Clairambault_, reg. 5, p. 239).

      [396] Monté sur le trône d’Angleterre le 25 janvier 1327, Édouard
      III célébra le cinquantième anniversaire de son avènement au
      commencement de 1377.

      [397] Cette date est parfaitement exacte. Édouard, prince de
      Galles, mourut au palais de Westminster le 8 juin 1376, jour de
      la fête de la Sainte Trinité. Thomas Walsingham fait un pompeux
      éloge de ce prince qu’il compare à Hector (_Historia anglicana_,
      p. 321).

      [398] Le héraut Chandos a rapporté textuellement à la fin de
      sa _Chronique rimée du Prince Noir_ l’épitaphe, composée de 28
      vers français octosyllabiques, qu’on lit encore aujourd’hui sur
      le tombeau du Prince dans la cathédrale de Canterbury. Cf. _The
      black prince_, éd. Francisque Michel, London et Paris, 1883, p.
      291, 292, vers 4277 à 4304.

Charles V, aussitôt qu’il est informé de la mort du prince de Galles,
fait célébrer en la Sainte-Chapelle du Palais à Paris un service
funèbre auquel assistent ses trois frères.--A la Toussaint, de
nouvelles conférences se tiennent à Bruges entre Jean de Montagu, le
seigneur de Cobham, l’évêque de Herford, le doyen de Saint-Paul de
Londres, députés par le roi d’Angleterre, le comte de Saarbruck, le
seigneur de Châtillon et Philibert de l’Espinasse, plénipotentiaires du
roi de France; mais ces conférences n’aboutissent, malgré l’entremise
des deux légats, à aucun résultat. L’échec de ces entrevues officielles
n’empêche pas les deux Cours d’engager des négociations secrètes
pendant le carême, et l’ouverture de ces négociations amène la
prorogation de la trêve jusqu’au 1er mai. Les pourparlers ont lieu à
Montreuil-sur-Mer, et les personnages qui y prennent part sont, du
côté des Français, le seigneur de Coucy, Bureau de la Rivière, Nicolas
Braque et Jean le Mercier; du côté des Anglais, Guichard d’Angle,
Richard Stury et Geoffroi Chaucer[399]. Ces pourparlers sont relatifs à
un projet de mariage entre le jeune Richard, fils du prince de Galles,
et Marie, fille du roi de France, et n’ont au reste d’autre résultat
que de faire proroger la trêve un mois de plus. P. 225, 226, 322.

      [399] Geoffroi Chaucer, le protégé de la favorite Alice Perers
      et l’ami de Froissart, valet pensionnaire du roi d’Angleterre
      en 1367 (Rymer, III, 829), écuyer de ce même roi qui le charge
      de négociations auprès du doge de Gênes en 1372 (_Ibid._,
      964, 966), contrôleur de la coutume des laines, des cuirs et
      des peaux au port de Londres et gratifié d’un pichet de vin à
      prendre tous les jours au dit port en 1374 (_Ibid._, 1001, 1004),
      Chaucer ne figure dans aucune des députations officielles de
      1376 et de 1377; mais il n’en saurait être autrement, puisque
      les négociations, auxquelles le malicieux observateur des mœurs
      anglaises de la fin du quatorzième siècle fut mêlé, devaient
      rester secrètes et n’ont point laissé sans doute d’autres
      traces écrites que des articles de comptabilité. Nous apprenons
      précisément par un de ces articles qu’un payement fut fait, le
      17 février 1377, à Geoffroi Chaucer qu’Édouard III avait chargé
      d’une mission en Flandre: «Galfrido Chaucer, armigero regis,
      misso in nuncium in secretis negotiis domini regis versus partes
      Flandriæ.»

A la fête de Noël de l’année précédente (1376), dans un grand
Parlement[400] tenu au palais de Westminster, en présence des prélats,
des ducs, des comtes, des barons et des chevaliers d’Angleterre,
Édouard III avait reconnu Richard, fils du prince de Galles, comme
son héritier présomptif et l’avait associé à la Couronne; tous les
assistants et aussi les officiers des cités et bonnes villes, des ports
et passages, avaient prêté serment de fidélité à ce jeune prince.
Immédiatement après cette cérémonie, le vieux roi avait ressenti les
premières atteintes de la maladie dont il devait bientôt mourir. P.
226, 227, 322.

      [400] Le 26 janvier 1377, Édouard III, se trouvant malade à
      Haveryng, chargea son très cher petit-fils Richard, dit Richard
      de Bordeaux à cause du lieu de sa naissance, prince de Galles,
      duc de Cornouaille, comte de Chester, d’ouvrir en personne la
      session du Parlement (Rymer, III, 1070).

Charles V délègue le seigneur de Coucy et Guillaume de Dormans,
chancelier de France, pour prendre part aux conférences secrètes
qui se doivent tenir à Montreuil-sur-Mer. Édouard III, de son côté,
renvoie pour le même objet à Calais le comte de Salisbury, Guichard
d’Angle, l’évêque de Herford et l’évêque de Saint-David, chancelier
d’Angleterre[401]. Les deux légats du pape, l’archevêque de Ravenne et
l’évêque de Carpentras, continuent de servir d’intermédiaires entre
les ambassadeurs des deux nations. Outre la main d’une princesse de
sang royal, les Français offrent d’abandonner aux Anglais douze cités
du duché d’Aquitaine, mais à la condition que la forteresse de Calais
sera abattue. On ne parvient point à s’entendre sur le choix d’une
place neutre[402], située entre Montreuil et Calais, où se tiendraient
les conférences, et cette circonstance détermine la rupture des
négociations. Aussi, dès que la trêve est expirée, la guerre se rallume
entre les deux pays. Le comte de Salisbury et Guichard d’Angle, à la
tête de cent hommes d’armes et de deux cents archers, vont chercher le
duc de Bretagne à Bruges, où il se tient auprès de son cousin le comte
de Flandre, et le ramènent à Calais. P. 227, 228, 322.

      [401] Par acte daté du palais de Westminster le 26 avril
      1377, Édouard III donna pleins pouvoirs pour traiter avec les
      ambassadeurs du roi de France à Adam, évêque de Saint-David, son
      chancelier, à Jean, évêque de Hereford, à William de Montagu,
      comte de Salisbury, à Robert de Asheton son chambellan, à
      Guichard d’Angle, chevalier banneret, à Aubry de Weer, à Hugh
      de Segrave, chevaliers, à maître Walter Skirlawe, doyen de
      Saint-Martin le Grand de Londres et à maître Jean de Shepey,
      docteur en lois (Rymer, III, 1076). Un autre acte du 20 février
      précédent avait déjà investi des mêmes pouvoirs Jean, évêque de
      Hereford, Jean, seigneur de Cobham, de Kent, Jean de Montagu,
      chevaliers bannerets, et maître Jean Shepey, docteur en lois
      (_Ibid._, 1073).

      [402] «Et envoia assez tost après le roy de France ses messages
      à Bouloigne pour traictier, et les messages d’Angleterre furent
      à Calais, et furent les dites trièves proroguées de terme en
      terme jusques à la Nativité Saint Jehan Baptiste ensuivant qui
      fu mil trois cens septante sept dessus dit. Et aloient les deux
      arcevesques (les archevêques de Ravenne et de Rouen), messages
      du pape, de Bouloigne à Calais et de Calais à Bouloigne, en
      traictant entre les parties.» (_Grandes Chroniques_, VI, 347).

Désespérant de ramener la paix entre les deux rois de France et
d’Angleterre, le pape Grégoire XI déclare aux cardinaux qu’il veut
partir d’Avignon pour aller tenir son siège à Rome. Les membres du
sacré collège s’efforcent en vain de combattre cette résolution qui,
selon eux, va mettre l’Église en grand trouble. Bon gré, mal gré, il
leur faut s’embarquer avec le Saint-Père à Marseille[403], d’où ils
vont toucher terre à Gênes. Là, ils se rembarquent sur leurs galées
et arrivent à Rome où leur venue comble de joie les Romains et les
habitants de la Romagne. Le retour du Saint-Siège à Rome occasionna
depuis de grands troubles dans l’Église[404], comme il sera raconté
ci-après, s’il m’est donné de conduire jusque-là cette histoire. P.
228, 229, 322.

      [403] Le pape Grégoire XI partit d’Avignon le samedi 20 septembre
      1376, laissant pour vicaires dans le Comtat les cardinaux de
      Sainte-Sabine et de Saint-Vital. Il se rendit à Marseille où il
      s’embarqua le jeudi 2 octobre. Débarqué à Corvetto le vendredi
      5 décembre, il en partit le 16 du mois suivant, arriva le même
      jour à Ostie et fit son entrée à Rome le samedi 17 janvier 1377,
      jour de la fête Saint-Antoine (_Thalamus parvus_, p. 395).
      Le rédacteur de la chronique romane de Montpellier, d’après
      laquelle nous venons de résumer les principaux incidents du
      retour de Grégoire XI dans les États romains, a noté avec soin
      cette coïncidence de l’entrée du pape à Rome avec la fête de
      Saint-Antoine, parce que ce saint passait au moyen âge et passe
      encore aujourd’hui, du moins dans l’opinion de quelques dévots,
      pour faire retrouver les objets perdus.

      [404] Froissart n’a pu écrire cette phrase et n’a rédigé sans
      doute la fin de son premier livre, où on la trouve, que plusieurs
      années après 1377, au moment des premiers grands troubles
      occasionnés par le schisme d’Avignon.

Pendant que ces négociations se poursuivent à Bruges, le roi de
France fait de grands préparatifs maritimes pour porter le ravage
et l’incendie sur les côtes d’Angleterre. D. Ferrand Sanchez de
Tovar commande la flotte envoyée par D. Enrique de Trastamar, roi de
Castille[405], au secours de Charles V son allié. La flotte française
proprement dite est sous les ordres de Jean de Vienne, amiral de
France, et de Jean de Rye, lesquels ont enrôlé sous leurs bannières
un certain nombre de chevaliers de Bourgogne, de Champagne et de
Picardie. Les deux flottes réunies explorent la mer et n’attendent que
la déclaration de guerre pour ouvrir les hostilités. Informé de cette
situation, Jean, duc de Lancastre, préposé au gouvernement du royaume
au lieu et place de son père Édouard III gravement malade, envoie Jean
d’Arundel à Southampton avec deux cents hommes d’armes et trois cents
archers pour faire frontière contre les Français[406].--A peine arrivé
de Bruges à Calais, Jean, duc de Bretagne, laisse dans cette dernière
ville le comte de Salisbury ainsi que Guichard d’Angle et repasse le
détroit; puis il se rend, en passant par Douvres et Londres, au petit
manoir royal de Sheen, situé sur la Tamise à cinq lieues anglaises de
Londres. C’est dans ce manoir que le roi d’Angleterre, dont l’état ne
laisse plus aucun espoir, est assisté à son lit de mort par Jean, duc
de Lancastre, Edmond, comte de Cambridge, Thomas, le plus jeune de ses
fils, le comte de March et la dame de Coucy sa fille. La veille de
Saint-Jean-Baptiste 1377, Édouard III rend le dernier soupir[407]. On
rapporte les restes du vieux roi à Londres où, après lui avoir fait de
magnifiques funérailles, on l’enterre à l’abbaye de Westminster[408]
à côté de Philippa de Hainaut sa femme. Il est pleuré par tous
ses sujets. Les grands du royaume sont d’avis de faire couronner
immédiatement comme roi son petit-fils le jeune Richard. Le comte de
Salisbury et Guichard d’Angle reviennent de Calais en Angleterre, et
l’on prend des mesures pour mettre en bon état de défense tous les
points faibles des côtes anglaises avant que la nouvelle de la mort
d’Édouard III ne se soit répandue au dehors. P. 229 à 232, 322.

      [405] Le 20 janvier 1377 (n. st.), Charles V avait chargé Richard
      Frogier de se rendre du port de Harfleur en Castille, où le dit
      Frogier avait mission de remettre à leurs destinataires trois
      paires de lettres closes, les unes adressées au roi d’Espagne,
      les autres à l’évêque de Léon, les troisièmes enfin à D. Pierre
      de Valesque (D. Pero Ferrandez de Velasco), grand chambellan
      de Castille. Étienne du Moustier, huissier d’armes du roi,
      vice-amiral de la mer, fit payer une somme de 70 francs à cet
      envoyé du roi (_Bibl. Nat., Quittances_, XXII, nº 1847).

      [406] Dès la première quinzaine de mars 1377, le Conseil du
      roi d’Angleterre avait prescrit des mesures pour la mise en
      état de défense de l’île de Wight (Rymer, III, 1073) et de la
      principauté de Galles (_Ibid._, 1075). Le 16 de ce mois, il fut
      enjoint à tous les vicomtes des régions maritimes du royaume
      d’obliger tous les possesseurs de fiefs situés sur le rivage de
      la mer à résider en armes sur ces fiefs à la tête de tous leurs
      gens et de leurs vassaux également armés, afin d’être prêts à
      repousser les Français qui faisaient alors des rassemblements
      formidables d’hommes, de munitions et de vaisseaux pour opérer
      à bref délai des descentes en Angleterre, pour anéantir et
      extirper la race anglaise tout entière: «regnum nostrum et
      totam linguam anglicanam destruere et delere» (_Ibid._). Le 14
      mai, on adressa la même injonction aux abbés, aux prieurs, aux
      châtelains des environs de Darmouth et de Plymouth auxquels on
      prescrivit de se tenir sur leurs gardes et que l’on somma de se
      préparer à la résistance (_Ibid._, 1078). Le 30 de ce même mois,
      quelques semaines avant la mort d’Édouard III, on prit toutes
      les dispositions pour mettre l’île de Wight, que l’on supposait
      particulièrement menacée, à l’abri d’un coup de main (_Ibid._,
      1079).

      [407] Froissart et le rédacteur des _Grandes Chroniques_ (VI,
      348) fixent par erreur la mort d’Édouard III à la veille de la
      Saint-Jean, c’est-à-dire au mardi 23 juin 1377. En réalité, ce
      prince rendit le dernier soupir au manoir de Sheen le dimanche
      21 juin, dans la soirée, comme on le voit par un article du
      compte de Richard de Beverley, gardien de la garderobe du
      roi d’Angleterre, où on lit ces mots: «a vigesimo quinto die
      novembris, anno regis Edwardi tertii, avi regis hujus Ricardi,
      quinquagesimo finiente.... _usque ad vigesimum primum diem
      junii proxime sequentem quo pie idem avus obiit_» (Fragment
      de compte signalé par M. Joseph Stevenson et publié par M.
      Kervyn de Lettenhove dans _Œuvres de Froissart_, VIII, 423).
      C’est également la date donnée par Thomas Walsingham (_Hist.
      anglicana_, p. 329) et par un acte authentique dont Rymer a
      publié le texte (III, pars III et IV, p. 60).

      [408] Après une messe de _Requiem_ célébrée à l’église
      cathédrale de Saint-Paul de Londres, le 4 juillet, en présence
      de Simon Sudbury, archevêque de Canterbury, et d’Edmond, comte
      de Cambridge, les restes mortels d’Édouard III, embaumés par
      Robert Chaundeler, bourgeois de Londres, auquel on paya 21
      livres pour cette opération, furent inhumés le lendemain 5 dans
      l’église abbatiale de Saint-Pierre de Westminster. Au-dessus du
      catafalque, le roi défunt était représenté en cire, de grandeur
      naturelle, avec un sceptre, un globe et un crucifix d’argent
      doré. Étienne Hadle, l’artiste qui avait façonné cette image,
      reçut 22 livres 4 sous 11 deniers pour son travail. Lorsque l’on
      transporta le cercueil de Sheen à Westminster, 1700 torches pour
      la confection desquelles on avait employé 7511 livres de cire et
      qui étaient portées par un égal nombre de pauvres mendiants vêtus
      de noir, 15 grands cierges et 12 mortiers allumés éclairaient
      sur tout le parcours la marche du cortège funèbre; et le jour
      de l’inhumation, trois cents grosses torches, du poids de 1800
      livres, brûlèrent pendant toute la durée de la cérémonie autour
      du sarcophage, protégé par une espèce de grille en forme de
      herse qui avait coûté 59 livres 16 sous 8 deniers. En résumé, un
      devis dressé à Westminster le 28 juin 1377, fixa les frais des
      funérailles d’Édouard III à la somme, considérable pour le temps,
      de 1447 livres.

La veille de Saint-Pierre et Saint-Paul[409], les Français opèrent une
descente à Rye[410], port situé dans le comté de [Sussex], vers les
marches du comté de Kent, dont la population se compose de pêcheurs
et de mariniers; ils mettent cette ville au pillage et la brûlent;
puis ils se rembarquent et cinglent vers Southampton, mais sans faire
encore de ce côté une nouvelle descente. Les nouvelles en arrivent
à Londres le 8 juillet, le jour même où l’on couronne[411] en cette
ville, dans la chapelle de Westminster, le jeune Richard II, alors âgé
de onze ans. A l’occasion de son couronnement, le nouveau roi crée
neuf chevaliers et cinq comtes dont voici les noms: Thomas, oncle de
Richard, créé comte de Buckingham[412]; Henri, seigneur de Percy, promu
comte de Northumberland; Thomas Holand, frère utérin du roi[413],
nommé comte de Kent; Guichard d’Angle, le gouverneur du jeune roi, qui
devient comte de Huntingdon; enfin Thomas, seigneur de Mowbray, élevé
à la dignité de comte de Nottingham. Aussitôt après cette cérémonie du
couronnement, les deux frères Edmond, comte de Cambridge, et Thomas,
comte de Buckingham, oncles du roi, vont faire frontière à Douvres[414]
avec quatre cents hommes d’armes et six cents archers, tandis que
Guillaume, comte de Salisbury[415], et Jean de Montagu, frère du dit
comte, sont préposés à la garde du port de Poole[416] à la tête de deux
cents hommes d’armes et de trois cents archers. Jean d’Arundel est
chargé de la défense de Southampton. Les Français débarquent dans l’île
de Wight[417], pillent et brûlent les villes de Portsmouth[418], de
Darmouth, de Plymouth et de Weymouth. Ils essayent de prendre terre à
Southampton, mais ils sont repoussés après un petit engagement par Jean
d’Arundel et forcés de regagner leurs vaisseaux. Une autre tentative de
débarquement près de Poole n’est pas plus heureuse; elle échoue grâce
aux mesures prises par Guillaume, comte de Salisbury, et par Jean de
Montagu, son frère, qui se transportent à cheval sur tous les points
menacés de cette partie des côtes d’Angleterre et réussissent ainsi à
empêcher tout débarquement des Français. P. 232 à 234, 323.

      [409] En 1377, la fête de Saint-Pierre et Saint-Paul, qui se
      célèbre le 29 juin, tomba un lundi. Par conséquent, d’après
      Froissart, la descente à Rye aurait eu lieu le dimanche 28 juin.
      D’après Thomas Walsingham (_Ypodigma Neustriæ_, ed. Riley,
      London, 1876, p. 327) et d’après la chronique du religieux de
      Saint-Albans (_Chronicon Angliæ_ (1328-1388), ed. Edward Maunde
      Thompson, London, 1874, p. 151), cette descente des Français
      se fit le jour même de la fête Saint-Pierre et Saint-Paul,
      c’est-à-dire le lundi 29 juin, au point du jour, «in festo
      apostolorum Petri et Pauli, in aurora». La flotte française se
      composait, d’après le religieux de Saint-Albans, de 50 navires
      grands et petits montés par 5000 hommes. Ce religieux flétrit la
      lâcheté des paysans des environs de Rye qui s’étaient enfermés
      dans cette ville avec leurs biens meubles et qui, malgré
      l’intérêt personnel qu’ils y avaient, ne surent défendre contre
      l’attaque de l’ennemi ni la place où ils s’étaient réfugiés ni
      les richesses entassées derrière ses remparts. Comme la trêve
      avec l’Angleterre expira le 24 juin 1377, la flotte française
      ancrée à Harfleur dut mettre à la voile et cingler vers les côtes
      d’Angleterre ce jour-là même. Composée selon toute apparence
      d’une cinquantaine de galées, 35 appartenant au roi de France
      (_Grandes Chroniques_, VI, 347), 8 au roi de Castille et 5 au roi
      de Portugal, cette flotte était commandée par les deux amiraux
      de France et de Castille, Jean de Vienne et D. Ferrand Sanchez
      de Tomar, ayant sous leurs ordres le Génois Renier Grimaldi et
      un certain nombre d’hommes d’armes picards et normands, tels que
      Colard, seigneur de Torcy (Seine-Inférieure, arr. Dieppe, c.
      Longueville), Jean, seigneur de la Ferté (la Ferté-Fresnel, Orne,
      arr. Argentan), maréchal de Normandie, Guillaume dit le Châtelain
      de Beauvais, Guillaume et Jean le Bigot; il y faut joindre un
      chevalier du comté de Bourgogne, compatriote et compagnon d’armes
      habituel de Jean de Vienne, Jean de Rye (Jura, arr. Dôle, c.
      Chaumergy), dont un érudit contemporain, originaire lui aussi de
      Franche-Comté, M. le marquis Terrier de Loray, a défiguré le nom
      en l’appelant Jean de Roye (_Jean de Vienne, amiral de France_,
      Paris, 1878, p. 105). Après la prise de Rye par les Français, une
      altercation très violente surgit entre l’amiral Jean de Vienne,
      qui donna l’ordre de mettre le feu à cette place, et le seigneur
      de Torcy, qui aurait voulu que l’on essayât de s’y maintenir et
      d’y tenir garnison pour le roi de France (_Chronique des quatre
      premiers Valois_, p. 263). Les pièces relatives à l’armement de
      la flotte qui fit campagne en juillet 1377 ont été publiées par
      M. de Loray (_Jean de Vienne_, p. XXII à XXXI).

      [410] Rye est une petite ville, non du comté d’Essex vers les
      marches du comté de Kent, comme on le lit dans Froissart, mais
      du comté de Sussex, l’un des Cinq Ports, à 13 kil. au N.-E.
      de Winchelsea, à l’embouchure d’une petite rivière appelée la
      Rother. La plupart des habitants de Rye sont, de nos jours comme
      au temps de Froissart, des mariniers qui se livrent surtout à la
      pêche du hareng.

      [411] Le couronnement de Richard II à Westminster n’eut pas lieu
      le 8, comme le dit Froissart, mais le jeudi 16 juillet. Thomas
      Walsingham a raconté avec le plus grand détail le cérémonial qui
      fut déployé à cette occasion (_Historia anglicana_, p. 332 à 338).

      [412] Thomas de Woodstock, sixième fils d’Édouard III et de
      Philippa de Hainaut; il devint plus tard duc de Gloucester. En
      1377, il était après Jean de Gand, duc de Lancastre, et Edmond,
      comte de Cambridge, plus tard duc d’York, le troisième par ordre
      de primogéniture des oncles survivants de Richard II. Celui-ci
      assigna en outre au plus jeune de ses oncles une rente annuelle
      de mille marcs sur le trésor royal. Jean, duc de Lancastre,
      avait le titre de sénéchal, Thomas, comte de Buckingham, celui
      de connétable, Henri Percy, comte de Northumberland, celui de
      maréchal d’Angleterre. Thomas avait été institué connétable le 22
      juin le lendemain même de la mort d’Édouard III.

      [413] Fils de Thomas Holand et de Jeanne de Kent, Thomas Holand
      était le frère utérin de Richard II, parce que sa mère, après la
      mort de son premier mari, avait épousé en secondes noces Édouard,
      prince de Galles, dont elle avait eu Richard, dit de Bordeaux.

      [414] Par acte daté de Westminster le 30 juin 1377, le jeune
      roi Richard II, informé que la flotte ennemie avait pris la
      mer, chargea spécialement son très cher oncle Edmond, comte de
      Cambridge, connétable du château royal de Douvres, Guillaume
      Latymer, Jean de Cobham de Kent, Jean de Clynton et Étienne de
      Valence de mettre dans le meilleur état possible de défense les
      côtes du comté de Kent (Rymer, éd. de 1740, t. III, pars III et
      IV, p. 61).

      [415] Par un autre acte daté de Westminster le 2 juillet 1377,
      Richard II, ayant reçu la nouvelle que ses ennemis de France
      avaient déjà opéré des descentes à main armée sur certains points
      des côtes de son royaume, confia à son amé et féal Guillaume,
      comte de Salisbury, le soin de mettre en état de défense, par
      tous les moyens qui seraient en son pouvoir, les rivages des
      comtés de Southampton et de Dorset (_Ibid._, p. 62). Des mesures
      spéciales furent prises pour empêcher la flotte ennemie de
      remonter le cours de la Tamise; d’où l’on peut conclure qu’à la
      date du 7 juillet, où ces mesures furent prescrites, on craignit
      un instant quelque tentative des Français contre la ville de
      Londres.

      [416] Port du comté de Dorset, situé sur une baie de la Manche, à
      32 kil. à l’est de Dorchester et à 60 kil. au S.-O. de Winchester.

      [417] Froissart confond ici, selon son habitude, deux campagnes
      navales tout à fait distinctes, quoique les mêmes navires, placés
      sous la direction du même chef, l’amiral Jean de Vienne, y aient
      pris part. La première campagne, commencée le 24 juin, signalée
      par la prise de Rye, de Rottingdean, de Lewes, par le sac de
      Folkestone, de Portsmouth, de Darmouth et de Plymouth, se termina
      au commencement du mois d’août suivant. Débarqué à Harfleur,
      l’amiral Jean de Vienne, dont une quittance en date du 8 août
      1377 atteste la présence à Paris à cette date (_Jean de Vienne_;
      pièces justificatives, p. XXVIII), ne dut reprendre la mer que
      vers le milieu de ce mois; et ce fut alors seulement qu’il opéra
      une descente dans l’île de Wight. Cette descente, suivie de
      l’occupation de cette île presque tout entière, sauf le château
      de Carelsbrook défendu par Hugh Tyrel, eut lieu le 21 août 1377:
      «Galli eodem anno (1377), vicesimo primo die mensis augusti,
      insulam, ut ita dicam, incapiabilem, de Wyght, capiunt, minus
      virtute quam astu.» (Thoma Walsingham, _Historia anglicana_, p.
      340, 341.)

      [418] Port situé dans l’île de Portsey et dépendant du Hampshire.
      Après la prise de Rye le 28 juin, Froissart aurait dû mentionner
      l’occupation de Rottingdean, à l’ouest de Winchelsea, le combat
      de Lewes, qui se livra dans les premiers jours de juillet, le
      sac de Folkestone fixé par un chroniqueur contemporain au 20 de
      ce mois. Les opérations contre Portsmouth, Darmouth et Plymouth
      sont certainement postérieures à ces faits et notamment au combat
      de Lewes, que notre chroniqueur raconte presque en dernier lieu,
      quoiqu’il ait suivi immédiatement la prise de Rye et précédé, au
      moins d’une vingtaine de jours, les démonstrations de la flotte
      française contre les ports du Hampshire et du Devonshire (Terrier
      de Loray, _Jean de Vienne, amiral de France_, p. 108, 109).

Jean de Vienne et Jean de Rye opèrent une descente près de Lewes[419],
bon gros village sur mer où se trouve un riche prieuré. Les habitants
des environs ont cherché un refuge dans cette place défendue par le
prieur et par deux chevaliers, Thomas Cheyne et Jean Fallesley[420]. Un
combat très disputé se livre sur la grande place, devant l’église. La
supériorité du nombre finit par assurer la victoire aux Français, qui
tuent deux cents Anglais et font les deux chevaliers prisonniers ainsi
que le prieur. Après avoir pillé et détruit la ville de Lewes, les
vainqueurs se rembarquent à la marée montante sur leurs navires chargés
de butin et apprennent par leurs prisonniers la mort d’Édouard III[421]
et le couronnement de Richard II. Jean de Vienne s’empresse d’envoyer
un de ses chevaliers et trois écuyers porter ces nouvelles au roi de
France. Ces quatre messagers traversent le détroit sur une grosse
barge espagnole, abordent au Crotoy, passent à côté d’Abbeville sans y
entrer, chevauchent vers Amiens et arrivent à Paris, où ils trouvent
Charles V entouré des ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon.
Aussitôt qu’il est informé de la mort de son «frère» d’Angleterre,
Charles fait célébrer à la Sainte Chapelle à Paris un service funèbre
aussi solennel que si Édouard III eût été son cousin germain. P. 234 à
237, 323.

      [419] Lewes, petite ville du comté de Sussex, n’est pas sur le
      bord de la mer, mais sur la rivière d’Ouse, à l’embouchure de
      laquelle se trouve New Haven, qui sert de port à Lewes.

      [420] Thomas Walsingham cite également ces deux chevaliers
      comme ayant été faits prisonniers avec le prieur de Lewes à la
      défense de cette place: «Eodem anno (1377), Gallici intraverunt
      ad villam de Rottyngdene prope villam de Lewes, ubi obviavit eis
      prior de Lewes cum parva manu, et superveniente copia Gallorum
      captus est ductusque ad naves eorum cum duobus militibus qui
      sibi adhæserunt, videlicet domino Johanne de Fallesley et domino
      Thoma Cheyne et uno armigero cujus nomen erat Johannes Brokas.»
      (_Historia anglicana_, p. 342.)

      [421] Si les vainqueurs de Lewes furent informés pour la première
      fois de la mort d’Édouard III par les prisonniers faits dans
      cette rencontre, il en faut conclure que Froissart s’est trompé
      en plaçant cette affaire à la fin de la campagne de l’amiral de
      France. Comme cette mort avait eu lieu le 21 juin, les compagnons
      d’armes de Jean de Vienne, faisant tous les jours des descentes
      en terre anglaise à partir du 13 de ce mois, n’ont pas dû rester
      dans l’ignorance d’un événement aussi considérable plus tard
      que le commencement de juillet, et telle est en effet la date
      qu’il nous paraît vraisemblable d’attribuer au combat de Lewes.
      D’ailleurs, comme l’a fait justement remarquer M. Terrier de
      Loray, le chroniqueur Cabaret d’Orville dit que ce combat fut
      livré immédiatement après la prise de Rye, et le voisinage de ces
      deux localités s’ajoute aux autres considérations pour donner
      beaucoup de vraisemblance à cette assertion.

Après cette descente à Lewes, la flotte française et espagnole cingle
vers Douvres. La garnison de cette place, composée de quatre cents
lances et de huit cents archers sous les ordres des comtes de Cambridge
et de Buckingham, oncles du roi, a résolu de ne point s’opposer au
débarquement des Français qu’elle attend de pied ferme, rangée en bon
ordre sur le rivage. Frappé de cette belle contenance, Jean de Vienne
renonce à attaquer Douvres[422] et vient mouiller devant les remparts
de Calais un jour que Hugh de Calverly, gouverneur de cette forteresse,
est allé chevaucher devant Saint-Omer en compagnie de Jean de Harleston
et de Jean, seigneur de Gommegnies, capitaines de Guines et d’Ardres
(Guillaume de Gommegnies, fils aîné du seigneur de Gommegnies, fut armé
chevalier au cours de cette chevauchée). Hugh de Calverly, trouvant
à son retour les navires ennemis ancrés devant Calais, se prépare à
soutenir un siège et à repousser un assaut qu’il croit inévitable;
mais après huit jours de mouillage la flotte franco-espagnole est
réduite par le mauvais temps à lever l’ancre sans avoir rien fait, pour
chercher un abri dans le havre de Harfleur. P. 237, 238, 323.

      [422] Cette démonstration contre Douvres termina la seconde
      campagne navale de Jean de Vienne, celle qui, commencée vers
      le milieu du mois d’août, signalée par l’occupation et la
      dévastation de l’île de Wight, l’attaque de Southampton et de
      Winchelsea, l’incendie de Poole, se termina devant Calais le 10
      septembre environ. Par acte daté de Westminster le 4 de ce mois,
      Richard II demanda des prières publiques à Simon, archevêque
      de Canterbury, en faveur de son royaume envahi sur plusieurs
      points par les Français, «qualiter inimici nostri Franciæ et alii
      quamplures nos et regnum nostrum Angliæ, in primordiis regiminis
      nostri, pluribus locis sæpius invaserunt.» (Rymer, III, pars III
      et IV, p. 69.)

On a vu plus haut comment Jean de Grailly, captal de Buch, fut pris
devant Soubise en Poitou par le corps d’armée d’Owen de Galles et
de Radigo de Rojas, amené captif à Paris et enfermé dans la tour du
Temple. Maintes fois le roi d’Angleterre, en échange de la mise en
liberté du captal, avait offert de rendre le comte de Saint-Pol et
trois ou quatre autres prisonniers dont il eût pu tirer une rançon
de plus de cent mille francs, mais le roi de France avait toujours
repoussé ces offres. Il était bien décidé à ne délivrer son prisonnier
qu’à une condition, c’est que Jean de Grailly embrasserait le parti
français, auquel cas il promettait de lui donner de grandes terres, de
beaux revenus et de le marier aussi hautement que richement. Le captal,
de son côté, refusait de se prêter au marché qu’on lui proposait et
disait qu’en ne consentant pas à le mettre à finance on ne lui faisait
pas le droit d’armes. Il ajoutait que le roi d’Angleterre son maître
s’était mieux conduit en semblable occurrence envers Bertrand du
Guesclin et les plus nobles du royaume de France. Pierre d’Auvilliers,
l’écuyer qui avait fait Jean de Grailly prisonnier et qui avait cédé
sa prise en échange d’une somme de douze cents francs, partageait le
mécontentement du captal et en arrivait à regretter d’avoir livré
ce grand seigneur au roi de France. Pour couper court à toutes ces
difficultés, Enguerrand, seigneur de Coucy, conseille à Charles V de
mettre en liberté Jean de Grailly, à la condition que celui-ci jurera
de ne point prendre les armes à l’avenir contre le royaume de France.
Mis en demeure d’être délivré sous cette condition, le captal de Buch
demande du temps pour réfléchir; mais il succombe, sur ces entrefaites,
à une maladie de langueur qui le minait depuis le commencement de sa
captivité et l’empêchait de boire et de manger[423]. Charles V lui
fait faire de magnifiques obsèques, non seulement comme à un vaillant
chevalier, mais encore comme à un grand seigneur issu de la lignée des
comtes de Foix et apparenté à la maison de France. P. 239 à 241, 323.

      [423] D’après l’auteur de la _Chronique des quatre premiers
      Valois_ (p. 259), Jean de Grailly, captal de Buch, mourut à
      Paris, au château du Louvre, vers le mois de septembre 1376.

Pendant que la flotte franco-espagnole, placée sous les ordres de
Jean de Vienne, opère des descentes et porte le ravage sur les côtes
d’Angleterre, Hugh de Calverly, Jean de Harleston, Jean, seigneur de
Gommegnies, capitaines de Calais, de Guines et d’Ardres, ravagent de
leur côté la marche de Saint-Omer, les environs de Thérouanne, les
comtés de Saint-Pol, d’Artois et de Boulogne, faisant main basse sur
tout ce que l’on n’a pas eu la précaution de mettre en sûreté dans
l’intérieur de quelque forteresse. Des trois places fortes occupées
dans cette région par les Anglais, Calais, Guines et Ardres, cette
dernière est la plus facile à prendre parce que le seigneur de
Gommegnies[424], qui en est le capitaine, n’a pas eu soin de la munir
d’artillerie. A l’instigation de quelques-uns de ses conseillers,
Charles V fait secrètement des préparatifs considérables pour
s’emparer de cette place. Philippe, duc de Bourgogne, mis à la tête de
l’expédition, convoque à Troyes[425] les gens d’armes de ses duché et
comté de Bourgogne, tandis que le roi donne à Paris rendez-vous aux
hommes d’armes de la Bretagne et de l’Ile de France et mande à Arras
ceux du Vermandois et de l’Artois; ces détachements font leur jonction
à Paris; puis, une fois réunis, ils se dirigent, pendant la dernière
semaine du mois d’août, vers Arras et de là vers Saint-Omer. L’effectif
de ces troupes d’élite s’élève à deux mille cinq cents lances[426]. Un
samedi, ce corps d’armée, campé à Saint-Omer et dans les environs de
cette ville, s’ébranle en bon ordre et vient mettre le siège devant
Ardres. Noms des principaux bannerets de Bourgogne, de Bretagne,
de Normandie, de l’Ile de France, du Vermandois, de l’Artois, qui
composent ce corps d’armée. Logés sous de simples abris de feuillage
ou même sur la terre nue, les assiégeants font dresser et appareiller
leurs canons, qui lancent des carreaux pesant deux cents livres. P. 241
à 244, 323, 234.

      [424] Jean, seigneur de Gommegnies, avait été institué capitaine
      d’Ardres en vertu d’une «endenture» intervenue et signée à Calais
      le 1er décembre 1369 entre Jean, duc de Lancastre, sénéchal
      d’Angleterre, alors lieutenant en ces parties de France, et
      le dit seigneur de Gommegnies. Il avait sous ses ordres une
      garnison composée de 100 hommes d’armes et de 200 archers. Ces
      100 hommes d’armes se décomposaient en 1 chevalier à bannière
      qui était le capitaine, 10 chevaliers bacheliers et 89 écuyers
      (Rymer, III, 882). La solde de cette garnison était payée avec
      beaucoup d’irrégularité, surtout pendant les dernières années
      du règne d’Édouard III. Un mandement de Charles V, en date du
      17 juin 1375, nous révèle à ce sujet un fait curieux; il y est
      fait injonction aux habitants de Soissons, de Saint-Quentin,
      de Chauny et de Nesle de contribuer pour leur quote-part à la
      rançon d’un nommé Henri de la Voulte, l’un des deux bourgeois
      envoyés en Angleterre par la ville de Compiègne comme otages du
      traité de Brétigny. Or, cette rançon, fixée à 800 francs d’or,
      était exigée sous peine de mort par le seigneur de Gommegnies,
      capitaine d’Ardres, auquel le roi d’Angleterre avait livré, à
      défaut d’espèces sonnantes, Henri de la Voulte, pour en faire
      argent (Delisle, _Mandements de Charles V_, p. 588, 589, nº 1135).

      [425] Le duc de Bourgogne se trouvait à Troyes le lundi 24 août
      1377, occupé sans doute, comme le dit Froissart, à faire ses
      préparatifs et à rassembler ses forces. Le 9 septembre suivant,
      un acte de la duchesse daté de Dijon (Dom Plancher, _Hist. de
      Bourgogne_, III, Preuves, p. XLV) établit que Philippe le Hardi
      était à cette date absent de son duché (_Ibid._, Preuves, p.
      XLI). Mais, dès le 26 du même mois, le duc, déjà de retour de
      son expédition en Artois et dans le Boulonnais, fit son entrée
      à Auxerre, où la ville lui présenta, à titre d’offrande et
      de bienvenue, une queue de vin (Lebeuf, _Hist. d’Auxerre_,
      éd. Challe, III, 263). Dom Plancher a publié la liste des
      chevaliers et écuyers, la plupart bourguignons, qui prirent
      part à l’expédition de Philippe le Hardi dans le Boulonnais et
      le Calaisis pendant les trois premières semaines de septembre
      1377, en rapportant par erreur cette expédition au mois d’août
      précédent (_Hist. de Bourgogne_, III, 564, note IX). Voici
      les principaux noms qui figurent sur cette liste: «Thibaud de
      Neufchastel, chevalier banneret, avec un chevalier bachelier
      et dix escuyers. Regnaud de Trie. Charles de Chambly. Raoul de
      Chennevieres. Lancelot de Loris. Robin de Maule. Guyot de la
      Tour. Jean de Seignelay. Guillaume de Vonecq. Jehan de Conflans.
      Simonet des Exceps. Jehan Angenault de l’Isle. Michaut des
      Potests. Guillaume Guenaut. Pierre de Voiserie. Jehan de Crux.
      Jehan de Tintrey. Breton de la Bretonniere. Jehan de Musigny.
      Thevenin Durée. Le bastart de Chappes. Henri Petitjehan. Guyot
      de Chambly. Aymart de Marcilly. Bertrand Guay. Auson de Centens.
      Mahiet de Pommalin. Guillaume le Gras. Erard, seigneur de Crux.
      Mahiet de Montmorency. Jehan de Digoinne. Jehan de Beaumont.
      Macé de la Roche. Jehan de Chennevieres. Thomas de Voudenay.
      Thomas Perlesdits. Jehan de Saint Omer. Perrenot de Rouvres. Tous
      chevaliers et escuyers.»

      [426] Les arbalétriers qui tenaient garnison pour le roi de
      France à Honfleur, à Harfleur et à Montivilliers prirent part à
      cette chevauchée du duc de Bourgogne, dont le résultat fut la
      reddition d’Ardres, d’Audruicq et de quelques autres petites
      places occupées par les Anglais aux environs de Calais. Par acte
      daté de Paris le 23 septembre 1377, Charles V fit indemniser les
      conducteurs de dix voitures, attelées chacune de deux chevaux,
      qui avaient transporté devant Ardres et Audruicq les armures,
      arbalètes, harnois et autres habillements de guerre des dits
      arbalétriers (Delisle, _Mandements de Charles V_, p. 738, 739, nº
      1460).

Jean, seigneur de Gommegnies, capitaine d’Ardres, compte parmi ses
compagnons d’armes[427] plusieurs chevaliers originaires du Hainaut
et notamment Eustache, seigneur de Vertain, Pierre, frère d’Eustache,
Jacques du Sart. Mathieu, seigneur de Hangest, brave chevalier du
Vermandois, un jour qu’il a poussé sa chevauchée jusqu’aux barrières
d’Ardres, somme les Hainuyers de la garnison à la solde du roi
d’Angleterre de rendre cette forteresse au duc de Bourgogne. Deux de
ceux-ci, les frères Ireux et Hutin du Lay, refusent, tant en leur nom
qu’au nom de leurs compagnons d’armes, de se rendre à cette sommation.
Le seigneur de Hangest leur déclare alors que, si la place est emportée
de vive force, nul de ses défenseurs ne sera pris à merci. P. 244, 245,
324.

      [427] Les compagnons de la garnison anglaise d’Ardres comptaient
      aussi dans leurs rangs quelques Français. Au mois de février
      1376, Charles V octroya des lettres de rémission à un pauvre
      valet nommé Hennequin Brice, dit le Barbier, originaire de Houlle
      (Pas-de-Calais, arr. et c. Saint-Omer), âgé de 18 ans, qui avait
      demeuré pendant trois ou quatre ans au service des Anglais
      d’Ardres (_Arch. Nat._, JJ 108, nº 164, fº 99).

Raoul, seigneur de Renneval, cousin germain du seigneur de Gommegnies,
pénètre à la faveur d’un sauf-conduit dans l’enceinte de la forteresse
et renouvelle à son cousin la déclaration déjà faite par le seigneur
de Hangest; il y met tant d’insistance qu’il décide le capitaine
d’Ardres à venir parler au duc de Bourgogne et au seigneur de Clisson.
Une fois revenu au milieu de ses compagnons d’armes, le seigneur de
Gommegnies leur expose la situation et les consulte sur le parti
à prendre. Ceux-ci, après lui avoir reproché sa négligence et le
manque d’artillerie de la forteresse confiée à sa garde, sont d’avis
de se rendre. Aux termes de cette reddition, les habitants d’Ardres
conservent leurs biens et ont la vie sauve[428]. Gauvinet de Bailleul
conduit jusqu’à Calais les quatre chevaliers du Hainaut mentionnés
ci-dessus ainsi que leurs soudoyers, tandis que le seigneur de Clisson
et les maréchaux de France prennent possession d’Ardres. P. 245 à 247,
324.

      [428] La forteresse d’Ardres se rendit à Philippe, duc de
      Bourgogne, le 7 septembre 1377, après trois jours de siège
      (_Grandes Chroniques_, VI, 356). Par acte daté de Melun le 22
      septembre 1377, Charles V fit mettre une somme de 500 francs à la
      disposition de son amé et féal chevalier et chambellan Guillaume
      Guenaut, seigneur des Bordes, institué capitaine d’Ardres,
      «pour mettre et convertir en certaines reparacions neccessaires
      en la forteresce d’Ardres, laquelle forteresce a esté rendue
      nouvellement à nostre obeissance.» (Delisle, _Mandements de
      Charles V_, p. 737, nº 1457.)

Un détachement français de quatre cents lances se fait rendre le petit
fort de La Planque. Un autre détachement de douze cents combattants
occupe un beau et fort château du comté de Guines nommé Balinghem[429],
et ensuite un autre petit lieu fort appelé La Haie. Après plusieurs
assauts qui durent depuis le mercredi jusqu’au dimanche et où les
assiégeants font jouer sept canons, le château d’Audruicq[430], assis
sur une motte, entouré de fossés profonds remplis d’eau et défendu par
les trois frères de Maulevrier, se rend au duc de Bourgogne. La perte
de toutes ces forteresses plonge dans la désolation les Anglais de
Calais, qui commencent à tenir en suspicion le seigneur de Gommegnies,
naguère capitaine d’Ardres, au sujet de la reddition de cette place.
Hugh de Calverly, capitaine de Calais, suggère à ce seigneur de
passer en Angleterre pour exposer sa conduite au conseil du roi et se
justifier auprès du duc de Lancastre. P. 247 à 250, 324.

      [429] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Ardres.

      [430] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer. Le château d’Audruicq ne
      fut pas emporté de vive force; la garnison anglaise qui occupait
      ce château ne consentit à l’évacuer que moyennant le payement
      d’une somme assez considérable. Le 22 septembre 1377, Charles V,
      qui se trouvait alors à Melun, ordonna d’allouer sur les comptes
      de François Chanteprime une somme de 2000 francs d’or, qu’il
      avait fait «baillier et delivrer à nos ennemis qui n’a gaires
      tenoient le chastel d’Audruic es parties de Picardie.» (Delisle,
      _Mandements de Charles V_, p. 737, nº 1456.)

Conformément à cet avis, Jean, seigneur de Gommegnies, après avoir
donné congé à son fils Guillaume, à Eustache, seigneur de Vertain, à
Pierre, frère d’Eustache, à Jacques du Sart et en général à tous ses
compagnons d’armes du Hainaut, traverse le détroit. Il trouve auprès
des habitants de Londres un assez mauvais accueil, mais le duc de
Lancastre ne fait nulle difficulté d’agréer ses excuses, persuadé qu’il
est qu’un aussi vaillant chevalier n’a reçu ni or ni argent pour la
reddition d’Ardres. P. 250, 251, 324.

Philippe, duc de Bourgogne, termine cette honorable et heureuse
chevauchée sur les marches de Picardie en instituant des capitaines
dans chacun des châteaux de la frontière d’Artois et de Saint-Omer
dont il s’est emparé. Le vicomte de Meaux et le seigneur de Sempy,
entre autres, placés par le duc à la tête de la garnison de la ville
d’Ardres[431], font mettre aussitôt cette forteresse en bon état de
défense. Le roi de France, de son côté, très satisfait des résultats
de cette expédition, envoie l’ordre aux habitants de Saint-Omer
d’approvisionner Ardres de toute espèce de vivres en très grande
abondance[432]. Une fois ces mesures prises, le duc de Bourgogne
donne congé à ses hommes d’armes et revient en France près du roi son
frère. Seuls, le seigneur de Clisson et les Bretons, auxquels se joint
Jacques de Werchin, sénéchal de Hainaut, restent sous les armes sans
se disperser et regagnent leur province à marches forcées parce qu’ils
ont appris qu’un écuyer anglais, nommé Janequin, dit Clerc[433], vient
de débarquer en Bretagne et tient étroitement bloquée la forteresse
de Brest devant laquelle il a fait construire des bastilles.--Vers ce
même temps, Louis, duc d’Anjou, et Bertrand du Guesclin, connétable de
France, opéraient en la marche de Bordeaux[434] un grand rassemblement
de troupes. Ce rassemblement avait été provoqué par une rencontre
qui devait avoir lieu au jour convenu entre les Français et les
Anglo-Gascons, rencontre dont je me propose de parler plus en détail
lorsque j’en serai mieux informé. P. 251, 252, 324.

      [431] Si Robert de Béthune, vicomte de Meaux, et Jean, seigneur
      de Sempy, furent placés à la tête de la garnison d’Ardres, ce ne
      put être que sous le commandement supérieur de Guillaume Guenaut,
      seigneur des Bordes, institué le 22 septembre 1377 capitaine de
      cette place. Voy. plus haut, p. CLII, note 1.

      [432] Charles V fit réparer la plupart des forteresses de cette
      région et notamment celle du Crotoy, comme on le voit par des
      lettres de rémission octroyées en octobre 1377 aux maçons
      employés «es euvres de nostre chastel de Crotoy sur la mer»
      (_Arch. Nat._, JJ 111, nº 236).

      [433] Le Janequin, dit Clerc, mentionné dans ce passage de
      Froissart, doit sans doute être identifié avec Jean Clerk, de
      Southampton, qui fut chargé à diverses reprises par Édouard III
      de missions plus ou moins importantes (Rymer, III, 666, 765, 809,
      848, 849, 891).

      [434] Froissart fait ici une allusion vague et tout à fait
      sommaire à une campagne dans le Bordelais, dont une chronique
      locale, celle de Bazas, mentionne en ces termes quelques-uns
      des principaux incidents: «Thomas de Hitton, Angliæ regis vicem
      gerens, congreditur cum Francis prope Regulam. Franci ubi Anglis
      Castillionem eripuere, contendunt Salvam Terram quam triduo
      expugnant, dein adoriuntur Beatæ Basiliæ fanum, inde Montem
      Securum ac demum Cauderotum.» (_Arch. hist. de la Gironde_, XV,
      48.)


FIN DU SOMMAIRE DU TOME HUITIÈME ET DU LIVRE PREMIER.




APPENDICE.


I

_1372, 18 septembre, devant Surgères._

    TRAITÉ CONCLU ENTRE JEAN, DUC DE BERRY ET D’AUVERGNE, COMTE DE
    POITOU, DE MACONNAIS, D’ANGOULÊME ET DE SAINTONGE, LIEUTENANT DU
    ROI DE FRANCE, D’UNE PART, ET CERTAINS PRÉLATS ET BARONS DU PAYS
    DE POITOU, D’AUTRE PART, STIPULANT UNE TRÊVE ET SOUS CERTAINES
    CONDITIONS LA SOUMISSION DU DIT PAYS DE POITOU A CHARLES V LE 1er
    DÉCEMBRE SUIVANT.

Copie du traictié fait davant Surgieres en Poitou par monseigneur
de Berry avecques aucuns prelaz et barons du dit pais de Poitou le
XVIIIe jour de septembre MCCCLXXII sur la manière de faire retourner à
l’obeissance du roy de France le pais du duchié de Guyenne, pour lequel
traictié consummer fut assemblée la puissance du roy davant Thouars
tout le jour de Saint André l’an MCCCLXXII dessus dit, et le landemain
fut redducé et remis le dit duchié de Guyenne à la dicte obeissance du
roy à Loudun en l’eglise des Frères Meneurs.

Jehan, filz de roy de France, duc de Berry et d’Auvergne, conte de
Poitou et de Masconnais, d’Angolesme et de Xaintonge, lieutenant de
monseigneur le roy es diz pais et en pluseurs autres parties de son
royaume, faisons savoir à tous que bonnes et loyaulx treuves et bonnes
souffrances de toutes guerres sont prinses et accordées entre nous, ou
nom que dessus et ou nostre propre, les subgiez, submis et aliez du
roy et de nous, d’une part, et les prelas evesques de Maillezays et
de Luczon, dame Perrenelle, dame et vicontesse de Thoars, le seigneur
de Partenay[435], le viconte de Chasteleraut[436], le seigneur de
Pouzauges[437], monseigneur Renault de Vivonne, monseigneur Jaques de
Surgières, le seigneur d’Argenton[438], monseigneur Regnault de Thoars,
monseigneur Guy de la Forest, monseigneur Emery d’Argenton, le sire
d’Aubeterre[439], messire Hugues de Vivonne, monseigneur Emery de la
Roche, monseigneur André Bonnaut, Perceval de Couloigne, Lestrange de
Saint Jallais, messire Jehan de Machecoul, messire Brandelis Coutentin,
le sire de Niule[440], le sire de Goureville, messire Guillaume de
Pellevesin, Emery Helies, Jehan Marrosonne et Jehan Jourdan, tant
pour eulz que pour leurs subgiez et aliez desquielx ilz envoyeront
les noms pardevers nous dedenz dimanche en quinze jours, et d’iceulx
auront prins seurté de tenir les choses contenues en cestes, d’autre
part. Lesquelles treuves et souffrances tendront et dureront jusques
au jour de la Saint André prouchaine venant, et cellui jour enclos,
sanz faire guerre en aucune maniere par monseigneur le roy, nous, nos
subgiez et aliez ne aucun de nous aus dessus nommez, leurs subgiez et
aliez, villes, chasteaulx, fortereces ne à celles qu’ilz tiennent en
leurs mains ou ont en garde, leurs terres, pais ne aux habitanz ou
demouranz en ycelles. Et aussi les dessus nommez, leurs subgiz et aliez
ne aucun d’eulz ne feront guerre en aucune maniere ne ne recourront en
leurs fors aucune personne pour la faire ne à monseigneur le roy ne
à nous, nos subgiez ou aliez ne aucun de nous, durant le dit temps.
Et s’il avenoit que aucun des dessus diz, leurs villes, chasteaulz
et forteresses, subgiz et aliez d’eulx fussent prins ou occuppez par
monseigneur le roy, par nous, nos subgiez et aliez ou aucuns de leurs
biens durant le temps de la dicte sueffrance, nous promettons et sommes
tenuz de les rendre ou faire rendre et restituer tantost et sanz delay.
Et aussi les dessus nommez et chascun d’eulx, pour eulx et pour leurs
aliez, ont promis et sont tenuz que, si durant le temps de la dicte
treuve et suffrance, aucuns des subgiez et aliez de monseigneur le roy,
de noz villes, chasteaulx et forteresses ou celles des subgiez et aliez
de monseigneur le roy et de nous ou d’aucune d’elles, estoient prins
par eulx, leurs subgiez et aliez ou par aucun d’eulx, de les rendre ou
faire rendre et restituer tantost et sanz delay.

      [435] Guillaume Larchevêque.

      [436] Louis de Harcourt.

      [437] Miles de Thouars, père de Regnault de Thouars.

      [438] Gui IV, seigneur d’Argenton, frère d’Aimeri d’Argenton.

      [439] Robert, seigneur d’Aubeterre.

      [440] Nieul, sans doute Nieul-sur-l’Autize, Vendée, arr.
      Fontenay-le-Comte.

Et en outre est parlé et accordé entre nous et les dessus nommez que,
si le roy d’Angleterre, son filz ainzné le prince de Galles qui hores
est ne viennent le jour de la prouchaine feste Saint André à Thoars et
qu’ilz peussent mettre monseigneur le roy ou son povair hors des champs
et les faire retraire en fors par force, les dessus nommez subgiez et
aliez leurs hoirs et successeurs l’andemain retourneront, seront et
demourront d’ores en avant en l’obeissance de monseigneur le roy et de
nous, si et par tele maniere que les dessus nommez, leurs predecesseurs
et chascun d’eulx estoient au temps et paravant que par monseigneur
le roy Jehan nostre père, que Dieux absoille, ilz furent baillez et
livrez au roy d’Angleterre et à son obeissance, sanz plus lui faire
ne aux siens obeissance ne recognoissance en aucune maniere. Et si
le roy d’Angleterre ou son filz le prince qui hores est venoit à la
prouchaine feste de Saint André en la maniere que dessus est dit, les
dessus nommez et chascun d’eulz et leurs aliez demourrayent et seroyent
quittes de leurs accors, convenances, seremens et autres choses
contenues en ces presentes, et demourrayent en l’estat qu’il estoient
paravant la date de cestes, et se pourrayent armer sans reprouche le
dit jour passé.

Et unquore est parlé et accordé que les dessus nommez et chascun d’eulx
pourront aller, venir et chevaucher, armez ou desarmez, sanz faire
guerre à monseigneur le roy ne à nous, à nos subgiez et aliez ne ne au
pais de monseigneur le roy et de nous, nos subgiez et aliez, durant
le dicte treuve, sinon ou cas dessus dit. Et touz marchanz du pais de
monseigneur le roy et du nostre et du povair des dessus nommez et de
chescun d’eulx et de leurs aliez pourraient aler, venir et marchander,
à pié ou à cheval, ou leurs denrées et marchandises, sauvement et
seurement, par tout là où il leur plaira, ou pays, d’un costé et
d’autre, sanz aucun empeschement leur faire, ainsi toutes voyes que aus
dessus nommez subgiez et aliez et chascun d’eulx, pour tant comme à
chascun touche.

Si tost comme ilz seront entrez en l’obeissance de monseigneur le roy
et de nous, leur seront renduz, baillez et delivrez realment et de fait
leurs villes, chasteaulx, forteresses, herbergemens, terres ou leurs
appartenances et appendences et autres biens et droiz quielxconques
receanz ou royaulme de France ou ailleurs ou povair de monseigneur le
roy et de nous, que les dessus nommez et chascun d’eulx tiennent et à
eulx appartenoient ou temps paravant le commencement de ces presentes
guerres, avecques tout ce que nous aux dessus nommez, leurs subgiz
et aliez ou à chascun d’eulx depuis le dit temps seroit avenu et
appartendra pour cause de la succession de leurs parens ou autrement
qui prins ou empeschiez auroient esté par monseigneur le roy et par
nous, not subgiz et aliez ou aucun de nous; et d’iceulx joyront
delivrement et de plain droit sanz aucun empeschement, si et par la
maniere que eulx et leurs davanciers joyent et avoyent acoustumé joïr
ou temps de monseigneur le roy Jehan, que Dieux absoille, et que les
empeschemens y furent mis, avecques les lettres de monseigneur le roy
en laz de soye et cire vert et les nostres, des requestes par nous aus
diz nommez octroyées, desqueles nous leur avons baillié coppie enclose
soubz nostre seel, et autant en avons retenu pour en faire les dictes
lettres de monseigneur le roy et de nous.

De rechief, les pastiz qui sont prins se tendront de cy au terme
qu’ilz sont prins, se payeront à ceulx qu’ilz sont deubz passé le dit
terme, et ne se prandront plus nulz pastiz ne suffrance. Toutevoye, se
paieront pastiz, d’une part et d’autre, sanz acroistre ne amaindrir
deça ne delà, pour celle partie et par porcion et selon le regart du
temps qu’il a, de la Saint Michiel jusques à la dicte feste de Saint
André. Et si aucunes restes estoient deuez des diz pastiz et ranczons
du temps passé, elles ne seront prinses ne executées de fait par fait
de guerre, mès payeroient les dessus nommez, leurs subgiez et aliez, en
tel povair et juridiccion seroient ceulx qui la dite reste ou restes
devroyent, [et devroyent] les faire rendre et payer à ceulx à qui deuez
seroient tantost et sanz delay. Et en cas de debat sur ce avons esleu
pour cognoistre et mettre à fin le dit debat sans dilacion; et, ycellui
feni, ce que sera trouvé qui deu sera sera executé par le seigneur de
qui povair et juridiccion et fait payer sanz delay.

Et voulons que les fortifficacions que les dessus nommez et chascun
d’eulx donrront soubz leurs seaulx à leurs subgiez, hommes et aliez et
aux habitanz et demouranz en leurs villes, chasteaulx et forteresses,
leur baillent treuves, souffrance, saufconduit et sehurté et que à
la coppie ou coppies de ces presentes soubz seel auctentique soit
adjoustée planiere foy et autele foy comme à l’original. Si mandons
et deffendons, de par monseigneur le roy et de par nous, à touz les
subgiz bienveillans et aliez de monseigneur le roy et de nous que
contre la teneur de cestes et de nostre souffrance par nous donnée
aux dessus diz et chascun d’eulz, leurs aliez et subgiz, leurs biens
quielxconques ne meffacent ne sueffrent meffaire en leurs fors,
fortresses, hostel, maisons, terres et biens quielxconques, durant le
dit temps. Et afin que ces choses soient fermes et tenables le dit
temps, nous avons fait mettre à ces presentes nostre seel secret en
absence de nostre grant. Donné davant Surgieres le XVIIIe[441] jour de
septembre l’an mil CCCLXXII. _Et s’ensuit_: par monseigneur le duc et
lieutenant. _Et signé_: J. RAIGEREAU.

Donné par maniere de coppie soubz le seel des contrax establi à
Poictiers pour monseigneur le conte le XXIIIIe jour de janvier l’an mil
CCCLXXIIII. _Ainsi signé_: BOUCART. VIVIEN.

                               (_Arch. Nat._, P 1334{1}, fºs 23 et 24.)

      [441] La copie fort mauvaise d’après laquelle nous publions le
      texte de la convention de Surgères porte ici «XXVIII»; mais cette
      leçon est évidemment fautive. Outre que les premières lignes
      du vidimus indiquent la date du 18 septembre, le contexte et
      en particulier ces mots: _Donné davant ou devant Surgières_ ne
      permettent pas d’admettre une autre date, puisque les Français
      ne se tinrent devant cette place que du jeudi 16 au dimanche 19
      septembre, jour où Surgères se rendit aux assiégeants (Ernest
      Petit, _Itinéraires de Philippe le Hardi_, Paris, Imprimerie
      Nationale, p. 86). _Les Itinéraires_ que nous venons de citer
      fournissent les trois mentions suivantes relatives à l’exécution
      de la convention de Surgères: «Mardi 30 novembre. Monseigneur
      (le duc de Bourgogne) disne aux champs devant Thouars, soupe et
      giste à Monstereuil Bellay, et y furent le duc de Loraine, le
      conte du Perche et plusieurs chevaliers et escuiers.--Mercredi
      1er décembre. Furent aux champs devant Thouars mon dit seigneur,
      le duc de Loraine, le conte de la Marche, le viconte de Rauhen,
      et plusieurs autres seigneurs, chevaliers et escuiers.--Jeudi
      2 décembre. Mon dit seigneur tout le jour à Saumur, et ce jour
      mangèrent deux cens personnes en sale, et sept vint et quatorze
      dehors.» (_Ibid._, p. 89.) Cf. p. LII, en note, LIV et LV.


II

_1373, mercredi 6 juillet, Brest._

  TRAITÉ DE CAPITULATION CONCLU ENTRE JEAN, SEIGNEUR DE NEVILL,
    ROBERT KNOLLES, THOMAS DE MELBOURNE, CAPITAINES DES VILLE ET
    CHÂTEAU DE BREST, D’UNE PART, LOUIS, DUC DE BOURBON, BERTRAND
    DU GUESCLIN ET JEAN, VICOMTE DE ROHAN, D’AUTRE PART, STIPULANT
    SOUS CERTAINES CONDITIONS LA REDDITION DE LA DITE VILLE ET DU DIT
    CHÂTEAU AU DIT VICOMTE DE ROHAN LE 6 AOUT SUIVANT.

Saichent touz que nous Jehan, seigneur de Neuville, Robert Kenole,
sire de Derval, et Thomas de Mellebourne, à present tenanz la ville et
chastel de Brest, avons octroyé, promis et accordé à nobles et puissanz
seigneurs le duc de Bourbon, le connestable de France et au viconte de
Rohan, estanz à present davant le dit fort, les articles dont la teneur
s’enssuit:

Premierement que, pour la salvacion de le heritage de monseigneur
Jehan, duc de Bretaigne, comte de Monffort et de Richemont, et le
commun prouffit de son pais, sont les dictes parties à acord que nous
dessus nommez, avecques touz noz compaignons que nous avons à present,
demourrons, un mois après le jour de ceste accordance jurée, en la
dicte ville et chastel de Brest. Et en cas que le duc ne vendra le
derrain jour du dit mois de paiz ou si fort que il puisse tenir les
champs en place egal devant la dicte ville de Brest, nous à l’onneur
des diz ducs de Bourbon et le connestable suimes tenuz de wyder,
delivrer et baillier ou nom du duc de Bretaigne la dicte ville et
chastel de Brest es mains du viconte de Rohan, homme et subget du duc
de Bretaigne, lequel jurera et se obligera à nous sire de Neuville
de bien et loyalment le garder à le honneur et prouffit du duc de
Bretaigne et qu’il ne les baillera ne transportera à personne du monde,
fors au duc de Bretaigne. Desquelx ville et chastel les clefs seront
delivrées aux diz duc de Bourbon et connestable ou à l’un d’eulx ou à
leurs commis en leurs logeiz. Et, la dicte ville et chastel renduz, les
diz duc et connestable et ceux qui seront commis de par eulx seront
tenuz et obligiez de les baillier au dit viconte de Rohan.

Item, est accordé que certains messages yront en Angleterre à toute la
haste que ils pourront aler et rettourner. Et les diz seigneurs qui
sont davant sont tenuz de leur faire avoir vesseau, passage et conduit
de genz en leur compaignie, aux despens de ceulx qui voudront aler et
faire le dit passage, et auxi bonnes seurtez et saufconduiz, tant pour
aler que pour rettourner, le dit mois durant. Et auxi nous donnerons
bonnes obligacions et seurtez de rendre à la fin du dit mois, ou
chastel de Saint Mahé ou en autre qui lors sera es mains des Bretons,
quitement et delivrement celui ou ceux et sa compaignie et touz ses
biens qui leur seront baillez pour aller en Angleterre, comme dit est,
avecques le vesseau, maistre, mariniers, ses genz et touz leurs biens
quelconques, si fortune de temps ne les empesche, ou, après la fortune,
le très plus toust que il pourra estre fait.

Item, que, le dit mois durant, nous aurons pour nous et noz genz et
chevaux vivres, jour pour jour, sepmaine pour sepmaine, souffisamment,
les paiant raisonnablement, senz faire garnison, senz ce que nous
puissions courre ne prendre prisonniers ne faire autre fait de guerre
sur le pais en nulle maniere, le dit temps durant, et auxi vivres pour
les passages de nos gens et chevaulx souffisamment jusques à noz pais
ou ailleurs, lesquelx vivres et passages seront ordennez dedenz ledit
mois.

Item, le dit connestable de France a gréé et promis à faire delivrer
et à quiter messire Jehan de La Kingay, messire Jehan Stodhey de
l’obligation que Jehan de Polemic a sur eulx, parmi ce que messire
Hervé de Saint Goezenou sera delivré, o l’obligacion du dit connestable
de le rendre, pour obeir à droit.

Item, que touz les Bretons et autres, qui sont avecques nous dedens la
dicte ville et chastel, seront pardonnez et ne perdront point de leur
heritage, ainz auront bonnes seurtez de demourer celle part que ils
voudront en Bretaigne et ou royaume de France.

Item, de toutes ces chouses seront bonnes lettres faictes et sermens
baillez d’une part et d’autre. Et pour plus grant seurté nous
baillerons bons et souffisanz houstages douze, desquelx six seront
renduz la premiere nuit passée, sous l’obligacion et sermenz d’eulx.
Et auxi, en rendant la dicte ville et chastel le derrain jour du dit
mois, comme dessus est dit, seront les diz hostages et obligacions
delivrez à nouz sire de Neuville ou à noz commis à Brest quitement,
senz empeschement, ou ailleurs, où que il nous plaira, en Bretaigne.
Et auxi nous sera baillé vesseaux, passage et conduit des seigneurs,
chevaliers et autres genz souffisanz, à noz despens, pour nous et pour
noz genz, chevaulx et touz noz biens, à nous en aler par terre et par
mer, en quelque part que il nous plaira, avecques touz noz biens qui
sont en la dicte ville et chastel ou ou havre, tant du duc comme de
la duchesse, et de touz autres genz bonnes seurtez et saufconduiz,
tant des seigneurs dessus diz que du roy de France. Et en cas que
noz messagiers, qui auront saufconduit pour aler en Angleterre et
rettourner, seront empeschez ou occupez de fait, senz fraude ne mal
engin, par nul des genz du roy de France, ne de ses aliez, que les
seigneurs davant sont tenuz à les delivrer quitement et franchement.

Et en celui cas sera le terme de cest accort et treitié par autant
après la fin du dit mois alongé comme ceulx messagiers seront detenuz
et occupez. Et ou cas que deffault y auroit de nostte partie, nous
jurons et promettons à nous rendre es houstages des diz seigneurs
dedenz huit jourz après la fin du dit mois, et senz en partir jusques
à leur congié, en la ville de Dinan, ou cas que celle ville seroit
en l’obeissance du roy de France, et ou cas que elle n’i seroit, à
Fougieres.

Item, est tretié et accordé en la mesme maniere du chastel d’Auray,
en cas que il plaira à la duchesse, adjousté que le terme de wyder
et delivrer le dit chastel ne commancera jusques à tant que elle ait
certiffié sa volonté à nous, sire de Neuville, si ou non le dit accord
ou trettié li plaira, dedenz huit jours. Et en cas que le dit accord
li plaira et elle et touz ses genz et sa compaignie s’en voudront
aler et emporter leurs biens quelconques, les diz seigneurs de davant
sont tenuz à li baillier telle compaignie de conduit de genz, oultre
ses seurtez et sauf conduiz, que elle souffise, et auxi ceulx qui li
seront baillez seront bien asseurez et conduiz d’aler et rettourner
quitement et franchement, avecques leurs vesseaux et touz leurs gens,
en Bretaigne, senz fraude ne mal engin. Et s’il avenoit que aucun debat
et contraritié soit fait d’une part ou d’autre, les parties prendront
droit par auccion davant les diz viconte de Rohan et nous, sire de
Neuville, et pour cela nulz des poinz de cest tretié ne peuvent estre
deppeciez. Lesquelles chouses dessus dictes et chascune d’icelles,
nous et chascun de nous avons promis, accordé et juré, par les fois
et sermenz de noz corps, à tenir, garder, parfaire et acomplir de
point en point, senz fraude ne mal engin y penser, faire ne dire et
senz dilacion aucune, à paine d’estre repputez pour faulx, parjures
et desloiaux en touz les lieux et places où nous serons trovez. Et en
tesmoingn de ce nous avons appousé noz seaux à ces presentes. Donné
le mercredi sisiesme jour de juillet l’an de grace mil trois cens
soissante et treze[442].

                             (_Arch. Nat., sect. hist._, J 642, nº 20.)

      [442] Au traité du 6 juillet 1373 sont appendus sur simples
      queues de parchemin les trois sceaux du seigneur de Nevill, de
      Robert Knolles et de Thomas de Melbourne. Le sceau du seigneur de
      Nevill consiste en un écu à un sautoir penché, timbré d’un heaume
      cimé d’une tête de bœuf et compris dans un quadrilobe; celui de
      Robert Knolles, en un chevron chargé de trois quintefeuilles,
      l’écu penché timbré d’un heaume cimé d’une tête de bélier et
      supporté par deux hommes sauvages; celui de Thomas de Melbourne,
      en un plein sous un chef, à la bande chargée de trois objets
      indistincts brochant sur le tout, l’écu suspendu à deux touffes
      d’arbre et compris dans une rosace. _Collection de sceaux des
      Archives Nationales_, III, 289, nº 10 154 (Knolles), 291, nºs
      10 168 (Melbourne) et 10 174 (Nevill).


  9627.--Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.




  9627.--PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
  Rue de Fleurus, 9








*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUES DE J. FROISSART, TOME 8.1 ***


    

Updated editions will replace the previous one—the old editions will
be renamed.

Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright
law means that no one owns a United States copyright in these works,
so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United
States without permission and without paying copyright
royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part
of this license, apply to copying and distributing Project
Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™
concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark,
and may not be used if you charge for an eBook, except by following
the terms of the trademark license, including paying royalties for use
of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for
copies of this eBook, complying with the trademark license is very
easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation
of derivative works, reports, performances and research. Project
Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away—you may
do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected
by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark
license, especially commercial redistribution.


START: FULL LICENSE

THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE

PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK

To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free
distribution of electronic works, by using or distributing this work
(or any other work associated in any way with the phrase “Project
Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full
Project Gutenberg™ License available with this file or online at
www.gutenberg.org/license.

Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™
electronic works

1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg™
electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
and accept all the terms of this license and intellectual property
(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
the terms of this agreement, you must cease using and return or
destroy all copies of Project Gutenberg™ electronic works in your
possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a
Project Gutenberg™ electronic work and you do not agree to be bound
by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person
or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.

1.B. “Project Gutenberg” is a registered trademark. It may only be
used on or associated in any way with an electronic work by people who
agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
things that you can do with most Project Gutenberg™ electronic works
even without complying with the full terms of this agreement. See
paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
Gutenberg™ electronic works if you follow the terms of this
agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg™
electronic works. See paragraph 1.E below.

1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation (“the
Foundation” or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
of Project Gutenberg™ electronic works. Nearly all the individual
works in the collection are in the public domain in the United
States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
United States and you are located in the United States, we do not
claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
displaying or creating derivative works based on the work as long as
all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope
that you will support the Project Gutenberg™ mission of promoting
free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg™
works in compliance with the terms of this agreement for keeping the
Project Gutenberg™ name associated with the work. You can easily
comply with the terms of this agreement by keeping this work in the
same format with its attached full Project Gutenberg™ License when
you share it without charge with others.

1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
in a constant state of change. If you are outside the United States,
check the laws of your country in addition to the terms of this
agreement before downloading, copying, displaying, performing,
distributing or creating derivative works based on this work or any
other Project Gutenberg™ work. The Foundation makes no
representations concerning the copyright status of any work in any
country other than the United States.

1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:

1.E.1. The following sentence, with active links to, or other
immediate access to, the full Project Gutenberg™ License must appear
prominently whenever any copy of a Project Gutenberg™ work (any work
on which the phrase “Project Gutenberg” appears, or with which the
phrase “Project Gutenberg” is associated) is accessed, displayed,
performed, viewed, copied or distributed:

    This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
    other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
    whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
    of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
    at www.gutenberg.org. If you
    are not located in the United States, you will have to check the laws
    of the country where you are located before using this eBook.
  
1.E.2. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is
derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not
contain a notice indicating that it is posted with permission of the
copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in
the United States without paying any fees or charges. If you are
redistributing or providing access to a work with the phrase “Project
Gutenberg” associated with or appearing on the work, you must comply
either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg™
trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9.

1.E.3. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is posted
with the permission of the copyright holder, your use and distribution
must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
will be linked to the Project Gutenberg™ License for all works
posted with the permission of the copyright holder found at the
beginning of this work.

1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg™
License terms from this work, or any files containing a part of this
work or any other work associated with Project Gutenberg™.

1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
electronic work, or any part of this electronic work, without
prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
active links or immediate access to the full terms of the Project
Gutenberg™ License.

1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
any word processing or hypertext form. However, if you provide access
to or distribute copies of a Project Gutenberg™ work in a format
other than “Plain Vanilla ASCII” or other format used in the official
version posted on the official Project Gutenberg™ website
(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
of obtaining a copy upon request, of the work in its original “Plain
Vanilla ASCII” or other form. Any alternate format must include the
full Project Gutenberg™ License as specified in paragraph 1.E.1.

1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
performing, copying or distributing any Project Gutenberg™ works
unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.

1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
access to or distributing Project Gutenberg™ electronic works
provided that:

    • You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
        the use of Project Gutenberg™ works calculated using the method
        you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
        to the owner of the Project Gutenberg™ trademark, but he has
        agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
        Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
        within 60 days following each date on which you prepare (or are
        legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
        payments should be clearly marked as such and sent to the Project
        Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
        Section 4, “Information about donations to the Project Gutenberg
        Literary Archive Foundation.”
    
    • You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
        you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
        does not agree to the terms of the full Project Gutenberg™
        License. You must require such a user to return or destroy all
        copies of the works possessed in a physical medium and discontinue
        all use of and all access to other copies of Project Gutenberg™
        works.
    
    • You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of
        any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
        electronic work is discovered and reported to you within 90 days of
        receipt of the work.
    
    • You comply with all other terms of this agreement for free
        distribution of Project Gutenberg™ works.
    

1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
Gutenberg™ electronic work or group of works on different terms than
are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of
the Project Gutenberg™ trademark. Contact the Foundation as set
forth in Section 3 below.

1.F.

1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
works not protected by U.S. copyright law in creating the Project
Gutenberg™ collection. Despite these efforts, Project Gutenberg™
electronic works, and the medium on which they may be stored, may
contain “Defects,” such as, but not limited to, incomplete, inaccurate
or corrupt data, transcription errors, a copyright or other
intellectual property infringement, a defective or damaged disk or
other medium, a computer virus, or computer codes that damage or
cannot be read by your equipment.

1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the “Right
of Replacement or Refund” described in paragraph 1.F.3, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
Gutenberg™ trademark, and any other party distributing a Project
Gutenberg™ electronic work under this agreement, disclaim all
liability to you for damages, costs and expenses, including legal
fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
DAMAGE.

1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
written explanation to the person you received the work from. If you
received the work on a physical medium, you must return the medium
with your written explanation. The person or entity that provided you
with the defective work may elect to provide a replacement copy in
lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
or entity providing it to you may choose to give you a second
opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
without further opportunities to fix the problem.

1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
in paragraph 1.F.3, this work is provided to you ‘AS-IS’, WITH NO
OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.

1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
warranties or the exclusion or limitation of certain types of
damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
violates the law of the state applicable to this agreement, the
agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
remaining provisions.

1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
providing copies of Project Gutenberg™ electronic works in
accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
production, promotion and distribution of Project Gutenberg™
electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
or any Project Gutenberg™ work, (b) alteration, modification, or
additions or deletions to any Project Gutenberg™ work, and (c) any
Defect you cause.

Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg™

Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of
computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
from people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s
goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will
remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg™ and future
generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.

Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification
number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
U.S. federal laws and your state’s laws.

The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West,
Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
to date contact information can be found at the Foundation’s website
and official page at www.gutenberg.org/contact

Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread
public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment. Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements. We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state
visit www.gutenberg.org/donate.

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations. To
donate, please visit: www.gutenberg.org/donate.

Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works

Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be
freely shared with anyone. For forty years, he produced and
distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of
volunteer support.

Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
edition.

Most people start at our website which has the main PG search
facility: www.gutenberg.org.

This website includes information about Project Gutenberg™,
including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.