The Project Gutenberg eBook of Les quinze joyes de mariage

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Title: Les quinze joyes de mariage

Author: Antoine de La Sale

Editor: Pierre Jannet

Release date: May 7, 2021 [eBook #65273]
Most recently updated: October 18, 2024

Language: French

Credits: Carlo Traverso, Laurent Vogel and the Distributed Proofreading team at DP-test Italia. (This file was produced from images generously made available by The Internet Archive/Canadian Libraries.)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES QUINZE JOYES DE MARIAGE ***

LES
QUINZE JOYES
DE MARIAGE

SECONDE ÉDITION
De la Bibliothèque elzevirienne

Conforme au manuscrit de la Bibliothèque publique de Rouen

Avec les Variantes des anciennes éditions
une Notice bibliographique
et des Notes

A PARIS
Chez P. Jannet, Libraire

MDCCCLVII

Paris. — Imprimé par E. Thunot et Cie, rue Racine, 26, avec les caractères elzeviriens de P. Jannet.

-v-

PRÉFACE DE L’ÉDITION DE 1853.

Parmi les ouvrages sans nombre inspirés aux écrivains satiriques par les malices du sexe et les inconvénients plus ou moins réels du lien conjugal, les QUINZE JOYES DE MARIAGE doivent être placées au premier rang. Ce n’est ni une satire froide et railleuse, ni un tissu d’invectives et d’obscénités ; c’est une étude approfondie du cœur humain, une analyse patiente et délicate, un tableau achevé, dont toutes les nuances sont fondues avec harmonie. C’est l’œuvre d’un maître, d’un grand maître, et c’est à coup sûr son chef-d’œuvre. Que d’art il lui a fallu pour arriver à ce ton de douce philosophie, de résignation inébranlable, qui règne dans tout son livre ! pour retracer de ce pinceau délicat des misères qu’il peint trop bien pour n’en être pas profondément touché ! Et cet art est si bien déguisé sous les négligences de style, les répétitions recherchées, les naïvetés séduisantes, qu’on seroit tenté de le nier, n’étoit la combinaison savante, l’observation d’une poétique particulière, évidemment indiquée surtout par -vj- la répétition constante de cette ritournelle originale et désespérante qui termine chacune des Quinze Joies.

On ne connoît point encore d’une manière certaine l’auteur des QUINZE JOYES DE MARIAGE, qui partagent en cela le sort de tant d’autres chefs-d’œuvre. Cependant l’opinion qui attribue cet ouvrage à l’auteur du Petit Jehan de Saintré, Antoine de La Sale, est fondée sur des considérations qui lui donnent une vraisemblance presque équivalente à la certitude. C’est M. André Pottier, bibliothécaire de la ville de Rouen, qui, en faisant connoître l’existence d’un manuscrit de cet ouvrage, a le premier émis cette opinion. Voici comment il s’exprimoit dans une Lettre à M. Techener, publiée dans la Revue de Rouen, octobre 1830, et tirée à part, in-8o :

« Aucun critique, que je sache, ne s’est occupé de rechercher quel pouvait avoir été l’auteur de cette étude si approfondie des vices et des travers de son temps. Le Duchat, dans l’édition de 1734, n’a proposé sur ce sujet aucune conjecture ; ce qui prouve que ni lui, ni aucun autre, n’avaient connaissance de notre manuscrit et de l’énigme qui le termine : car on se serait empressé de publier cette dernière, d’abord ; puis, ensuite, on aurait tenté de l’expliquer.

» Voici cette énigme et les lignes qui la suivent, transcrites, à la fin du manuscrit, de la même main que le corps de l’ouvrage :

De labelle la teste oustez
Tresvistement davant le monde
Et samere decapitez
Tantost et apres leseconde
-vij- Toutes trois a messe vendront
Sans teste bien chantée et dicte
Le monde avec elles tendront
Sur deux piez qui le tout acquite.

En ces huyt lignes trouverez le nom de celui qui a dictes les XV joies de Mariage au plaisir et à la louange des mariez. Esquelles ils sont bien aises. Dieu les y veille continuer.

Amen. Deo gratias.

» De grâce, Monsieur, quel sera l’heureux Œdipe qui surprendra le secret de ce nouveau Sphinx… Pour moi, j’avoue que j’y ai perdu mon gaulois. J’avais pourtant cru entrevoir une issue à ce dédale cryptonymique ; mais mon fil, peu solide d’ailleurs, s’est rompu au quatrième vers, et le reste subsiste impénétrable pour moi[1]. Quoi qu’il en soit, je veux vous faire part de ma tentative d’explication…

» C’est évidemment une charade, dont il s’agit de rassembler les membres épars ; ce sont des lettres ou des syllabes qu’il faut extraire et coordonner. Or, j’ai pensé que c’étaient des syllabes, et que, puisque l’on devait décapiter la belle, sa mère, et le seconde, si l’on faisait attention que ces mots étaient écrits dans l’original de manière à ne composer avec l’article qui les précède qu’un seul vocable, on devait les considérer comme autant de mots complets, et opérer sur eux en conséquence de cette donnée. L’auteur, pensais-je, s’est peut-être amusé à combiner ce redoublement d’obscurité, qui devait, -viij- selon toutes apparences, faire faire fausse route à la plupart des interprétateurs. Les syllabes obtenues par le procédé indiqué seraient la, sa, le ; or, c’est exactement, et avec son orthographe primitive, le nom patronymique de l’ingénieux auteur du Petit Jehan de Saintré, d’Antoine Lasale. Ce résultat une fois trouvé, des inductions, des demi-preuves, se présentaient en foule pour l’appuyer. La date des Quinze Joyes, rapportée à 1450, et celle du Petit Jehan, fixée à 1459, concordaient parfaitement. Le Duchat remarque que le dialecte picard règne d’un bout à l’autre du premier ouvrage. Or, Antoine Lasale, qui fut le courtisan assidu de Philippe le Bon, et l’un des ornements de cette petite cour libertine que Louis XI, encore dauphin et réfugié dans le Brabant, tenait à Geneppe, qui data même de cette dernière localité son célèbre roman, dut passer la plus grande partie de sa vie dans les Pays-Bas, et, par conséquent, être complétement imbu du dialecte picard. Enfin, quels rapprochements ne présenteraient pas, si l’on venait à les détailler, les compositions connues d’Antoine Lasale et celle que j’essaye de lui attribuer ? N’existe-t-il pas, en effet, d’incontestables analogies entre l’histoire de la Dame des belles cousines, cette peinture de mœurs élégantes, mais faciles et relâchées, dans laquelle perce, en définitive, une satire piquante de la légèreté des femmes ; entre les Cent Nouvelles nouvelles, curieux répertoire d’anecdotes scandaleuses, véritable martyrologe de maris trompés, dont notre auteur dut être un des rédacteurs principaux, puisqu’une des nouvelles porte -ix- son nom, et enfin les Quinze Joyes de Mariage, railleuse antiphrase, analyse satanique de toutes les douleurs sans remède, de toutes les infortunes sans retour dont l’auteur se plaît à tresser exclusivement le lien conjugal ? »

Les raisons sur lesquelles se fonde M. Pottier pour attribuer les Quinze Joyes à Antoine de La Sale ont paru tellement concluantes, que son opinion a été généralement adoptée, et qu’il ne nous est pas même venu à la pensée de la contester. Loin de là, nous allons signaler quelques petites circonstances qui nous paroissent propres à les corroborer.

Antoine de La Sale, né en 1398, en Touraine selon les uns, en Bourgogne selon les autres, séjourna pendant quelque temps en Italie. Il étoit à Rome en 1422. A son retour il fut secrétaire de Louis III, duc d’Anjou et comte de Provence ; il fut viguier d’Arles. Il dut par conséquent séjourner assez long-temps en Provence ; or nous avons trouvé dans les Quinze Joyes un grand nombre d’expressions en usage ou particulièrement ou exclusivement dans le midi de la France, et nous en avons indiqué plusieurs dans les notes. Plus tard, Antoine de La Sale passa au service de René d’Anjou, s’établit en Flandres, et fut un des ornements de la petite cour du dauphin de Viennois, qui fut plus tard le roi de France Louis XI. Or, Le Duchat a reconnu dans son livre le dialecte picard. Ajoutons que l’auteur des Quinze Joyes est sans cesse préoccupé du dauphin de Viennois et qu’il en parle constamment. Ajoutons encore que nous avons trouvé, dans la cinquième Joye (p. 47, lig. 13), cette locution -x- si connue qui fait encore aujourd’hui le fond de la langue belge, le fameux savez-vous ? Ajoutons que l’auteur des Quinze Joyes n’est guère plus bienveillant pour certains moines que l’auteur du Petit Jehan de Saintré ne l’étoit pour damp abbé. Du reste, on s’occupe beaucoup en ce moment d’Antoine de La Sale. Un érudit ingénieux lui attribue la Farce de Pathelin. S’il parvient à démontrer cette paternité, ce sera une raison de plus pour lui accorder celle des Quinze Joyes, car ces deux ouvrages présentent une analogie frappante de langage et d’idées[2].

L’époque de la composition des Quinze Joyes concorde parfaitement avec l’opinion qui attribue cet ouvrage à Antoine de La Sale. Elle est antérieure à 1464, date du manuscrit de Rouen. Il y est parlé, comme d’un événement déjà éloigné, d’une bataille de Flandres, que Le Duchat suppose être celle de Rosbecque, en 1382 ; il y est question de prisonniers faits par les Anglois : Le Duchat conclut de ces circonstances que l’ouvrage a dû être écrit vers 1450. Nous ne dirons rien de la mention des pèlerinages de Notre-Dame de Lorette, qui ne se trouve que dans les éditions de Rosset, et peut émaner de lui. Nous nous bornerons à ajouter qu’il est question, dans la huitième Joye, d’un enfant nouveau né que l’on choyé comme s’il étoit le dauphin de Viennois, ce qui pourroit, à la rigueur, être une allusion au fils de Louis XI, né en 1459.

Les Quinze Joyes de mariage furent accueillies -xj- avec la faveur qu’elles méritoient[3]. Il s’en répandit promptement des copies plus ou moins fidèles. Ces copies sont maintenant perdues, et le manuscrit de Rouen est le seul qui se soit conservé, ou du moins le seul que l’on connoisse. Mais lorsque l’imprimerie s’en empara, elles étoient assez communes, et diverses éditions furent faites sur des manuscrits. Nous connoissons quatre rédactions différentes, dont nous allons parler avec quelque détail.

A. Le manuscrit de Rouen, que M. Pottier décrit ainsi : « C’est un volume in-4, complet, quoique dépouillé de sa reliure, transcrit à longues lignes de 26 à la page, sur papier très-fort, au filigrane d’un bœuf, et contenant en tout 152 feuillets. La souscription qui se lit à la fin, tracée en encre rouge, de la même main que le corps du volume et que toutes les rubriques, donne exactement la date de sa transcription :

Anno Domini millemo ccccmo lxiiijo (1464) in mense novembris fuit exactus pns liber, etc.

» Ce volume est entièrement écrit de la même main, et dans le caractère qu’on est convenu d’appeler bâtarde ancienne ou cursive gothique, sauf toutefois la première ligne de chaque division capitulaire, qui est en lettres de forme un peu altérées. L’écriture en est assez belle, grosse et -xij- peu chargée d’abréviations. Les initiales des chapitres sont des plus simples et des plus communes. Ce manuscrit ne contient ni miniatures ni ornements calligraphiques.

» C’est évidemment le produit du travail d’un copiste, car c’est un de ces recueils de pièces dissemblables dont la fantaisie du propriétaire peut seule expliquer la réunion inattendue. Les trois ouvrages qu’il contient ne présentent pas même l’ombre d’une analogie. Le premier est une Relation de la captivité et de la mort de Richard II, roi d’Angleterre… Le second renferme des Enseignements d’un père à son fils, ou, si l’on veut, une espèce de Castoiement, en prose dialoguée… Enfin, le troisième, et le seul qui doive nous occuper, est celui qui est connu par de nombreuses éditions, sous le titre de : Les Quinze Joyes de mariage, ou encore sous celui de : La Nasse, mais qui n’en porte aucun dans notre manuscrit. Il commence, d’une manière abrupte, au verso d’un feuillet, par ce préambule, le même quant au fond, mais tout autre dans la forme, que celui de l’édition de 1734, où il est qualifié de préface :

» Pluseurs ont travaillé à monstrer… »

» Ce manuscrit fait partie de ceux de la bibliothèque de Rouen, parmi lesquels il est coté Y. 15-13, dans le catalogue provisoire. Il provient de la bibliothèque des Capucins de la même ville, lesquels l’avaient reçu on ne sait à quelle époque, avec un grand nombre de manuscrits français, des capucins de Mortagne, qui les tenaient d’une demoiselle de la Barre, comme cela est consacré par cette note que portent tous les -xiij- manuscrits de cette origine : Donné aux PP. capucins de Mortagne, en 1675, par madem. de la Barre, seur de Mons. Aboz. »

Le manuscrit ainsi décrit par M. Pottier contient, quoi qu’on en ait pu dire, le texte le plus complet et le plus correct des Quinze Joyes de mariage. On pourroit croire que c’est là le manuscrit original, si diverses circonstances, notamment un certain nombre de fautes, ne prouvoient que c’est l’œuvre d’un copiste qui ne comprenoit pas toujours ce qu’il écrivoit.

B. 1. Édition originale. Petit in-fol. gothique à 2 colonnes, de 50 feuillets, dont le premier et le dernier sont blancs, signatures A.-Fv.

Cette édition, selon M. Brunet, a dû être imprimée à Lyon, de 1480 à 1490. Elle contient un bon texte, qui se rapproche beaucoup de celui du manuscrit de Rouen. Malheureusement elle offre de nombreuses lacunes et quelques fautes d’impression. Elle ne porte point de titre, ni aucune mention de date ni de lieu d’impression.

2. Les XV joyes de mariage. In-4 gothique, de 46 ff. à longues lignes, sign. A.-F.

Reproduction de l’édition originale, avec ses lacunes et quelques fautes de plus, faite à la fin du quinzième siècle. Les initiales ont été laissées en blanc.

C. 1. Les quinze joies de mariage. Imprimé à Paris, par Jehan Treperel, demourant sus le pont Nostre-Dame, à lymage Sainct-Laurent. In-4 goth. de 56 ff., sign. A. Eiij.

Cette édition, qui, selon M. Brunet, doit être de l’an 1499 au plus tard, est la plus mauvaise de celles que nous connoissons. Indépendamment -xiv- du style, qui a été maladroitement retouché, elle offre des lacunes considérables, dont une, dans la quinzième joie, équivaut à dix pages de notre édition.

2. Les qinze ioyes de mariaige. Imprimées à Paris. VI. f. Petit in-8 gothique, de 48 ff. sign. A.-F.

Reproduction de l’édition Treperel, avec quelques additions déplorables, que nous donnons néanmoins dans les Variantes.

3. Les quinze joies de mariage. Paris, Techener, 1837, in-16 gothique.

Réimpression de l’édition de Treperel, avec un avant-propos, quelques variantes tirées du manuscrit, un glossaire, et une comparaison de quelques passages du texte de cette édition avec celui de Le Duchat. Malheureusement l’éditeur n’a pas été à même de tirer du manuscrit tout le parti possible, et n’a pas connu l’édition originale : d’où il suit que son travail n’est pas tel qu’on devoit l’attendre de son érudition.

D. 1. Les quinze joyes de mariage, extraictes d’un vieil exemplaire escrit à la main, passez sont quatre cens ans (publ. par François de Rosset). Paris, 1595, in-12.

2. Les mêmes, Rouen, Raphael du Petit Val. 1596, in-12.

3. Les mêmes. Rouen, 1606, in-12.

4. Les mêmes. Lyon, P. Rigaud. 1607. pet. in-12.

5. Les mêmes. Paris, 1620, in-12.

6. Les mêmes, avec des remarques, etc. (par Le Duchat). La Haye, 1726. in-12.

7. Les mêmes, avec les mêmes remarques. La Haye, 1734, in-8.

-xv- François de Rosset étoit de bonne foi lorsqu’il annonçoit la publication d’un manuscrit ; seulement il se trompoit sur son âge. Le manuscrit dont il s’est servi étoit très-bon, et, malgré les changements de style qu’il crut devoir faire, son texte est le meilleur de ceux qui ont paru jusqu’à présent. Il se rapproche infiniment de celui du manuscrit, et il est presque complet. Les changements faits par de Rosset ne sont pas d’ailleurs aussi considérables qu’on pourroit le croire. Le prologue seul, que toutes les autres éditions donnent à peu près tel que nous le reproduisons, a été entièrement défiguré par lui.

M. Brunet indique d’autres éditions : 1o Lyon, Claude Nourry, 1520, in-4 ; 2o Lyon, Olivier Arnoullet, sans date, in-4 gothique ; 3o sans lieu ni date, petit in-4 gothique de 47 feuillets à longues lignes, qui diffère de l’édition in-4 sans date dont nous avons déjà parlé. Nous n’avons pu voir ces éditions, qui contiennent peut-être des textes différents de ceux que nous connoissons.

Les Quinze Joyes de mariage ont été traduites en vers anglois et imprimées à Londres par Winken de Worde, 1509, in-4.

Dans l’édition que nous donnons au public, nous avons tâché d’établir un texte aussi complet, aussi correct que possible ; nous avons adopté celui du manuscrit de Rouen, dont nous possédons une copie collationnée par M. A. de Montaiglon avec le soin qu’il apporte à tous ses travaux. A l’aide des anciennes éditions, nous avons rétabli quelques passages et comblé quelques lacunes. Enfin, nous avons fait tout ce qui dépendoit de nous pour rendre à ce livre sa forme -xvj- primitive. Nous donnons à la fin du volume l’indication de toutes les modifications de quelque importance que nous avons cru pouvoir nous permettre. Pour faciliter l’intelligence de quelques passages, nous avons conservé diverses notes de Le Duchat (signées L. D.) et de l’éditeur de 1837 (édit. de 1837), et nous en avons ajouté quelques unes. Nous serons heureux si nos soins contribuent à faire mieux connoitre un des livres les plus remarquables de notre langue, un livre qui a exercé sur notre littérature une influence incontestable, qui n’étoit pas inconnu à Rabelais et dont Molière s’est inspiré.

P. J.


Le vœu que j’exprimois, en 1853, dans les quelques lignes qui précèdent, s’est réalisé plus complétement que je ne l’espérois. Les Quinze joyes de mariage ont conquis dans la littérature une place qu’elles ne perdront plus. On peut dire qu’elles sont devenues un livre classique. Elles figureront désormais dans toutes les bibliothèques, à côté de Villon, de Marot et de Rabelais.

Ma première édition, tirée à un nombre d’exemplaires relativement considérable, s’est placée avec rapidité. Le public en attend une nouvelle, la voici. Je n’avois rien à changer au texte, mais j’ai multiplié les notes : cet ouvrage ne s’adressant plus seulement à un cercle restreint d’érudits, il a fallu aplanir toutes les difficultés qui pourroient rebuter les lecteurs les moins versés dans la connoissance de notre ancienne littérature. J’espère y avoir réussi.

P. Jannet.

Paris, 3 avril 1857.

-1-

PROLOGUE.

Pluseurs ont travaillé à monstrer, par grans raisons et auctoritez, que c’est plus grant felicité en terre à homme de vivre en franchise et liberté, que soy asservir de sa voulenté, sans contrainte. A l’oppinion desquelz on pourroit dire que ung homme n’a pas son bon sens, qui est en joyes et delices du monde comme de jeunesse garnie, et de sa franche voulenté et de son propre mouvement, sans necessité, trouve l’entrée d’une estroicte chartre[4] douloureuse, plaine de larmes, de gemissemens et d’angoisses, et se boute[5] dedens. Et quant est liens[6] enclos, on lui ferme la porte, qui est de fer, fermant à grosses barres, et est si estroitement tenu que jamais pour nulles prières ne avoir ne peut saillir[7]. Et par especial[8] doit-on bien tenir celui fol et sans nul sens de soy estre ainsi emprisonné, s’il avoit ouy par devant plourer et gemir ou[9] dedens la chartre les prisonniers qui liens estoient.

Et pour ce que nature humaine appete[10] de soy liberté et franchise, pluseurs grans seigneurs et seignouries -2- se sont perduz, pour ce que les seigneurs d’icelles vouloient tollir[11] franchise à leurs subjetz. Et aussi pluseurs citez et villes et pluseurs autres menus peuples ont esté destruiz par desobéissance, voulans trop grant franchise avoir, pour laquelle pluseurs grans guerres et grans occisions[12] ont esté. Pour ce se sont les nobles Franzois par leurs grans prouesses franchisez[13] et exemptés des servitudes des empereurs de Romme, dont maintes batailles ont été faictes et obtenues à l’entencion des François. Si avint une fois que, pource que ilz ne furent pas assés fors pour actendre la grant puissance de l’empereur, qui estoit entré en leur terre, ilz aymerent mieulx laisser et guerpir[14] leur païs que faire service ne[15] payer tribut à l’empereur, dont ilz monstrerent bien la grant noblesse de leurs cuers. Et pour ce s’en allerent conquerant pays et terres par leurs vaillances, et après recouvrerent leur terre de France noblement à l’espée, laquelle ilz ont tenue franche jusques à cy quant au regart de leur prouffit singulier. Et pour ce toutes nations de gens qui estoient en servitude desiroient lors estre en France pour estre francs, dont advint que France fut la plus noble terre du monde, la plus riche, la plus peuplée, la plus habitée et la mieulx ediffiée, flourissant en richesse, en science, en prudence, en la foy catholicque, et en toutes autres vertuz. Et puis qu’ilz sont francs, raison voulsist[16] qu’ilz eussent leur peuple franc, en baillant la loy à leurs subgectz qu’ilz ont prinse pour eulx, car il ne est pas raisonnable d’avoir ung droit pour soy et ung -3- aultre pour son voisin. Dont est advenu que pour ce la terre est deserte, destituée de peuple, desolée de science et de plusieurs aultres vertuz. Et par conséquent y règnent péchéz et vices, et si doit en généralité chascun aimer le bien commun.

On peut dire en generalité que celui qui n’aime son bien singulier est homme sans nul sens, mesmement quant il le peut faire sans dommage d’autrui ; car l’en[17] tiendrait bien celui de petit conseil qui, de propous déliberé, se viendroit mettre en ugne fosse large par le bas et estroicte par dessus, de laquelle nul homme ne pourroit saillir. Et telles fosses fait l’en à prendre les bestes saulvages en grans forestz. Et adoncques quant ilz en sont cheus icelles fosses ilz sont fort esbahis, et tournient pour cuider[18] trouver manière comment ilz en pourront issir[19] ; mais alors il n’est pas temps.

Ces chouses pourroit l’en dire pour ceulx qui sont en mariage, qui ressemblent le poisson estant en la grant eaue en franchise, qui va et vient où il lui plaist ; et tant va et vient qu’il trouve une nasse borgne[20], où il a plusieurs poissons, qui se sont pris au past[21] qui estoit dedens, qu’ilz ont sentu au flayrer. Et quand celui poisson les voit, il travaille moult pour y entrer, et va tant à l’environ de la dicte nasse qu’il trouve l’entrée, et il entre dedens, cuidant estre en délices et plaisances, comme il cuide que les autres soient. Et quant il y est il ne s’en peut retourner, et est liens en deul[22] et en tristesse, où il cuidoit trouver toute joye et lyesse. Ainsi peut on -4- dire de ceulx qui sont en mariage, car ils voient les autres mariés dedens la nasse, qui font semblant de noer[23] et de soy esbatre. Et pour ce font tant qu’ilz trouvent manière d’y entrer. Et quant ilz y sont ilz ne s’en peuvent retourner, mais est force qu’ilz demeurent là. Pour ce dist ung docteur appelé Valere[24] à ung sien ami qui s’estoit marié, et qui luy demandoit s’il avoit bien fait, et le docteur lui respont en ceste manière : « Ami, dit-il, n’avés-vous peu trouver une haulte fenestre, pour vous laissier trébucher[25] en une grosse ryvière, pour vous mectre dedens la teste la première ? » En montrant que on se doit exposer en moult grant peril avant que perdre franchise. Moult grandement se repentit l’archediacre de Therouenne[26], qui, pour entrer en mariage, laissa le noble privilège et estat de clerc, et se maria à une femme vefve, en laquelle, selon ce qu’il racompte, il demoura en servage moult longuement, en grant doleur et en grant tristesse. Pour laquelle chouse soy repentant et en soy reconfortant, voulant prouffiter aux successeurs, fist et composa ung beau traictié. Et pluseurs aultres ont bien travaillié en moult de manières à monstrer la douleur qui y est. Et comment aucunes devotes creatures, pensans en la Vierge Marie et considerant contemplativement les grans joyes qu’elle povoit -5- avoir durans les saincts mistères qui furent en l’Annonciation, en la Nativité, en l’Ascension de Jhesus-Christ, et autres, qu’ilz ont mises en joyes, au nom et pour l’onneur desquelles pluseurs bons catholiques ont fait pluseurs belles et devotes oraisons à l’oneur et à la louange d’icelle benoicte Vierge Marie[27], moy aussi, pensant et considerant le fait de mariage, où je ne fus oncques[28], pour ce qu’il a pleu à Dieu me mettre en autre servage, hors de franchise que je ne puis plus recouvrer, ay advisé que en mariage a quinze seremonies, selon ce que j’en puis faire par l’avoir veu et ouy dire à ceulx qui bien le savoient, lesquelles ceulx qui sont mariés tiennent à joyes, plaisances et felicités, et ne croient nulles aultres joyes estre pareilles ; mais, selon tout bon entendement, celles quinze joyes de mariage sont, à mon advis, les plus grans tourmens, douleurs, tristesses, et quinze les plus grans maleuretez[29] qui soient en terre, esquelles nules autres paines, sans incision de membres, ne sont pareilles à continuer. Et pourtant je ne les blasme pas de soy mettre en mariage, mais suis de leur oppinion, et dy qu’ilz font bien, pour ce que nous ne sommes en ce monde que pour faire penitances, souffrir affliction et mater la chair, afin d’avoir Paradis. Et il me semble que homme ne se peut metre en plus aspres pénitances que de endurer et soustenir les grandes paines et les grans tourmens qui cy-après sont contenus et déclarés. Mais il y a une chose qui me reconforte, car ceulx qui sont mariés prennent icelles peines et tourmens pour joyes -6- et liesses, et y sont aussi adurés[30] et accoustumés comme ung asne à porter somme[31], et semble qu’ilz soient bien aises ; et pour ce c’est à doubter s’ilz en auront nul merite. Ainsi, regardans cestes peines qu’ilz prennent pour joyes, considerans la répugnance qui est en leur entendement et le mien et de plusieurs autres, me suy delicté[32], en les regardant noer en la nasse où ilz sont si bien embarrés[33], à escripre icelles Quinze joyes de mariage à leur consolacion, en perdant ma peine, mon encre et mon pappier. Au regart[34] des autres qui sont à marier, qui pour ce ne laissent pas de soy marier et metre en la nasse, ne n’est aussi mon entencion[35], mais aulcuns à l’aventure s’en pourront repentir quant il n’en sera pas temps. Et pour ce en ycelles joyes demourront tousjours et finiront miserablement leurs jours.

-7-

LA PREMIERE JOYE.

La premiere joye de Mariage, si[36] est quand le jeune homme est en sa belle jeunesse, qu’il est frais, net et plaisant, et ne s’esmoye[37] fors de tirer esguillettes[38], faire ballades, icelles chanter, regarder les plus belles, et aviser où il pourra trouver maniere d’avoir ses plaisirs et trouver ses jolivetez[39], selon l’estat dont il est ; et ne s’esmoye point dont[40] vient le bien qu’il a, pource que à l’aventure il a encore pere et mere, ou autres parens qui lui baillent[41] ce qu’il luy fault. Et combien[42] qu’il a aises et plaisances largement, il ne les peut endurer, mais regarde -8- les autres mariés qui sont en la nasse bien embarrez, qui s’esbanoient[43], ce lui semble, pour ce qu’ils ont le past emprès eux dedens la nasse, c’est assavoir la femme, qui est belle, bien parée et bien abillée, de tieulx[44] abillemens que à l’aventure son mary n’a pas paiez ; car l’on lui fait acroire que son pere ou sa mere les li[45] ont donnez de leur livrée[46]. Si tournoye et serche le jeunes homs[47] environ la nasse, et fait tant qu’il entre dedens, et se marie ; et pour la haste qu’il a de taster du past, avient souvent qu’il enquiert petitement des besoingnes, et s’y boute tel feur telle vente[48].

Or est dedens la nasse le pouvre homs, qui ne se souloit[49] esmoier fors[50] de chanter, et d’achapter esguillettes, bources de soye et aultres jolivetés, pour donner aux belles. Il se joue et delicte[51] ung peu de temps liens, et ne s’esmoie point d’en issir, jusques ad ce qu’il s’avise un pou aucunefois ; mès il n’est pas temps : sa femme convient[52] mectre en estat ainsi qu’il appartient. Et à l’aventure el[53] aura le cuer bon et gay, et avisa l’autre jour, à une feste où el fut, les autres damoiselles, bourgeoises, ou aultres femmes de -9- son estat, qui estoient abillées à la nouvelle fasson ; si dit en soi mesmes que bien appartient à son lignage et à ses parens qu’elle soit aussi bien abillée comme les aultres. Lors regarde lieu et temps et heure de parler de la matière à son mary ; et voulentiers elles devroient parler de leurs choses especialles là où leurs mariz sont plus subjets et doivent estre plus enclins pour octrier[54] : c’est ou lit, ouquel le compagnon dont j’ay parlé veult atendre à ses délitz[55] et plaisirs, et lui semble qu’il n’a aultre chouse à faire. Lors commence et dit ainsi la Dame : « Mon amy, lessez-moy, car je suis à grand mal-aise. — M’amie, dit-il, et de quoy ? — Certes, fait-elle, je le doy bien estre, mais je ne vous en diray jà rien, car vous ne faites compte de chose que je vous dye. — M’amie, fait-il, dites-moy pour quoy vous me dites telles paroles ? — Par Dieu, fait-elle, sire, il n’est jà mestier[56] que je le vous dye : car c’est une chose, puis[57] que je la vous auroye dite, vous n’en feriez compte, et il vous sembleroit que je le feisse[58] pour autre chose. — Vrayement, fait-il, vous me le direz. » Lors elle dit : « Puisqu’il vous plest, je le vous diray : Mon amy, fait-elle, vous savez que je fuz l’autre jour à telle feste, où vous m’envoiastes, qui ne me plaisoit gueres ; mais quand je fus là, je croy qu’il n’y avoit femme (tant fust-elle de petit estat) qui fust si mal abillée comme je estoye : combien que je ne le dy pas pour moy louer, mais, Dieu mercy, je suis d’aussi bon lieu comme dame, -10- damoiselle ou bourgeoise qui y fust ; je m’en raporte à ceulx qui scevent les lignes[59]. Je ne le dy pas pour mon estat[60], car il ne m’en chaut[61] comme je soye ; mais je en ay honte pour l’amour de vous et de mes amis. — Avoy[62] ! dist-il, m’amie, quel estat avoient-elles à ceste feste ? — Par ma foy, fait-elle, il n’y avoit si petite de l’estat dont je suis qui n’eust robe d’écarlate[63], ou de Malignes[64], ou de fin vert, fourée de bon gris ou de menu-ver[65], à grands manches, et chaperon à l’avenant, à grant cruche[66], avecques un tessu[67] de soye rouge ou vert, traynent jusques à terre, et tout fait à la nouvelle guise[68]. Et avoie encor la robe de mes nopces, laquelle est bien usée et bien courte, pour ce que je suis creue[69] depuis qu’elle fut faite : car je estoie encore jeune fille quand je vous fus donnée, et si suy desja si gastée, tant ay eu de peine, que je sembleroye bien estre mere de telle à qui je seroye bien fille. Et certes je avoye si grant honte, quand je estoie entre elles, que je n’ousoie ne savoye faire contenance. Et encore me fit plus grand mal que la Dame de tel lieu, et la femme de tel, me disrent devant tous que c’estoit grand’honte que je n’estoye mielx abillée. Et par ma foy, elles n’ont garde de m’y trouver mès en pièce[70]. — Avoy ! -11- m’amie, fait le proudomme, je vous diray : vous savez bien, m’amie, que nous avons assez affaire, et savez, m’amie, que quant nous entrames en nostre menage nous n’avions gueres de meubles, et nous a convenu achapter liz, couchez, chambres, et moult d’autres choses, et n’avons pas grant argent à présent ; et savez bien qu’il fault achapter deux beufs pour notre mestoier de tel lieu. Et encores chaist[71] l’autre jour le pignon de nostre grange par faulte de couverture, qu’il faut reffaire la premiere chouse. Et si me fault aller à l’assise de tel lieu, pour le plait[72] que j’ay de vostre terre mesmes de tel lieu, dont je n’ay riens eu ou au moins bien petit, et m’y fault faire grand despence. — Ha a ! sire, je savoye bien que vous ne me sauriez aultre chose retraire[73] que ma terre. » Lors elle se tourne de l’aultre part, et dit : « Pour Dieu, lessés moi ester[74], car je n’en parleray ja mais. — Quoy dea, dit le proudomme, vous vous courroucez sans cause. — Non fais, sire, fait-elle : car si vous n’en avez rien eu, ou peu, je n’en puis mais. Car vous savez bien que j’estoye parlée de marier à tel ou à tel, et en plus de vingt aultres lieux, qui ne demendoyent seullement que mon corps ; et savez bien que vous alliez et veniez si souvent que je ne vouloie que vous ; dont je fu bien mal de Monseigneur mon père, et suis encor, dont je me doy bien haïr : car je croy que je suy la plus maleurée[75] femme qui fust oncques. Et je -12- vous demande, sire, fait-elle, si les femmes de tel et de tel, qui me cuidèrent bien avoir, sont en tel estat comme je suy. Si ne sont-elles pas du lieu dont je suy. Par Sainct Jehan, mieulx vallent les robes que elles lessent à leurs chamberieres que celles que je porte aux dimanches. Ne je ne scey que c’est à dire dont il meurt tant de bonnes gens, dont c’est grand dommage : à Dieu plaise que je ne vive gueres ! Au moins fussés vous quite de moy, et n’eussés plus de desplesir de moy. — Par ma foy, fait-il, m’amie, ce n’est pas bien dit, car il n’est chose que je ne feisse pour vous ; mais vous devez regarder à nostre fait : tournez vous vers moy, et je feray ce que vous vouldrez. — Pour Dieu, fait-elle, lessés moi ester, car, par ma foy, il ne m’en tient point. Pleust à Dieu qu’il ne vous en tenist jamès plus que il fait à moy ; par ma foy, vous ne me toucheriez jamès. — Non ? fait-il. — Certes, fait-elle, non. » Lors, pour l’essaier bien, ce lui semble, il lui dit : « Si je estoie trespassé, vous seriez tantoust mariée à ung aultre. — Seroye ! fait-elle : ce seroit pour le plaisir que g’y ay eu ! Par le sacrement Dieu, jamès bouche de homme ne toucheroit à la moye[76] ; et si je savoye que je deusse demourer après vous, je feroye chouse que je m’en iroye la première. » Et commence à plorer.

Ainsi se contient la bonne dame (combien qu’elle pense tout le contraire), et le bonhomme est bien aise et en mal-aise tout ensemble : bien aise, pour ce qu’il cuide qu’elle soit froyde femme, et si chaste qu’elle n’ait cure[77] de telle -13- ordure, et aussi pour ce que el l’aime fort ; en mal-aise, pource qu’il la voit plourer, dont il est tres dolant et piteux[78], et ne sera jamais aise jusques ad ce que elle soit apaisée, et travaille par maintes manieres à lui faire plesir. Mais elle, qui tant[79] à ferir[80] son coup que elle a tendu pour avoir la robe, n’en fera riens ; mais se levera bien matin, et à heure non acoustumée, et fera tout le jour malle chiere[81], si[82] qu’il n’aura d’elle nulle belle parolle. Puis viendra l’autre nuict, qu’elle se couchera ; et après qu’elle sera couchée, le proudomme escoutera si elle dort, et avisera si elle a les braz bien couvers, et la couvrera s’il est mestier. Lors fera semblant de s’esvoillier ; et le proudomme lui dit : « Dormez-vous, m’amie ? — Nanie, fait-elle. — Estes-vous bien apaisée ? — Apaisée ? fait-elle ; mon courroux est bien pou de chouse. Et Dieu mercy, fait-elle en soupirant, j’ay assez de biens, puis que Dieu pleist. — Par Dieu, fait-il, m’amie, si Dieu pleist, nous en aurons assez ; et ay avisé une chouse, que je vous metray en tel estat que je me rens fort que vous serez aux nopces de ma cousine la mieux abillée que femme qui y soit. — Certes, fait-elle, je ne entreray à feste de ceste année. — Par ma foi, m’amie, si ferez, et aurez ce que vous demandez. — Que je demande ! fait-elle. Certes, je ne demande rien ; mais ainsi m’aist Dieu[83] que je ne le vous dy pas pour envie que je aye d’estre jolye, car je vouldroye que -14- je ne alasse jamès hors de nostre meson, fors à l’eiglise ; mais je le vous dy pour les parolles qui en furent tenuez entre les aultres : car je l’ay bien sceu par ma commere, qui en oït assez de parolles, qui le m’a dit. »

Et lors pense le pouvre homme nouvel mesnagier, qui a à faire moult[84] de chouses, qui à l’aventure n’a pas moult de meubles[85], et à l’aventure la robe coustera L. ou LX. escuz d’or ; et en pensant il ne trouve pas manière d’avoir chevance[86], et toutefois il la lui fault avoir, car il voit sa femme qui, à son avis, est bonne et preude femme, et loue Dieu en son courage[87] dont il lui donna ung si riche joyau comme el est. Lors se retourne souvent et se destort d’un cousté et d’autre, et jà ne dormira de toute la nuict de somme qui bien luy face. Et aucunefois il avient que la dame est si rusée que elle cognoist bien son fait, et s’en rit tout par elle[88] soubz les draps.

Quant vient au matin, le proudomme, qui est tout debatu[89] de la nuict, des grans pensées qu’il a eues, se lieve et s’en va ; à l’aventure vient prendre le drap et la penne[90] à créance[91], et s’en oblige aux marchans, ou emprunte, ou engaige X ou XX livres de rente, ou porte vendre un vieil joyau d’or ou d’argent qui estoit du temps de son bisaieul, que son pere luy avoit gardé ; et fait tant qu’il vient en sa meson garny de toutes choses que la dame lui demandoit, laquelle fait semblant qu’il ne lui en chault, et maudit tous -15- ceux qui premierement amenerent si grants estats ; et quant elle voit que la chouse est faicte, et qu’il a aporté le drap et la penne, et lui dit : Mon amy, ne me reprouchés pas un de ces jours que je vous aie faict mettre votre argent, car je ne donne pas de robbe qui soit au monde une maille[92], mais que je soye chaudement. Briefvement, la robe se fait, la sainture et le chapperon, qui à l’aventure seront monstrez en maintes eiglises et à maintes dances.

Et vient le terme qu’il est temps de paier ses créanciers, et le pouvre homme ne peut paier, et ilz ne le veulent plus atendre, et le font exécuter[93] ou excoumenier[94], et la dame en oit les nouvelles, et voit faire l’exécution ; et à l’aventure on a prins les joyaux pour lesquelx la debte est deue. Or aviendra que après l’excommuniement il sera engregié[95], dont conviendra à la dame demourer à l’oustel[96]. Et Dieu sçait le plaisir et la joye où le pouvre homme vit et use ses jours : car la dame va criant par la maison, et dit : « Mauldite soit l’eure que je fus oncques née, et que je ne mourus en mes aubes[97] ! Helas ! oncques mais[98] n’avint si grant honte à femme de mon lignage, où je avoie si chierement esté nourrie[99]. Hélas ! fait-elle, je travaille tant à gouverner -16- la maison, et tout ce que je puis faire et amasser se pert. Je eusse esté mariée en plus de vingt lieux, si je eusse voulu, où je eusse esté en grans honneurs et richesses : car je sçay bien comment leurs femmes sont orendroit[100]. Pouvre lasse, pour quoy ne vient la mort te prendre ? » Ainsi fait la dame ses complaintes, qui ne pense point au gouvernement que elle y a mis, aux robes et joyaux qu’elle a voulu avoir, aux festes et aux nopces où elle est allée, quant elle devoit estre à la maison à penser de son menage, mais met tout sur la faulte du pouvre homme, qui à l’aventure n’y a coulpe efficient[101]. Et aussi il est si abesté[102], pour le droit du jeu, qu’il ne congnoist point que elle y ait faulte. Ne demandés point les douloureux pensemens où le pauvre homme est, qui ne dort ne ne repouse, fors seulement penser comment il pourra apaiser sa femme et mectre remede en sa depte ; mais encor est plus courrocé de la dame qui se donne mal-aise qu’il n’est du sourplus. Ainsi languist et chiet en pouvreté, et à paine s’en relievera jamès, puis qu’il est ainsi acullé ; mais tout ne lui est que joie. Ainsi est enclos en la nasse, et à l’aventure ne se repent point, et s’il n’y estoit il se y mettroit bientoust : là usera sa vie en languissant tousjours, et finira miserablement ses jours.

-17-

LA SECONDE JOYE.

La seconde joie, si est quant la dame se sent richement abillée, comme dit est, et sçait bien que elle est belle (et si elle ne l’est, si le pense-elle, et le croit ainsi), et va à pluseurs festes, assemblées et pelerinages ; et aucunefois il ne plest pas au mary : et pour ce emprent[103] avecques sa cousine, sa commere et son cousin, qui à l’aventure ne lui est rien, mais elle a acoustumé ainsi dire, et pour cause. Et sa mere mesme, qui sait aucunefois des besoignes, a dit au pouvre home qu’il est son cousin, pour lui esclarcir le cuer s’il l’avoit chargié. En aucunesfois le mary, qui ne veult pas que elle y aille, dira qu’il n’y a nulz chevaux, ou aultre cause. Lors la cousine ou la commere dira : « Par Dieu, mon compere ou mon cousin, je suy bien marrie de aller maintenant aux festes, car j’ay bien à faire à nostre meson ; mais, ce m’aist Dieu, si ce ne fust vostre honneur et le mien, je n’en parlasse jà ; et par ma foy, je scey bien que à ma cousine ou ma commere vostre femme ne plaist point d’y venir, car c’est -18- la femme que je sache qui plus se haste de s’en venir quant elle y est. » Lors le proudomme, qui est vaincu, demande qui les menera, et quelles[104] yront en leur compagnie. « Par ma foy, mon compere ou mon cousin, il y vient vostre dame la mere de ma cousine, vostre femme, et la femme de tel et tel, et mon cousin et le vostre, et les autres femmes de nostre rue ou d’environ nous : je ouse bien dire qu’il y aura aussi bonne compagnie, et fust pour gouverner la fille d’un roy, quant est de preudomie et d’onneur. » Et à l’aventure celle qui parle doit avoir une robe ou autres joyaux pour jouer bien le personnage, qui advient souvent. « Je scey bien, fait-il, que la compaignie est belle et bonne ; mès elle a bien à faire ciens[105], et elle est tousjours par chemins. Or avant, fait-il, y aille pour ceste fois ; et gardez bien, fait-il à la dame, que vous venez au soir. » Lors la dame, qui voit bien que elle a congié, fait semblant que elle aimast mieulx n’y aller point, et dit : « Par Dieu, mon amy, fait-elle, je n’ay que faire d’y aller ; je vous pri que je n’y aille point. — Vraiement, fait la cousine ou commere, vous y viendrez. » Et lors le bon homme tire à part sa cousine et l’y dit : « Ma commere, si n’estoit la fiance[106] de vous, elle n’yroit point. — Ha, mon compère, par Dieu que[107] le monde fist, vous le povez bien faire. »

Elles se metent à chemin, et puis se mocquent du bon homme, et vont disant l’une à l’autre qu’il y a ung pou de jalousie, mais il ne fait rien. -19- Là se rendent les galans, qui avoient à l’aventure aucun d’entr’eulx enerré[108] leur besongne à l’autre feste qui fut davant, et s’attendent à conclure là leurs besongnes. Dieu sçait comme la dame est festiée[109], servie et honnourée, pour l’amour de son mari, Dieu le sçait bien. Pensez comment elle se exploicte à danser et à chanter, et comment elle prise pou son mari quant elle se voit tant prisée et louée. Lors les gallans, qui la voient si bien abillée et bien emparlée[110], se avancent chacun endroit soy, l’un plus que l’autre : car jolis et gaillart maintien de femme donne hardement[111] à couart ribaut de parler. L’un lui présente beaux moz plaisans et gracieux, l’autre lui marche dessus le pié ou lui estraint la main, l’autre la regarde d’un regard trenchent et piteux de cousté, l’autre luy présente ung ennel[112], ung diamant, ou ung rubi ; par lesquelles choses la dame peut assez savoir de leurs voulentés, si elle est telle que elle entende raison aucunement. Là se met aucuneffois hors de son charroy[113], et prent plaisir et aucunes choses, et à l’aventure y aura pis.

Or s’est mis en nécessité le pouvre homme pour l’estat de sa femme, lequel estat est cause de la faire aller aux festes, où se rendent les gallans de toutes pars, qui ne attendent chacun endroit soy fors à décevoir le pouvre homme, et n’en eschappe gueres. Or a-il esté cause de sa honte. Dont advient par la longue continuacion, -20- ou que la dame ou son amy ne se sont pas bien gouvernez, ou aucun parent ou especial amy du mary lui en ont dit aucune chouse, il trouve la verité ou s’en doute. Pour ce chiet en la rage de la jalousie, en laquelle ne se doit bouter nulz sages homs : car s’il sceit une foiz le mal de sa femme, jamais par nul medicin ne guerira ; et lors il la batra et empirera sa besoingne, car el ne s’en chastiera jamès ; et en la batant il ne fera que alumer le feu de folle amour d’elle et de son amy, et lui eust il coupé les membres. Dont advient qu’il en pert son chatel[114], et en devient tout abesté, et se met tout en non chaloir[115]. Et jamais puis[116] que ainsi est elle ne le amera, si ce n’est pour passer temps et pour lui faire umbre. Là vit le pouvre homme en peine et tourment, qu’il prend pour joye. Or est-il en la nasse bien embarré, et s’il n’y estoit il se y mettroit à grande haste ; là usera sa vie en languissant tousjours et finera miserablement ses jours.

-21-

LA TIERCE JOYE.

La tierce[117] joye de mariage, si est que après que le jeunes homs et sa femme, qui est jeune, ont bien prins de plaisances et delectacions, elle devient grousse, et à l’aventure ne sera pas de son mari, qui advient souvent. Lors entre en soussy et en tourment le pouvre mary : car il court et trote partout pour trouver à la dame ce qui lui plaist ; et s’il chiet à la dame une espille[118], il l’amassera, car elle se pourroit affoller[119] ou blecer ; et encore sera-ce aventure s’il lui apporte viande qui lui plaise, combien qu’il ait mis grant paine à la trouver et avoir. Et advient souvent que, pour la diversité des viandes que el a et pour l’aise où elle est, que l’apetit lui passe, pource que elle est ennuyée des viandes communes. Si est dangereuse[120], et a envie des choses estranges et nouvelles : pour ce en convient avoir, en ait ou non, et pour ce convient que le proudhomme trote à pié ou à cheval, de nuit ou de jour, pour en avoir. En tel tourment est le proudomme -22- huyt ou neuf mois, que la dame ne fait rien que mignoter et soy plaindre ; et le pouvre homme porte toute la charge de la meson, de coucher tart et lever matin, et penser de son mesnage, selon l’estat dont il est.

Or approche le temps de l’enfantement ; or convient qu’il ait comperes et commeres à l’ordonnance[121] de la dame. Or a grant soussy pour querir ce qu’il faut aux commeres et nourrisses et matrones, qui y seront pour garder la dame tant comme elle couchera[122], qui beuvront de vin autant comme l’en bouteroit en une bote. Or double sa paine ; or se voue la dame en sa douleur en plus de vingt pelerinages, et le pouvre homs aussi la voue à touz les saincts. Or viennent commeres de toutes pars ; or convient que le pauvre homme face tant que elles soient bien aises. La dame et les commeres parlent et raudent[123], et dient de bonnes chouses, et se tiennent bien aises, quiconques ait la peine de le querir, quelque temps qu’il face. Et s’il pleut ou gelle ou grelle, et le mary soit dehors, l’une d’elles dira ainsi : « Hellas ! mon compère qui est dehors a maintenant mal à endurer ! » Et l’autre respond qu’il n’y a force, et qu’il est bien aise. Et s’il avient qu’il faille[124] aucune chose qui leur plaise, l’une des commeres dira à la dame : « Vraiement, ma commere, je me merveille[125] bien, si font -23- toutes mes commeres qui cy sont, dont vostre mary fait si petit compte de vous et de vostre enfant. Or regardez qu’il feroit si vous en aviez cincq ou six ! Il appert[126] bien qu’il ne vous ayme gueres ; si lui feistes-vous plus grant honneur de le prendre qu’il avenist[127] oncques à pièce de son lignage. — Par mon serement, fait l’autre des commeres, si mon mary le me faisoit ainsi, je ameroye mieux qu’il n’eust œil en teste. — Ma commere, fait l’autre, ne lui acoustumez pas ainsi à vous lesser mectre sous les piez ; car il vous en feroit autant ou pis l’année à venir à voz autres acouchemens — Ma cousine, fait l’autre, je me merveille bien fort, veu que vous estes sage femme et de bon lignage, et qu’il n’est pas vostre pareil, chacun le sceit, comment vous le lui souffrez ; et il nous porte à toutes grant prejudice. » Lors la dame respond et dit : « Vraiement, mes chieres commeres et cousines, je ne scey que faire, et ne m’en scey chevir[128], tant est mal[129] homme et divers[130]. — Il est mal homme ? dit l’une d’elles. Veez cy mes commeres qui scevent bien que quant je fu mariée à mon mary, l’en disoit qu’il estoit si divers qu’il me tueroit ; mès, par Dieu, ma commere, il est bien dompté, Dieu mercy, car il ameroit mieux s’estre rompu ung des bras que avoir pensé à me faire ou dire desplaisir. Il est bien vray que au commencement il cuida commencer une maniere de parler et de faire ; mais, par le Sacrement Dieu, je l’en garday -24- bien, et respondy bien et prins le frain aux dens, tant qu’il me ferit[131] une foiz ou deux, dont il fist que foul[132], car j’en fis pis que davant, et tant, que je scey bien qu’il a dit à ma commere qui cy est qu’il ne pourroit plus metre remede en moy, et me deust l’en tuer. Dieu mercy, j’ay tant fait que je puis dire ou faire ce que je veil, car la darraine[133] parole me demourra, soit tort, soit droit. Mais il n’est jeu que à joueurs, et n’y a que faire : car, m’amie, je vous jure qu’il n’est home si enragé que sa femme ne face franc et debonaire, se elle est telle que elle ait entendement. Par madame sainte Catherine, ma commere, il seroit bien emploié qu’il vous crevast les yeulx. — Gardez, ma cousine, fait l’autre, que vous luy sonnez[134] bien quant il sera venu. » Ainsi est-il gouverné le pouvre home. Et tousjours boyvent comme bottes, et prennent congié jusques au lendemain ; et verront comme elle sera gouvernée, et aussi elles le sonneront bien au bon home.

Quand vient que le pouvre homme est venu, qui vient de pourvoier vitaille[135], et à l’aventure a fait grand meschef du sien[136], dont il est en grand soussy, il arive à l’aventure une heure ou deux de nuit, pource qu’il vient de loing, et a grant envie de savoir de la dame et comment il li va, ou n’ouse couchier dehors de paour[137] de la despense ; il entre à l’oustel, et trouve touz ses servans et servantes instruiz à la poste de la -25- dame, car aultrement ilz n’y demoureroient point, tant fussent-ilz bons et loyaulx, et demande comment elle le fait. Et la chamberiere qui la garde lui respond que elle est trop malade, et que oncques puis[138] qu’il partist que elle ne mengea ; mais elle est ung peu apaisée devers le soir (combien que tout est mensonge). Lors croit le deul au pouvre homme, lequel à l’aventure est bien moillé, et est mal monté, qui avient souvent ; et à l’aventure est tout boueux, pource que son cheval est choist[139] en ung mauvès chemin. Et à l’aventure le bon homme ne mengea de tout le jour, et à l’aventure ne mengera jusques ad ce qu’il sache de la dame et comme il lui va. La nourrice et les vieilles matrones, qui sont instruites et scientes[140] en leur mestier, font bien leur personnage, et font mauvese chiere[141]. Lors le bon homme ne se peut tenir d’aller devers elle, et l’oit[142] plaindre bassement de l’entrée de la chambre ; et vient devers elle, et s’acoude sur le lit emprès elle, et lui demandera : « Que faictes-vous, Madame m’amie ? — Mon amy, fait-el, je suy trop malade. — Hellas ! fait-il, m’amye, et où sentez vous mal ? — Mon amy, fait-elle, vous savez que je suis feble dès piecza[143] et ne puis riens mengier. — Madame, fait-il, que n’avez-vous ordonné vous faire ung bon coulis de chappon au sucre ? — Ce m’aist Dieu, dist-elle, ilz m’en ont fait, mais ils ne l’ont sceu faire, ne n’en mangé oncques puis que vous me le feistes. — Par ma foy, m’amie, je vous en feray où il ne -26- touchera que moy, et vous en mengerez pour l’amour de moy. — Je le veil bien, mon amy », fait-elle.

Lors se met le bon homme à la voye, et est cuisinier, et s’art[144] à faire le brouet, ou se eschaude pour le garder de fumer ; et tence ses gens, et dit qu’ilz ne sont que bestes, et qu’ilz ne scevent riens faire. « Vraiement, Monsieur, dit la matrone qui garde la dame, qui represente un docteur en sa science, votre commere de tel lieu ne fist aujourduy aultre chose fors efforcer madame de menger ; mais elle ne tasta aujourduy de chose que Dieu feist croistre. Je ne scey que el a : j’en ay gardé maintes et d’unes et d’aultres ; mès Madame est la plus feble femme que je veisse oncques. » Lors le bon homme s’en va et porte son brouet à la dame, et la efforce et prie tant que elle en prend une partie pour l’amour de lui, ce dit-elle, en disant qu’il est très-bon, et ce que les autres lui avoient fait ne valloit rien. Lors il commande aux femmes que facent bon feu en sa chambre, et que elles se tiennent près elle. Le bonhomme s’en va soupper : on lui apporte de la viande froide, qui n’est pas seulement demourée des commeres, mès est le demourant[145] des matrones, que elles ont patrouillé à journée[146], en beuvant Dieu sceit comment. Ainsi s’en va coucher en tout soussy.

Or s’en vient le lendemain bien matin veoir la dame, et lui demande comment il luy est, et elle lui dit qu’il lui est ung pou amendé devers le jour, mès que elle ne dormit de toute la nuit ; -27- combien que elle a bien dormi, « M’amie, fait-il, qui doit venir de vos commeres aujourduy, il fault penser qu’elles soyent bien aises ; et aussi fault adviser quand vous relieverez : il y a XV jours que vous estes accouchée. M’amie, il fault regarder au moins perdre, car les despens sont grans. — Ha, a, fait la dame, mauldite soit l’eure que je fu oncques née, et que je ne avorté mon enfant ! Elles furent hier ceans XV proudes femmes mes commeres, qui vous ont fait grand honneur de venir, et me portent grand honneur partout où elles me trouvent ; mais elles n’avoient pas de viande qui fust digne pour les chamberieres de leurs mesons quand elles gisent[147] : je le scey bien, je l’ay veu. Aussi elles s’en scevent bien mocquer entre elles ; je le cognoissoye bien sans ce que elles s’en apperceussent. Helas ! quant elles sont ou poinct où je suy, Dieu sceit comme elles sont chier[148] tenues et honnestement gardées. Helas ! il n’y a encore guère que je suy acouchée, et ne me puis soustenir ; et il vous tarde bien que je soye ja à patrouiller par la meson, à prendre la paine qui m’a tuée. — Quoy dea, fait-il, dame, vous avez tort. — Par Dieu, fait-elle, sire, vous voudriez que je fusse morte, et je le vouldroie aussi ; et par ma foy, vous ne aviés que faire de estre en mesnage. Hellas ! ma cousine de tel lieu m’avoit demandé si je auroye point de robe à mes levailles[149], mais j’en suy bien loing, et aussi il ne m’en chault, et suy d’acord de lever[150] demain, -28- et aille comme aller pourra ; je voy bien que nous ne avons que faire de convier gens. Hellas ! je voy bien que je auray assez à souffrir ou temps à venir, si je avoye ou X ou XII enfans, que jà ne sera, si Dieu plest, plaise à Dieu que je n’en aye jamès plus, et pleust à Dieu qu’il eust fait son commandement de moy ; au moins fusse-je quitte de vous faire desplesir, et de la honte du monde, de ce que j’ay à souffrir. Mais face Dieu sa voulenté. — Avoy, m’amie, fait le proudome, vous estes bien esmeue, et sans cause. — Sans cause ! fait-elle. Par Dieu, sans cause n’est-ce pas : car par Dieu je ouse bien dire que oncques pauvre femme de mon estat ne souffrit plus que j’ay à souffrir en mon mesnage. — Or avant, belle dame, fait-il, je suy content que vous levez quand il vous plaira ; mais au moins dites moy la maniere comment vous aurez la robe que vous demandez. — Par Dieu, sire, je n’en demande point, fait-elle, et n’en veil point : j’ay assez robes, car de joliveté ne me chault ; je suis vieille dorenavant, puis que j’ay enfans ; et vous en faites bien semblant. Je voy bien comment il me prendra sur le temps à venir, quand je seray rompue d’enfans et du travail de mesnage, comment je suis jà[151] : car je voy ma cousine, la femme de tel qui me demanda bien à femme, et y mist bien grant peine, et en fist maint pas, et tant que je fu à marier il ne se voulst[152] oncques marier. Et quand je vous eu une foiz veu, je fu si folle de vous que je n’eusses pas prins le filz du roy de France. Si scei-je bien à quoy m’en tenir -29- maintenant. Mais je semble bien mere de sa femme ; si estoie-je jeune fille quand elle estoit grande damoiselle : et n’est pas pour aise que ay eue, Dieu soit loé du tout. — Quoy dea, fait-il, lessons ester ces parolles, et avisons vous et moy comment nous le ferons, et où je prendré chevance. Par Dieu, fait-il, m’amie, vous savez bien nostre fait : si nous despendons[153] maintenant ung petit d’argent que nous avons, nous serons desnuez de chevance ; et s’il nous sourvient aucune chose, nous ne saurons où en recouvrer sans faire dommage du nostre. Et si savez que nous avons à paier dedens huyt jours telle chouse et telle, ou nous serons en grant dommage. — Par Dieu, sire, dit-elle, je ne vous demande rien. Hellas ! fait-elle, tant Dieu me veult grand mal quant il me mist en tel triboil[154]. Je vous pri, lessés moy ester, car la teste me rompt, et vous ne sentez pas le mal que j’ay. Je conseil que nous envoions dire à noz commeres que ne viennent point, car je suy trop mal dispousée. — M’amie, fait-il, elles viendront et seront bien aises. — Sire, fait-el, lessez moy ester, et en faites ce que vouldrés. » Lors vient une des matrones qui garde la dame, et dit ainsi au proudomme : « Monsieur, ne l’ennuyez point de parler, car c’est grant peril à une femme qui a le servel vuyde, et est feble et de petite corpulance. » Lors elle tire la courtine[155].

Ainsi la dame ne veult pas conclure avecques -30- le bon homme, pource que elle atant ses commeres, qui joueront bien le personnage demain, et lui bailleront des actaintes et d’unes et d’autres, tellement que tout de soy il sera si dompté que l’en le pourroit mener par le landon garder les brebiz. Or de sa part le proudomme fait aprester à disner selon son estat, et y travaille bien ; et y metra plus de viande la moitié que au commencement propousé n’avoit, par les ataintes que sa femme lui a dites. Et tantoust viennent les commeres, et le proudomme va au devant, qui les festoye et fait bonne chiere ; et est sans chapperon par la meson, tant est jolis, et semble un foul, combien qu’il ne l’est pas. Il maine les commeres devers la dame en sa chambre, et vient le premier devers elle, et lui dit : « M’amie, voiez cy[156] voz commeres qui sont venues. — Ave Maria, fait-el, je amasse mieulx qu’elles fussent à leurs mesons ; et si feissent-elles si elles savoient bien le plesir que elles me font. — M’amie, fait le proudomme, je vous pri, faites très-bonne chiere. »

Lors les commeres entrent : elles desjunent, elles disnent, elles menjent à raassie[157] ; maintenant boivent au lit de la commere, maintenant à la cuve, et confondent des biens et du vin plus qu’il n’en entreroit en une bote ; et à l’aventure il vient à barrilz où n’en y a que une pipe. Et le pouvre homme, qui a tout le soussy de la despense, va souvent veoir comment le vin se porte, -31- quant il voit terriblement boire. L’une lui dit ung brocart, l’autre li gete une pierre en son jardin : briefment, tout se despend ; les commeres s’en vont bien coiffées, parlant et janglant[158], et ne se esmoient point dont il vient. Le pouvre home court jour et nuit, et quiert la robe dessusdite, et autres chouses, dont à l’aventure il s’endebte grandement. Or est-il bien venu ; et lui fault ouyr la chanczon de l’enfant ; or fault estre en danger de la nourrice ; or dira la dame dorenavant que oncques puis que el eut enfant el ne fut saine ; or fault penser de soy acquiter des despenses qu’il a faites ; or lui faut restraindre son estat, et croistre celui de sa femme ; or conviendra qu’il se passe d’une robe en ung an, et de deuz paires de souliers, une pour les jours ouvrables et l’autre pour les festes ; d’une sainture arse à deux ou trois ans. Or est entré en la nasse où il a tant desiré entrer, et n’en vouldroit pas estre hors, et use sa vie en douleurs et en tourmens qu’il tient à joies, veu qu’il ne vouldroit pas estre aultrement. Pource y est, et y languira tousjours, et finera miserablement ses jours.

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LA QUARTE JOYE.

La quarte[159] joye de mariage, si est quand celuy qui est marié a esté en son mariage, et y demeure VI ou VII, IX ou X ans, ou plus ou moins, et a cincq ou six enfans, et a passé touz les maulx jours, les malles nuitz[160] et maleurtez dessusdites, ou aucunes d’icelles, dont il a eu maint mauvès repoux ; et est jà sa jeunesse fort reffroydie, tant qu’il fust temps de soy repouser, s’il peust : car il est si mat, si las, si dompté du travail et tourment de mesnage, qu’il ne lui chault plus de chouse que sa femme lui die ne face, mès y est adurci comme un vieil asne qui par acoustumance endure l’aguillon, pour lequel il ne haste gueres son pas qu’il a acoustumé d’aller.

Le pouvre home voit et regarde une fille, ou deux, ou trois, qui sont prestes à marier, et leur tarde, car on le cognoist ad ce qu’elles sont tousjours jouans et saillans. Et à l’aventure le proudomme n’a pas grant chevance, et il fault aux filles et aultres enfans robes, chausses, souliers, pourpoins, vitaille et aultres choses. Et mesmement les filles fault tenir joliement pour trois -33- chouses, l’une pour ce que elles en seront plustoust demandées à marier de pluseurs gallans ; l’autre si est que les filles en auront bon cuer et gay de leur nature, et jamès ne seroient aultrement que elles ne fussent jolies ; l’autre si est que si le proudomme ne le veult ores fere, il n’en fera jà rien pour lui, car la dame, qui a passé par ceste voye comme elles, ne le souffriroit pas ; et, à l’aventure, qui ne les tiendroit joliement, elles trouveroient maniere d’avoir leurs jolivetez, dont je me tais. Si que le bon homme, qui est abayé de touz coustez, pour les grans charges qu’il a à porter, sera mal abillé, et ne lui chault mès qu’il vive ; et aussi il souffist bien : car le poisson qui est en la nasse si auroit encore bon temps si l’en le lessoit vivre liens en languissant ; mès on lui abrege ses jours. Si fait-on au bon homme qui est mis en la nasse de menage, par les tourmens que je dy et aultres innumerables.

Et pource, lui, voiant les charges dessusdites, et ce qu’il a à faire, comme j’ay dit, il ne luy chaut mès qu’il vive ; et est tout en nonchaloir, comme ung cheval recreu[161], qui ne fait compte de l’esperon ne de chouse que l’en lui face. Ce nonobstant, il fault qu’il trote et aille par païs pour gouverner sa terre, ou pour sa marchandise, selon l’estat dont il est : il a à l’aventure deux pouvres chevaulx, ou ung, ou n’en a point. Maintenant s’en va à six ou à dix lieues pour ung affaire qu’il a. L’autre fois va à vingt ou à XXX lieues à une assise ou en parlement, pour une vieille cause ruyneuse qu’il a, qui dure dès -34- le temps de son besaieul. Il a unes botes qui ont bien deux ou trois ans, et ont tant de foiz esté reppareillées par le bas qu’elles sont courtes d’un pied, et sans faczon[162], car ce qui soulloit estre au genoil est maintenant au milieu de la jambe. Et a ungs esperons du temps du roy Clotaire, de la vieille façon, dont l’un n’a point de molete. Et a une robe de parement qu’il y a bien cincq ou six ans qu’il a, mais il ne l’a pas acoustumé porter, sinon aux festes ou quant l’en va dehors ; et est de la vieille faczon[163], pource que depuis que elle fut faite il est venu une nouvelle faczon de robes. Et quelque jeu ou instrumens qu’il voie, il luy souvient tousjours de son mesnage, et ne peut avoir plaisir en chose qu’il voye. Il vit moult pouvrement sur les chemins, et les chevaux de mesmes, s’il en y a. Il a ung valet tout dessiré[164], qui a une vieille espée que son maistre gaingna à la bataille de Flandres[165], ou ailleurs, et une robe que chascun cognoist bien qu’il n’y estoit point quant elle fut taillée, ou au moins elle ne fut point taillée sur luy, car les coustures de dessus les espaulles en chaient[166] trop bas. Il porte unes vieilles bouges[167] où le bon homs porta son harnoys à la bataille de Flandres[168] ; ou a aultres abillemens, selon l’estat dont il est.

-35- Brief, le bonhomme fait le mieulx qu’il peut, et aux moindres despens, car il y a assez à la meson qui le despent. Et ne sceit gueres de plet, et est bien pelicé[169] d’avocatz, de sergeans et de greffiers. Et s’en vient le plustost qu’il peut à sa meson, et pour l’affection que il a d’y venir, et aussi qu’il n’a voulu demeurer par les voies, pour les despens qui sont fort grands, arive à l’aventure à sa meson à telle heure qu’il est aussi près du matin comme du soir, et ne trouve que[170] souper, car la dame et tout son menage sont couchez : et prent tout en bonne pacience, car il l’a bien acoustumé. Et quant à moy, je croy que Dieu ne donne adversité aux gens sinon selon ce qu’il les sceit francs et debonnaires pour paciamment endurer ; et ne donne froit aux gens sinon selon ce qu’ils sont garniz de robes. Et s’il avient que le bon home arive de bonne heure, moult las et travaillé, et a le cuer pensif, chargié et engoisseux de ses besongnes, et cuide estre bien arrivé, combien qu’il a esté maintefois receu comme il sera, la dame tence et tempeste par la maison. Et sachez, quelque chose que le bon homme commande, les serviteurs n’en feront riens, car ils sont touz à la poste[171] de la -36- dame, et les a tous endoctrinez, et s’ilz faisoient aucune chose contre sa doctrine, il conviendroit qu’ilz alassent ailleurs querir service, et ilz ont bien essayé la dame : et pource il pert sa paine de rien commander, s’il ne pleist à la dame. Si le pouvre vallet qui a esté avecques lui demande aucune chose, pour luy ou pour ses chevaux, il sera suspect et rebouté[172], qu’il n’osera rien dire. Et ainsi le bon homme, qui est sage et ne veult point faire de noise[173], ne troubler sa famille, prent tout en pacience, et se siet bien loing du feu, combien qu’il ait grant froit ; mais la dame et les enfans sont à l’environ ; et regarde à l’aventure la contenance de la dame, qui est male et diverse, et ne fait compte de lui ne de faire aprester à souper, et tence[174] et dit parolles de travers, cuisantes, qui tousjours chargent le pouvre homme, qui ne sonne mot. Et avient souvent que, par la fain et le travail qu’il a, et pour la maniere de sa femme, qu’il voit si merveilleuse, qui fait semblant qu’il n’y ait riens en la meson, le bon home se cuide courroucer, et dit : « Vraiment, dame, vous faites bien des vostres ! Je suy las et travaillé, et ne beu et ne mangé huy, et suis moillé jusques à la chemise, et vous n’en faites compte, ne d’aprester à souper ne autrement. — Par ma foy, vous avez fait ung beau fait ! j’ay plus perdu en mon lin ou en mon chanvre, que je n’ay eu qui les me ait mis en l’aire roïr (pource que vous aviez mené le vallet) que vous ne gaingnerez, par le sacrement de Dieu, de cy à quatre ans. Je vous -37- avoye bien dit piecza, de par tous les diables, que vous feissés fermer nostre poullailler, où la martre a mengé trois de mes meres gelines couveresses, dont vous vous appercevrez bien du dommage. Et, par Dieu, si vous vivés, vous serés le plus pouvre homs de vostre lignage. — Belle dame, fait-il, ne me dictes point telles parolles ; Dieu mercy j’ay assez, et auray si Dieu plaist, et ay de bonnes gens en mon lignage. — Quoy, fait-el, de vostre lignage ! Par sainte Marie, je ne sçay où il sont, mais au moins je n’en voy gueres qui vaillent. — Par Dieu, dit-il, dame, il y en a de bons. — Et que vous vallent-ilz, fait-elle ? — Qu’ilz me vallent ? fait le proudomme ; mès que me vallent les vostres ? — Que vous vallent mes amis ? fait la dame ; par le sacrement Dieu, vostre fait fust bien petit s’ilz ne fussent. — Et pour Dieu, fait-il, laissés ester cez parolles pour le present. — Certes, fait-elle, ils vous en respondroient bien si leur en parliez. » Lors bon-homme se taist, car à l’aventure il a doubte[175] que elle le die à ses amis, qu’il die mal d’eulx, pour ce que el est de plus grant lignage qu’il n’est.

Et lors se prent à plourer ung des petis enfans, qui est à l’aventure celluy que le bon-home ayme le mieux ; et la dame prend une verge et le bat très-bien, par despit du bon-home plus que pour autre chose. Lors luy dit le preudome : « Belle dame, ne le batez pas », et se cuide courroucer. Et la dame lui dit : « Ça, de par le deable, vous n’avez pas la paine de les gouverner, -38- ne il ne vous couste gueres ; je suy jour et nuict après : que la malle boce s’y puisse ferir ! — Ha ! a ! belle dame, fait-il, c’est mal dit. — Avoy, Monsieur, dit la nourrice, vous ne savés pas la paine que madame y a, et qu’ilz nous font endurer à les nourrir. — Par ma foy, dit la chambrière, c’est grant honte de vous quant vous venez de hors, que la meson deust estre resjoye de vostre venue, et vous ne faites que noise. — Quelle noise, fait-il, est ce là ? Par ma foi, je ne la fais pas. »

Lors toute sa famille est contre luy, et ainsi le bon homme, soy voiant acullé de touz coustés, où il a esté maintes fois, et voit bien qu’il n’y gaingneroit rien, s’en va souvent coucher sans soupper, sans feu, tout moillé et morfondu ; et s’il soupe, Dieu sait comment, et en quelle aise et plaisance. Puis s’en va coucher, et oyt les enfans crier la nuitée ; et la dame et la nourrice les lessent à l’aventure crier tout à escient, par despit du bon-homme. Ainsi passe la nuyt en soussy et tourmens, qu’il tient à grant joye, veu qu’il ne vouldroit pas aultrement estre. Pource y est et y demourra tousjours et finira miserablement ses jours.

-39-

LA QUINTE JOYE.

La quinte[176] joye de mariage, si est quant le bon homme qui est marié, par les grans travaulx et paines qu’il a endurées et portées longuement, est mat et las, et est sa jeunesse fort resfredie : et à l’aventure il a femme de plus grant lignée qu’il n’est, ou plus jeune, qui sont deux grands chouses. Car nul ne se peut plus gaster que soy lesser enveloper en ces deux liens, pource que ce sont repugnances que l’on veult acorder contre nature et raison. Aucunesfois ont des enfans, et aucunesfois non. Ce non obstant, la dame ne s’est pas tant donné de paine comme le proudomme, qui a moult travaillé à la tenir bien aise, et pour son estat que elle a voulu avoir tousjours jolis et de grand chatel. Et s’il n’y avoit que cela, si faut-il qu’il aille avant ; car elle ne veult pas abesser sa lignée, et le mary se tient moult honnouré de ce que Dieu lui fist la grace qu’il la peut avoir. Et avient souvent que quant ilz se courrocent ensemble, elle lui dit par maniere de menaces que ses amis ne la luy baillerent pas pour -40- la paillarder, et qu’elle scet bien dont elle est venue. Et dit que quand elle vouldra escrire à ses frères ou à ses cousins, qu’ils la viendront tantoust querir. Et pource ne luy ouse toucher de la main, quoy qu’il die de la bouche : ainsi est en grant servage, ce me semble. Et peut bien estre que ses parens l’eussent plus haultement mariée, et ne l’eussent pas baillée au bon homme, si ce ne fust ung petit eschapeillon[177] que elle avoit fait en sa jeunesse, je ne scey par quelle malle aventure qui advint par chaude colle[178], dont le bon homme n’avoit rien sceu ; ou à l’aventure en avoit bien oy parler et dire aucunes choses, mais le bon homme, qui est fait à la bonne foy et du bon cresme[179], oyt jurer à pluseurs bonnes gens que ce furent mauvais langages, qui furent mauvesement controuvez et sans cause contre la bonne damoiselle ou bourgeoise, comme plusieurs sont blasmées à grant tort, Dieu le sceit bien, par les joletrins[180] allans et venans par les rues, quant parlent des bonnes preudes femmes quant autre chose n’en povent avoir.

Si est ainsi que la bonne dame, qui voit et regarde son mary, qui a delessé l’esbat et toute joie et pense à acquerre chevance ou terre, et à l’aventure n’a gueres grant chevance ; et pource -41- il est chiche à la mise, qui n’est pas plaisant à la dame, pource que elle veult souvent avoir nouveautez selon le temps, tant en robes, saintures que aultres choses, ainsi que elle voit en bonnes compaignies où elle va souvent, aux dances et aux festes, avecque ses cousines et ses commeres et avecques son cousin, qui à l’aventure ne lui est rien.

Et avient aucunesfois que, pour les grans aises où elle est et pour les grans delitz et plaisances que elle prent aux festes et dances où elle va continuellement, et que elle voit et oit dire pluseurs bonnes chouses, elle met en mespris son mary, et fait ung amy tel que bon luy semble. Et si ainsi est, jamais elle ne amera son mary : car il est tout aultre que son amy ; car il est avaricieux et plein de pensées et de soussiz ; et el n’est pas entrée en celle avarice où il est, et est en sa jeunesse, laquelle elle veult emploier en plaisances et delectations. Si va souvent où elle scet qu’elle pourra voir son amy, qui est frais et jolis. Et aucunes fois advient que ne le peut voir de longtemps à son honneur[181] ; mais elle a eu message que elle le doit veoir demain à certaine heure.

Et quant viendra au soir, que le bon homme son mary est couché et se veult esbatre avecques elle, à qui il souvient bien de son amy, que elle doit veoir demain à certaine heure, trouve maniere de s’en eschapper, et n’y touchera jà, et dit qu’elle est malade ; car el ne prise rien son fait, pour ce que c’est trop peu de chose au regart[182] -42- de son amy, qu’y a huyt jours ou plus que elle ne vit, et viendra demain tout affamé et enragé : car à l’aventure il a veillé et languy par rues et par jardins long temps, qu’ilz n’ont peu parler honnourablement ensemble ; et pource, quant il pourra demain avenir, il fera merveilles, tant pour l’appétit que aussi pour la haste qu’il aura ; peut-estre aussi qu’ilz seront bien à loisir ensemble, en faisant l’un à l’autre touz les plesirs que homme pourroit penser. Et sachez qu’elle fait à son amy cent chouses, et monstre des secretz d’amours et fait pluseurs petites merencolies[183] que elle n’ouseroit faire ne montrer à son mary ; et aussi son amy lui fera tous les plaisirs qu’il pourra, et lui fera moult de petites bichotteries[184] où et prendra grant plesir, que nul mary ne sçauroit faire. Et s’il le sçavoit bien davant qu’il fust marié, si l’a il oublié, pource qu’il s’anonchallist[185] et se abestit à soy quant ad ce ; et aussi ne le vouldroit-il pas faire, car il luy sembleroit qu’il le apprendroit à sa femme, et que elle ne le scet point. Quant la dame a amy à sa plaisance, et ilz se pouvent trouver ensemble, et est à tart, ilz se font tant de joies que nul ne le pourroit dire, tant que le fait du mary n’est rien prisé. Après lesquelz plaisirs, la dame prant autant de plesirs en l’esbat de son mary comme ung tasteur de vins d’un petit rippopé[186] après ung bon hypocras ou pineau. Car quant aucunesfois celui qui a grand soif boit d’ung petit -43- rippopé ou fusté[187], pour la grand soif qu’il a, il le trouve assez bon en beuvant ; mais quant il a beu, il trouve un mauvais desboit[188], et qui le vouldroit croire, il n’en bevroit plus si en deffault d’autre meilleur n’estoit. Aussi sachez que la dame qui a son amy à sa plaisance, par necessité et deffault d’aultre, à la requeste de son mary, en prent aucunesfois pour passer sa soif et pour passer temps. Et pource, quand son mary en veult prendre et elle ne le veult pas, et lui dit : « Pour Dieu, fait-el, lessez moy ester et actendez devers le matin. — Certes, m’amie, fera-il, non feray ; tournez-vous devers moy. — Par dieu, mon amy, fera-elle, vous me ferez grant plesir si vous me lessez ester jusques à matin. » Lors la dame se tourne, et le bon homme, qui ne luy ouse desplaire, la lesse jusques au matin. Lors la dame, qui pense à son amy, et a entencion de le voir le lendemain, qui n’est pas tout un, dit à soy-mesmes qu’il n’y touchera pas au matin ; et pour ce se liève bien matin et fait semblant d’estre bonne mesnagere, et le lesse dormant. Et à l’aventure et a bien veu son amy et a fait ses plaisirs davant que son mari se leve ; et après elle fait trop bien le menage. Aucunesfois avient que elle ne se lieve point, mès davant le jour elle se plaint et mignote tout à escient d’aguet[189] ; et le bon homme, qui l’a ouye, lui demande : « Qu’avez-vous, m’amye ? — Vraiement, mon amy, j’ay si grant mal en ung costé et ou ventre que c’est merveilles : je croy que c’est -44- le mal que j’ay acoustumé à avoir. — M’amie, fait-il, tournez vous devers moy. — Pardieu, mon amy, fait-el, je suy si chaude que c’est merveille, et ne peux ennuyt[190] dormir. » Lors le bon homme l’accolle, et trouve que elle est bien chaude, et il dit : « Voir[191] ». Mès c’est d’aultre maladie qu’el ne dit et qu’il ne cuide, quar el a paravanture songié que elle estoit avecques son amy, et pource sue bien fort. Lors le bon homme la couvre bien, que le vent n’y entre, pour lui faire boire sa sueur, et lui dit : « M’amie, gardés bien vostre sueur, et je ferai bien faire la besongne. » Lors le bon homme se lieve, à l’aventure sans feu et sans chandelle ; et quant il est temps que elle se lieve, il lui fait faire du feu : et la dame dort à son aise, et s’en rit tout par elle.

Une autre fois le bon homme se veult esbatre avecques elle, et elle, qui s’est excusée pluseurs fois, comme dessus est dit, trouvera encore maniere de luy eschapper, si elle peut, car elle ne prise rien son fait ; et, que qu’en soit[192], le bon homme en a besoing et la baise et l’acolle, et Dieu scet comme elle est aise, s’il est ainsi qu’elle soit telle comme dit est. Elle dit ainsi : « Pleust à Dieu, mon amy, que vous ne le feissez jamès si je ne vous en parlasse premierement ! — Et comment, fait-il, ne le feriez-vous point ? — Par mon ame, mon amy, non, je cuide que nanil[193], et me semble que je en vauldroie mieux ; et si j’en eusse autant sceu avant que je fusse mariée, -45- je ne l’eusse esté jamès. — Quoy dea ? fait-il, et pourquoy vous mariastes vous doncques ? — Par ma foy, mon amy, je ne scey ; je estoie jeune fille, et faisoie ce que mes pere et mere me disoient (combien que à l’aventure elle en avoit bien tasté devant). — Qu’est-ce à dire ? fait-il ; je ne vous trouvay nullesfois sinon en ceste opinion ; je ne scey que c’est. — Par mon ame, mon amy, si ce n’estoit vostre plaisir, je n’en vouldroye point. » Le bon homme est bien aise de ce qu’elle dit, et dit en soy-mesmes qu’elle est ainsi froide femme, et qu’il ne luy en chault ; et à l’aventure elle est femme blanche et feminine, de petite corpulence, pourquoy il le croyt mieulx. Lors il la baise et l’accolle, et fait ce qui luy plest : et la dame, à qui il souvient d’aultre chose, voullist[194] estre ailleurs, et le lesse faire et se tient pesantement, et ne se aide point ne mais ne se hobe[195] que une pierre. Et le bon homme travaille bien, qui est lourd et pesant, et ne se scet pas si bien aider comme d’aultres feroient. La dame tourne ung pou la chere[196] à cousté ; car ce n’est pas le bon ypocras que elle a autresfois eu, et pource li ennuye, et lui dit : « Mon amy, vous me affollez toute, et aussi, mon amy, vous en vauldrés moins. Le bon homme se tient le plus legierement qu’il peut, qu’il ne li face mal, et y met bien longuement ; mais il en eschappe à quelque paine, et craint bien une autre fois à soy y mettre, tant pour sa paine que pour doubte de faire desplesir à sa dame, car il croit qu’elle n’en veult point. Si le met en telle dance qu’il croit -46- que el est ainsi feble de complexion, pource que à l’aventure el est ainsi descoulourée, et pour ce le croit-il mieux.

Mais il advient que ceste dame veult avoir robe ou autre chose de son mary, et scet bien ses condicions (c’est assavoir que à l’aventure il est homme qui scet bien où il met le sien)[197]. Elle avise de le trouver en bon temps pour avoir ce que elle demande. Et quant ilz sont en leur chambre en leurs grans deliz et plaisances, et que la dame voit qu’il a affere d’elle, elle lui fait si bonne chiere et si estrange que c’est merveilles : car femme bien aprinse scet mil manieres toutes nouvelles de faire bonne chiere à qui el veult. Et en ce faisant le bon homme est bien-aise, qui n’a pas acoustumé à avoir bonne chiere. Lors l’accolle et le baise, et le bon homme lui dit : « Vraiement, m’amie, je cuide que vous me voulez aucune chose demander. — Par dieu, mon amy, je ne vous demande rien, fors que bonne chiere fassez. Pleust à Dieu, fait-elle, que je n’eusse jamès aultre paradis, fors estre tousjours entre voz bras ! Par dieu, je n’en vouldroie point d’aultre. Vraiement, fait-elle, ainsi Dieu me veille aider, que ma bouche ne atoucha oncques à homme fors à la vostre, et à vos cousins et aux miens, quand ils viennent ciens, que vous me commandez que je les baise. Mais je croy qu’il ne soit homme au monde si doulx ne si gracieux come vous estes. — Non, m’amie ? fait-il : si estoit tel escuyer qui cuida estre marié avecques vous. — Fy ! fy ! fait-elle ; par mon ame, quant -47- je vous eu veu premierement, si vous vi-ge de bien loing, et ne vous fiz que entreveoir ; mais je n’eusse jamais prins aultre, et eust-il été daulphin de Viennois[198]. Je croy que Dieu voulit ainsi : car mon pere et ma mere me cuiderent marier a lui ; mès jamès je ne le feisse : je ne scey que c’est, je croy qu’il estoit destiné qu’ainsi fust. » Lors fait ses plaisirs, et la dame se rent assez agille et abille ; après dit au bon homme : « Mon amy, fait-elle, savez-vous que je vous vueil demander ? Je vous pri que ne me reffusez pas. — Non feray-je, m’amie, par ma foy, si je le puis faire. — Mon amy, fait-el, savez-vous ? la femme de tel a maintenant une robe fourrée de gris ou de menu-ver ; je vous pri que j’en aye une ; par mon ame, je ne le dy pas pour envie que je aye d’estre jolye, mès pource qu’il m’est avis que vous estes bien à la vallue[199] de me tenir aussi honnestement et plus que n’est son mary. Et quant à moy, elle n’est point à comparager[200] à ma personne ; je ne le dy pas pour moy louer ; mais, par dieu, je le faiz plus pource qu’elle s’en tient orgueilleuse que pour aultre chouse. » Lors le proudomme, qui à l’aventure est avaricieux, ou luy semble que el a assés robes, pense ung poy[201], et puis lui dit : « M’amie, n’avez-vous pas assés robes ? — Par dieu, fait-el, mon amy, ouyl, et quant à moy, si je estoie vestue de bureau[202], je n’en faiz compte ; mais c’est honte. — Ne -48- vous chault, m’amie, laissés les parler ; nous n’emprinterons rien d’eulx. — Par dieu, mon amy, voire mès ; mès je ne semble que à une chamberiere emprès[203] elle ; non fais-je emprès de ma sœur, et si sui-je aisnée d’elle, qui est laide chouse. »

A l’aventure le bon homme luy baillera ce qu’elle demande, qui n’est que son dommage, car et en sera plus preste pour aller aux festes et aux dances que elle ne estoit davant. Et tel se aidera à l’aventure de la fourreure qu’il ne cuideroit jamès.

Et s’il ne ly baille ladicte robe, sachez que, puisqu’el a bon cuer et gay, et qu’elle l’a entreprins, elle en aura, de quelque lieu qu’elle doye venir, et quoy qu’elle couste. Et peut-estre que elle a ung amy, mais il n’est pas riche pour la donner, quar à l’aventure est-ce un pouvre galant à qui elle tient son estat[204].

Et pource elle avisera ung aultre galant qui luy voulut l’autre jour donner ung dyamant à une feste où el fut, et lui envoia par sa chamberiere vingt ou XXX escuz d’or, ou plus ; mais el ne les veult pas si tost prendre. Et combien que elle l’avoit fort reffusé, elle lui fera encore aucun[205] regart gracieux, par lequel le gentil galant parlera encore à la chamberiere de la dame, qu’il encontrera en allant à la fontaine ou ailleurs, et ly dira : « Jehanne, m’amie, j’ay à parler à vous. — Sire, fait-elle, quant il vous plaira. — M’amie, fait-il, vous savez l’amour que j’ay à vostre maistresse ; je vous pri que vous me dites si elle vous -49- parla oncques puis de moy. — Par ma foy, dit la chamberiere, elle n’en dit que tout bien, et scey que elle ne vous veult point de mal. — Par dieu, Jehanne, m’amie, dit-il, souvengne vous[206] de moy, et me recommandez à elle, et par ma foy, vous aurez robe, et voyez-cy que je vous donne. — Certes, fait-el, je ne le prendray point. — Par Dieu, fait-il, si ferez ; et vous pri que demain je aye nouvelles de vous. »

La chamberiere s’en va, et dit à sa dame : « Par ma foy, madame, j’ay trouvé gens qui sont en bon point. — Quelz gens sont-ce ? fait la dame. — Par m’ame[207], ma dame, c’est tel. — Et que vous a-il dit ? fait-elle. — Par ma foy, il est en bon point jusques à l’autre assise[208] ; car il a les fievres blanches[209], et est tel qu’il ne scet qu’il fait. — Pardieu, Jehanne, fait-elle, il est bel et gracieux. — Vraiment, fait-elle, vous dites voir, le plus bel que je voye. Il est riche et bien trenché d’aimer[210] léaument, et feroit assez de biens à sa dame. — Pardieu, Jehanne, dit la dame, je -50- ne puis rien avoir de mon mary ; mais il fait que foul. — Et m’eist dieux[211], ma dame, c’est grant follie d’en endurer tant. — Par dieu, Jehanne, je ame tant celui que vous savez de piecza, que mon cuer ne se pourroit adonner à ung aultre. — Par mon serement, ma dame, c’est follie de mectre son cuer en homme du monde ; car ilz ne font conte des pouvres femmes quand ils sont seigneurs d’elles, tant sont traistres : et vous savés, ma dame, qu’il ne vous peut nul bien faire, mès vous couste assez à le tenir en estat. Et pour Dieu, ma dame, celui dont je vous ay parlé m’a dit qu’il vous tiendra bien en grant estat ; et ne vous esmoiez jà de robes, car vous en aurez de toutes couleurs assez : il ne se faut esmoier que de trouver maniere que vous direz à Monseigneur qui vous les a baillez. — Vraiement, Jehanne, je ne scey que faire. — Par m’ame, ma dame, avisez-vous en, car je lui ay promis parler demain à matin à luy. — Et comment le ferons-nous, Jehanne ? — Ma dame, lessez m’en faire ; je iray demain à la fontaine, et je scey bien qu’il sera ou chemin pour parler à moy ; mès je luy dirai que vous ne vous y voullez accorder, pour chose que je vous die, tant avez grand paour de deshonneur. Et de là aura esperance ; et de là en plus nous en parlerons bien, et il m’est avis que je ferai bien la besongne. »

Lors la chamberiere s’en va au matin à la fontaine, et rencontre le gallant qui là actent passé a trois heures, et aussi elle le fait actendre tout -51- à essient, car s’il ne achaptoit bien les amours il ne les priseroit riens. Il vient à elle et la salue, et elle luy. « Quelles nouvelles, dit-il, Jehanne m’amie ? que fait vostre maistresse ? — Par ma foy, fait-elle, et est à l’oustel bien pensive et bien courrocée. — Et de quoy, fait-il, m’amie ? — Par ma foy, mon seigneur est si mal home que elle a trop mal temps. — Ha a ! fait-il, mauldit soit le villain chatrin[212] ! — Amen, fait-elle : car nous ne pouvons durer avecques luy[213] en nostre meson. — Or me dites, Jehanne, que elle vous a dit. — Par ma foy, fait-elle, je luy en ay parlé, mais el ne s’y accorderoit jamès : car elle a si grant paour de son seigneur que c’est merveilles, et a affaire à ung si mal home ; et si elle le vouloit, ore si ne pourroit-elle, tant est gardée de son pere et de sa mere, et de tous ses freres. Je cuide que la pouvre femme ne parla oncques puis à homme que je demoure avecques elle (si a-il quatre ans) fors à vous l’autre jour ; et non obstant il luy souvient tousjours de vous, et scey bien (selon que je puis cognoistre) que si elle vouloit amer, que elle ne vous reffuseroit pas pour nul autre. — Jehanne m’amie, fait-il, je vous pri à joinctes mains que vous me facés ma besongne, et par ma foy vous serez ma maistresse à jamais. — Par mon serement, fait-elle, je luy en ay parlé pour l’amour de vous : car, par ma -52- foy, oncques mès de telles chouses je ne me meslé. — Hélas ! m’amie, fait-il, conseillés-moy que je feray. — Par mon serement, fait-elle, le meilleur sera que vous parlez à elle : et il est bien à point, car son mary l’a reffusée d’une robe que el lui a demandée, dont el est bien courrocée. Je conseille que vous soiez demain à l’eglise et la saluez, et luy dictes hardiment vostre fait, et lui presentez ce que luy vouldrez donner, combien que je scey bien que elle ne prendra riens ; mès elle vous en prisera plus, et cognoistra vostre largesse et valeur. — Helas ! m’amie, je voulisse[214] trop qu’elle print ce que je lui veil donner. — Par ma foy, fait-elle, elle ne le prendroit jamès ; car vous ne vistes oncques plus honneste femme ne plus doulce : vous me baillerez ce que vous li vouldrez donner, et je feray tant, si je puis, que elle le prendra ; au moins j’en feray mon povoir. — Vraiement, Jehanne, vous dictes très-bien. »

Jehanne s’en va riant à sa dame. « De quoy vous riez-vous, Jehanne ? fait la dame. — Par mon ame, il y en a qui ne sont pas bien aise. — Comment ? fait-elle. — Certes, Madame, il parlera demain à vous à l’église. » Lors luy compte la besongne : « Gouvernez-vous, fait-elle, bien sagement, et luy faites bien l’estrange ; toutesfois ne l’estrangez[215] pas trop, et le tenez entre deux en bonne esperance. »

Or va la dame à l’église, et le gallant y est, passé a trois heures, en bonne devocion, Dieu le scet. Il se tient en un lieu où honte lui seroit -53- s’il ne venoit donner l’eaue benoiste à la dame, et autres femmes d’estat qui sont avecques elle, et elles l’en mercient ; mais le pouvre homme leur feroit bien plus grand service s’il povoit et il leur plaisoit. Il advise que la dame demeure soullette en son banc, qui dit ses heures, et est bien tiffée[216] proprement, et se contient doulcement comme ung ymage. Il se approuche d’elle, et parlent ensemble ; mais elle ne lui veult rien accorder, et ne veult rien prendre de luy ; mais tousjours elle lui respond en telle maniere qu’il cognoist que elle le ame bien, et que elle ne craint que deshonneur, dont il est bien aise.

Ilz se departent. La dame et la chamberiere font leur conseil ensemble, et concluent de leur besongne ; et dit la chamberiere : « Je scey bien, ma dame, qu’il a grand envie de parler à moy maintenant ; mais je luy diray que vous n’en voulez rien faire, dont je suis bien marrie, tant ay grant pitié de lui. Et lui diray que Monseigneur est allé hors, et qu’il viengne devers le soir, et je le mettray en la meson et en vostre chambre, ainsi comme si vous n’en saviez rien : si ferez semblant d’estre bien marrie. Et le faictes bien travaillier, affin qu’il vous en prise mieulx ; et dictes que vous crierez à la force, et me appellez : et combien que vous n’aiez rien prins, il vous en prisera bien mieux, et vous donra après plus largement que si vous eussez prins de luy avant la main[217]. Mais je auray devers moy ce qu’il vous doit donner, car il me le doit bailler -54- demain ; et puis je luy diray que vous ne l’avez voulu prendre. Et lui diray puis, puis que ainsi est que la chouse est faicte, qu’il les vous donne pour avoir une robe ; et vous me blasmerez fort davant luy de quoy je l’auray prins, et que je ne le rendi. Mais que que soit, je mectray la chouse en seurté : car, par Dieu, ma dame, il y en a de si rusez qu’ilz en ont trompé maintes. — Or avant, Jehanne, faictes en ce que vouldrez. »

Lors s’en va Jehanne, et trouve le gallant, qui ly demande quelles nouvelles de sa dame. « Par Dieu, fait-elle, je la trouve à recommencer ; mais pource que je m’en suy meslée, je vouldroy bien que vous fussiez à ung[218] : car j’ay paour que elle me descouvre à son mary ou à ses amis. Mais je scey bien, si je peusse tant faire que elle prenist[219] ce que li donnez, vostre besoigne fust faicte. Et, par Dieu, je my essaieray encore à lui faire prendre ; et il est bien à poinct, car son mary l’a resfusée d’une robe dont elle a si grant envie que c’est merveilles. » Lors le gallant luy baille vint ou XXX escuz d’or et Jehanne luy dit : « Veez cy que j’ay advisé : Par Dieu, sire, vous estes homme de bien ; et ne scey qui m’a troublé, car, par mon serement, je ne fis oncques pour homme ce que je fay pour vous : et vous savez bien le grant peril où je me metz, car s’il en estoit sceu une seule parolle, il seroit fait de moy. Mès pour la grant amour que j’ay à vous, ge feray une chouse de quoy je me mectray à l’aventure. Je scey bien que elle vous ame bien ; et pource que Monsieur n’y est point, venez vous en par -55- nostre huis de derriere, encore ennuyt[220] à douze heures bien secretement, et je vous mectray en sa chambre ; elle dort bien fort, car elle n’est que un enfant : et vous couchez avecques elle, car aultre remede je n’y voy, et à l’aventure voustre besongne sera faicte. Quar quant on est nu à nu sans y veoir, c’est grand chose : car telle fait estrange responce le jour, qui ne la feroit pas la nuit en celui cas. — Ha ! a ! Jehanne, m’amie, fait le gallant, vous en mercie ; il ne sera jamès que vous ne ayez la moitié en mon denier. »

Quand vient la nuit, le gallant vient ainsi comme ordonné lui est par Jehanne, qui a bien tout devisé à sa dame. Il se couche bien secrettement ; et quand elle, qui fait semblant de dormir, se sent embracer, elle tressault et dit : « Que est ce cy ? — M’amie, fait-il, c’est moy. — Et par le sacrement Dieu, ainsi ne ira pas. » Elle se cuide lever, et appelle Jehanne, qui ne sonne mot et li fault[221] au besoin, qui est grant pitié. Et quant elle voit que Jehanne ne sonne mot : « Ha ! je suy trahie ! » Lors bataillent ensemble par maintes manieres et estorces[222] ; et en la parfin la pouvre femme n’en peut plus, et entre en la grosse alaine, et se lesse forcer, qui est grant pitié, car ce n’est rien que d’une pouvre femme seule ; et si ne fust de paour de deshonneur, elle eust bien crié autrement que elle n’a : mais mieux vaut garder son honneur, puis que -56- ainsi est. Ils accordent leurs chalumeaulx[223], et entreprennent de soy donner bon temps.

Ainsi se font les besongnes du bon homme son mary, qui est bien à point. Or a la dame la robbe que son mary ne li avoit voulu donner, qui luy a cousté et coustera bien chier. Or fait tant que sa mere lui donne le drap devant son mary, pour ouster toutes doubtes qu’il en pourroit avoir ; et aussi la dame a fait acroire à sa mere qu’elle l’a achaptée de ses petites besongnes que el a vendues, sans ce que son mary en sache rien, et à l’aventure la mere scet bien la besongne, qui avient souvent. Après ycelle robbe en fault une aultre, et deux ou trois saintures d’argent, et aultres chouses. Par quoy le mary, qui est sage, cault[224] et malicieux, comme j’ay dit, se doubte, et a veu quelque chose qui ne lui plaist pas, ou lui a esté dit d’aulcun son amy : car au long aller fault que tout soit sceu. Lors il entre en la rage de la jalousie. Maintenant se met en aguet ; maintenant fait semblant d’aller dehors, et revient de nuit subitement pour cuider sourprendre les gens ; mais il ne est pas ainsi aisé à faire. Maintenant se reboute[225] en la meson, et à l’aventure voit assez de chouses, dont il tence et se tempeste ; et elle replique bien, car elle se sent bien de bonne lignée, et luy remembre[226] bien souvent ses amis, qui aucunesfois luy en parlent. Or sont en riote[227], et jamès le bon homme n’aura joie : il sera servy de mensonges, et le fera l’en pestre. -57- Sa chevance se diminuera, son corps asseichera. Il vouldra garder sa meson que le vent ne l’emporte, et lessera ses besongnes ; briefment, jamès bien n’en aura. Et ainsi demourra en la nasse où il est mis, en grans tourmens qu’il a prins et prent pour joies : car s’il n’y estoit, il ne finiroit jamès jusques ad ce qu’il y fust dedans ; et ne vouldroit pas estre aultrement. Ainsi vivra en languissent tousjours et finira miserablement ses jours.

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LA SIXTE JOYE.

La sixte[228] joie de mariage, si est quant celui qui est marié a enduré toutes les peines et travaulx dessus desclerez, ou aulcun d’iceulx, et par especial il est jeune, et a femme de diverse maniere, et son mary est un bon homme qui a une très grant amitié avecques elles, et lui fait tous les plesirs qu’il peut : et jasoit ce que[229] elle soit proude femme, elle met son intencion d’estre mestresse et de savoir les besongnes de son mary, et fust-il président, et s’en veult entremettre, et faire aucunes responces si mestier est. Et est toute condicion de femme de sa nature telle, quelque mary que el ait, et jasoit ce qu’elle est bien aise et qu’il ne lui fault rien, elle met tousjours son entente à mettre son mari en aucun songe ou pencée.

Et aucunesfois que le mari et sa femme sont en leur chambre toute une nuit et demi jour, devers le matin sont en toutes joies et liesses, et le mari la lesse en la chambre, où elle se tiffe et appareille joieusement, en faisant bonne chiere, et s’en va fère apprester à disner, et pense de -59- ses besongnes par la meson ; et quand il est temps de disner, il apelle la dame. Mès une des servantes ou ung des enfans li vient dire que la dame ne disnera point. « Allez luy dire, fait-il, qu’elle vienne. » Lors s’en va la servante ou l’enfant, et lui dit : « Madame, Monseigneur vous mande que vous en veniez disner, car il ne mengera jusques ad ce que vous soiez venue. — Va lui dire, fait-elle, que je ne disneray point. — Alez lui dire, fait-il, qu’elle s’en vienne. » Lors fait sa responce, et le bon homme vient et s’enquiert que elle a, et s’esbahit fort, combien qu’il ait aucunesfois veu jouer le personnage ; mès pour enqueste qu’il puisse faire il n’en aura jà aultre chouse : et en effet elle n’a riens, mès elle se joue ainsi. Et à l’aventure el ne viendra point disner, pour chose que il puisse faire. Aucunesfois il fait tant que el vient, et la maine par dessoubz l’esselle, comme une espousée, et s’en vont disner ; et est jà la viande froide, tant l’a fait actendre. Et encore fait-elle telle contenance et telles serimonies que elle ne mengera, ne luy aussi, qui est si beste qu’il s’en donne mal aise ; et de tant qu’il l’aura plus chiere, de tant luy fera-el plus de melencolies pour lui donner soussy. Et fait très bien : car une femme n’a que faire mectre paine d’acquerre la grace de celui qui l’aime bien, et qui lui fait tous les services qu’il peut ; mais elle doit bien faire conte d’acquerir la grace de celuy qui ne tient conte d’elle, par la belle chiere et beaux services. Et lui semble bien qu’elle fait beaux faiz quant elle fait son mary souvent plain de soussy et de pencées.

-60- Il advient aucunesfois que le seigneur va hors de l’oustel à ses besongnes, et amaine ung ou deux de ses amis avecques lui à sa meson, pource qu’il a affere d’eulx, ou qu’ilz ont affaire de lui. Et avient aucunesfois, quant il est dehors, comme dit est, envoie un valet devers sa femme, et luy prie que el face très-bien appareiller l’oustel, pour faire bonne chiere à ses amis qu’il amaine avecques luy, car il leur est moult tenu et a affaire d’eulx ; en la priant aussi que elle face aprester des viandes, tant qu’ilz soient bien aises. Le vallet arrive devers la dame, et la salue, et lui dit : « Ma dame, fait-il, Monseigneur s’en vient cy au giste, et viennent avecques luy quatre hommes d’estat ; et vous prie que vous facez très-bien appareiller tout, et qu’ils soient bien aises. — Par ma foy, fait-elle, je ne m’en mesleray jà ; je n’ay que faire de ses festes ; que n’y est-il venu luy-mesmes ? — Je ne sçay, ma dame, mais il le m’a dit ainsi. — Ce m’aist Dieu, fait-elle, tu es ung mauvès garczon, et te mesles de trop de chouses. » Lors le varlet se taist, et la dame entre en sa chambre, et est telle que elle n’en fera aultre chose, et qui pirs est, el envoiera touz ses serviteurs dehors, les ung çà, et l’autre là ; et ses filles, si elle en a, ou ses chamberieres, sont bien aprinses que[230] elles doivent dire au bon homme quant il sera venu. Or s’en vient le proudomme, et appelle ; et une des filles ou des chamberieres lui respond ; lors demande le bon homme si tout est bien apresté. « Par ma foy, Monsieur, fait-elle, madame -61- est bien malade ; il n’y a rien fait. » Le bon homme est courrocé, et maine ses amis en la salle, ou ailleurs, selon son estat, où il n’a feu ne rien prest ; ne demandez s’il est bien aise. Car à l’aventure ses amis qu’il a amenez virent bien quant il envoya le valet davant, dont ils peuvent bien noter que tout ce que le seigneur commande n’est pas arrest de parlement. Le bon homme huche[231] et appelle ses gens ; mès il ne trouve à l’aventure que ung pouvre vallet, ou une pouvre vieille qui ne pourroit gueres faire, que la dame a retenus à l’aventure, pour ce que elle sceit qu’ilz ne povent rien faire. Il vient en la chambre de sa femme, et lui dit : « Belle dame, que n’avez-vous fait ce que je vous avoye mandé ? — Sire, fait-el, vous commandez tant de choses d’unes et d’aultres que l’en ne scet auxquelles entendre. — Saincte Marie ! fait-il en se gratant la teste, vous m’avez fait le plus grand desplesir du monde : car voiez-cy les gens du monde à qui je suy plus tenu. — Et que en pui-ge mès, Sire, fait-elle, ne que voulez-vous que je en face ? Nous avons bien maintenant afaire de vos conviemens[232] ! Par ma foy, il pert[233] bien que vous n’estes gueres sage. Mais au fort, faites à votre guise, car il ne m’en chault. — Je vous demande, belle dame, pour quoy vous avés envoié les vallez dehors ? — Et savoy-je bien, fait-elle, que vous en eussiez afaire ? » Comme que[234] elle les avoit envoiez tout en essyant -62- et par depit du bon homme. Lors lui, qui veult entendre à adouber[235] la faulte, lesse les parolles, et s’en va bien doulant, car il amast mieulx, à l’aventure, tels gens povent-ce estre, avoir perdu cent escuz d’or. Mès à la dame n’en chault de tout cela ; elle le cognoist bien, il ne la mordra jà, car el l’a autresfois veu. Briefvement, il court par la maison et ralie ce qu’il peut trouver de ses gens, et fait le mieulx qu’il peut. Or demande le bon homme des napes, des touailles[236] ouvrées et blanches ; mais on lui rapporte qu’il n’en peut point avoir. Il va devers la dame, et lui dit que ces seigneurs, qui sont ses parens et ses especiaulx amis, l’ont moult demandée ; si la prie moult doulcement que el les vienne veoir et les festier et faire bonne chiere. — « Et que iroi-je faire ? fait-elle. — M’amie, je vous prie que vous y venez, pour l’amour de moy. — Certes, fait-elle, je ne iray point ; ils sont trop grans maistres, et ils ne prisent rien pouvres femmes. » Lors à l’aventure el ira ; et si el y va, elle fera telle chiere et telle contenance, qu’il vallist[237] mieulx au proudome que elle n’y eust oncques esté : car ses amis cognoistront bien sa maniere, et que leur venue ne li plaist pas. Et si elle n’y vient, et le bon home li demande des touailles et des serviettes : « Des touailles ? fait-elle ; il y en a dehors de plus belles que ne leur appartient, pour plus grands mestres qu’ilz ne sont ; et quant mon -63- frère ou mon cousin, qui sont de aussi bon lieu comme ilz sont, viennent ciens, ilz n’en ont point d’aultres ; et aussi toutes les aultres sont en la buée[238]. Non pourtant, je ne le dy pas pour les touailles, mais aussi bien ai-ge perdu mes clefz dès à matin ; voiez la chamberiere qui les quiert en celle paille de lict, car je ne scey que j’en ay fait, pource que j’ay tant afaire que je ne scey auquel entendre, et en ay la teste toute gastée. — Vraiment, fait-il, je suis bien trompé ; vraiement, fait-il, je rompré les coffres. — Par ma foy, fait-elle, vous ferez une belle chouse : je m’en actens à vous, et vouldroye que vous les eussiez derompuz. » Lors il ne sceit que faire, et se passe à ce qu’il trouve, et cuide qu’elle die vray, et vont à la table. Or fault-il avoir du vin frais, car celuy qui est en despence[239] n’est assez bon ; mais on ne peut trouver le guibelet[240], pource que la dame ne le veult pas. Et n’y a froumage ne aultre chouse, mais convient à l’aventure en aller querir chiés les voisins. Le page[241] du bon home est avecques les pages de ses amis, en l’estable, et leur compte comment la dame fait le malade, tant est courrocée que leurs maistres sont liens. Or s’aprouche le temps d’aller coucher ; et ne peut le bon homme avoir linceulx[242] frais, pour -64- les clefs qui sont perdues[243], ne orillers, ni fins couverchefs ; si fault que ils couchent en linceulx communs. Or s’en vont les amis au matin, qui ont bien veu la contenance de la dame, et leurz vallez leur comptent en chemin ce qu’ils en ont aprins avecques le page du proudomme : si s’en raudent en chevauchant. Et toutefois ils n’en sont pas bien contens, et dient qu’ilz n’y entreront mais en pièce[244] : et vallist mieux au proudomme avoir assez perdu du sien que les avoir menez.

Quant vient au matin, il vient à sa femme, et lui dit : « Vraiment, dame, je me merveille moult de vostre maniere ; ne je ne me sauroie comment gouverner avecques vous. — Ave Maria, fait-elle, et y a-il tant affaire avecques moy ? Hélas ! je ne fine jour et nuit de nourrir porcs, poulcins, oaies ; et fille et travaille et fais le mieulx que je puis, tant que j’en mourray avant mes jours : et encor ne puy-ge avoir une heure de pacience, et vous ne travaillez si non à despendre et à gaster tout, à gens dont je n’ay que faire. — Que faire ? dira le mary ; ce sont gens qui me povent bien nuire ou aider. » Lors souvient au bon-homme que quant un escuyer du pays, qui est un grant galant, vient liens, il n’y a rien espargné ; et toutesfois le bon homme li a dit qu’il ne veut point que elle l’atire en sa meson, car il n’y a que faire. Et elle lui a respondu que c’est il qui l’y fait venir ; et li replique sur le tout. Adonc commence la noise ; et à l’aventure -65- la battra ; mès il fera que foul. Si li dit le bon homme : « Par le salut que je actens à avoir, s’il avient que jamès je le trouve ciens, ne que vous parlez à lui, je vous feray la plus courrocée que vous fustes oncques. — Par ma foy, fait-elle, il ne m’en chauldroit s’il estoit pendu : mais ainsi est, car qui ne pèche si encourt. Si je fusse femme qui me gouvernasse mauvèsement, je ne me merveillasse pas, et fusse mieulx de vous que je ne suy. » Or sont en noise. Et à l’aventure, par malice de lui ou d’elle, ilz seront une piece sans coucher ensemble ; et est ce qu’elle demande : car, à l’aventure, l’escuier dont il lui a parlé viendra la nuit par l’uis[245] de derriere, ou montera par une fenestre. Après convient que la chose se rapaise, et convient que le bon homme commence la paix et la flate, car femme veut tousjours estre flattée : ne il n’est si grant mensonge, tant soit-il estrange, que elle ne croye tantoust, mès que[246] ce soit à sa louange.

Or passe ainsi le temps, jusques ad ce que le bon homme trouve par aventure la dame parlant à l’escuier dessusdit, en la meson ou à l’église, ou à une feste où il a esté, dont il entre en plus grant jalousie que davant. Il se deffeit[247], et entre en plus grant pencée, et espie et enquiert, dont il fait que foul, car noble cuer de homme ne doit point enquerir du fait des femmes. Car si le bon homme sceit une foiz la faulte de sa femme, il entrera en telle maladie que jamès nul médecin ne l’en guarira. Et puis qu’il enquiert et serche sa honte et il la trouve, il est bien raison -66- qu’il endure le mal qu’il a serché et quis ; et en ce cas je le tiens pour perdu : car tousjours il lui courra surs, et elle pirs en fera. Et sera en grand peril de ses biens et de son corps ; et vieillesse le sourprendra ; il assotira et abestira du tout[248] pour le droit du jeu. Ainsi est en la nasse enclous en douleur et en tristesse, qu’il prent pour joye, veu qu’il ne vouldroit point autrement ; et s’il s’en repent il n’est pas temps. Ainsi demourra en tourmens tousjours, et finera miserablement ses jours.

-67-

LA SEPTIESME JOYE.

La septiesme joye de mariage, si est que aucunesfois celui qui est marié trouve une très-bonne femme, sage et très-bien conditionnée. Et avient aussi aucunefois qu’il trouve une femme qui est une très-bonne galoise[249], qui ne resfuseroit jamais raison, qui la luy ouffreroit. Mais sachez, de quelque condition qu’elle soit, preude femme ou autre, il y a une reigle generalle en mariage, que chacune croit et tient : c’est que son mary est le plus meschant et le moins puissant au regard de la matiere secrette, que touz les autres du monde. Et avient souvent que le jeune homs, qui est requoquillé[250], se marie à une jeune bonne fille et proude femme, qui prennent des plaisirs ensemble, -68- tant et tout ce qu’ils en povent avoir, pour ung an, deux ans, iij ans, ou plus, tant qu’ilz refredissent leur jeunesse ; mais la femme ne se gaste pas si toust comme l’homme, de quelque estat qu’il soit : c’est pource qu’elle ne prent pas les paines, les travaulz, les soussyz qu’il prent ; et s’il ne fasoit ores si non soulacier[251] et jouer, si seroit l’omme plus toust gasté quant ad ce. Bien est vray que la femme, tant que elle porte enfans et est grousse, qu’elle est bien empeschée, et à l’enfantement a grant paine et douleur ; mais ce n’est rien à comparer envers un soussy que ung homme raisonnable prent, de pencées profondes pour aucune grant chose qu’il a affaire. Et quant est de la paine de l’engroisse[252] ou de l’enfantement, je ne m’en merveille nyent plus[253] que d’une geline ou d’un oaye, qui met hors un grous euf comme le poing par ung pertuis où paravant vous n’eusses pas mis ung petit doy. Et si est aussi grant chouse à nature de faire l’un comme l’autre ; et si verrez une geline se tenir plus grasse en ponnant chacun jour que ne fait un coq : car le coq est si beste qu’il ne fait à journée[254] que li querre[255] vitaille et la luy bailler ou bec, et la geline ne s’esmoye que de menger et de caqueter, et se tenir bien aise. Ainsi le font les bons proudes hommes mariez, qui en sont bien à louer. Après avient que le bon homme est bien escuré et detiré[256], qui tousjours a peine et soussy et travail, et pense ailleurs ; il ne s’applique -69- plus à tel esbat, ou bien pou pour complere à sa femme ; et aussi il ne le pourroit pas fere comme il souloit, et se lasche[257] du tout en celui cas. Si la femme ne le fait pas, mais est aussi puissante qu’elle fut oncques quand ad ce. Et pour ce que sa livrée[258] est diminuée chacun jour, les plaisances, les deliz, les beaux semblans, qui se fasoient ensemble en la jeunesse et en la puissance du mary, tournent en noises et en riotes. Et aussi, comme petit à petit la livrée se diminue, ilz commencent à rechigner.

Et quand la livrée ne souffist pas à la dame, pousé qu’elle soit bonne preude femme, et que elle n’a nulle volenté de mal faire, si ne lesse elle pas à croire que son mary est de moindre puissance que les aultres ; et a meilleur raison de le croire, pource que elle ne essaya oncques que lui, et il ne lui suffist pas : et par raison ung homme doit suffire à une femme, ou nature n’auroit pas bien proporcionnées les chouses ; et aussi je croy que si ung homme ne suffisoit à une femme, que Dieu et l’Église auroient ordonné que chacune en eust deux, ou tant qu’il lui suffiroit. Et aucunesfois aucunes se mettent à l’aventure de essaier si les aultres sont de aussi petit povoir comme les maris. Et lors celle qui se met à l’aventure le croit mieulx que davant, car par aventure elle prent ung compaignon dont elle ne peut finer[259] sinon a grant paour et à la goulée[260], et est tout affamé et fait -70- merveilles quand il y peut avenir. Et si el avoit tenu son mary par avant meschant[261] et de petit povoir, elle le croit encore mieulx de present, car les plaisances presentes sont tousjours mieulx en souvenance que celles qui sont passées ; si le croit plus fermement que davant, car experience est la maistresse.

Et avient aussi que celui qui se marie trouve femme qui est bonne galoise, et entent bien raison, qui la li dit ; laquelle croit aussi bien de son mary comme l’autre, comme j’ay dit : car à l’aventure elle en a essaie des autres, dont le fait est mallement plus grant que celuy du bon homme[262], qui ne s’en donne pas grant paine, car il sçait bien qu’il la trouvera tousjours près lui.

Et sachés que les hommes font le contraire de ce que dit est ; car quelque femmes qu’ilz ayent, ils croient generallement qu’elles soient meilleures que toutes les aultres. Aucunesfois la reigle fault[263], mais c’est entre aucuns ribaux desesperez et sans raison, qui n’ont point d’entendement. Et si voit-on voulentiers que pluseurs mariez louent leurs femmes, en racomptant les biens qui sont en elles ; et ne leur est point avis qu’il en soit nulles pareilles et où ilz peussent trouver tant de biens, si bonnes denrées, ne si bon appetit[264]. Si voit-on souvent, quant une femme est veufve, et se remarie tantost à ung autre, et aucunesfois ne actent pas ung mois, pour essaier si l’autre sera aussi chetif et de petit povoir comme celui -71- qui est trespassé : et si advient que elle ne lui tient ne foy ne loyauté.

Si avient souvent que la femme qui ainsi se gouverne gaste tout et met tout à perte par son mauvès gouvernement, et follement baille les biens que le pauvre mary acquiert à grand travail, selon l’estat dont il est, et les despent en moult de manières, tant à son ami que à vieilles maquerelles, que à son confesseur, qui est ung cordelier ou ung jacopin, qui a une grousse pencion d’elle pour la absoubdre chacun an : car telles gens ont volentiers le povoir du pape. Et le bon homme le mary se contient le plus sagement qu’il peut, sans faire grans despens ; et à compté ce qu’il peut avoir de revenu, de pencion ou de marchandie, selon l’estat dont il est, et sa despense. Si trouve, tout compté et rebatu, que sa chouse ne va pas bien, et est en grand soucy. Lors, quant il est en retrait, il en parle à sa femme, qu’il ayme mieulx que soy-mesmes, et luy dit : « Vraiement, m’amie, je ne scey que c’est, mais je ne scey que noz biens deviennent, soit argent, soit blé, vin ou aultres choses ; et quant à moy, j’ay tousjours l’ueil à regarder et gouverner nostre fait, tant que je n’en ouse pas avoir une robbe. — Vraiement, mon amy, je m’en esbahiz comme vous faictes : je ne scey aussi que ce peut estre, car je le cuide mener et gouverner le plus beau que je puis et le plus doulcement. » Si ne scet le bon homme où il tient, et vient à pauvreté, et ne scet que penser, fors seullement qu’il dit et conclud à lui-mesme qu’il est ainsi maleureux, et que c’est fortune qui luy court sus et qui regne contre lui. Ne il -72- ne croiroit jamès chouse qui lui fust dite contre sa femme, et aussi il ne trouvera jamès qui rien lui en die, ou aventure sera : car celuy auroit bien pou afaire qui lui en parleroit, et après il seroit le plus grant ennemy qu’il pourroit avoir.

Et avient aucunesfois qu’il a ung bon amy, qui voit tout le petit gouvernement qui y est, et ne se peut tenir de luy dire qu’il se donne garde de sa meson, sans plus lui en dire ; ou à l’aventure lui dira tout l’estat comme il est, dont il sera moult esbahy. Si s’en va, et fait mauvaise chiere, dont sa femme cognoist bien qu’il y a quelque chose, et se doubte, à l’aventure, de l’autre qui lui a dit, pource qu’il l’avoit fort blasmée autrefois. Mès, si Dieu plaist, elle se chevira[265] bien. Le bon home ne lui en dit riens encore, et se pense qu’il la essaiera, et luy dit : « M’amie, il me fault aller à XII lieues de cy. — Et quoy faire, dit-elle, mon amy ? — Il me convient, fait-il, y aller pour telles choses et pour telles. — Je amasse mieulx, fait-elle, mon amy, que vous envoiassez ung vallet. — Je croy, fait-il, que je y auroye dommage ; mais je reviendré dedans deux ou trois jours. » Lors s’en part, et fait semblant d’aller hors, et s’embuche, et se met en lieu que, s’il va riens en sa meson, il le sçaura bien. Et la dame, qui a senti de ce que l’en lui a dit, mande à son amy qu’il ne vienne pas, pour nulle chouse qui soit, car elle s’en doubte bien.

Ainsi se gouverne la dame si sagement que, -73- Dieu mercy, son mary n’y trouvera jà faulte. Quand le bon homme a bien orillé et escouté, il fait semblant de ariver à sa meson, et fait bonne chere, car il croit que tout ne soit que mensonge. Et aussi il n’est point à croire que la famme qui tant lui fait bonne chiere, et le baise et accolle si doulcement et l’appelle mon amy, peust jamès faire telle chouse ; et aussi il voit bien qu’il n’en est riens. Quant il est à son secret, il dit à sa famme : « Vraiement, m’amie, l’on m’a dit certaines parolles qui ne me plaisent pas. — Par dieu, mon amy, je ne scey que c’est, mais il a jà grant piece[266] que vous faites mauvaise chiere ; j’ay eu grand paour que vous eussez aucun grant dommage, ou que noz amis fussent morts, ou prins des Anglois. — Ce n’est pas cela, dit-il ; mais c’est pis que vous ne dites. — Ave Maria, dit-elle, et quelle chouse peut-ce estre ? s’il vous plaist vous me le direz. — Certes, ung mien amy m’a rapporté que tel se maintient avecques vous, et assés d’autres chouses. » Lors la dame se saigne[267] et fait grant admiracion, et se prent à soubzrire et dit : « Mon amy, n’en faites plus mauvaise chiere. Par ma foy, mon amy, je vouldroie estre aussi bien quicte de touz mes pechiés comme de celuy. » Lors elle met sa main sur sa teste, et dit ainsi : « Mon amy, je n’en jureray pas de celui tant seulement, mais j’en donne au deable tout quant que il en a dessoubz mes deux mains, si oncques bouche d’omme toucha à la moye, si n’est la vostre et à voz cousins, et aux miens par vostre commandement. Fy, fy ! fait-elle, -74- et est-ce cela ? Mon amy, j’ay grant joye dont vous le m’avez dit, car je me doubtoie que ce fust aultre chose ; et je scey bien dont ces paroles sont venues. Mais pleust à Dieu, mon amy, que vous sceussez pourquoi il le vous a dit. Par ma foy, vous en seriez bien esbahy, pource qu’il se fait tant vostre amy : mais au fort je suy bien aise dont il a resveillé le chat qui dort. — Et que y a il ? fait le bon home. — Ne vous chault, mon amy, vous le saurez bien une autre foiz. — Vraiment, fait-il, je le veil sçavoir. — Par Dieu, mon amy, fait-el, je estoye bien corrocée de quoy vous le faisiez si souvent venir ciens, et lessoye à le vous dire, pource que vous disiez que vous l’amiez tant. — Dites-le moy, fait-il, je vous en prie. — Certes, mon amy, n’est jà mestier que le sachez. — Dites-le moy, car je le veil sçavoir. » Lors elle le baise et l’accolle moult doucement, et lui dit : « Ha ha ! mon très-doulx sire et amy, et me voulent-il faire mal de vous[268], les faulx traistres ? — Or me dites, m’amie, que c’est. — Par dieu, mon amy, que je ame sur toutes chouses qui sont en terre, le traistre en qui vous fiez, qui vous a dit les parolles, m’a priée plus de deux ans pour vous cuider trahir : mès je l’ay moult refusé, et y a mis moult grant peine, en maintes manieres ; et quant vous cuidiez qu’il venist ciens pour l’amour de vous, il n’y venoit que pour traïson ; ne il ne vouloit cesser, jusques à n’a gueres que je luy ay dit et juré que je le vous diroye. Mès je n’enduroye le vous dire, car il ne m’en chaloit, -75- pource que je suy bien seure de moy, et ne vouloye point mettre de noise entre vous et lui, et cuidoye tousjours qu’il se teust. Hélas ! ce n’est pas sa faulte qu’il ne vous a fait honte. — Saincte Marie, fait-il, il est bien traistre ! quar jamès ne me doubtasse de lui. — Par Dieu, mon seigneur, s’il entre jamès en vostre meson, et que je sache que vous parlez jamès à lui, je ne tiendroy jamès mesnage o vous[269], car, par ma foy, de moy n’avez-vous garde. Si Dieu plest, je n’y commenceray pas maintenant : je prie à Dieu à joinctes mains que à l’eure qu’il m’en prendra voulenté, que le feu descende du ciel, qui me arde[270] toute vive. Hellas ! mon très-doulx amy, fait-elle en l’accollant, moult seroye traistresse si je vous fasoie mauvestié ne trahison, qui estes si bel, si bon, si doulx et si gracieux, et voulez tout ce que je veil. Jà Dieu ne plaise que je vive tant que je soye si paillarde ! Et aussi, mon amy, je veil et vous pri que vous deffendez ou faictes deffendre vostre houstel à celui dont le traistre m’a acusée, combien que au deable soit l’âme de moy si oncques jour de ma vie il m’en parla ; mais, de par Dieu, je ne veil plus qu’il vienne en lieu où je soye. » Lors se prent à pleurer, et le bon homme l’apaise, et lui promet et jure qu’il tiendra tout quanque[271] el lui a dit, sinon qu’il ne deffendra pas sa maison au jeune compagnon, qui n’en peut mez, et jure que jamès il n’en croira rien, ne n’en escoutera homme du monde. Toutefois il ne sera jamès qu’il n’en ait le remors, -76- et le cuer ung poy mathé. Et conclusion : son amy, qui lui avoit ce dit par très grand bien, sera dorenavant le plus grand ennemy qu’il ait. Ainsi est abesté le proudomme, et pest l’erbe, et est transfiguré en une beste, sans enchantement. Or a-il du mesnage, et est en la nasse bien enclous. Et fera mieulx la dame à sa guise que elle ne fist oncques mès. Et n’en parle jamais nul au bon homme, car il n’en croira jamès riens ; et celuy que l’en lui a dit qui lui faisoit la villanie sera le meilleur amy que jamès il puisse avoir. Vieillesse le surprendra, et à l’aventure cherra[272] en pouvreté, de laquelle jamès ne relievera. Voiez-cy la plaisance qu’il a trouvé en la nasse de mariage ! Chacun se moque de lui ; l’un dit que c’est un grant domage, pource qu’il est bon home ; l’autre dit qu’il n’en peut challoir, et que ce n’est que la regle du jeu, et qu’il n’est que une beste. Les gens notables l’en debouteront[273] et en lesseront sa compaignie. Ainsi vit en paine et en douleur, qu’il prent pour joies, esquelles demourra tousjours et finera miserablement ses jours.

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LA HUITIESME JOYE.

La huictiesme joye de mariage, si est quand celuy qui est marié a tant fait qu’il est entré en la nasse, où il s’est soulacié, et y a prins touz plaisirs par deux ou par trois ou quatre ans, ou plus ou moins ; et commence jà à resfredir sa jeunesse, et veult entendre à une autre besongne. Car l’en ne porroit pas tousjours jouer aux barres, et ne porroit-l’en pas bien courre et corner ensemble[274]. Et à l’aventure il a eu assez des meschances[275] et maleuretez dessusdites, dont il est fort débatu, tant qu’il n’a garde de s’enfuir, car il est bien dompté et bien atachié. Et aussi à l’aventure sa femme a deux ou troys ou quatre enfans, ou plus ou moins, et est grousse encore ; mais el est plus malade de ceste groisse[276] que de toutes les aultres, dont le bon homme est en grant soussy, et en grant douleur de lui querir ce qu’il li plaist. Or approuche le temps de l’enfantement, où elle est -78- tant malade que c’est merveilles, et tant que les femmes ont grant paour que elle n’en puisse eschapper : mais le bon homs la voue aux saincts et saintes ; et aussi elle se voue à Nostre-Dame du Puy en Auvergne, à Rochemadour[277], et en pluseurs aultres lieux. Or avient, Dieu mercy, qu’ilz ont ouy les prieres du bon homme, et se delivre sa femme d’un bel enfant, et fust ores le dauphin de Viennois ; et acouche longuement[278]. Les commeres viennent, et se font les levailles belles et grandes. La dame est bien gouvernée et bien ayse, et s’efforce fort[279]. Si advient que trois et quatre de ses commeres s’esbatent en la meson de l’une d’elles, pour galler[280] et parler de leurs chouses, et sera aventure s’il n’y a aucun fatras, dont je me tais, dont elles despendent et confondent plus de biens à celle gallerie[281] que le bon homme n’eust pas en huit jours pour tout son mesnage.

Le temps nouvel s’approuche, et les vertuz s’esmouvent par l’einfluence des elemens et des planetes. Si convient aller aux champs jouer. Lors emprenent à aller en quelque pelerinage ; et quelque besongne que les mariz aient à faire, il ne leur en chault. Lors la dame dont nous parlons dit : « Vraiement, ma commere, je ne sçay comment je puisse avoir congié. — De cela je ne me soucy point. Par Dieu, ma commere, dit l’autre, nous irons toutes, et ferons bonne chiere ; et y viendra ma commere telle, et mon cousin tel », qui à l’aventure ne lui est rien, mais c’est la maniere -79- de le dire. Et ont entreprins d’aller en voyage, pource qu’ilz ne peuvent pas bien faire à leur guise en leurs mesons.

Or est entreprins le voyage, et se departent d’ensemble. La dame dont nous parlons s’en va à sa meson, et fait mauvèse chere, et le bon homme aussi vient de la ville ou d’ailleurs de ses besongnes, et lui demande que elle a. « Sire, fait-elle, je suy corrocée, car l’enfant est trop malade (lequel en effect est tout sain) ; il est, fait-elle, si chault que c’est merveilles ; et m’a dit la nourrice qu’il y a deux jours qu’il ne print la mamelle : mais elle ne l’ousoit dire. » Le bon homme est bien dolant, et le vient regarder et veoir, et lui en viennent les lermes aux yeulx de pitié. La nuit vient, et quand ilz sont à leur privé[282], la dame souppire et commence à dire : « Vraiement, mon amy, vous m’avez bien oubliée. — Comment ? fait-il. — Ne vous souvient-il, fait-elle, comment je fus tant malade de noustre enfant, et que je me voué à Nostre-Dame du Puy, et de Rochemadour ; et vous n’en faites compte ? — Avoy, fait-il, m’amie, ne savez-vous pas comment j’ay tant à fère, que je ne scey auquel obéir ? Mais le temps n’est pas passé. — Par Dieu, fait-elle, je ne seray jamès aise jusques ad ce que je m’en soye acquittée ; et, par ma foy, j’ai ma créance[283] que l’enfant est malade du pechié que j’en ay fait. — M’amie, fait-il, Dieu scet bien la bonne voulenté que nous avons. — Ha a ! fait-elle, ne m’en parlez plus : car certes je iray, s’il plaist à Dieu et à vous. Et -80- aussi ma mere, et ma commere telle, et mon cousin tel y viendront : je ameroye mieux le souffretage d’ailleurs[284]. » Et quoy qu’elle die, s’il y a souffretté[285], le bon homme l’aura, et non pas elle.

Le bon homme pense en ce voyage, car à l’aventure il n’a pas bien ce qu’il lui fault, et est en grant soussy. Or s’approuche Quasi modo, qu’il fault partir et aller oïr les oiseaulx[286], et convient qu’il face finance de chevaulx[287], selon son estat, et convient que elle ait robbe à chevaucher[288] Et à l’aventure ira ung tel gallant en la compagnie, qui lui fera plaisir et service voulentiers sur le chemin, du bien de luy et de sa courtoisie. Et aussi pourra estre que le bon homme ira avecques elle ; mès s’il y va, il lui vaulsist mieulx, de quelque estat qu’il soit, qu’il demourast à l’oustel, et deust ores porter pierres à son coul touz les jours. Car peut-estre qu’il n’a point de vallet, et convient qu’il luy face plusieurs services sur les chemins ; et s’il avoit vingt vallez il ne souffiroit pas ; aussi ne seroit-elle pas contente s’il n’avoit paine et meschief à desmesure. Maintenent elle dit que elle a un estref[289] trop long et l’autre trop court ; maintenent luy fault son mantel ; maintenent le lesse ; puis dit que le cheval trote trop dur, et en est -81- malade ; maintenent elle descent, et puis la fault remonter, et fault qu’il la maine par la bride pour passer ung pont ou ung mauvès chemin ; maintenant elle ne peut menger, et si convient que le bon homme, qui est plus crotté que ung chien, trote parmy la ville à lui querir ce que elle demande. Et ce non obstant elle ne prendra rien en pacience. Et encore les aultres femmes de la compaignie dient ainsi au bon homme : « Vraiement, mon compere, vous n’estes pas bon homme à mener femmes par païs, car vous ne sçavez rien de les gouverner. » Le bon homme les escoute, et passe temps, car il est ainsi acoustumé à noises et à travail comme goutieres à pluye. Or arrivent au Puy en Auvergne à quelque paine, et font leurs pelerinages, et Dieu sceit si le bon homme est bien deboutté et foullé en la presse, pour faire passer sa femme ; or lui baille sa femme sa sainture et ses patenoustres, pour les toucher aux reliques et au saint ymage de Nostre-Dame : et Dieu sceit s’il est bien empressé, et s’il a de bonnes coudées et de bons repoux[290]. Or y a de riches dames, damoiselles, bourgeoises, qui sont de leur compaignie, qui achaptent patenostres de coral, de gest[291], ou d’ambre, aimeaulx[292] ou autres joyaulx. Or faut-il que sa femme en ait aussi bien comme les aultres ; et à -82- l’aventure le bon homme n’a pas trop de chevance, mais nyentmoins il faut qu’il en pourvoye.

Or s’en reviennent, et telle paine que le bon homme aura eu à l’aller, il l’aura au revenir. Et porra estre que l’un de ses chevaulx se recroira[293], ou demourra par aucun accident de morfonture, de releveure, ou d’aultre chose, et convient au bon homme en achapter ung aultre, et à l’aventure il n’a pas de quoy ; en ce cas il conviendra qu’il trote à pied, et qu’il soit tousjours quant et quant[294]. Et encore luy demande-elle souvent des prunelles des buissons, des serises et des poires, et tousjours lui donne paine : et avant lesseroit-elle cheoir son fouet ou sa verge, ou aultre chose, afin qu’il les ramasse pour les lui bailler.

Or se rendent en la meson, où le bon homme a mestier de repoux[295] ; mès encore n’est-il pas temps, car la dame, qui est lassée, ne fera rien de XV jours, sinon parler o ses commeres et cousines, et parler des montaignes que elle a veues, et des belles chouses, et de tout ce que lui est avenu. Et par especial et se plaint du bon homme, en disant qu’il ne lui a fait nul service du monde, et que elle en est toute morfondue. Et le bon homme trouve à l’oustel tout le mesnage bossu ; et met grand paine de mettre à poinct ce qui n’est pas bien, et briefvement il a toute la paine : et s’il y a aucun bien, elle dira que c’est par elle et par son bon gouvernement ; -83- et si la chouse ne va pas bien, elle tensera, et dira que c’est par luy. Dorenavant elle vouldra voiager et estre par chemins, puis que et y a commencé. Le sien se gastera. Il vieillira et sera gouteux ; le mesnage croistra, et la despence. Elle dira dorenavant qu’elle est quassée des enfans et des veages[296], et tousjours tensera et devendra toute maistresse. Là est le bon homme en la nasse bien enclous[297], en douleurs et en gémissemens qu’il prent et repute pour joyes ; esquelles il sera et demeurera tousjours et finera miserablement ses jours.

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LA NEUFVIESME JOYE.

La neufviesme joye de mariage, si est quant le jeune homme s’est mis en la nasse et en la prison de mesnage ; et après les delitz qui y sont premierement trouvez, la femme sera à l’aventure diverse et male (et n’en y a gueres d’autres) et tousjours a actendu[298] à avoir authorité et seigneurie en la maison, autant comme son mary, ou plus, si elle a peu. Mais à l’aventure il est homme sage et malicieux, et ne li a pas voulu souffrir, mès a resisté par maintes manieres, et y a eu plusieurs argumens et repliques entre eulx par maintes fois, et aucunesfois y a eu batailles. Mais que ce soit, non obstant toutes guerres qui ont duré entre eulx vingt ou XXX ans, ou plus, est demouré en ses pocessions victorieux ; et povez penser si en tant de temps il a eu assez à souffrir : car peut-estre qu’il a eu une grant partie des adversitez et tribulacions dessusdites et qui sont contenues cy-après. Mais nyentmoins il est demouré victorieux, et n’a point esté de fait envilleny -85- ne de son deshonneur, mès moult a eu à souffrir, qui y penseroit bien. Et à l’aventure il a de belles filles qu’il a sagement mariées. Si avient que pour les grandes peines et travailz, les malles nuiz et les froidures qu’il a eues pour acquerre chevance et vivre à honneur, comme ung chacun doit faire, ou pour accidens, ou pour vieillesse, le bon homme chiet en langour de maladie, de goute, ou d’autres choses, tellement qu’il ne se peut lever quant il est assis, ne partir d’un lieu, ou est pris d’une jambe ou d’un bras, ou lui sont venus pluseurs accidens que l’on voit avenir à pluseurs. Lors est la guerre finée, et est tournée la chance mallement : quar la dame, qui est assez en beau point et plus jeune à l’aventure que lui, peut-estre, ne fera plus rien sinon ce qu’il lui plaira. Le bon home est atrapé, qui avoit fort entretenue la guerre par maintes manieres. Les enfans, que le bon homme avoit tenuz en doctrine et tenuz court, seront mal instruiz dorenavant, car si le preudome les veult blasmer, la dame sera contre luy ; dont il a grand deul en son cuer. Et encore est en dangier de touz ses serviteurs[299] pour le service qu’il luy fault, qui est bien grand. Et combien qu’il a aussi bon sens qu’il eut oncques, si lui font-ilz acroire qu’il est assoti, pource qu’il ne peut hober d’ung lieu. Et à l’aventure son filz aisné vouldra prendre le gouvernement de soy, par la soustenance de sa mere, comme celui à qui sa -86- mort tarde ; dont il est assez de telx. Et quant le proudomme se voit ainsi gouverné, et que sa femme, ses enfans et serviteurs ne font compte de lui et ne font rien qu’il commande, et mesmement ne voulent pas à l’aventure qu’il face testament, pource qu’ilz ont senty qu’il ne veult pas donner à sa femme ce qu’el lui demande, et le laissent aucunesfois demy jour en sa chambre sans aller devers lui ; et endure fain et soif et froit. Et pource le preudome, qui a esté discret et sage, et encore a très-bon sens, entre en desolacion moult grant de pencées, et dit à soy-mesmes qu’il y pourverra, et mande sa femme et ses enfans : laquelle femme lesse à l’aventure à coucher o luy, pour son ayse, car le bon homme ne peut plus rien faire, et se plaint et deult. Hellas ! tous les plesirs qu’il fist oncques à sa femme sont oubliez, mais à elle souvient bien des riotes qu’il luy a menées, et dit à ses voisines qu’il luy a esté mal homme, et lui a mené si malle vie que, si elle n’eust esté femme de grant pacience, et n’eust sceu tenir mesnage avecques luy. Et qui pis est, elle dit souvent au bon homme que pechié lui nuist[300]. Et à l’aventure et est une vieille saiche, aigre et arguant[301], qui se venge ainsi de lui de ce que elle n’avoit pu estre mestresse de lui le temps passé, pource qu’il estoit homme discret et sage. Et povez bien penser si le bon homme est bien aise -87- de estre ainsi appistolé[302]. Et quant la dame et ses enfans sont davant luy, comme dit est, il dit à la femme : « M’amie, fait-il, vous estes la chose du monde que je doy plus aimer, et vous moy, et sachez que je ne suy pas content de moult de choses qui me sont faictes. Vous savez que je suis seigneur de la meson, et seray tant comme je vivray ; mais l’en ne me fait pas semblant : car si je estoye ung pauvre home qui allast querir le pain pour Dieu, l’en ne me devroit pas faire ce que l’en me fait. Vous savez, m’amie, que je vous ay amée et chier tenue, et ai mis grant paine à soustenir nostre estat : et vos enfans et les miens se portent[303] mal envers moy. — Et que voulez-vous que je face ? fait la dame ; l’en vous fait tout le mieux que l’en peut : vous ne savez que vous demandez. Mais qui mieulx vous fait et pis vous a[304], et oncques vous ne fustes aultre : je scey bien à quoy m’en tenir. — Ha a ! belle dame, lassez en ester les parolles, car je n’en ay plus que fere. » Le bon homme parle à son filz ainsné : « Enten à moy, mon beau fils : je regarde ton gouvernement, qui ne me plaist pas. Tu es mon filz aisné, et seras mon principal heritier, si tu te gouvernes bien. Mais je regarde que tu te donnes auctorité de me prendre le gouvernement de mes biens. Ne te metz point si avant, et pense de moy servir et de me obeir comme tu le doiz faire. Je t’ay esté bon père, car je n’ay pas empiré mon heritage, mès l’ay bien acreu et -88- amendé, et t’ay amassé des biens assez. Car si tu faiz le contraire, je te jure par ma foy que je te feray desplaisir, et que tu ne joïras de chose que Dieu me ait donnée ; et t’en prens garde. — Et que voulez-vous, fait la dame, qu’il vous face ? L’en ne sauroit comment vous servir. On auroit trop affaire, qui voudroit estre toujours o vous ; et il fust mestier que vous et moy fussons en paradis, et ne seroit pas mèsen[305] à grant dommage. Vous ne savez ce que demandez : n’estes-vous pas bien aise ? — Or, belle dame, fait-il taisiez-vous en, et ne le soustenez pas ; car c’est tousjours vostre maniere. »

Lors se departent, et parlent la dame et le filz ensemble, et dient qu’il est assoty : et pource qu’il a menacé le filz, ils dient qu’il est en voie d’empirer son heritage, qui n’y pourverra[306], et concluent ensemble que home du monde ne parlera plus avec lui. Le filz veult entrer en gouvernement plus que devant, car la mere le soustient. Ils s’en vont et dient à chacun que le proudomme est tourné en enfance ; et travaille le filz à faire mettre le bon homme en curatelle, et luy font acroire qu’il a perdu le sens et la memoire, combien qu’il est aussi sage qu’il fust oncques. Et s’il vient aucun à l’oustel parler à luy, lequel avoit acoustumé à tenir bonne meson et faire bonne chiere aux gens qui le venoient voir, et demandent le proudomme à la dame et elle respondra : « Par ma foy, mes amis, il est en la chartre nostre Seigneur[307]. — Et comment, fait-il, -89- lui est-il avenu ? — Par ma foy, fait-elle, il est comme ung innocent, et du tout tourné en enfance jà pieczà. Dieu soit loué, fait-el, de quant qu’il[308] me donne : car je suy bien chargée de grand mesnage, et n’ay qui s’en mesle que moy. — Vraiement, fait-il, c’est grant dommage, et si m’en esmerveille bien, car il n’a encor guères que je le vi aussi sage homme comme il en avoit point en cest païs. — Ainsi est, fait-elle, de la voulenté de Dieu. »

Ainsi est gouverné le bon homme, qui a vescu honourablement, et se gouvernast bien et son mesnage, qui le voulist croire. Or povez penser si le bon homme use sa vie en grande languisson[309], qui ne peut partir d’un lieu, et ne peut aller ne dire les graves torts que l’en lui fait. Ainsi vit en languissent, et use sa vie. Jamais n’aura joye, et est de merveilles qu’il ne entre en desesperance ; et si feroit, si n’estoit qu’il est sage homs. Si lui convient prendre en patience, quar aultre remede n’y peut il metre ; ne homme ne parlera à luy, sinon par congié. Et quant à moy, je croy que c’est cy une des grans douleurs qui soit sur terre. Ainsi fait le proudomme sa penitance, et pleure souvent ses péchiez en la nasse qu’il avoit tant desirée, et avoit prins si grant peine à y entrer, dont il n’ystra[310] jamès. Et s’il n’y estoit, il ne fineroit jamès jusques ad ce qu’il y fust entré. Et ainsi sera en languissant tousjours, et finera miserablement ses jours.

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LA DIXIESME JOYE.

La dixiesme joye de mariage, si est quant celuy qui est marié s’est mis dedans la nasse, pource qu’il a veu les aultres poissons qui se esbanoioient dedens, ce luy sembloit ; et a tant travaillé qu’il a trouvé l’entrée pour estre à ses plaisirs et deliz, comme dit est. Et peut l’en dire que l’on le fait entrer en la nasse de mariage comme l’oyselleur fait venir les oiseaux de riviere dedens la forme[311], par certains autres oiseaux affectiés[312], qui sont attachés en la forme, et leur donne à menger du grain ; et les aultres oyseaux, qui ne font que -91- voller de riviere en riviere pour trouver viande qui leur plaist, cuident qu’ilz soient bien aises. Hellas ! ils ne le sont pas : car ils sont tenus chacun par le pié attachié, et sont apportez à l’hostel en ung pennier l’un sur l’autre à grant douleur, contre leur nature. Moult fussent aises les pouvres oiseaux prisonniers si fussent en la liberté que sont les autres, qui povent aller de riviere en riviere, et taster de toutes viandes. Mais quand ils voient les aultres pasturer comme dit est, ilz se mectent avecques eux à grans vollées et grand haste, que l’un ne atent point l’autre, sinon aucuns oiseaux rusés, qui ont veu et ouy parler de la fourme, et l’ont bien retenu, et ne l’ont pas mis en nonchalloir, mais s’en tirent arriere comme du feu. Car les pouvres oiseaux qui sont dedens ont perdu leur liberté, que jamès ne recouvreront, mais demoureront en servage tousjours ; et qui pis est, on leur abrege leurs jours. Mais non obstant ce, celui qui est marié, dont nous parlons, a avisé à se mectre le moins mal qu’il a peu ; ou à l’aventure le fait sans gueres y aviser. Et que que soit, il cuide avoir joies, delices et esbatemens là où il est mis aucunesfois ; mès il a trouvé tout le contraire. Et aucunesfois avient, par ne scey quelles choses, que l’en dit que ce sont envoustemens, carathemens[313] ou malefices, que sa femme ne l’ameroit jamès ; et lui est avis, ce dit à sa cousine ou à sa mere, qui la blasme, que quant elle -92- est emprès son mary, que la chair li espoint comme asguilles[314], ne jamès ne feroit amour ne plaisir à son mary. Et dit encore qu’il ne peut rien faire, sinon quant il plaist à ceulx qui ont fait le sort, combien qu’ilz en ont bien grant voulenté. Voiez-cy bien grans tourmens, ce me semble ; comme qui auroit grant soif, et auroit la bouche touchant à l’eaue, et ne porroit boire. Et avient souvent que telles femmes, qui sont en tel estat, ont un amy, que quand ilz sont ensemble il n’est pas envoulsté, mais se aide bien de ses membres, o l’aide qu’ilz y mectent.

Aussi avient souvent que le mari, par le mauvès gouvernement de sa femme et de son amy, s’en apperçoit, et la batra. Et aucunesfoiz elle pourchace à lui faire villennie, qui est avenu à pluseurs. Et aucunesfois avient que, pour les malles noises qu’il li maine[315], et aussi qu’il la bat, qu’elle se va et plante son mary pour raverdy : mais non obstant, il en est aucuns mariz qui enragent, et serchent et quierent par-tout, et vouldroyent avoir donné tout leur meuble qu’ilz l’eussent trouvée. Et quand elle s’est bien prou esbatue de son amy[316], et voit la bonne volonté de son mary, elle a aucuns de ses amis qui traictent avecques la mere, qu’elle die qu’elle a tousjours esté avecques elle, et que la pouvre fille s’en estoit allée pource qu’il la vouloit affoller. « Je ameroye mieulx, fait la mere au mary, que la me baillassez du tout, que la battre ainsi ; car je -93- scey bien que ma fille ne vous fist oncques faulte. » Et lui en fait grand serement. « Or regardez, fait-elle, si elle fust de mauvès gouvernement[317], la pouvre fille estoit perdue par vostre faute. » Et sachez qu’il est avenu à aucuns que l’en leur faisoit boire de mauvès brouez, affin de porter les braies[318], ou pour autres choses pires.

Il avient aucunesfois que l’ome ou la femme demandent estre separez : le mary aucunesfois accuse sa femme, et la femme accuse son mary. Ilz se sont mis en la nasse, et en voulissent estre dehors ; il n’est pas temps de s’en repentir. Ilz pledoient fort : et avient aucunesfois, pource qu’ilz ne alleguent pas causes suffisans pour avoir separation, ou ne preuvent pas suffisamment leur entencion, le juge dit par jugement qu’ilz tiendront leurs mariages, et les amonneste. En oultre les biens où ilz estoyent premierement, ilz ont ce lopin davantage ; car ils ne estoient pas assez bien : et en oultre se sont fait moquer à tous. Aucunesfois avient qu’ilz alleguent causes suffisantes l’un contre l’autre ; pour quoy le juge par jugement les separe, et leur deffent à grousses paines qu’ilz se tiennent chastement en continence. Mais veez-cy qu’il en avient : l’un ou l’autre, ou tous deux, se maintiennent follement, et font leur voulentez où il leur plaist. Aucunesfois une telle femme s’en va de chambre en chambre, à une bonne ville, et fait tout son -94- plesir. Ilz se cuident estre mis hors de la nasse, et cuident estre eschappez ; mais ils sont pis que devant. Or est l’homme, de quelque estat qu’il soit, gasté et affolé en ce monde, et la femme aussi : ilz ne se povent plus marier la vie durant de l’un ou de l’autre ; s’ils ont grans possessions et sont de grant lieu, leur nom est perdu, et mourront sans heritiers. L’homme est moult à honte de sa femme, qui est vulgairement affolée[319] : car à l’aventure quelque gallant la tient à sa meson davant lui honteusement. Et me semble que c’est ung des grands tourmens que home peut avoir. Or a il du mesnage ! Ainsi use sa vie en la nasse en douleurs et en tourmens, où il vivra languissant tousjours et finera miserablement ses jours.

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LA ONZIESME JOYE.

La onziesme joye de mariage, si est quant ung gentil gallant, jeune et jolis, s’en va par païs gaiement, et est en franchise, et peut aller de lieu en lieu à son plesir sans nul empeschement ; et va au long de l’an en pluseurs lieux, et par especial où il sceit dames, damoiselles, bourgeoises ou aultres femmes, selon l’estat dont il est : et pource qu’il est jeune, vert et gracieux et amoureux, et est encor simple, bien bejaune[320], il ne s’esmoye de nulle chose, fors de ses delits et plaisances trouver. A l’aventure il a pere et mere, ou l’un ou l’autre, à qui il est toute leur joye, et n’ont enfant que lui, et pource le montent et appareillent bien : ou à l’advanture il est seigneur de terre nouvellement, et va gaillardement par pays en bonnes compagnies et en bons lieux, et s’il trouve aucune dame, damoiselle, bourgeoise ou aultre qui eust affaire de luy, il s’emploieroit volontiers.

Et vient en un houstel où il a une belle damoiselle, -96- qui est à l’aventure de plus haut lignage que lui, ou moindre, ou est bourgeoise ou d’aultre estat : mais quoy que soit, elle est belle et honneste, et de si très-belle maniere que c’est merveilles. Et pource que et est si belle et si bien renommée, elle a esté plus prisée et plus priée, et y sont venuz plus de supplians. Et à l’aventure en y a eu tant, qu’il en y a eu ung qui tant luy a ouffert de raison[321] qu’elle ne a peu refuser ; car femme raisonnable et de bonne complession sanguine est franche et debonnaire, et ne pourroit jamès resfuser une supplication, si celui est tel qui la présente qu’il face poursuite suffisante et convenable ; combien que toutes les autres de toutes les complessions entendent bien raison, s’il y a qui bien leur donne à entendre la matiere. Et retournons à la jeune damoiselle, laquelle par importunité et oppression d’un pouvre compaignon, qui par pluseurs foiz lui a dites ses complaintes, luy a octroyé ce qu’il lui demandoit ; et à l’aventure et est fille de la meson, niepce ou parente, et est tellement avenu qu’elle est grousse ; à laquelle chouse n’y a remede sinon le celer, et reparer la chouse à mieulx que l’on peut. Et aussi la dame, qui l’a sceu, qui est assez sage femme, y mectra, si Dieu plaist, bonne provision[322] ; et le pouvre home qui a ce fait en est banny et n’y vient plus. Et feist voulentiers la dame tant qu’il la prenist à femme ; mais à l’aventure est-ce un pouvre clerc ou d’aultre estat que l’en ne la lui baillera pas, ou -97- à l’aventure est marié, qui avient souvent. Et Dieu en pugnist aucunesfois les mariez par semblable paine ; car ils trahissent leurs femmes, qui est follie, car ilz ne sçavent pas tout ce que l’en fait : quar la femme qui se sent envillenie[323] ne vault riens si et ne met paine à en avoir retour[324].

Il faut prendre la chouse comme elle est advenue à la pouvre fille, qui est grousse, et n’a gueres de temps, et elle mesmes n’en sceit riens, car elle n’est que ung enfant qui ne sceit que c’est ; mais la dame, qui sceit assez de chouses, l’a bien cogneu, car la pouvre fille vomist au matin et devient pasle. Or s’avise la dame, qui sçait tout le Vieil Testament et le Nouvel[325], et appelle la fille bien secretement. « Vien-cza, fait-el ; je t’ay autresfois dit que tu es perdue et deshonnourée d’avoir fait ce que tu as fait ; mais ce qui est fait est fait ; ge cognois bien que tu es grousse, dis m’en la vérité. — Par ma foy, fait la jeune fille, qui n’est que ung jeune tendron qui ne fait encore que vitailler[326] entre XV et XVII ans, Madame, je n’en sceis riens. — Il me semble, dit la dame, que quant vient au matin je te voy vomir et fere telle contenance et telle. — Vrayment, fait-elle, Madame, il est vray que le cuer me fait mal. — Ha a ! fait la dame, tu es grousse, sans faulte : ne sonne mot, et n’en fay semblant à personne du monde ; et garde bien que tu faces ce que je te diray. — Voulentiers, -98- Madame, fait l’enfanton. — N’as-tu pas veu, fait la dame, tel escuier qui vient souvent ciens ? — Oil vraiement, Madame. — Or avise bien, quar il viendra demain ; et garde que tu lui faces bonne chiere et de bonne maniere. Et quant tu verras que moy et les aultres gentils hommes et femmes parlerons ensemble les ungs aux aultres, gete tousjours les yeulx sur lui bien doulcement de bonne maniere, et fay ainsi. » Lors elle lui monstre comment elle fera. « Et S’il parle à toy, escoute-le voulentiers et doulcement, et lui respons bien courtoisement : et s’il te prie d’amours, garde que tu l’escoutes bien et l’en mercie ; mès dy lui que tu ne sceis que c’est, et que encore ne le veulx-tu pas savoir : car femme est mallement ourgueilleuse, que que nul die, qui ne veult escouter parler les gens qui lui veulent faire plaisir. Et s’il te veult donner or ou argent, n’en pren point ; mais s’il te présente ennel[327], sainture au aultre chouse, refuses-les doulcement, mais en la parfin prens-les pour l’amour de luy, sans y penser mal ne villenie : et quant il prendra congié, demande lui si l’en le verra mès en piece. — Voulentiers, Madame », fait la damoiselle.

Or s’en vient le gentil gallant, qui sera mis en la nasse, car la dame le veult marier, si elle peut, à la damoiselle, car il est très-bien herité[328], et est simple et béjaune : si en sera Martin de Cambray, car il en sera saint sur le baudroy[329]. -99- Or s’en vient voir les damoiselles, car il est trop aise ; il a très-bonne chiere, car toutes ont tendu leurs engins à le prendre. Ilz vont disner, et fait bonne chere. Après disner, la dame prend ung chevalier ou ung escuyer, et se siet, et les aultres aussi se séent pour parler et galler ensemble. Le gallant se tient près la fillete, et parlent ensemble ; et quoi que soit, il s’avance et la prend par la main, et lui dit : « Pleust à Dieu, ma damoiselle, que vous sceussés mes pensées ! — Vos pensées ! fait-elle ; et comment les pourroye-je sçavoir si vous ne les me disiez ? Pensez-vous, fait-elle, chouse que vous ne me devez bien dire ? — Par ma foy, fait-il, nanil, je ne pense chouse que je ne voulisse bien que vous sceussés ; mais je vouldroye bien que vous sceussés mes pensées sans que je les vous disse. — Vraiement, fait-elle en riant, vous me dites chouse qui ne se pourroit faire. — S’il vous plaisoit, fait-il, mès que vous n’y eusses desplesir, je les vous diroye. — Sire, fait-el, dites ce qu’il vous plaira, car je scey bien que vous ne me direz que bien. — Dame, fait-il, je suis ung pouvre gentilhomme, et scey bien que je ne suis pas digne de desservir[330] -100- que je soye vostre amy par amours, quar vous estes belle et gente et gracieuse, et plaine de touz les biens qui furent oncques mis par nature en damoiselle ; mès s’il vous plaisoit me faire l’honneur qu’il fust ainsi, je me ouse bien vanter que de bonne voulenté, de diligence et de touz les services que home pourroit faire, je vous serviroye, et ne vous lesseroye point, pour nulle chose qui en deust avenir, et garderoye vostre honneur plus que le mien. — Grant merciz, fait-elle, Sire ; mès pour Dieu ne me parlez de telles chouses, car je ne sçay que c’est ne ne veil sçavoir : car ce n’est pas ce que Madame m’ensaigne tous les jours. — Par ma foy, fait-il, ma damoyselle, Madame dont vous parlez est une très-bonne dame ; mais elle n’en sçauroit jà rien, s’il vous plaisoit, car je m’y gouverneroye tout à vostre plesir. — Et, beau Sire, je ouï parler l’autre jour de vous marier. Bien m’esmerveille dont vous vient parler de telles paroles ? — Par ma foy, ma damoyselle, s’il vous plaisoit, je ne me mariroye jamais tant qu’il vous plairoit que je fusse vostre serviteur. — Ce ne seroit pas, fait-elle, vostre prouffit ne le mien ; et voz amis ne le conseilleroient pas : et aussi, vouldriés-vous bien que je fusse deshonnourée ? — Par ma foy, fait-il, ma damoiselle, je ameroye mieulx estre mort. — Pour Dieu, fait-elle, taisez-vous ; car si Madame s’en apercevoit je seroye gastée. » Et à l’aventure la dame lui a fait signe que elle se taise, pour ce qu’elle a paour que elle ne joue pas bien son personnage. Lors il li baille par dessoubz la -101- main ung annel ou autre chose, et lui dit : « Je vous pri, ma damoiselle, gardez cecy pour l’amour de moy. — Certes, fait-elle, je ne le prendray point. — Hellas ! fait-il, ma damoiselle, je vous en prie. » Il le lui met en la main, et elle le prent et dit : « Je le prendray donc pour l’amour de vous, sans y penser à nul mal, mais en tout honneur. »

Lors la dame dit aux gentilzhommes, dont il y en a à l’aventure des parens de la jeune damoiselle : « Il convient, fait-elle, que nous aillons demain en pelerinage à Nostre-Dame de tel lieu. — Vraiement font-ilz, Madame, c’est très-bien dit. » Ilz vont souper, et tousjours mectent le gallant près la damoiselle, qui tousjours fait bien son personnage, tant et tellement qu’il est tout alumé et embrasé de s’amour, car jeune homme en tel cas ne sceit que il fait.

Or vient le lendemain, qu’ilz montent à cheval, et n’y a cheval qui porte derriere, ce dient-ils touz, que celui du gallant, dont il a grant joye, car l’en lui baille la damoiselle derriere lui : elle l’embrasse à cheval pour soy tenir, et Dieu sceit s’il est bien aise ; car il voudroit avoir donné à present un grant loppin de sa terre et qu’il la tenist à son plesir. Il s’approuche fort d’entrer en la nasse. Or font leur veage en bonne devocion, Dieu le sceit. Ils retournent disner à l’oustel, car le veage n’a esté fait que pour enveloper l’autre. Tousjours est le gallant près de la fille. Quand vient après disner, la dame s’en va en sa chambre, et demande à la fille : « Avant, fait-elle, dy moy comment tu as besongné. — Par mon serement, Madame, fait-elle, il ne m’a -102- finé a journée de prier[331] » ; et luy compte tout. — « Or avant, fait-elle, respons luy bien sagement, et lui dy que l’en parle de te marier, mais que tu ne le veulx point estre encores : et s’il se ouffroit à te prendre, mercie le, et lui dy que tu m’en parleras, et qu’il est l’omme du monde que tu aimeroies mieulx. »

Puis s’en vont touz au jardin et vont jouant par les violliers et trailles[332], et le gallant dit à la fille : « Pour Dieu, m’amie, aiez mercy de moy. — Hellas ! fait-elle, je vous prie, ne m’en parlez plus, ou je lesseray vostre compaygnie. Vouldriez-vous, fait-el, que je perdisse mon honneur ? N’avez-vous point ouy dire que l’en parle de me marier ? — Par m’ame, fait-il, je ne vouldroie rien blasmer, mès il m’est avis que suy aussi bien à la vallue de vous faire service et plaisir comme est celui dont j’ay ouy parler. — Par ma foy, fait-elle, je scey bien que ouy mieulx, et vouldroie bien qu’il vous ressemblast. — Grant mercy, fait-il, ma damoiselle ; je voy bien que de vostre courtoisie vous me prisez plus que je ne suy digne ; mais s’il vous plaisoit me faire l’onneur, je m’en tiendroye pour bien honnouré. — Grant merciz, Sire, fait-elle ; il conviendroit parler à Madame et à mes amis. — Si je savoye qu’il pleust y entendre, fait-il, je leur en parleroye. — Pour Dieu, fait-el, ne dites pas que vous m’en avez parlé, ne que je vous en aye tenu parolles, quar je seroye morte, — Non ferai-ge », fait-il.

-103- Il s’en va tantoust, et en parle à la dame moult humblement, car il a grand paour qu’elle le refuse. Briefment, tant que la chose est celée, ils le fiancent ou autrement le font tout par eulx, et passent tout outre sans parler à nul homme, comme il avient souvent, et à l’aventure les font coucher ensemble. Le pouvre homme est en la nasse, et s’est marié sans en parler à pere ne à mere, qui en sont si doulans que c’est merveilles ; car ilz savoient que ce n’estoit pas mariage pour luy, et ont ouy dire des nouvelles assez de ce que est, et ils sont entre la mort et la vie. Ilz font les nopces sans bans et sans selles[333], à l’aventure, quar il lui tarde moult qu’il la tienge[334], et aussi les amis de la fille ont paour qu’il y ait aucun empeschement. La nuit vient, et sachez que la mere a bien introduite[335] la fille, et enseignée qu’elle luy donne de grans estorces, et qu’elle guische[336] en maintes manieres, ainsi que une pucelle doit faire ; et lui a bien aprins la dame que quant elle sentira faulser la piece, elle giete ung cry d’alaine souppireux, ainsi comme d’une personne qui se met à coup[337] tout nud en l’eaue froide -104- jusques aux mamelles, et ne l’a pas acoustumé. Ainsi le fait, et joue très-bien son personnage, quar il n’est riens si sachant comme est femme en ce qu’elle veult faire touchant la matiere secrette.

Les chouses sont bien jusques à l’autre assise ; mais veez-cy qu’il en avient. Le pere et la mere sont tant courrocé que c’est merveilles ; mès non obstant, pitié et amour qu’ilz ont à leur enfant leur fait recuillir le galant et sa femme. Mais veez-cy plus grant mal qu’il avient, car la pouvre femme a eu enfant à deux, à trois ou à quatre mois, et ne se peut celer. Lors toutes les joies du temps passé retournent en tristesses. S’il est tel qu’il la mecte hors, et sera honte, et tel le saura qui n’en sauroit riens ; et ne se pourra plus marier ; et sachez qu’elle ne s’espargnera pas. Et s’il la tient, elle ne le amera jamès, ne lui elle, et se aidera de tout ce qu’elle pourra. D’aultre part, il luy retraira souvent son fait, et à l’aventure la batra, ne jamais bon mesnage ilz ne tiendront ensemble. Mais non obstant il est en la nasse, dont il ne eschappera point, mais y sera en languissant tousjours et finera miserablement ses jours.

-105-

LA DOUZIESME JOYE.

La douziesme joye de mariage, si est quant le jeune homme est tant allé et venu qu’il a trouvé l’entrée de la nasse, et est entré dedens, et a trouvé femme telle qu’il la demandoit. Et à l’aventure il luy fust bien mestier d’en avoir trouvé une aultre ; mais il ne le vouldroit pour riens, car il lui semble qu’il est mieux assigné que nul aultre, et qu’il fust bien benheuré[338] quant il pleut à Dieu qu’il la trouvast, car à son avis n’en est nulle pareille à elle : et l’escoute parler, et se gloriffie en son fait, en sa prudence, combien par aventure elle ne sçait qu’elle ravace. Et peut estre le bon homme tel qu’il a tout disposé en soy de faire tout ce qu’elle dit, et se gouverne par son conseil ; et quand aucun a affaire avecques lui, il dit : J’en parlerai à ma femme, ou à la dame de nostre maison ; et si el le veult, il sera ; si el ne veult, il n’en sera riens : car le bon homme est si bien dompté, qu’il est debonnaire comme le beuf à la charrue. Or est-il à point. S’il est gentilhomme, et le prince face sa mandée et son -106- armée, si la dame veult, il ira. Et pourra-il dire : « M’amie, il fault que je aille à l’armée. — Vous irez ! fait-elle ; et que irez-vous faire ? despendre tout et vous faire tuer ? et puis voz enfans et moy serons bien ordonnez ! » Briefment, s’il ne lui plaist, il n’yra point ; et se deffende qui porra et garde son honneur qui vouldra. Et aussi, quant el veult, el en delivre bien la meson : car el l’envoye là où il lui plest. Si elle tense, il ne sonne mot, car, quelque tort que elle ait, il lui semble qu’elle ait droit, et qu’elle est sage. Il fera de beaux faiz dorenavant, puis qu’il est en gouvernement de sa femme : car la plus sage femme du monde, au regart du sens, en a autant comme j’ay d’or en l’œil, ou comme un singe a de queue[339] ; car le sens lui fault avant qu’elle soit à la moitié de ce qu’elle veult dire ou faire. Ou s’il est ainsi, encore avecques ce le bon homme a assés à endurer : et se porte fort son fait, si el est proude femme ; et si elle est aultre, qui avient souvent, pensez qu’il a assez à souffrir, et si elle lui en baille de belles, de vertes et de meures. Maintenant el l’envoie dormir quant il veut veiller. Si elle veult faire aucune chose secrete, elle le fait lever à mesnuit[340], et lui remembre[341] une besongne qu’il a à faire, ou l’envoie en ung véage où elle s’est vouée, à grand haste, pource qu’elle dit qu’il lui est prins mal en ung cousté, et ira, face pluye ou gresle. Et s’il avient que le gallant son amy, qui sceit les entrées de la -107- meson, veille parler à elle, et ne peut actendre, il s’en vient de nuit et entre en la meson, et se foure au selier, ou en l’estable, pour trouver maniere de parler à la dame, ou est si desespéré qu’il entre en la chambre même où le bon homme est couché. Car ung ribaut, en sa challeur, desespere et fait tout ce que son cœur lui ordonne pour acomplir sa voulonté ; et pource voit-on souvent que plusieurs, par leur mauvès gouvernement, sont veuz ou trouvez, par quoy leurs dames sont diffamées, qui sont si franches que quant elles voient les poines que leurs amis prenent pour elles, jamès elles ne les refuseroient, en deussent-elles mourir ; mès se alume le feu de la folle amour plus grandement. Et aucunesfois, quant le galant se boute en la meson, comme j’ay dit, le chien le sent et abaye : mès el lui fait acroire que ce sont les raz, et que elle lui voit bien souvent faire ainsi. Et si le bon homme avoit ores veu tout à cler la faulte, se[342] n’en creroit-il riens, mais penseroit qu’elle feist aultre chose pour son prouffit. Briefment, il est bien envelopé en la nasse. Elle lui fait porter les enfans jouer, elle les li fait bercer, lui fait tenir sa fusée[343] quant elle traouille[344] le samedi.

-108- Mais il n’a pas assez affere, et lui sourt[345] une nouvelle peine : car il vient guerre ou païs, pour laquelle chacun se retrait[346] és villes et chasteaux. Mès le bon homme ne peut partir ne laisser sa femme, et est à l’aventure prins et mené prisonnier villainement, et est batu et paye une grousse ranczon : or a-il du mesnage sa part, et pour eschiver[347] qu’il ne soit pas prins il se retrait en ung chasteau. Mais il va et vient de nuict en sa maison, parmy les bois et à tastons, parmy les haies et bussons, tant qu’il est tout rompu et depiecé ; et vient veoir son mesnage, et la dame crie et tense et li met sus tout le mal et le meschief, aussi bien comme s’il deust faire la paix entre les deux rois de France et d’Angleterre, et dit que elle ne demourra pas liens. Et convient au bon homme charroier sa femme et ses enfans à grant haste en chasteau ou à la ville : et Dieu sceit la peine qu’il a de monter et de remonter la dame et les enfans, de trousser et baguer[348], et de loger quant ilz sont en la forteresse ; il n’est homme qui bien le peust dire. Mès vous pouvez penser quelle peine il a, et comment il est maigre -109- et tourmenté de noise : car el ne sceit où revencher[349] de mal qu’elle ait si non sur lui, qui est à dure, à vent et à pluye. Et convient qu’il trote maintenant de jour, maintenant de nuit, à pié ou à cheval, selon l’estat où il est, puis czà puis là, pour querir de la vitaille, et pour ses aultres besoingnes. Briefment, le pauvre corps de lui n’aura jamès repoux, fors seullement paine et tribulation, car il n’est fait pour aultre chose. Et s’il avenoit que, pour ung grant ennuy de la noise que sa femme lui fait, il lui mescheist tant qu’il l’a voulsist rebeller[350] de respondre ou aultrement, sa paine sera redoublée, car il sera conclus[351] et vaincu en la parfin, et sera plus subjet que davant : car il n’est pas maintenant temps de commencer. Vous devez saver que les enfans sont mal instruiz et mal enseignez, ne le bon homme ne leur auseroit toucher, et convient qu’ilz aient tout ce qu’ilz demandent ; et quanque[352] ilz font est bien fait, et eussent ore trait[353] un œil à leur pere, en getant leurs pierres quant ilz jouent ensemble. Puis quant la guerre est passée, il faut charroyer tout le charreage[354] à l’oustel, et est la paine à recommencer. Or chiet le bon homme en vieillesse, et sera moins prisé que davant ; et sera reboutté lors comme un vieil faulconnier, qui ne vaut plus à nul mestier. La dame marie ses filles à sa guise, et aucunesfois les marie meschantement ; et elles ne leurs mariz -110- ne prisent rien le bon homme, qui devient goutteux et ne se peut aider, pour les maux qu’il a souffry. Lors pleure le bon homme ses pechiés en la nasse où il est enclos, dont n’ystra jamès ; et n’osera faire dire une messe et ne fait testament, si non qu’il met son ame entre les mains de sa femme. Ainsi use sa vie en langueur et en tristesse, où il sera tousjours et finera miserablement ses jours.

-111-

LA TREZIESME JOYE.

La treziesme joie de mariage, si est quant celui qui est marié et a demouré avecques sa femme V ou VI ans ou plus, et si a esté si beneuré, ce lui semble, qu’il a trouvé une très-bonne femme et sage, et si a vescu avec elle en grands plesances et deliz à l’aventure. Et est gentilhomme, et veult acquerir honneur et vaillance, et veut aler dehors, et le dit à sa femme, laquelle le baise et l’acolle, et lui dit par maintes fois en suppirant et en plourant : « Helas ! mon amy, me voulez-vous lesser et vous departir de moy, et lesser vos enfans, et ne savons si nous vous verrons jamès ? » Et met paine jour et nuit à le retenir, qu’il ne aille point. « M’amie, fait-il, convient que je y aille pour mon honneur, et fault que je obeisse au roy, ou aultrement ge perdroye le fié[355] que je tiens de lui : mès, si Dieu plest, je vous verray tanttost[356]. A l’aventure il va oultre mer en quelque armée conquerre honneur et chevalerie : car il y en a aucunesfois qui ont le cuer si bon et si noble, -112- qu’il n’est amour de femme ne d’enfans qui les tenist qu’ilz ne feissent tousjours choses honnourables. Si prent congié de sa femme à grand regrait, laquelle fait tout le deul que l’on pourroit dire : mais il est homme qui ayme honneur, et n’est rien qui le tenist, comme dit est. Il y en a la plus grant partie qui, pour deffendre la terre et eulx-mesmes, ne se povent partir de jouste leur femmes pour aller à dix ou XII lieues, si non par contrainte et en les poingnant de l’esguillon ; lesquels font sans faulte grant honte à toute noblesse, et sont lasches et devroyent estre privez de toute bonne compaignie, et de tout le nom et privilege des nobles : c’est à dire qu’il n’est nul qui entende la matiere qui soustienne que tieulx gens soient nobles, suppousé que leurs peres le ayent esté.

Or retournons à cest noble homme dont nous parlons. Il s’en va, et recommande sa femme et ses enfans, qu’il ame plus que chose qui soit, après son honneur, à ses especiaulx amis. Or avient qu’il passe la mer et est prins des ennemis ; ou par fortune ou aultrement, il demeure deux ou trois ou quatre ans, ou plus, qu’il ne peut venir. La dame est en grant douleur ung temps, et avient qu’elle a ouy dire qu’il est mort, dont elle fait si grand douleur que c’est merveilles. Mès elle ne peut pas tousjours plourer, et se apaise, Dieu mercy, et tant que elle se remarie à ung aultre, où elle prent son plesir, et tantost oublie son mary qu’elle souloit tant amer : et l’amour de ses enfans est oublié ; les belles chieres, les accollemens, les baisés, les beaux semblans qu’elle souloit faire à son mary sont -113- tous oubliez ; et qui la verroit se contenir avecques son derrain mari, l’en diroit qu’elle le ame plus que elle ne fist oncques l’autre, qui est prisonnier ou en aultre necessité pour sa vaillance. Ses enfans, que le bon homme amoit, sont deboutez, et leur despent le leur à grant banbon[357]. Ainsi jouent et gallent ensemble, et se donnent du bon temps. Mais il avient, ainsi que fortune le veult, que le bon homme noble son mary s’en vient, qui est moult envieilly et gasté : car il n’a pas esté à son aise, deux, ou trois, ou quatre ans qu’il a esté prisonnier : et quant il aprouche de son païs, il enquiert de sa femme et de ses enfans, car il a grant paour qu’ilz soyent mors, ou qu’ilz aient necessité. Et pensés que le bon-homme y a maintes fois songé en la prison où il estoit detenu, et s’en est donné maintes mal-aises, et sa femme se donnoit du bon temps : peut-estre à celle heure que le bonhomme y pensoit, et prioit Dieu qu’il les gardast de mal, que celui que el avoit darrainement prins la tenoit entre ses braz, et n’avoit garde de peril. Lors il oit dire qu’elle est mariée. Or jugez quelle haschée[358] il a, de oïr dire telles nouvelles. Je croy que la douleur du roy Priam de Troye la grant, quant il oït la mort de Hector le preux, ne la douleur à Jacob pour la mort de son filx Joseph, ne furent point pareilles à ceste douleur. Or arrive au païs, et sceit la chose certainement. S’il est homme d’onneur, jamès il -114- ne la prendra : l’autre qui l’avoit prinse, qui s’en est donné du bon temps, la lessera. Et ainsi el est perdue quant à son honneur, et à l’aventure se mettra en maulvais charroy, et tant, que le bon homme en aura une douleur perpetuelle, que jamès ne oubliera. Ses enfans aucunement seront ahontés par la faulte de leur mere. L’un ne l’autre ne se pourront plus marier, la vie de l’autre durant. Et est autresfois avenu que pour l’atisement de la femme, le mary, qui est de noble courage et hault, se combat en champ[359] ; et aucunesfois, selon ce que la fortune le veult, il est vaincu et occis[360] honteusement, qui est grant douleur. Maintesfois avient que celui qui a droit est vaincu, et celui qui a tort a victoire. Et avient aucunesfois que par l’ourgueil et bobant[361] de la femme le mary prend riote à un autre aussi puissant et plus que lui, pour le banc de leurs femmes, et pour la paix[362], et se débatent et combatent : car l’une veult aller devant l’autre. Et s’en engendrent entr’eulx paines perpétuelles, et en font assemblées d’amis, et quierent grans estaz à leurs fammes pour cuider surmonter l’un l’autre, où ilz despendent follement leurs chevances : dont il avient aucunesfois qu’ilz en vendent les choses ou leurs terres, qu’ils en viennent à pouvreté. Et pource, ceulx -115- à qui les choses dessusdites aviennent ont trouvé past en la nasse de mariage, où ils estoient cuidé entrer pour trouver aise : mais ilz ont trouvé le contraire, combien qu’il ne leur est pas avis. Ainsi usent leur vie en douleur, où ils demourront tousjours et miserablement fineront leurs jours.

-116-

LA QUATORZIESME JOYE.

La quatorziesme joye de mariage, si est quant le jeune homme a mis toute sa paine à trouver l’entrée de la nasse, qu’il y est entré, et a trouvé une belle jeune femme, doulce et gracieuse, franche, plaisant et debonnaire ; et ont esté en grans deliz et plaisances deux ou trois ans, qu’ilz n’ont fait nulle chouse qui aient despleu l’un à l’autre, mès se sont faits touz les plaisirs que homme pourroit dire ne penser, sans avoir nulz contens[363] ensemble, eulx baisans comme deux coulombeaux : car ilz sont deux en une chose, et nature y a ouvré tant par la douceur de sa forse, que si l’un avoit mal, l’autre le sentiroit. Et ce avient quant ilz sont en la jeunesse de adolescence. Mais advient que la dame va de vie à trespassement ; dont le jeune homme est en tel douleur qu’il n’est homme qui le peust penser. Or est changée fortune, car il n’est pas raison que gens qui sont en prison vivent à leurs plaisirs ; car si ainsi estoit ce ne seroit pas prison. Le jeune homme entre en -117- grant desconfort[364] ; maintenent se plaint de Dieu, de la mort ; maintenent se plaint de Fortune, qui trop lui a couru sus, comme de luy ouster toute sa joie : et me semble que c’est aussi grand douleur comme nulle qui soit dicte dessus.

Ainsi vit ung temps en misère et en tribulacion de pencées, et se tient tout seul, fuyant compaignies, en pensant tousjours en la grant perte qu’il a fete ; et a tousjours en vision la face de sa femme qu’il avoit tant amée. Mès il n’est rien qui ne se passe. Si a aucuns en la ville ou en païs qui dient qu’il est bon homme, et honneste, et a bien de quoy ; et travaillent pour le marier, et le marient à une aultre qui a toutes condicions à la première contraires : et a autresfois esté mariée, et n’est pas d’icelles belles jeunes, mais est entre deux aages ; et est femme qui sçait moult de choses, car el l’a aprins avecques son mary premier comment elle se doit gouverner avecques le second. Elle considere et avise ses condicions sagement, et est ung grand temps sans monstrer sa malice. Mais quand elle voit qu’il est homme franc et debonnaire, et qu’elle le cognoist et sa condicion, elle desplée[365] et descouvre le venin qui est en sa boueste. Si prend auctorité de vouloir gouverner, et luy fait souffrir plusieurs paines et tourmens. Car il n’est rien plus serf ne en plus grant servage comme jeune homme simple et debonnaire qui est en subjection et gouvernement de femme veufve, et mesmement quant elle est malle et diverse. Il est advis à bailler par similitude, que celle -118- qui est en ce poinct est à comparer à ung mauvès garnement, cruel et sans pitié, esleu pour pugnir aucuns malfaicteurs : celui qui chiet en ce poinct n’a rien affere si non prier Dieu qui lui doint bonne pacience à endurer et souffrir tout, comme un vieil ours emmuselé, qui n’a nulles dents, lié d’une grosse chaigne de fer, et est chevauché[366] et chastré[367] o une grosse barre de bois, et tout le retour qu’il en peut avoir, est de crier : mais quant il crie, il a deux ou trois coups daventage.

Ainsi est à comparer le bon homme simple, qui est marié à femme veufve malle et diverse. Et avient souvent, pource qu’il est très-jeune envers elle, elle devient jalouse : car la friandie et lecherie[368] de la jeune chair du jonne homme l’a faite gloute[369] et jalouse, que elle le vouldroit tousjours avoir entre ses braz, et si vouldroit tousjours estre emprès. Elle ressemble le poisson qui est en une eaue, et par la force de la grant challeur d’esté qui a duré longuement, l’eau pert son cours et devient tournée : par quoy le poisson qui est dedans est desirent de trouver eaue nouvelle : il la suit, et monte tant qu’il la trouve. Ainsi fait la femme qui est aagée, quant elle trouve le jeune homme et jeune chair qui la renouvelle. Et sachez qu’il n’est chose qui plus desplaist à jeunes homs que une vielle femme, ne qui plus lui nuist à la santé. Et aussi comme ung -119- homme qui boit du vin afusté[370], tant comme il le boit et a soif, il s’en passe assés ; mès quant il a beu, il a ung très-mauvès desboit[371], pour cause du fust en quoy il est, et n’en bevra plus qu’il en puisse finer d’autre : et ainsi est du jeune homme qui a vieille femme, car certes il ne l’amera jà, et encore mains amera la jeune femme le vieil homme. Et en y a aucuns qui par avarice se marient à vieilles femmes : mais elles sont bien bestes, quelque service qu’ilz leur facent ; car ilz ne tiendront jà parole qu’ilz leur aient promise. Et encore je tiens à plus beste vieil homme qui cuide faire le joli et se marie avec jeune femme. Quant je voy faire telles chouses, je m’en ry, en considérent la fin qu’il en aviendra. Car sachez si l’omme vieil prent jeune femme, ce sera grand avanture si elle se atent à lui de ses besongnes : et pensés comment elle, qui est jeune et tendre et de doulce alaine, puisse endurer le vieil homme, qui toussira, crachera et se plaindra toute la nuict, poit et esternue ; c’est merveille qu’elle ne se tue. Et a l’alaine aigre, pour le foye qui est tourné, ou aultres accidens qui aviennent aux vieilles gens. Et aussi que l’un sera contraire à la plaisance à l’autre. Or considerez si c’est bien fait, mettre deux choses contraires ensemble ? C’est ad comparer à ce que l’en met en ung sac ung chat et ung chien : ilz auront tousjours guerre liens jusqu’à la fin. Dont avient aucunesfois que l’omme et la femme se pourvoient de ce qu’il faut, et despendent follement leurs biens, tant que l’on en voit pluseurs à pouvreté. -120- Et avient souvent que telles vieilles gens deviennent jaloux et glous plus que nulz autres : et tousjours empirera la besongne ; quar s’il estoit ores jeune, la besongne en iroit pirs. Et quant les galants voient une belle jeune fille mariée à ung tel homme ou à ung sotin, et ilz voient que elle est jolie et gaye, ilz mettent leur aguet : car ilz pensent bien qu’elle devroit mieulx y entendre que une autre qui a mary jeune et abille. Et quant il avient que une vieille prent ung jeune homme, le jeune homme ne le fait que pour l’avarice : dont il avient que jamès ne l’aymera ; et les battent très-bien et despendent ce que elles ont en mauvès usage, et aucunesfois viennent à povreté. Et sachez que continuacion d’une vieille femme abrege la vie d’un jeune homme ; pour ce dit Ypocras : Non vetulam novi, cur moriar ? Et voulentiers telles vieilles, mariées à jeunes homs, sont si jalouses et si gloutes qu’elles sont toutes enragées ; et quelque part que le mary aille, soit à l’eglise ou ailleurs, il leur semble qu’il n’y va que pour mal faire : et Dieu sceit en quel triboil et tourment il est, et les assaulx qu’il a. Et jamès une jeune femme ne seroit si jalouse pour les causes dessus dites ; et aussi elle s’en fera bien guerir quant elle vouldra. Celui qui est en ce point dont je parle est si tenu, qu’il ne ouse parler à nulle femme, et fault qu’il serve la dame qui est vieille : pourquoy il s’envieillira plus en ung an qu’il n’eust fait avec une jeune en dix ans. La vieille le sechera tout : et encor vivra en noises et en douleurs, en tourments où il demourra tousjours, et finera miserablement ses jours.

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LA QUINZIESME JOYE.

La XVe joye de mariage, que je repute à la plus grant et extresme douleur qui soit sans mort, si est quant aucun, par sa maleurté, a tant tourné à l’environ de la nasse qu’il a trouvé l’entrée, et à l’aventure il a trouvé une femme qui joue et galle, et prend des plaisances du monde à sa voulenté. Et ainsi le fait par long-temps, tant que son mary se doubte et s’en apperçoit : et vient lors en noises et en tourmens appartenans à tel cas. Mais sachez que quant est de ses esbaz, la femme ne cessera point, pour noise qui li en soit faite, et deust-elle estre tuée, mais en sera tout à sa jolie voulenté, puis qu’elle y a commencé.

Si avient que le mary, de cas d’aventure, ou qu’il s’est mis en aguet, tellement qu’il a veu entrer le compaignon en sa meson, qui lui ayde à fere ses besongnes quant il n’y est pas, dont il enrage d’ire[372] et d’engoisse qui lui serre le cueur : si s’en va hastivement tout forcené[373] et entre en -122- la chambre où ilz sont, et les trouve ensemble, ou bien près. Si cuide tenir le pouvre compaignon adventureux, lequel est tout jugié, et si sourprins qu’il n’a povoir de rien dire ni de soy deffendre. Et ainsi qu’il le veult ferir, la dame, pour pitié du pouvre homme, et pour fère son devoir (car elle doit tousjours garder de faire murtres) vient embracer son mary en lui disant : « Ha a ! pour Dieu, mon seigneur, gardez vous de faire ung mauvès coup ! » Et sur ce le galant, qui a ung pou de delay, desplée ses jambes et s’en va, et l’autre va après, qui n’a pas loisir de tuer sa femme. Et ainsi le pouvre compaignon lui eschappe, qui va bien toust[374], et n’est pas de merveilles ; car il n’est homme si diligent d’aller, pour nécessité qu’il ait, comme ribault eschappe des mains de ceulx qui l’ont voulu entreprendre. Lors le mary, qui ne sceit qu’il est devenu, retourne hastivement à la chambre, en esperance de trouver sa femme, affin de la villener ou tuer, qui seroit très-mal fait à lui : car il n’est pas acertené qu’ils aient rien fait de mal, pource qu’il arriva entre deux.

Or faut-il savoir que la pouvre femme desconseillée est devenue. Et s’en est allée chiés sa mere, chiés sa sœur ou chiés sa cousine : mès plus bel est qu’elle soit chiés sa mere que ailleurs. La pouvre femme compte à sa mere tout ce qu’il lui est avenu ; mès el li dit que le gallant estoit entré d’aventure liens, et que oncques mès n’y avoit esté ; et que son mari l’avoit trouvé d’aventure parlant à elle, sans autre mal faire. -123- Et sa mere li demande : « Que deable, fait-elle, avoit-il affere avecques toy ? — Par Dieu, il est bien vray qu’il m’avoit parlé deux ou troys foiz de cela, mais je l’en avoye bien resfusé ; et il ne faisoit qu’entrer et m’en parloit, et je luy disoye qu’il s’en allast. » Lors et jure grans seremens que elle ameroit mielx qu’il fust pendu ; ou à l’aventure el luy confesse toute la matière : quar la mere lui dit (qui sceit assés de la veille dance) : « Certes, je me doubte qu’il y ait aultre chose, ne je ne t’en creroy ja qu’il eust ousé entrer en ta chambre s’il n’eust grant acointance à toy. Dy le moy, fait-elle, hardiement, affin que je te pence de y mettre remede. » La fille baisse le vis[375] et rougist. « Ha a ! fait la mere, je cognois bien que c’est ; dy moy, dy moy comment il en est ? — Par ma foy, le mauvès homme m’a priée plus de deux ans, et me estoye tousjours si bien deffendue, jusques à une foiz que mon mary estoit allé dehors, qu’il entra, ne scey comment, en nostre maison, si avoy-je bien fermé la porte, et me forsa ; et par mon ame je m’en deffendi plus de demie nuit, qu’il me mist en la grosse alaine : et vous savez que ce n’est rien que d’une pouvre femme seulle. — Ha a ! de par touz les diables, fait la mere, je le savoye bien. Or avant, fait-elle, gouverne toy bien sagement, et que le garson ne aille plus ne ne vienne ciens. — Ha a ! Madame, il luy convenist mander qu’il n’y venist point : car je scey bien qu’il est maintenant en grant malaise, pour ce qu’il cuide que mon mary me ait tuée ; et il est -124- bien si foul qu’il viendra sçavoir si je suis morte ou vive. — Si suy moult esbahie, fait la mere, que ton mary ne le tua, et toy aussi. — Ave Maria ! Madame, par mon serement, si je n’eusse embracé mon mary il estoit mort, le pouvre homme. — Tu feis que sage de l’en garder : car puis que ung pouvre home a mis son corps en adventure pour servir une femme, et en prent de mauveses nuiz, elle devroit mieulx mourir que de le laisser villener. — Hellas ! ma dame, si vous savez quel homme il est ! car, par mon serement, j’ai veu qu’il pleuvoit et gresloit et fasoit noir comme en ung four, que le pouvre homme venoit tout à pié, affin qu’il ne fust aperceu, et actendoit en nostre jardin plus de demie nuit que je ne povoie trouver maniere d’aller à lui ; et quant j’y alloye, je trouvoy le pouvre homme tout gelé, mais il n’en fasoit compte. — Je m’esmerveilloye, fait la mere, comment il me portoit si grant honneur : et quant je voys[376] à l’église, il me vient donner de l’eau benoiste, et partout où il me trouve il me fait touz les services qu’il peut. — Par ma foy, Madame, il vous ame bien. — Or avant, fait la mere, il y faut metre remede, qui pourra. Vien-sa, fait-elle à la chamberiere ; va dire à mes commeres telles et telles que je leur prie que se viennent esbatre avec moy : car j’ay ung pou affaires avec elles. » La chamberiere s’en va, et dit aux commeres ce que la mere leur mande. Les commeres s’en viennent à l’oustel et se seent à l’entour d’un beau feu, si c’est en yver ; et si c’est -125- en esté, elles se mectent sur le jonc[377] ; et la premiere chose qu’ilz font, sans dire Pater ne Ave Maria, elles bevront du meilleur très bien, en actendant que l’autre amende, et Dieu scet s’elles font bon guet devers matin, pour corner Anglois de quinze lieues[378]. Lors une des commeres dira à la mere de la fille : « Ma commere, quelle pauvre chiere fait vostre fille ! — Par Dieu, ma commere, il lui est avenu une malle advanture, pourquoy je vous ay envoiées querir. » Lors leur compte toute la maniere, et à l’aventure ne leur dit pas la chose comme elle a esté ; aussi peut estre qu’elle leur dira toute la verité, pource qu’il y en a aucunes d’elles qui eusce esté en paroil party, parquoy elles en sauront trop meilleur conseil donner ; et les autres scevent bien que telles choses vallent, et qu’ils veulent dire, mais elles se sont si bien gouvernées en leur fait, et si secrettement, qu’il n’y a point eu esclandre, Dieu mercy. Lors font leur conseil et dit chacune son avis, et comment il leur en est prins en cas semblable ; qui est une belle allegacion, que alleguer le cas que l’on a veu avenir et pratiquer par experience. Les unes arguënt, les aultres repliquent, les aultres repliquent et respondent, pour savoir si elles porront sauver l’inconvenient qui est avenu. Et après, elles font -126- leurs conclusions, et y mectront bonne provision, si Dieu plaist, et s’assembleront souvent, et se tiendront bien aises : mès le bon-homme à qui est avenu la villenie paiera tout.

Après ce qu’elles ont conclut comment elles procederont, elles s’esbatent et se raudent ensemble. L’une dit à la fille : « Je ne vouldroye pas avoir aussi malle nuict comme ton mary aura ceste nuict. » L’autre dira : « Je vouldroie bien scavoir qu’il fait maintenant, et voir sa maniere. — Par Dieu, fait l’autre, quant vous oistes parler de tel et de moy, de ce que vous savez que mon mary me mist assus[379], dont je me deffendi bien, Dieu mercy, il fut plus de trois mois qu’il ne povoit manger ne dormir ; et quant il estoit couchié, il se tournoit si souvent et s’escortoit et supiroit tousjours : et, par mon ame, je m’en rioye en moy-mesme entre les draps, et mectoye le drap en ma bouche. — Hellas ! fait l’autre, que le pouvre homme qui s’en fuyt est maintenant en grant douleur ! — Hellas ! m’amie, dit la mere, le meschant[380] ne s’est peu tenir aujourd’hui de venir deux fois davant ceste meson : mès je lui ay mandé qu’il n’y vienge plus. » Et la chambriere dit : « Par mon serement, je l’ay maintenant trouvé davant la fontaine ; il m’a baillé un grant pasté pour vous apporter, et m’a dit qu’il vous envolera le matin une tartre, et se recommande tant à vous que c’est merveille, et à la compaignie. — Hellas ! fait une d’elles, par mon serement, c’est grant pitié. — Vraiement, fait l’autre, -127- nous mengerons du pasté pour l’amour de luy, avant que nous en aillons. — Et par Saincte Marie, fait l’autre, je vouldroie qu’il fust icy. — Hée Dieux, dit la chamberiere, qu’il seroit aise ! car il est tout transi, et est si palle qu’il semble qu’il soit mort. — Par vostre foy, ma commere, envoions le querir ? — Je le veilx bien, fait la mere : mès qu’il viengne par l’uis derriere[381]. » Lors à l’aventure il y vient, et se raudent et s’esbatent, et ont grant pitié de lui et lui font place. Lors envoient querir la chamberiere du bon homme, laquelle scet tout et sçavet tout le fait davant et en avoit eu à l’aventure une bonne robe. La chamberiere vient, et une des commeres lui demande : « Par ton serement Jhesucrist, quelle chiere fait ton mestre ? — Quelle chiere ? fait-elle ; il ne faut jà en demander : car, par mon ame, oncques puis hyer matin, que la malle aventure ariva, il ne beut ne ne mengea ne ne repousa. Par ma foy, il s’est mis ce matin à table, mès il n’y a oncques coulé de viande : car quant il avoit mis ung morceau de viande en la bouche, il ne le povoit avaller, et le jetoit. Et puis il se prenoit à penser sur la table en se merencolient ; et est aussi palle et deffiguré comme ung homme mort. Puis prend son cutel[382] de quoy il trenche, et il frappe dessus le table ; puis s’en va au jardin ; puis revient, et ne peut ester[383] ne fere contenance ; et toute la journée et la nuytée il jete ungs sanglons[384] : il n’est home qui n’en eust pitié. — Pitié ! fait l’autre : il guerira -128- bien, si Dieu plest. Par Dieu, ma commere, vous en avez veu de aultres aussi malades, qui sont bien gueriz, Dieu mercy. Mès vraiement, fait-el à la chamberiere, tu y as grand faulte ; tu savoies bien le feit, et ta mestresse se fioit en toy, que tu ne t’en donnoies de garde. — Ha a ! par le Sacrement Dieu, je ne cuidasse jamès qu’il venist à icelle heure, car oncques mès je ne lui vi faire le tour qu’il fist : que maudit soit-il de Dieu ! — Amen », font-elles ; et si est-il.

Ainsi se raudent et moquent du bon homme. Lors entreprennent laquelle ira premierement parler au bon home, qui est en sa meson comme ung homme qui est jugé à pendre. Et premierement s’en viennent une ou deux de ses plus especialles commeres et voisines qu’il ait joyeusement. Et l’une, dès l’entrée de l’oustel, lui dit : « Que faictes-vous, mon compere ? » Et il ne sonne mot, et les lesse venir jusques à lui. Elles s’en viennent seoir au plus près de lui. Et lui dit l’une d’elles : « Quelle chiere faites-vous, mon compere ? — Je ne faiz, fait-il, aultre chiere. Qu’est ce à dire ? — Vraiement, fait-elle, je vous veil blasmer : car ma commere, la mere de vostre femme, m’a dit je ne scey quelles folies ; et par mon serement, vous n’estes pas sage de croire telles nycetez[385] : car par l’ame qui en mon corps bat, je suy certaine comme je suy de la mort, et en jureroye sur Dieu tout sacré, qu’elle ne vous fist oncques faulte, ne n’en eust voulenté. » Et l’autre lui dit : « Par Nostre Dame du Puy, où j’ay mon corps porté, s’il a pleu à Dieu, je -129- la cognois dès enfance : mès c’est la meilleure fille qui soit en tout cest païs. Or est grant pitié dont elle vous fust oncques donnée : or l’avez-vous diffamée, et sans cause, et ne le lui pourroiez jamès amender. — Par mon serement, fait la chamberiere, mes chieres dames et amies, je ne scey que monsieur a pencé ne trouvé : mais oncques à ma vie je ne vis follie en ma dame, et l’ai servie bien leaument[386] ; et ce seroit bien grant chose que je ne l’eusse sceu. — Quoy dea ! dit le bon homme, je la viz davant moy ! — Par ma foy, fait l’une des commeres, non feistes, quelque chouse que vous diez : car puis que gens sont l’un près de l’autre, il n’est point à pencer qu’il y ait pour tant mal. — Je scey bien, fait la chamberiere, que le ribaut y a bien tendu : mès il n’y a homme au monde à qui ma dame veille plus de mal que à lui : et ne scey comme il se mist en la meson, car, par ma part de paradis, il n’y avoit oncques mès esté, et ameroit mieulx madame qu’il fust pendu au gibet, et qu’elle fust arse. Je vous ay jà servi quatre ans leaument, quelque pauvre que je soie : mais je jureroye bien sur les saintes reliques de ceste ville que madame s’est aussi bien gouvernée et maintenue comme bonne preude femme vers vous, comme femme fist oncques. Ha a ! lasse ! comme se porroit-il faire, fait-elle, que je ne l’eusse sceu, s’il y eust mal ? Et par mon ame, je estoie au plus près. Pleust à Dieu que je fusse aussi bien quicte de touz les pechiez que je fiz oncques comme elle est de celui, combien que -130- oncques homme ne toucha à ma bouche que celui que je espousay, dont Dieu ait l’ame, si lui plest ; je n’en crains homme qui vive. » Là viennent les aultres commeres, et les unes avant les autres, et n’y a celle qui ne die de très-bonnes raisons. L’une dit : « Par le sacrement Dieu, mon compere, je croy que je suy une des femmes du monde qui plus vous ame, emprès[387] vostre femme : mès je vous jure par ma foy que si je avois veu mal en elle, je vous le diroye. — Par ma foy, fait l’autre, ce fust le deable qui ce fist pour vous departir d’ensemble[388], pource qu’il ne vous peut aultrement nuire. — Hellas ! fait l’autre, la pouvre femme ne fine de plourer. — Par Dieu, fait l’autre, elle est en voie de mourir. — Et cuidés-vous, fait l’autre, que nous soions si sotes que si elle estoit telle comme vous dites, nous la souffrissons en nostre compaignie ? Par ma foy, fait-elle, nanil, nous ne suymes pas si sotes que nous daignasson parler à elle, ne ne souffrerion pas que elle demourast en nostre rue ne environ nous. » La mere s’en vient pleurant, et lui court sus, et fait semblent qu’elle le veille prendre aux ongles, et dit : « Ha a ! mauldite soit l’eure qu’elle vous fut oncques donnée, car vous lui avez perdu son honneur et le mien ! Hélas ! fait-elle, l’en vous fist grant honneur de la vous bailler, que si el eust voulu, el eust été mariée à un grant chevallier, où el fust maintenant en grans honneurs : mais elle ne vouloit avoir aultre que vous ; c’est bien raison que ainsi -131- li en prengne, à la meschante[389] ; il lui avoit bien à mescheoir. — Ha a ! ma commere, fait l’une des aultres commeres, ne vous courrocez point. — Ha a ! mes chieres amies, fait-elle, si ma fille eust fait faulte, il ne m’en chalist, quar moy-mesme la estranglasse : mais cuidés-vous que je soye bien aise de veoir ainsi mener ma fille à honte sans cause, à si grand tort que jamès ne lui pourroit amender ? »

Lors commencent toutes à tanser et à le blasmer. Et le pouvre homme commence à penser, et ne sceit que faire ; mais en effect il se guerit fort et apaise. La mere s’en va, et ses commeres l’appaisent doulcement, et lui dient que ce n’est pas de merveilles si la mere se courroce ; et entreprennent de ramener la fille, et prennent congié. Et après s’en vient ung cordelier, ou un jacobin, qui est son confesseur, et de sa femme, et sceit tout le fatras, et a pencion chacun an pour absouldre du tout, et s’en vient au bon homme et luy dit : « J’ay bien esté esbahy de ce que l’en m’a dit. Certes je vous veil blasmer : car je vous jure par monseigneur sainct Dominique, ou par monseigneur sainct Augustin, je cognois vostre femme passé a dix ans : mès je prens sur le jugement de mon ame qu’elle est une des bonnes proudes femmes qui soit en tout le pays ; et le scey bien, quar elle est ma fille de confession, et l’ai bien serchée ; mais je n’y ay trouvé que tout le bien qui peut estre en femme, ne son corps ne fust oncques entechié[390] -132- du peché, et en met mon ame en plege[391] » Ainsi est vaincu, et se repent moult le bon homme d’en avoir tant fait, et croit qu’il n’en fust oncques riens. Or faut-il savoir le prouffit que le bonhomme aura d’avoir fait tel effroy : il sera, dorenavant, plus subget qu’il ne fust oncques, et à l’aventure deviendra pouvre homme ; quar sa femme qu’il a diffamée n’aura plus de honte, pource qu’elle sceit bien que tout chacun le sceit, et ne fera plus compte de riens. Et d’aventure la mere, les commeres, les cousines, les voisines, dont en y a aucunes qui n’avoient rien sceu de la besongne, seront dorenavant bien de la femme[392], et luy aideront à faire ses besongnes, aussi comme elles lui ont aidé à embrider son mari, pource qu’il estoit trop fort en gueulle[393]. Et le gallant fera aussi d’autre part tant de services, et faire des pastez et des tartes qu’il mengeront ensembles ; et paiera tout le bon homme, et jamès n’en orra[394] parler, par les bons moiens que les commeres y mectront : car il ne creroit jamès que elles consentissent telles besongnes, et ne se doubtera plus de riens. Le sien se gastera à soustenir les fatras. La chamberiere, qui sceit bien toute la besongne et qui a bien travaillé à faire la paix, sera aussi grant dame comme la mestresse, et se fera d’aultre part visiter, et sa mestresse lui aidera, car il fault faire courtoisie à qui la faict. Or est-il envelopé en la nasse ; et face tout quant qu’il vouldra, car quelque chiere -133- qu’el luy face, el ne l’amera jamès : il viendra en vieillesse, et chierra en pouvreté, par le droit du jeu. Ainsi use sa vie en poines, en douleurs et gemissemens, où il est et sera tousjours et finera miserablement ses jours.

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CONCLUSION.

Cy finent les XV joyes de Mariage, lesquelles je appelle joies pource que ceulx qui sont mariez ne povent avoir cognoissance des chouses dessusdites, et les tiennent à grant felicité, comme il appert, pource qu’ilz ne vouldroient pour riens estre aultrement. Mais quant à moy, je tiens telles chouses aux plus grans maleurtez qui puissent estre en terre. Et si les femmes se deullent[395] de ce que je n’ay mis ou assigné lesdites chouses, que je tiens à maleurtez, surs elles comme surs les hommes, elles le me pardonront si leur plest, combien que je ne leur ay rien meffait, pource que tout est à leur louange et honneur.

Et aussi que par règle generalle ces chouses dessusdictes tombent sus les hommes, comme j’ay dit dessus, ne je n’ay dit ne vouldroie dire que toutes les joies, ne deux ne trois dessusdites, aviennent à chacun marié ; mais je puis dire pour certain qu’il n’est homme marié, tant soit-il sage, cault ou malicieux, qui n’ait une des joies pour -135- le moins, ou pluseurs d’icelles. Pourquoy on peut bien conclure que homme qui sans contrainte se met en telle servitude use bien de voulenté.

Ne pourtant je ne veil pas dire qu’on ne face bien de soy marier : mais je ne tiens pas telles besteries à joies ne à félicitez. Au moins se deussent-ilz garder de se lesser ainsi abestir : car l’un voit ce qui avient aux aultres, et s’en scevent tres bien mocquer et en faire leurs farses ; mais quant ils sont mariez, je les regarde embridez et abestis mieulx que les aultres. Si doit chacun se garder de se mocquer des aultres, car je ne voy nul exempt des joies dessusdites. Mais chacun, endroit soy, croit le contraire, et qu’il est preservé et beneuré entre les aultres ; et qui mieulx le croit, mieulx est embridé. Je ne scey que c’est, sinon l’aventure du jeu qui le veult.

Et si l’en me demande quel remede aucun y pourroit mettre, je respons que ce seroit chouse possible, combien qu’elle soit difficile : mais au moins il y a remede, mès je ne veil aultre chouse respondre à present. Mais si aucun m’en vouloit demander de bouche, je lui en diroie mon avis : mais orendroit je me tais, pource que aucune dame, damoiselle ou autre m’en sauroit mal gré[396]. Combien que, en bonne foy, tout est à la louenge des femmes, comme j’ay dit ; et ce que j’ay cy escrit, qui bien l’entendra ne trouvera point que les hommes ne aient toujours du pire, qui est honneur pour elles ; et l’ay escrit à la requeste de certaines damoiselles qui m’en ont prié. Et si elles n’en estoient contentes, et elles vouloient -136- que je preinsse peine à escrire pour elles, à l’entencion d’elles et à la foulle[397] des hommes, ainsi qu’elles le pourroient entendre, en bonne foy je m’ouffre : car j’ay plus belle matière de le faire que cette-cy n’est, veu les grans tors, griefs et oppressions que les hommes font aux femmes en plusieurs lieux, generalement par leurs forses, et sans raison, pource qu’elles sont febles de leur nature et sans deffense, et sont tousjours prestes à obeir et servir, sans lesquelles ilz ne sauroient ne pourroient vivre.

-137-

VARIANTES ET MODIFICATIONS.

Les titres mis en tête des chapitres ne se trouvent ni dans le manuscrit ni dans les anciennes éditions.

La division de chaque Joie en divers alinéas est de notre fait, de même que la ponctuation, l’accentuation et l’emploi des filets qui coupent le dialogue.

Nous avons modifié l’orthographe de certains mots afin de mettre le texte du manuscrit en harmonie avec les passages empruntés aux éditions. Nous avons écrit : ainsi pour ainxin, aussi pour auxi, diray pour diroy, gay pour goy, tiendroit pour tendroit, veult pour vieult, vieil pour veil, viendra pour vendra, etc.

Nous avons encore fait quelques modifications au texte du manuscrit. A moins d’indication contraire, tous les mots que nous y avons introduits pour le compléter ou le rendre plus clair ont été tirés de l’édition originale.

Nous signalons un grand nombre de variantes des diverses éditions. Elles portent presque toutes sur le fond. Il serait très-difficile de relever toutes les différences de rédaction, et ce travail ne seroit pas d’une grande utilité.

[Prologue.]

Cette partie, à peu près semblable dans le manuscrit, dans l’édition originale et dans l’édition Treperel, diffère beaucoup dans les éditions de Rosset.

-138- Page 1, lig. 6. contrainte. A… Mss. : crainte de.

— lig. 10. et de sa franche voulenté… — lig. 12… d’angoisses. Mss. : de franche voulenté et de estroite chartre douloureuse et plaine de jours.

— lig. 22. et seigneuries. Manque au Mss.

Page 2, lig. 10. l’entencion. Éd. Treperel : l’encontre.

Page 3, lig. 8. dommage d’autrui. Mss. : blesser ne faire dommage à aultre.

— lig. 12. Et telles fosses… jusqu’à la fin de l’alinéa. Manque au Mss. Se trouve avec des différences dans les éditions de Treperel et de Rosset.

— lig. 23. sentu au flayrer. Mss. : sen bon et flairant.

Page 4, lig. 5. mais est force qu’ilz demeurent là. Mss. et demourent là.

— lig. 7. et qui luy… — lig. 9. ami, dit-il. Manque éd. Treperel.

Page 5, lig. 6. moy aussi, pensant et considérant le fait de mariage. Manque au Mss.

[La première Joye.]

Page 7, lig. 7. les plus belles. Éd. or. : lesquelles ont le plus beau nés.

Page 8, lig. 10. qu’il entre… — lig. 11… souvent. Manque à l’éd. Treperel.

— lig 15. ne se… — ligne 17… il. Manque éd. Treperel.

— lig. 22. bon et gay. L’édition in-8 ajoute : Et vouldra prendre estat damoyselin, combien que se il ne luy appartient on sa mocqra on en preschera et si la baroche en farcera, mais elle s’en vengera disant qu’elle est guerrie des boiceaulx aussi damoiselle que la femme Genninot et en parle à qui vouldra, car elle vouldra ainsi estre acoustrée et son mari le consentira. Combien que aux gens de bien de son lignage en desplait, car il n’y a damoiselle qu’elle ou quelque autre damoiselle l’a de poureté nommée maroye des quartes qu’aura laissé son chaperon de drap et baillé en payement à une de ses chamberières, car plus ne lui plaisoit le porter pour tant que ses voisins avoient pris cest estat aussi estoient à l’église plus haut qu’elle. Et pour avoir cest estat advise l’heure comment et en quel lieu et temps en pourra parler à -139- son bon iouen son mary. A l’adventure quant ils seront couchez et s’il dit : Ma mie, tournez-vous, etc.

Page 9, lig. 2. si dit en soi mesmes que bien appartient à son lignage et à ses parens… Mss. : si appartient bien à elle.

Page 10, lig. 11. à grant cruche. Manque dans les diverses éditions, qui offrent toutes quelques différences a cet endroit.

— lig. 26. en pièce. L’éd. in-8 ajoute : si je ne suis damoiselle et aussi bien accoustrée que elles sont, car il m’apartient comme aux autres, et si couste moins chaperon de veloux que de drap ; je vous prie que j’en aye. Aulcunesfois se fait damoiselle au second mary, pource qu’elle est vieille, et que beauté deffault, afin de couvrir son visage d’une taie d’œuf ou pour farder la reste, comme rubis de taverne, ou aultre cicatrice qu’elle a.

Page 11, lig. 17. retraire. Éd. Treperel : reprocher.

— lig. 24. ou a tel. L’éd. in-8 ajoute : de Soissons, de Haubervilliers, de Nantes, et à Angiers aussi.

Page 12, lig. 3. Si ne sont-elles pas de l’estat dont je suy. Manque à toutes les éditions.

— lig. 10. et n’eussés plus de desplaisir de moi. Manque éd. Treperel. Remplacé ainsi dans l’éd. in-8 : car vous ne demandez que en avoir une aultre. Et vous savez bien, dit-il, que j’en ai laissé une aultre à qui j’avoye accordance pour vous prendre.

Page 13, lig. 7. la robe. L’éd. in-8 ajoute : ou chaperon de veloux, et.

Page 14, lig. 12. qui, à son avis, est bonne et preude femme, et — Mss. : qui est celle, à son avis, qu’il.

— lig. 23. à créance. Manque au Mss.

Page 15, lig. 4. Ne me… — lig. 6… donne pas. Mss. : ne me dites pas une autre foiz que je donne compte.

— lig. 22. oncques… — lig. 23, Hélas. Manque au Mss.

[La seconde Joye.]

Page 17, lig. 2. La seconde joie. L’édition de Treperel ajoute : si est telle et en telle manière se maintient la dame. Car quant elle a tellement babillié et endormy son mary de -140- parolles, qu’elle a eu de lui tout ce qu’elle demande, et que elle se voit richement et gorgiasement vestue, ainsi comme dist est devant, adoncques fait tout ainsi que bon lui semble, et ne tiendra compte de son mary et ne fera ja chose qui soit pour lui, s’il ne lui plaist.

Au milieu de ce passage, après les mots : comme dit est devant, on trouve dans l’édition in-8 : Et peut-estre l’aura faicte damoyselle extraicte de dessoubz le chaperon. Et ne vouldra recognoistre aulcun de ses parens, parce qu’elle doubte qu’ilz en ayent murmuré, et que on l’ait appelée ma damoyselle faicte en haste, ou damoyselle couvée, ou ma damoyselle de la Penthecouste, ou ma damoyselle faicte aux champs, selon la fantasie des gens. Car il en est qui n’ont pas si grant seigneurie, et qui descongnoissent leurs parens qui sont de mestier, qui ne veulent parler à eulx ne leurs voisins, fors tant seulement à ceulx qui vont après leur queue, qui les appellent ma damoyselle, et qui se enclinent et leur complaisent et les flattent, et qui sçavent bien rapporter choses de leurs autres voisines pour faire rire la damoyselle et le begault. Et ceulx qui ne obeiront à la dame, elle n’en sera ja contente de son glorieux mary s’il ne les harcele, car il sera peut estre advocat ou officier indigne du roy ou de la ville.

Ce commencement de la seconde joie offre quelques autres différences dans l’édition Treperel.

Page 18, lig. 22. aille point. L’éd. in-8 ajoute : mais la faulse beste vouldroit ja estre là.

— lig. 23. viendrez. L’éd. in-8 ajoute : Dieux ! que vela belle besongne ! Et pourquoy n’y viendrez-vous ?

— lig. 28. et puis se mocquent du bon homme. Manque au Mss.

Page 19, lig. 4. besongnes. L’éd. in-8 ajoute : et si le mary y estoit allé, on fera qu’il ira le premier au logis acoustrer le disner, ou on le preschera à ce que les besongnes se portent mieulx.

— lig. 13. ribaut de parler. Manque au Mss.

Page 20, lig. 15. umbre. L’éd. in-8 ajoute : Et se fera quelque séparation. A l’aventure elle ira aux champs pour quelque temps. Ne doubtez pas si elle se fera rebouter son bras, et peult estre trois ou quatre ans, et puis le mary la reprendra toute telle, et cuydera lui avoir fait tort de l’avoir batue et separée, et sera plus grant maitresse que jamais.

-141-

[La tierce Joye.]

Page 22, lig. 8. la dame. L’éd. in-8 ajoute : car peult estre que pour aulcune fantasie qu’elle aura que quelque seigneur ne sera point en la ville, elle fera son compère de quelque cousturier ou taillandier, en disant que c’est la nouvelle gorre, aussi faignant son humilité orgueilleuse.

— lig. 12. en une bote. Éd. or. : en unes vieilles botes.

— lig. 26. qu’il faille. Éd. Treperel : qu’il leur plaise aulcune chose.

Page 23, lig. 17. prejudice. L’éd. in-8 ajoute : A l’aventure n’en diront pas tant, pour cause d’aulcune de ses parentes de luy qui seront presentes.

Page 24, lig. 18. comme botes. Éd. or., éd. Treperel : comme botes arses.

Page 25, lig. 2. loyaulx. L’éd. in-8 ajoute : car elle a eu tant que chamberieres que clercs VII pour ung an, pour ce que l’une ne lui bailloit pas ses heures en bien s’agenouillant, l’autre ne respont pas ma damoyselle à tous mots, et pour ce les batoit et s’en alloient.

— lig. 15. il lui va. L’éd. in-8 ajoute : pardonnez à l’acteur son ne dit ma damoiselle.

— lig. 19. l’oit. Mss. : se vait.

Page 26, lig. 29. Or s’en vient… Tout cet alinéa, jusqu’au mot Hélas ! (page 27, lig. 20), est remplacé dans l’éd. or. par ces mots : Et quant vient lendemain devers matin, il lui dit : Mamye, il est temps que vous relevés et allés à la messe, car nous faisons si grant despence que nostre argent ne le pourroit porter. Et la dame respont.

Page 27, lig. 24. Quoy… — Page 28, lig. 2… gens. Manque à l’éd. or.

Page 28, lig. 11. vous estes bien esmue… remplacé dans l’édition Treperel, jusqu’au mot mesnage (lig. 15), par : vous estes mal esmeue, car je ose bien dire que oncques pour homme de mon estat ne souffrit plus en mesnage que j’ai souffert.

— lig. 17. mais au moins… Tout ce qui suit, jusqu’à le mal que j’ay (page 29, lig. 19), manque dans l’éd. or.

— lig. 21. Je suis vieille dorenavant. Manque à l’éd. Treperel.

-142- Page 29, lig. 27. ne l’ennuyez point de parler. Éd. or. : ne l’enfumés point de paroles ; éd. Treperel : ne la fumez point de paroles.

— lig. 29. la courtine. Après ces mots, la troisième joye se termine, dans l’éd. or., de cette manière : Ainsi vit le bon homme en languissant tousjours, et miserablement finira ses jours. L’éd. Treperel finit par ces mots : Ainsi la dame ne veult point conclure avec son mary pour ce qu’elle attend ses commères, qui joueront le lendemain le personnage. L’édition in-8 ajoute : Et Jehan nyès s’en ira tout pensif cuidant avoir laissé sa femme pleurant, et vouldroit avoir faict son apoinctement, et pense qu’il lui pourra dire ou faire pour l’apaiser. Il a ja gousté d’aulcunes joyes, esquelles il finera combien qu’il attende ces jours.

[La quarte Joye.]

Page 35, lig. 7. aussi qu’il n’a voulu demeurer par les voies, pour les dépens qui sont fort grans. Manque au Mss. et à l’éd. or. Rétabli d’après l’éd. Treperel.

Page 36, lig. 11. et se siet… jusqu’à quatre ans (lig. 32) remplacé dans l’éd. or. par deux ou trois lignes.

Page 37, lig. 19. fussent. L’éd. in-8 ajoute : Vous blasonnez tousjours mes parens. Le grant dyable y ayt part de Bourgongne, ilz en sont par sainct George des Boysseaulx nobles comme fut jamais François Villon, et saichez qu’il y en a eu des gens de bien, d’advocats et autres, licentiez, moynes ; et dont nous seroient venus tant de biens assis en Poytou et de tant de chevaulx et subjection en Bourgongne ? Allez y veoir si le sçaurez. Je iray, dit-il, vraiement, et vous taisez et me laissez en paix.

[La quinte Joye.]

Page 39, lig. 10. liens. Au lieu de ce mot, on lit dans l’éd. in-8 : grans inconveniens, car s’elle porte des enfans, le vieillard doubte qu’ils ne soient pas à lui, et cela advient souvent.

-143- Page 41, lig. 9. pour les grans aises où elle est, et. Manque au Mss.

— lig. 28. que elle doit voir… jusqu’à son amy (page 42, lig. 1). Manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

Page 43, lig. 7. a la requeste de son mary. Manque au Mss.

— lig. 29. m’amye. Après ce mot, l’éd. Treperel ajoute : Je ne scay que c’est à dire, vous estes malade quant il vous plaist.

Page 45, lig. 26. moins. Éd. Treperel : mieux.

— lig. 32. Si le met… jusqu’à la fin de l’alinéa, manque dans l’éd. Treperel.

Page 48, lig. 12. Et s’il ne ly baille. Cette ligne et les sept suivantes sont remplacées dans l’édition Treperel par ces mots : Se la robe ne lui plaist, sachez, puis qu’elle a amy, mais n’est pas riche pour lui donner, car par aventure c’est ung povre à qui elle lient son estat, pour adviser ung aultre gallant… Ce passage n’est guère meilleur dans l’édition originale.

Page 50, lig. 9. et vous savés… — Page 51, lig. 23. pour nul autre. Ce long passage est remplacé dans l’éd. or. et dans l’éd. Treperel par ces mots : Le galant vient d’autre part, qui parle à la chamberière, et lui dit en ceste manière :

Page 56, lig. 4. qui est bien a point. L’éd. in-8 ajoute : qu’il peut estre allé à Montpellier.

— lig. 23. mais il ne est pas ainsi aisé à faire. Manque au Mss.

Page 57, lig. 2. Il vouldra garder sa maison… Éd. Treperel : Il voultera sa maison

[La sixte Joye.]

Page 59, lig. 4. Allez luy dire, fait-il, qu’elle vienne. Lors s’en va la servante ou l’enfant. Manque au Mss.

— lig. 26. Car une femme. — lig. 30… conte d’acquerir. Remplacé au Mss. par : de mettre peine a acquerre.

Page 62, lig. 1. en essyant et par depit du bon homme. Lors lui… Mss. : de gré. Le bon homme.

Page 65, lig. 25. que davant. L’édition Treperel porte : que devant il n’avoit esté, et dist en son couraige comment -144- il pourroit lui dire qu’elle ne se courrouçast à lui. Il lui dist : je vous vey l’aultre jour parler à tel escuyer dont vous avoye parlé plusieurs foys à la feste. Mon amy, se dist-elle, ce n’est pas celuy là, mais est ung mien cousin qui me demandoit comment vous portiés et quelle chière vous faictes avecques moi. A l’aventure estoit-ce l’escuyer dont le mary avoit grand mal à sa teste. Adoncques le mary la creut de ce, mais tousjours incessamment entre en grans pensées…

[La septiesme Joye.]

Page 75, lig. 14. vive. Mss. : nue.

— lig. 26. qu’il tiendra. Manque au Mss.

Page 76, lig. 5. sans enchantement. Éd. Treperel : sans entendement.

— lig. 7. et fera. Au lieu de cette ligne et des deux suivantes, l’éd. Treperel porte : et fera la dame à sa guise.

— lig. 18. et qu’il n’est que une beste. Ces mots manquent dans l’édition de Le Duchat, mais ils se trouvent dans l’éd. de Treperel, qui ajoute : l’aultre dist qu’il n’y a point de danger, et que c’est sa faulte.

[La huitiesme Joye.]

Page 78, lig. 4. à Nostre Dame du Puy en Auvergne, à Rochemadour et en pluseurs aultres lieux. Éd. or. : à Nostre Dame de Rochemadour. Éd. Treperel : A Nostre Dame de Rochemador et en plusieurs aultres lieux. Éd. in-8 : à Nostre Dame de Rochemador, de Behuart, et en plusieurs aultres lieux. Édition de Rosset, comme au Mss.

— lig. 9. le dauphin de Viennois. Éd. or. et éd. Treperel : le filz d’un roy.

— lig. 25. je ne say comment je puisse avoir congié. — De cela. Manque au Mss.

Page 79. lig. 21. N. D. du Puy. Manque éd. or. et éd. Treperel. L’éd. in-8 dit : N. D. de Boulongne, ou à Sainte Geneviefve de Nanterre, Rochemador.

-145- Page 80, lig. 3. souffretage. Éd. Treperel : souffrir.

— lig. 10. qu’il face finance de chevaulx. L’éd. in-8 ajoute : ou d’ung basteau.

— lig. 23. contente. Mss. : couverte.

Page 81. lig. 2. et fault qu’il la maine par la bride. Manque au Mss.

— lig. 3. chemin. L’éd. in-8 ajoute : ou que le basteau est trop petit ou trop grant ou pou large. Il fauldra tapis, coussins, feuillée, pastisserie, tousjours quelque chose.

— lig. 3. maintenant… Tout ce qui suit, jusqu’au mot paine (page 82, lig. 28), manque dans l’éd. or. et dans l’éd. Treperel.

Page 83, lig 5. et la despense. L’éd. Treperel ajoute : amoindrira.

[La neufviesme Joye.]

Page 85, lig. 2. Et à l’aventure il a de belles filles qu’il a sagement mariées. Manque au Mss.

— lig. 14. quar la dame… Tout ce qui suit, jusqu’à la ligne 25 de la page 86 (… avecques luy), manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

Page 86, lig. 25. arguant. Éd. Treperel : ague.

Page 87, lig. 17. Mais… Ce qui suit, jusqu’à bien aise page 88, ligne 11, manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

Page 88, lig. 22. enfance. L’éd. in-8 ajoute : On voit souvent les femmes aymer leurs fils et bailler or et argent que le mary n’en sçait rien. Et sont causes de la perdition d’iceux fils, et en advient qu’ils laissent père et mère, desrobent, empruntent, gastent tout et sont cause de la destruction de leur maison par la mère que ce de est cause.

— lig. 22. et travaille le filz… Ce qui suit jusqu’à ces mots : qu’il est sage homs (page 89, lig. 19), manque dans l’éd. or. et dans l’éd. Treperel.

[La dixiesme Joye.]

Le commencement de la dixième joye est très-différent dans l’éd. Treperel, où il est difficile à comprendre.

-146- Page 90, lig. 10. par certains autres oiseaux affectiés, qui sont attachés en la forme. Manque au Mss.

Page 91, lig. 15. et ne l’ont pas mis… Ce qui suit, jusqu’à leurs jours (ligne 20), manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

— lig. 27. envoustemens, carathemens. Mss. : aventures, carathemens. Éd. or. : envoustemens, curateurs. Éd. Treperel : enchantemens, par audeurs. Éd. in-8 : enchantemens, caraudeurs.

Page 92, lig. 3. Et dit encore… — lig. 8… boire, manque éd. or.

— lig. 7. Voyez cy… — Lig. 8… boire, manque éd. Treperel.

— lig. 12. o l’aide qu’ils y mectent. Ce qui suit, jusqu’aux mots l’eussent trouvée (ligne 25), manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

[La onziesme Joye.]

Page 95, lig. 16. ou à l’advanture… — lig. 21… bons lieux. Manque au Mss. et à l’éd. or. — Tiré des éd. de Rosset.

Page 96, lig. 7. supplians. Les éditions de Rosset ajoutent : qu’il ne va de pelerins à Nostre Dame de Lorette. Ces mots ne se trouvent ni dans le Mss., ni dans aucune autre édition que nous connaissions. Peut-être ont-ils été ajoutés par de Rosset pour compléter une phrase qui ne paroissoit pas terminée.

Page 97, lig 22. vitailler. Éd Treperel : verdeler.

Page 98, lig. 28. il est très-bien herité. Éd. Treperel : elle est bien habille.

Page 100, lig. 18. Et, beau sire… — lig. 23… serviteur manque au Mss.

Page 101, lig. 34. Il ne m’a finé a journée de prier, et lui compte tout. Éd. Treperel : Je n’ay finé toute la journée et luy ay compté tout le faict.

Page 103, lig. 6. et à l’aventure les font coucher ensemble. Manque au Mss.

Page 104, lig. 10. femme. L’éd. in-8 ajoute : Peult estre que le père en a faict le mariage luy mesmes et aura esté aux nopces avecques sa femme en quelque villaige.

-147- Page 104, lig. 15. s’il est tel… — lig. 21… son faict, manque éd. or. et éd. Treperel.

[La douziesme Joye.]

Page 106, lig. 9. Si elle tence… Ce qui suit, jusqu’aux mots : qu’il a à faire (lig. 26), manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

Page 107, lig. 8. et pource… — lig. 11. que, manque éd. or. et éd. Treperel.

Page 108, lig. 2. ou païs… L’éd. Treperel ajoute : Et les gens d’armes sont en sa maison, à ses despens, qui ne se veulent pas passer aux despens qu’il a accoustumé de faire.

— lig. 7. et pour eschiver…, jusqu’au mot pluye (page 109, lig. 3), manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

Page 109, lig. 10. Et s’il avenoit… — lig. 24… a recommencer. Manque éd. or. et éd. Treperel.

Page 110, lig. 3. Lors pleure le bon homme ses pechiés en la nasse où il est enclos, dont n’ystra jamès. Manque au Mss.

[La treiziesme Joye.]

Page 111, lig. 8. acquerir honneur et vaillance, et veut… Manque au Mss.

— lig. 20. car… — (page 112, lig. 2)… honnourables. Manque éd. or. et éd. Treperel.

Page 112, lig. 6. Il y en a… jusqu’à la fin de l’alinéa. Manque aux mêmes éditions.

Page 113, lig. 5. Ses enfans… — bon temps (lig. 8) manque aux mêmes éditions.

— lig. 15. Et pensés que le… — bon temps (lig. 19) manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

— lig. 29. Or arrive… — Page 114, lig. 3. son honneur. Manque éd. Treperel.

Page 114, lig. 9. Et est autresfois… — lig. 11… en champ Manque éd. or. et éd. Treperel.

-148-lig. 16. Et avient aucunesfois… — lig. 27… pouvreté. Manque aux mêmes éditions.

[La quatorziesme Joye.]

Page 116, lig. 9. mès se sont faits… — lig. 16… adolescence. Manque aux mêmes éditions.

— lig. 19. il n’est… — Page 117, ligne 1. desconfort. Manque aux deux éditions.

Page 117, lig. 3. comme de luy ouster toute sa joye. Éd Treperel : de lui avoir tolu sa joye, maintenant de la mort qui lui a tué sa femme.

— lig. 8. en pensant… — lig. 10. amée. Manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

— lig. 18. car el… — lig. 20… second. Manque aux mêmes éditions.

— lig. 25. venin. L’éd. Treperel ajoute : qui est poignant comme ung aspic qui est rebours et enveloppé en son cueur.

— lig. 26. gouverner. L’éd. or. ajoute : son mari, qui est jeune et simple.

— lig. 27. et tourmens. Remplacé dans l’éd. Treperel par : et est en grand servaige. A quoi l’éd. in-8 ajoute : car femme qui a esté mariée plus d’une foys, ne doubtez pas que c’est la raige.

— lig. 27. car il n’est… — Page 118, lig. 3… malfaicteurs. Manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

— lig. 32. Il est advis à bailler par similitude, que celle qui est en ce poinct est à comparer à… Tiré de l’éd. Le Duchat. Le Mss. porte : Or eslit ung

Page 118, lig. 2. esleu. Ne se trouve ni dans le Mss. ni dans les éditions.

— lig. 5. endurer… — le poisson, (lig. 19) remplacé dans l’éd. or. par : et souffrir. Et quant il dit rien on lui donne mauldissons davantaige, qui est appellé un surcrest. Ainsi est recompensé le bon homme. Il est en bon point jusques à l’aultre assise. Elle ressemble. Dans l’éd. Treperel on lit : une grosse et pesante barre sur ses espaules. Quant il murmure, on lui donne deulx ou trois cops davantaige. Ainsy est recompensé le mary. Il resemble.

-149- Page 118, lig. 25. ainsi… — lig. 27… renouvelle. Manque à l’éd. or. et à l’éd. Treperel.

— lig. 28. que une vieille femme. Manque au Mss. L’éd. in-8 ajoute : Et au contraire ung vieil homme à une jeune femme.

— lig. 28. ne qui plus. Ceci, et tout ce qui suit jusqu’aux mots à l’autre (page 119, lig. 25), manque dans l’éd. or. et dans l’éd. Treperel.

Page 119. lig. 28. Ilz… La fin de cette page, et les 29 premières lignes de la suivante, jusqu’à vieille, manquent aux mêmes éditions.

Page 120, lig. 29. il s’envieillira plus en ung an qu’il n’eust fait avec une jeune en dix ans. Éd. Treperel : Et le mary s’envieillira plus en huyt jours qu’il n’eût fait en ung an se le cas ne lui feust oncques advenu. L’éd. in-8 ajoute : sera merencolyé, pincé et esgratigné en la roue de fortune et es vaulx de misère.

[La quinziesme Joye.]

C’est dans le manuscrit que se trouve le texte le plus complet de ce chapitre. Les éditions de Rosset offrent quelques lacunes. L’édition originale est encore plus incomplète ; elle suit à peu près notre texte jusqu’au commencement de la page 125, où elle s’arrête court. Quant à l’édition Treperel, nous aimons mieux transcrire le chapitre que de signaler les différences. Le voici :

« La quinziesme joye de mariage, si est laquelle je repute à plus grant douleur et excession de toutes les aultres, se le jeune homme est marié et a une jeune femme, et en est si jaloux qu’il ne scet qu’il faict, et se doubte de la vérité, lequel vient à l’hostel et dist à sa femme : « Ma mye, je vueil aller dehors. Et la femme, qui vouldroit qu’il fust à cent lieues de là, lui dit : Mon amy, où voulez-vous aller ? Ma mye dist-il, vous savez bien que je plaide en tel lieu, et fault que je soye à tel jour, ou je auroye dommaige de XX escus ; pour ce il fault que je m’en aille. » Adonc le mary la baise et commande à Dieu, et lui dict qu’il ne viendra de là en huyt jours. Le mary fait semblant de s’en aller, et se couche dessoubz l’eschelle pour espier s’il va point de gallant en sa maison pour -150- s’esbatre avec elle, et regarde ; mais il ne voit point venir le gallant, car il vient par l’huys de derriers, et s’en doubte, et vient de bout estourdy et se frappe en sa chambre, et le trouve allant dessus sa femme ou auprès d’elle, et vient pour cuider tuer l’aultre d’une espée ou aultre chose. La dame vient et l’embrasse et dist : « Ha ! mon amy, que voulez-vous faire ? Voulez-vous faire ung mauvais coup pour perdre tout à une foys ce que vous avez gaigné en vostre vie ? Certainement, dist-elle, il m’estoit venu apporter nouvelles de mon oncle. » Et, en l’embrassant et ce disant, le gallant ploye ses jambes et s’en va. La dame va en la maison de sa commère, Et lui dist : « Ma commère, je suis si marrie que femme pourroit estre en ce monde. Comment ? dist la commère. Par Dieu, dist la dame, ma commère, il est vérité que mon mary estoit allé dehors, et, en ce point, comme il est venu, il a trouvé ung tel en nostre maison ; il cuydoit qu’il me feist cela. Par le sacrement de la messe, ma commère, je aymeroye mieulx ne avoir ja esté née[398]. Par Dieu, dit la commère, je voys en parler à mon compère. » La commère vient à l’hostel et dit : « Mon compère, comment vous portez-vous ? Par Dieu, dist-il, je ne sçay. Par Dieu, dit la commère, mon compère, vous êtes ung homme hors du sens. Ma commère vostre femme est venue à l’hostel toute pleurante. Par Dieu, mon compère, vous ne faictes pas bien, car c’est une bonne preude femme, et vous dy se vous l’aviez perdue il vous en seroit mal advenu. Je vous prie, mon compère, qu’elle s’en reviengne, et que vous ne lui touchez pour l’amour de moy. Par Dieu, ma commère, dit le mary, je suis content » : car tart lui est de la reprendre. Or est le bon homme en la nasse bien embarré ; il s’en voulsist repentir, mais il n’est pas temps. Et est en douleurs et gemissemens, où il sera tousjours et miserablement finira ses jours. »

-151-

[Conclusion.]

Cette partie manque dans l’édition originale ; elle se trouve, avec quelques lacunes, dans les éditions de Rosset et de Treperel. Dans cette dernière, elle finit avec le mot pire, page 135, lig. 29, de notre édition. Le reste manque.

NOTES

[1] En suivant le système adopté par M. Pottier, M. F. Génin a complété l’explication. La messe sans tête donne se. Le monde, formant seulement deux pieds avec la syllabe se, donne mond. Il faudrait lire : Lasale semond, c’est-à-dire enseigne, etc. Voy. Athenæum français, 1854, p. 228.

[2] M. F. Génin, en effet, a traité, dans la préface de son édition de Pathelin, cette question, qui reste encore indécise.

[3] Les Quinze Joyes sont mentionnées dans plusieurs ouvrages anciens, notamment dans les Cent Nouvelles nouvelles, dont Antoine de La Sale fut un des auteurs ; dans la Sylva nuptialis de Nevizan, et dans un Sermon nouveau et fort joyeux auquel est contenu tous les maulx que l’homme a en mariage. Rabelais y fait allusion. Elles faisoient partie de la Bibliothèque de maître Guillaume.

[4] Prison.

[5] Bouter, mettre.

[6] Liens, lians, léans, là ens, là dedans.

[7] Pour prières ni pour argent ne peut sortir.

[8] Spécialement.

[9] Au.

[10] Appéter, désirer.

[11] Ravir.

[12] Massacres, tueries.

[13] Affranchis.

[14] Laisser, abandonner.

[15] Ni.

[16] Voulut, voudroit.

[17] L’on.

[18] Croire.

[19] Sortir.

[20] Engin de pêche, en osier, à deux ouvertures. Lorsqu’il est fermé par l’un de ses bouts, le poisson peut entrer, mais non pas sortir.

[21] Appât.

[22] Deuil.

[23] Nager. L’édition de Treperel porte nagier.

[24] Ce prétendu Valère ressemble fort à Juvénal, sat. VI, vers 30 et suivants. L. D.

[25] Tomber.

[26] Je ne connois ni cet homme ni son livre. L. D. — Cet homme, c’est Mathéolus ; son livre, le livre de Mathéolus, traduit en vers, au XIVe siècle, par Jehan Le Fèvre, faisoit grand bruit à l’époque où les Quinze Joyes de mariage furent écrites. Voyez une très-bonne dissertation de M. François Morand, Mathéolus et son traducteur Jehan le Fèvre, Boulogne-sur-Mer, 1851, in-8.

[27] Les Joyes et douleurs de la Vierge se trouvent à la suite de diverses éditions gothiques des Heures de la Vierge. Elles ont été imprimées séparément. Voy. Brunet, Manuel, II, p. 737.

[28] Jamais.

[29] Misères.

[30] Endurcis.

[31] Charge, fardeau. On dit encore : bête de somme.

[32] Amusé.

[33] Enfermés.

[34] A l’égard.

[35] Intention.

[36] Adverbe affirmatif, qu’il ne faut pas confondre avec la conjonction si.

[37] S’esmoyer, se soucier, se mettre en peine.

[38] Tirer esguillettes. Trier, peut-être choisir. L. D. — Cette explication est singulière. Les aiguillettes étoient des lacets qui attachoient le haut-de-chausses au pourpoint. De là venoit l’expression nouer l’aiguillette, qui se disoit d’un homme qu’on avoit, au moyen de maléfices, rendu impuissant. Tirer l’aiguillette, c’étoit prouver clairement qu’on n’étoit point maléficié.

[39] Plaisirs, amusements.

[40] D’où.

[41] Donnent.

[42] Quoique.

[43] Qui s’amusent, se divertissent.

[44] Tels.

[45] Lui.

[46] De leur garderobe, ou peut-être de leur argent.

[47] Jeunes homs, jeune homme. Nominatif singulier, d’après les règles de notre grammaire primitive. Voy. La préface des Nouvelles françoises en prose du XIIIe siècle, par MM. L. Moland et Ch. d’Héricault.

[48] Tel feur telle vente, tel prix, telle vente ; au cours du marché.

[49] N’avoit coutume de.

[50] Excepté, hormis.

[51] S’amuse. On dit encore se délecter.

[52] Convient, il faut.

[53] Elle.

[54] Octroyer, accorder.

[55] Jouissances.

[56] Il n’est pas besoin, il n’est point nécessaire.

[57] Après.

[58] Fisse.

[59] Les généalogies.

[60] Train, accoutrement.

[61] Il m’est indifférent.

[62] Avoy ! Dieu !

[63] Sorte de drap. Il y en avoit de plusieurs couleurs.

[64] Malines, où se fabriquoient de belles étoffes.

[65] Le fin vert doit être une étoffe, tandis que le bon gris et le menu-ver ou menu-vair sont des fourrures.

[66] Je n’ai aucun renseignement sur les chaperons à grant cruche.

[67] Tissu.

[68] Mode.

[69] J’ai grandi.

[70] De longtemps.

[71] Tomba ; de cheoir.

[72] Plait, procès.

[73] Reprocher, rappeler, remettre devant les yeux.

[74] Laissez-moi en paix.

[75] Accablée de malheur.

[76] A la mienne.

[77] Avoir cure, avoir soin, se soucier.

[78] Touché de pitié.

[79] Tend.

[80] Frapper.

[81] Mauvaise mine, mauvais visage.

[82] De telle sorte.

[83] Dieu m’aide aussi bien que je ne le dis pas pour…

[84] Beaucoup.

[85] Argent, finance.

[86] Argent, avoir, bien, fortune.

[87] En son cœur.

[88] A part soi.

[89] Abattu, fatigué.

[90] Étoffe, de pannus.

[91] A crédit.

[92] Petite monnoie de peu de valeur.

[93] Font vendre ses meubles.

[94] Le créancier avoit en effet le droit de faire excommunier son débiteur à défaut de paiement. Voy. Ducange, Glossarium mediæ et infimæ latinitatis, nouv. éd., VII, 166.

[95] Engregier, reaggraver une sentence d’excommunication.

[96] A la maison.

[97] Aubes, linges blancs. Dans mes aubes, dans mes langes. L. D.

[98] Jamais.

[99] Élevée.

[100] Maintenant.

[101] Qui n’en peut mais, qui n’a rien fait pour se mettre dans ce cas.

[102] Rassoté.

[103] Entreprend, ou seulement convient, fait le projet.

[104] Quelles dames.

[105] Céans, cians, ciens, ici, ici dedans.

[106] La confiance que j’ai en vous.

[107] Qui.

[108] Commencé, mis en train.

[109] Fêtée.

[110] Gaie, aimant à jaser.

[111] Courage.

[112] Anneau.

[113] Hors de la droite voie, du grand chemin.

[114] Son capital, son bien.

[115] Indifférence.

[116] Après.

[117] Troisième.

[118] Épingle.

[119] Fouler, blesser.

[120] Difficile, capricieuse.

[121] Selon le bon plaisir.

[122] Qui se réuniront chez elle pendant le temps de ses couches, et jusqu’à ses relevailles. Sur l’usage des réunions, voy. les Caquets de l’accouchée (Bibliothèque elzevirienne).

[123] Rient, se gaussent.

[124] Qu’il manque.

[125] Je suis bien étonnée, bien émerveillée.

[126] Il paroît.

[127] Advînt.

[128] Venir à bout, à chef. Se tirer d’affaire.

[129] Méchant.

[130] Fantasque, de mauvaise humeur.

[131] Frappa.

[132] Une folie.

[133] Dernière.

[134] Que vous le lui reprochiez vertement.

[135] Des victuailles.

[136] Grande dépense.

[137] De peur.

[138] Puis, depuis.

[139] Est tombé.

[140] Savantes.

[141] Mauvaise mine.

[142] L’entend.

[143] Depuis longtemps.

[144] Se brûle.

[145] Le reste.

[146] Tripoté toute la journée.

[147] Quand elles sont en couches.

[148] Chèrement.

[149] Relevailles.

[150] Me lever.

[151] Déjà.

[152] Voulut.

[153] Dépensons.

[154] Tourment, embarras, tribulation.

[155] Rideau. Ce mot, qui commençoit à vieillir à la fin du seizième siècle, puisque Rosset a cru devoir l’expliquer, n’est pas encore complétement hors d’usage.

[156] Voici.

[157] Les éditions de Rosset portent à ressie, qu’il explique par collation, goûter. Le Duchat fait venir ce mot de recœnare. Réciner s’emploie encore dans quelques provinces pour goûter.

[158] Caquetant, bavardant, jouant.

[159] Quatrième.

[160] Mauvais jours et mauvaises nuits.

[161] Fatigué.

[162] Difformes, mal faites.

[163] A la vieille mode.

[164] Dans l’édition originale et dans celles de Rosset on lit desgaroté, que Rosset explique par déchiré. L’édition Treperel dit esgarouillié.

[165] Le Duchat suppose qu’il s’agit ici de la bataille de Rosbecque, en 1382.

[166] Tombent.

[167] Valise, petit coffre.

[168] Au lieu de la bataille de Flandres, l’édition Treperel parle cette fois de la bataille de Chypre, qui eut lieu vers 1395. L’édition originale ne dit pas en cet endroit de quelle bataille il s’agit. Remarquons ici que le mss. et toutes les éditions parlent du bonhomme comme ayant assisté à ces batailles, à l’exception de l’édition Treperel, qui parle de son pere.

[169] L’édition originale dit empesché ; les autres despelicé, desplicé, que Le Duchat explique par plumé, dépouillé de sa fourrure.

[170] De quoi.

[171] A la dévotion.

[172] Rebuté.

[173] De bruit, de querelle.

[174] Gronde.

[175] Crainte.

[176] Cinquième.

[177] Escapade.

[178] Ardeur amoureuse ; calida accolatio. (Édit. de 1857.)

[179] Un peu bien crédule. Ce proverbe suppose que plus le chrême étoit bon, plus celui qui en a été confirmé a de foi. L. D.

[180] Jeunes coqs, coquets. Le patois lorrain appelle jaltré un jouvenceau qui commence seulement à se plaire avec les filles. L. D.

[181] A son gré, comme elle voudroit.

[182] En comparaison.

[183] Mignardises.

[184] Caresses.

[185] Devient mou, indifférent.

[186] Mauvais vin.

[187] vin gâté, sentant le fût.

[188] Mauvais goût qui reste lorsqu’on a bu du vin gâté.

[189] De propos délibéré.

[190] De cette nuit. Signifie ordinairement aujourd’hui.

[191] Et qu’elle dit vrai.

[192] Quoi qu’il en soit.

[193] Nenni, non.

[194] Voudroit.

[195] Ne bouge non plus que.

[196] Le visage.

[197] Qui est avare.

[198] C’étoit le titre qu’on donnoit au fils aîné du roi de France depuis 1349. Louis XI le conserva jusqu’en 1461, époque où il devint roi de France, et où le titre de Dauphin passa à son fils, né en 1459.

[199] En état.

[200] Comparer.

[201] Un peu.

[202] Étoffe grossière.

[203] Auprès, en comparaison.

[204] Aux besoins de qui elle pourvoit.

[205] Quelque.

[206] Qu’il vous souvienne.

[207] Par mon âme.

[208] Jusques à l’autre assise. Cette façon de parler proverbiale semble empruntée de l’ancienne procédure, où un procès apointé à une assise ne pouvoit se terminer qu’à l’assise prochaine. L. D.

[209] Il a les fièvres blanches. Parce que les amoureux transis, comme on parle, sont communément pâles, on dit d’eux proverbialement qu’ils ont les fièvres blanches. L. D.

[210] Tranché d’aimer. Et je juge à sa mine qu’il aimeroit loyalement. Autrefois on disoit dans la même signification taillé d’aimer ; et taillé, en ce sens, se trouve dans la Farce de Pathelin :

Il est bien taillé d’avoir drap.

L. D.

[211] Que Dieu m’assiste.

[212] Jaloux qui tient sa femme enfermée comme dans une espèce de chartre. On a dit châtre pour chartre, et de là S. Denis de la Châtre, comme quelques-uns prononcent le nom de ce prieuré. L. D.

Le manuscrit porte chutrin. C’est une faute du copiste.

[213] Le supporter, endurer sa conduite.

[214] Je voudrois.

[215] Ne le rebutez pas trop.

[216] Habillée, attifée.

[217] On disoit : payer avant la main pour payer d’avance.

[218] L’accord.

[219] Qu’elle prît.

[220] Aujourd’hui.

[221] Lui manque.

[222] Estorces. Effort, lutte ; en latin extorsio. Édit. de 1837.

Dans le patois du midi, ce mot signifie proprement une lutte, un jeu dans lequel on essaie sa force.

[223] On disoit plus ordinairement : ils accordent leurs flûtes. Quant au sens, on le saisit facilement.

[224] Fin, rusé.

[225] Se cache après être rentré furtivement.

[226] Lui rappelle.

[227] Querelle, dispute.

[228] Sixième.

[229] Quoique, bien que.

[230] Savent bien ce que.

[231] Hucher, appeler quelqu’un en criant. Mot conservé dans le patois.

[232] Invitations.

[233] Il pert, il appert, il paroît.

[234] Quoique.

[235] Réparer. Encore usité au jeu de trictrac. On dit aussi radouber un navire.

[236] Touailles, serviettes. Mot encore en usage dans le midi.

[237] Vaudroit.

[238] A la lessive.

[239] En despence, de la pièce qui est en perce, de laquelle on tire le vin pour la consommation journalière.

[240] Vrille, vilebrequin. Ce petit outil étoit nécessaire au bonhomme pour percer une autre pièce de vin.

[241] Autrefois on appeloit pages même les valets d’écurie. L. D.

[242] Draps de lit. Encore en usage dans ce sens, mais plus encore dans celui de drap mortuaire.

[243] Parce que les clefs sont perdues.

[244] Qu’ils n’y reviendront pas de longtemps.

[245] La porte.

[246] Pourvu que.

[247] Il dépérit.

[248] Entièrement.

[249] Bonne commère, qui aime à galler, à gaudir, c’est-à-dire à se réjouir, et peut-être un peu mieux, comme le fait entendre l’auteur lorsqu’il dit qu’elle ne refuseroit jamais raison. On disoit dans le même sens un bon Gaultier. Voy. dans le Livre du Chevalier de la Tour (Bibl. Elzevir.), pages 241-44, le curieux chapitre des Galois et des Galoises.

[250] Gai, vif comme un jeune coq. On disoit dans le même sens un coquart.

[251] S’amuser.

[252] Grossesse.

[253] Non plus, rien plus.

[254] Toute la journée.

[255] Chercher.

[256] Maigre et chétif.

[257] S’amollit.

[258] Dont la mesure est la portion ordinaire du cheval. L. D.

[259] Qu’elle ne peut avoir à son plaisir.

[260] A la dérobée, comme un cheval bauffre une goulée de feuilles en passant près d’un arbre en temps d’été. L. D.

[261] De peu de valeur au combat amoureux.

[262] Qui sont beaucoup plus vaillants en amour.

[263] Est en défaut, souffre une exception.

[264] Tant d’agrément.

[265] Elle se tirera bien d’affaires, viendra facilement à bout de la difficulté.

[266] Il y a déjà longtemps.

[267] Fait le signe de la croix.

[268] Nous brouiller, me faire mal venir de vous.

[269] Avec vous. Plus loin on trouvera o ses commères, etc.

[270] Brûle.

[271] Tout ce que…

[272] Tombera.

[273] Le rebuteront.

[274] Courre et corner, ou sonner du cor, sont deux choses qu’un postillon ne sauroit faire ensemble. L. D.

Le manuscrit porte : Courre et tourner, ce qui est une faute.

[275] Accidents, mauvaises chances.

[276] Grossesse.

[277] Rochemadour. Notre-Dame de Roc-Amadour, en Quercy.

[278] Prolonge à plaisir le train de nouvelle accouchée. Voy. page 22, note 122.

[279] Se rétablit, reprend ses forces.

[280] S’amuser, se réjouir.

[281] Partie de plaisir, débauche

[282] En particulier.

[283] Je crois.

[284] J’aimerois mieux me priver d’autre chose.

[285] Privation, disette.

[286] Quasimodo, c’est le dimanche après Pâques. Or s’approuche Quasimodo, qu’il fault aller oïr les oiseaux, c’est le commencement ou le refrain de quelque chanson que je ne connois point.

[287] Qu’il trouve de l’argent pour acheter des chevaux.

[288] Une robe pour aller à cheval.

[289] Étrier.

[290] Il a… de bons repoux. Il est coudoyé, bousculé, repoussé. Nous allons trouver le même mot avec un sens tout différent.

[291] Jais.

[292] Aimeaulx. Ce mot se trouve ainsi écrit dans le manuscrit, et peut-être avec raison, car il peut fort bien être question d’images de piété en émail. Les éditions de Rosset portent anneaux. Les autres sont tronquées en cet endroit, et ne disent rien du séjour au lieu du pèlerinage.

[293] Se fatiguera et ne pourra plus aller.

[294] Toujours auprès de sa femme.

[295] Repos. Voyez la note 290, page 81.

[296] Voyages.

[297] Enfermé.

[298] Cherché.

[299] Sous la dépendance de ses domestiques, ou bien est privé de leurs services. Le mot dangier a ces deux sens et beaucoup d’autres.

[300] Que c’est pour ses péchés qu’il souffre. L. D.

Cette explication est peut-être un peu trop mystique ; la femme reprocheroit plutôt à son mari que les maux qu’il souffre sont une suite de ses débauches.

[301] Arguant, grondeuse, qui trouve à redire à tout. L. D.

[302] D’être arrangé de cette sorte. Je ne connois pas d’autre exemple de ce mot.

[303] Se comportent.

[304] Oignez vilain il vous poindra, dit un autre proverbe, assez semblable à celui-ci. L. D.

[305] Dorénavant.

[306] Si l’on n’y pourvoit.

[307] Le mot chartre a servi à désigner diverses maladies. Être en la chartre nostre Seigneur se disoit peut-être des hommes tombés en enfance ; peut-être la dame dit-elle tout simplement qu’elle a fait mettre le bonhomme dans un hôpital, une prison de fous qui auroit porté ce nom.

[308] Tout ce qu’il.

[309] Langueur.

[310] Ne sortira.

[311] La forme. Les filets à prendre des canards et autres oiseaux de rivière doivent être tendus dans des endroits où il y ait assez d’eau pour que puissent y nager ces femelles privées, attachées par un pied, qui doivent attirer dans le piége les mâles sauvages de leur espèce ; et ce sont ces endroits aquatiques qui sont appelés formes, et ici, et livre III, chap. 25 et 26 du traité des Ruses innocentes. Du latin forma, que les écrivains du onzième siècle ont employé dans la signification de ces fosses, et autres endroits où il s’est fait des amas d’eaux croupies, comme sont les grèves et les prairies inondées. Formæ dictæ quævis fossæ aquas continentes, aquarum receptacula, δοχεῖα, dit Du Cange. L. D.

[312] Apprivoisés, dressés pour la chasse. Terme de vénerie

[313] Envoustemens, carathemens. Sortes de maléfices qui se font avec des images faites à la ressemblance de la personne à qui on veut du mal… L. D.

[314] Qu’elle sent comme des piqûres d’aiguilles.

[315] Les mauvaises querelles qu’il lui fait.

[316] Quand elle a bien suffisamment pris ses ébats avec son amant.

[317] si elle n’étoit point d’une vertu à toute épreuve.

[318] Leur font boire des philtres afin d’être maîtresses, de porter la culotte, comme on dit encore vulgairement. Les Évangiles des quenouilles (Bibl. elzev.) indiquent la composition de diverses sortes de philtres.

[319] Qui a perdu toute retenue. Le mot affoler est pris ici dans un sens figuré, et se rapporte à l’honneur de la dame.

[320] Jeune, inexpérimenté, comme un jeune oiseau qui a encore le bec bordé de jaune.

[321] Qui lui a fait des propositions d’amour.

[322] Y mettra bon ordre, y pourvoira.

[323] Méprisée, offensée, trompée.

[324] A s’en venger.

[325] Expression proverbiale, qui marque la grande expérience d’une personne. L. D.

[326] Commencer à vivre. L. D.

[327] Un anneau.

[328] Riche, pourvu d’héritages.

[329] On écrivoit baudroy, brodier, broudier. L’édition originale donne la traduction : Sçaint par le cul.

Rabelais connoissoit bien ce proverbe, et s’en est servi dans le Nouveau Prologue de son IVe livre, à propos de quoi Le Duchat donne cette explication : « Martin et Martine sont les noms qu’on a donnés à deux figures qui, chacune avec un marteau dont elles frappent les heures, servent de Jaquemars à l’horloge de Cambray. Et comme celle de Martin représente un paysan en jaquette et armé, qui porte sur les reins une ceinture qui le serre bien fort, de là vient que d’un homme ridiculement serré de sa ceinture sur ses habits on dit proverbialement qu’il est ceint sur le cul comme Martin de Cambray. »

[330] Mériter.

[331] De tout le jour il n’a cessé de me prier (d’amour). L. D.

[332] Treilles.

[333] Sans formalités. C’est une allusion de bans à bancs, comme, dans Rabelais, liv. III, chap. 26, celle-ci de frère Jean à Panurge, qui le consultoit sur son mariage : Dès huy au soir fais en crier les bancs et le challit. L. D.

[334] Qu’il la tienne.

[335] Instruit.

[336] Guicher est un mot patois dont le sens est assez difficile à rendre en françois. Il signifie glisser vivement, comme une anguille qui s’échappe des mains de celui qui la tient. Ce mot ne se trouve que dans le manuscrit. Les anciennes éditions ne disent rien. Celles de Rosset portent guinche, que Le Duchat explique par gauchir.

[337] Tout à coup.

[338] Qu’il eut bien du bonheur.

[339] Cela doit s’entendre des singes proprement dits, plus gros que les autres, et qui, dit-on, n’ont effectivement point de queue… L. D.

[340] Minuit.

[341] Rappelle.

[342] Pour si adverbe.

[343] Son fuseau.

[344] Traouiller est un mot patois qui signifie mettre le fil en écheveaux. Cette opération ne se fait que lorsqu’on a un certain nombre de fuseaux chargés de fil, chaque samedi, par exemple. Nous entrons dans ces détails parce que ce passage, écrit de diverses manières, a grandement embarrassé les commentateurs.

Les éditions de Rosset disent : quand elle taille, ce que Le Duchat explique avec assez de bonheur par dévider, tout en cherchant dans ce mot l’étymologie de touaille, qui n’est certainement pas là.

L’édition de Tréperel porte : quand elle trouille. L’éditeur de 1837 a déployé une grande érudition : il fait intervenir Roquefort et le philosophe Trouillogan, et conclut en disant que cela signifie faire la lessive, ou plutôt filer. Dans l’édition originale on lit : quand elle desvuide. Cette expression n’est pas tout à fait juste : dévider, c’est mettre en pelotons le fil qui, après avoir été mis en écheveaux, a subi les opérations nécessaires à son blanchiment.

[345] Surgit.

[346] Se retire.

[347] Éviter.

[348] Trousser et empaqueter le bagage. L. D.

[349] Prendre sa revanche.

[350] S’il avoit le malheur de songer à résister.

[351] Ce mot se trouve dans le Roman du Renart, t. III, p. 51, avec le sens de vaincu.

[352] Tout ce que.

[353] Tiré, arraché.

[354] Ce qui est à transporter, à charroyer.

[355] Fief.

[356] Bientôt.

[357] Largement, en abondance. On disoit ordinairement à bandon.

[358] Peine, supplice. Voy. Ducange.

[359] Se bat en duel.

[360] Tué.

[361] Vanité, ostentation.

[362] A qui des deux baisera la première la Paix dans l’église. Ce fut entre l’ambassadeur de France et celui d’Espagne, au concile de Trente, le sujet d’un grand démêlé, que les légats crurent assoupir en faisant apporter dans l’église une seconde Paix, laquelle, avec la première, fut en un même instant présentée à ces deux ministres. L. D.

[363] Contestations, différends.

[364] Désespoir.

[365] Déploie.

[366] Peut-être faut-il lire chevaiché. Le sens n’est pas douteux : l’ours a la tête prise dans un caveçon, qu’on appeloit chevesce, chevesche, cheveçure, chaveçure, chaveçon, etc.

[367] Emprisonné, enchaîné, attaché.

[368] Délicatesse.

[369] Gourmande, gloutonne.

[370] Sentant le fût.

[371] Arrière-goût.

[372] De colère.

[373] Hors de sens.

[374] Bien vite.

[375] Visage.

[376] Je vais.

[377] Elles s’asseoient dehors sur l’herbe verte, ou bien plutôt dans la maison, sur la paille, l’herbe ou les fleurs dont on jonchoit les salles en été.

[378] Si elles sont bien éveillées. Pendant nos guerres avec les Anglois, auxquelles il est souvent fait allusion dans ce livre, les soldats placés en sentinelle annonçoient l’approche de l’ennemi, de l’Anglois, en sonnant du cor.

[379] Dont il m’accusa.

[380] Malheureux, ayant mauvaise chance.

[381] Par la porte de derrière.

[382] Couteau.

[383] Se tenir tranquille.

[384] Des sanglots.

[385] Niaiseries.

[386] Loyalement.

[387] Après.

[388] Vous désunir, vous séparer.

[389] Malheureuse, infortunée.

[390] Entaché.

[391] En gage.

[392] S’entendront avec elle.

[393] On dit aujourd’hui qu’un cheval est dur de la bouche.

[394] Entendra.

[395] Se plaignent, sont dolentes

[396] Mauvais gré.

[397] A la charge.

[398] L’édition in-8 ajoute ici : « Que n’y trouvissions quelque mensonge : car se le mary ne l’a faict que entrevoir, ou si il eust voulu aprehender et n’eust peu, et pour sa vieillesse ou foiblesse, on lui fera accroire que c’est un esperit, et lui demandera l’en de quel abillement il estoit vestu, et ne saura que dire ne que respondre. Et prendra la commère ou voisine la charge de venir parler à son compère. »

-152-

TABLE DES MATIÈRES.

Préface.
Page v
Prologue.
1
La première Joye.
7
La seconde Joye.
17
La tierce Joye.
21
La quarte Joye.
32
La quinte Joye.
39
La sixte Joye.
58
La septiesme Joye.
67
La huitiesme Joye.
77
La neufviesme Joye.
84
La dixiesme Joye.
90
La onziesme Joye.
95
La douziesme Joye.
105
La treziesme Joye.
111
La quatorziesme Joye.
116
La quinziesme Joye.
121
Conclusion.
134
Variantes et Modifications.
157

FIN DE LA TABLE.

Paris. Imprimé par E. Thunot et Cie, rue Racine, 26, avec les caractères elzeviriens de P. Jannet.